dimanche, 15 juin 2014
Traité transatlantique : la grande arnaque !
Les citoyens des Etats de l’Union européenne ignorent pour la plupart l’existence du Traité transatlantique étant donné le silence des médias. Si d’aventure ce fameux traité aboutissait, ce serait comme une deuxième mort de l’Europe étant donné que les multinationales pourraient faire la pluie et le beau temps sur le continent au mépris des instances démocratiques. Le plus grave dans cette affaire est que ce sont une nouvelle fois les autorités européennes qui ont imposé aux Etats, sans débat préalable, un projet de négociation avec les Etats-Unis et le Canada visant à unifier les règles des deux côtés de l’Atlantique. Aucun Etat important de l’Union n’a demandé de clarification préalable. Mais le projet a reçu le soutien du Royaume-Uni, fidèle coéquipier des Etats-Unis et de l’Allemagne que la crise de la zone euro a placé en position décisionnaire du système européen.
On se demande bien pourquoi, les Etats-Unis et Allemagne militent pour ce traité alors que les droits de douane sont tombés à un niveau si bas qu’ils n’entravent en rien les échanges commerciaux ?
Les Etats-Unis ont réagi avec pragmatisme à la crise économique de 2008 : ils ont baissé les salaires des employés des catégories pauvres et modestes et recréé ainsi des millions d’emplois détruits. Les coûts bas du travail américain ont donné des idées aux grands groupes industriels allemands qui souhaitent produire aux Etats-Unis non plus seulement pour le marché américain mais aussi pour la réexportation vers l’Europe. Volkswagen, Daimler-Benz et BMW, fortement installés dans les Etats américains du Sud, envisagent de développer leur production au Tennessee ou en l’Alabama pour servir leur clientèle européenne avec de plus fortes marges ! Cette logique libérale est décidément bien tordue.
Par ailleurs, l’enjeu porte sur ce que les acteurs de la politique commerciale nomment les « obstacles tarifaires ». Cet obscur objet du désir désigne en fait les normes, sanitaires, environnementales ou celles liées à la protection des données personnelles, fortement divergentes des deux côtés de l’Atlantique pour des raisons évidemment culturelles.
Ce traité prévoit donc que les législations en vigueur tant en Amérique qu’en Europe se plient aux normes du libre-échange établies par et pour les grandes entreprises européennes et américaines, sous peine de sanctions commerciales pour le pays contrevenant, ou d’une réparation de plusieurs millions d’euros au bénéfice des plaignants. En premier lieu les multinationales.
Ce projet de grand marché américano-européen est porté depuis de longues années par le Dialogue économique transatlantique, un lobby connu sous le nom de Trans Atlantic Business Council (TABC). Créé en 1995 sous le patronage de la Commission européenne et du ministère du commerce américain, ce rassemblement de riches entrepreneurs milite pour un « dialogue » hautement constructif entre les élites des deux continents, l’administration de Washington et les commissaires de Bruxelles. Le TABC est un forum permanent qui permet aux multinationales de coordonner leurs attaques contre les politiques d’intérêt général qui tiennent encore debout des deux côtés de l’Atlantique. Son objectif, publiquement affiché, est d’éliminer ce qu’il appelle les « discordes commerciales », c’est-à-dire d’opérer sur les deux continents selon les mêmes règles et sans interférence avec les pouvoirs publics.
On se pose la question de savoir ce qui pourrait échapper à ce traité. Nos normes de qualité alimentaire sont visées et notamment l’alimentation des animaux – nos porcs, nos bovins où certains produits sont interdits mais non aux Etats-Unis -, la protection des données personnelles, nos services publics soumis à une logique marchande, sans parler évidemment du secteur financier. Inutile de dire que tout cela joue en faveur des multinationales et des intérêts américains. Et, on nous bourre le mou en avançant qu’un tel traité serait aussi un vecteur d’emplois.
Comme le note Jean-Luc Gréau (1