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dimanche, 29 décembre 2013

Cette Thaïlande qui défie l’ordre mondial

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Eric Miné

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Il est un sujet d’étonnement embarrassé pour nos médias formatés qui pourrait bien faire demain les unes indignées de nos habituels bobardiers, tout chagrins de ne plus se rendre qu’en catimini sur leurs plages préférées.

S’il était de bon ton jusqu’ici de se gausser des « propositions fantaisistes » de Suthep Thaugsuban, ce tribun thaïlandais qui entend substituer un « Conseil du peuple » non élu au gouvernement de Yingluck Shinawatra dûment issu des urnes, l’inquiétude de nos directeurs de conscience est dorénavant palpable au vu d’une rébellion croissante que la proposition d’un scrutin anticipé n’apaise en rien. La puissante armée thaïe vient ainsi d’annoncer que « la porte [n’était] ni ouverte ni fermée » à l’option d’un coup d’État militaire. Les jours du pouvoir « légal » thaïlandais apparaissent donc comptés et, avec eux, ceux des élections si chères à nos « démocrates », qui voient ainsi s’accumuler de fâcheux nuages bruns sur leurs vacances ensoleillées.

Nonobstant, le clientélisme assumé et les intérêts personnels des Shinawatra – Yingluck est la sœur de Thaksin Shinawatra, l’ancien Premier ministre en exil –, le but de cette famille sino-thaïe régulièrement élue était pourtant d’enrichir les populations paysannes, fort nombreuses, pour favoriser leur accès à la consommation. Politique louable s’il en est, qui a l’insigne avantage de procurer des votes faciles à ses inspirateurs et le sinistre inconvénient de casser le fonctionnement ancestral de la société, devenu dès lors un obstacle.

Ce qui désoriente aujourd’hui les commentateurs des événements thaïlandais, c’est l’ampleur de la réaction d’une partie grandissante d’un peuple attaché à son mode de vie, allant jusqu’à défier, pour parvenir à ses fins, le dogme du principe majoritaire « un homme, une voix », réputé jusque-là intangible, mais désormais tenu pour propice à toutes les manipulations.

D’autant qu’au-delà de la Thaïlande, le ressort de cette crise procède d’une ligne de fracture qui est aujourd’hui mondiale. La fuite en avant d’un système global libre-échangiste, qui exige toujours plus de croissance des populations et des marchandises, entraîne en effet chez ceux qui voudraient davantage en bénéficier des revendications toujours plus étendues, et, chez d’autres qui s’effraient au contraire des conséquences dévastatrices de cette course effrénée, une opposition de plus en plus virulente. De l’Ukraine à la Chine en passant par les méthodes expéditives de la Corée du Nord, c’est là le ressort de bien des conflits qui se déploient dorénavant sur la planète.

« De plus en plus de gens dans le monde soutiennent notre position, qui est la défense des valeurs traditionnelles qui constituent depuis des millénaires la base morale et spirituelle de la civilisation de chaque peuple. » En rappelant récemment la responsabilité de la Russie face à la « déchéance de l’Occident », Vladimir Poutine s’est posé en représentant emblématique de cette opposition à un ordre mondial fondé sur le consumérisme à outrance.

Le pape François lui-même n’est pas en reste : « L’adoration de l’antique veau d’or a trouvé une nouvelle et impitoyable version dans le fétichisme de l’argent et dans la dictature de l’économie sans visage… Une nouvelle tyrannie invisible s’instaure, parfois virtuelle, qui impose ses lois et ses règles, de façon unilatérale et implacable. »

La critique thaïlandaise du système prétendument démocratique relève précisément de la dénonciation de cette « tyrannie invisible » qui manipule des foules crédules en les enfonçant dans un matérialisme niveleur. En cela, elle n’est que l’expression cohérente de la remise en cause générale d’un ordre mondial toujours plus contesté. C’est bien là ce qui suscite l’effroi de ses affidés, par-delà d’enjeux locaux dont ils se soucieraient sinon comme d’une guigne.

16:45 Publié dans Eric Miné | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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