mercredi, 29 janvier 2014
Face au concert de louanges, Jean-Claude Rolinat dresse le bilan peu reluisant de Mandela…
Dans Rivarol de la semaine dernière, Jean-Claude Rolinat, auteur du livre "La faillite de Mandela" paru aux Bouquins de Synthèse nationale :
Face au concert de louanges, Jean-Claude Rolinat dresse le bilan peu reluisant de Mandela…
RIVAROL : Vous venez de publier aux « Bouquins de Synthèse nationale » un nouvel ouvrage intitulé « Afrique du Sud, la faillite de Mandela ».Vous êtes allé à plusieurs reprises dans ce pays pour suivre, en quelque sorte, « sa descente aux enfers ». Pouvez-vous nous résumer cette évolution ?
Jean-Claude Rolinat : Un constat tout d’abord : dans un pays unitaire, il ne peut y avoir de citoyens de première classe et d’autres de seconde. À partir du moment où la politique d’apartheid (développement séparé) n’a pas été menée à terme, on courait à l’échec avec le fameux « one man, one vote ». C’est pourquoi il fallait diviser territorialement ce pays, consolider les bantoustans que je préfère appeler homeland, quitte à déplacer des populations et à réinstaller les Blancs dans les zones blanches. Chaque peuple aurait eu son « toit » et une toiture commune, fédérale ou confédérale – à voir selon les rapports entre les populations – aurait coiffé le tout sur une base égalitaire. C’est ce qu’a vainement proposé l’ONU pour régler la question chypriote et en Bosnie où ce statut a au moins rétabli la paix. Dans les années quatre-vingts quatre États noirs avaient accédé à l’indépendance, les fameux « TBVC », Transkei, Bophuthatswana, Venda et Ciskei, et six autres étaient autonomes, notamment le Qwa-Qwa que j’avais visité et dont je parle dans mon livre. Les grandes agglomérations noires étaient gouvernées par des municipalités élues au suffrage universel, et Métis du Cap comme Indiens du Natal disposaient à côté des Blancs d’une chambre parlementaire à l’Assemblée nationale. Bref, la situation politique évoluait lentement, certes, mais inéluctablement vers un partage à terme du pouvoir. Toutes les mesquineries de l’apartheid « pur et dur » des pères fondateurs du nationalisme afrikaner disparaissaient une à une, comme le Job réservation act, ou encore le fameux pass, le passeport intérieur imposé aux Noirs. On pouvait circuler sans trop de souci. Pour ma part j’ai parcouru environ 3 000 kms avec ma famille. Impensable 10 ans plus tard lorsque je suis revenu dans ce pays ! La sécurité n’était plus assurée, il fallait traverser Johannesburg portes fermées ( !) et les maisons individuelles s’étaient emmaillotées de fils de fer barbelés quand elles n’étaient pas surveillées, jour et nuit, par des vigiles ou que leurs pièces intérieures n’étaient pas séparées par des … grilles à commandes automatiques ! Quel recul !
RIVAROL : Pour sortir du politiquement correct, s’agit-il d’un problème de cohabitation entre Blancs et Noirs ou, éventuellement, de querelles entre ethnies avec des rivalités entre différents groupes de populations ?
JCR : Fondamentalement, à l’exception de groupes minoritaires comme celui de Julius Malema, ex-leader de la Ligue des jeunes de l’ANC, l’homme du slogan « un Boer, une balle » ou de suprématistes blancs comme ceux qui entouraient Eugène Terreblanche assassiné, rappelons-le, par deux de ses ouvriers noirs dans sa ferme, il n’y a pas de haine à proprement parler. Simplement une lutte pour s’enrichir pour les uns, survivre pour les autres. Mais il est vrai que si, pendant longtemps, Anglophones et Afrikaners n’ont pas fait bon ménage (souvenirs éloignés des guerres anglo-boers), les deux communautés se sont terriblement rapprochées face au danger de submersion noire. Quant aux Zoulous et aux Indiens du Natal autour de la métropole de Durban, ce n’est un secret pour personne que les seconds redoutaient les premiers. Quant à ces mêmes Zoulous, s’ils se reconnaissaient plutôt dans l’Inkata Freedom Party (IFP) de Mangosuthu Buthelezi, les Xhosas militaient en très grand nombre dans l’African National Congress(ANC), parti interdit jusqu’en 1990 en raison d’actes terroristes. La libération de Mandela, la désertion du pouvoir blanc et les premières élections universelles de 1994 ont largement bouleversé la donne et redistribué les cartes. L’irruption d’une bourgeoisie noire vorace a aussi modifié le paysage économique et politique. On assiste à des renversements de situations. Le chômage touche, en gros, un Sud-Africain sur deux en âge de travailler. Le Black Power Employment, une sorte de ségrégation à l’envers, le contraire du Job Reservation Act qui protégeait les travailleurs blancs, favorise outrageusement les Noirs. Ce qui explique, en partie, l’exil d’un million – un million ! – de Blancs en 20 ans. Des Afrikaners sont abonnés à la soupe populaire. J’ai vu de mes yeux vu, un Blanc faire la manche dans une rue de Durban. Impensable avant 1994 !
RIVAROL : Il n’y a que la question de l’emploi qui explique le départ des Européens ?
JCR : Non, l’insécurité est l’autre grand problème de ce pays. Depuis l’accession des Noirs aux affaires en avril 1994, des milliers de fermiers blancs et des membres de leurs familles, ont été assassinés. De plus, le sida touche, par exemple, 26% des jeunes adolescentes noires et les femmes blanches vivent dans la crainte d’un viol. Ce pays est plus criminogène que le Brésil, c’est dire. Beaucoup de ruraux s’expatrient en Géorgie, au Mozambique ou au Congo Brazzaville à l’invitation de ces pays, pour les faire profiter de leur expérience. On a même vu des ouvriers agricoles noirs devenus propriétaires de la terre de leurs anciens patrons, demander à ces derniers de rester pour les conseiller ! D’ailleurs Zuma , le Président, le sait bien : s’il lui venait l’idée de nationaliser toutes les terres entre les mains des Blancs, son pays connaitrait le sort du Zimbabwe voisin.
RIVAROL : Vous dressez un tableau bien noir, sans jeu de mot… Quel avenir, alors, voyez-vous pour la minorité afrikaner ?
JCR : Il lui est impossible d’obtenir un VOLKSTAAT tel que le rêvaient les « verkramptes », les conservateurs, feu Terreblanche et son AWB ou encore le Freedom Front. Il aurait fallu créer cet « Israël afrikaner » à chaud, en 1993/1994 au moment des négociations avec l’ANC : la politique du fait accompli. Les généraux à l’époque en avaient les moyens. En avaient-ils la volonté ? Et ceux des Blancs qui avaient piscine et domesticité noire le souhaitaient-ils vraiment ? Poser la question c’est déjà esquisser la réponse. Le village exclusivement blanc d’Orania aux confins désertiques de l’ancienne grande province du Cap, qui hésite entre le kibboutz et le Club Med, est une sympathique utopie qui n’a pas fait beaucoup d’émules. Même si le Volkstaat existe en filigrane dans la constitution sud-africaine, l’ANC n’acceptera jamais sa création. Mais les Blancs quittent le pays vers les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Grande-Bretagne, la Nouvelle-Zélande ou se regroupent. Par exemple dans la province du Cap Occidental, où ils représentent plus de 20% de la population. Avec les Métis de langue afrikaans, ils détiennent le pouvoir local sous la houlette d’Hélène Zille du Democratic Party. C’est la seule province qui échappe à la mainmise de l’ANC.
RIVAROL : Et Mandela, quel rôle a-t-il joué dans l’évolution de ce pays ?
JCR : Il faut lui reconnaitre au moins deux qualités : il a résisté physiquement et moralement à 27 années de captivité même si les dernières se sont déroulées bien plus dans l’ambiance d’un palace cinq étoiles que dans le contexte du bagne de Robben-Island. Ensuite, il n’a tenu aucun discours de haine ni de vengeance. Et je crois qu’il était sincère, même si cela faisait partie du deal passé avec le calamiteux De Klerk. C’est à souligner à son avantage, comparé à un triste sire comme Mugabe. Mais pour le reste il a gouverné en dilettante, laissant les affaires de son unique mandat de cinq ans entre les mains de Thabo M’Beki, Vice-Président qui lui succèdera. Il s’est contenté de faire le tour de la planète, de parfaire son image d’icône de la bien-pensance internationale.
RIVAROL : Alors, « les carottes sont cuites » pour les Blancs, si vous me permettez cette expression ?
JCR : Si les Européens d’Afrique du Sud qui sont tout de même encore plus ou moins quatre millions sur place, qu’ils soient d’origine afrikaner, anglophone ou portugaise (Angola et Mozambique), résistent à la tentation de l’exode et constituent des blocs de population relativement homogènes, s’ils joignent leurs suffrages aux votes des Métis afrikaans, ils ont une chance au Cap, ici ou là, de perdurer. Mais jamais tant que cet État sera unitaire, juste décentralisé, ils ne reconquerront le pouvoir central. Sachez que sur une quarantaine de ministres et de ministres adjoints, ils ne sont que cinq ou six à détenir un portefeuille. Pour conclure, j’aimerais citer une phrase de Saint-Loup extraite de son livre « Le Boer attaque » paru en 1981 aux Presses de la Cité », page 218 : - « S’ils dérogent (les Blancs) tant soit peu à la politique de développement séparé, dans cinquante ans les Boers auront disparu, mangés par les Noirs. Quel hommage ! Oui mais quel drame pour la race blanche aventurée en Afrique ». Objectivement, nous en sommes-là. À méditer sous nos cieux.
À lire, « La faillite de Mandela », un livre de 187 pages édité aux « Bouquins de Synthèse Nationale » A commander à Synthèse nationale 116, rue de Charenton 75012 Paris ou dans toutes les bonnes librairies.18€ ou 21€ franco de port (chèque à l’ordre de Synthèse nationale).
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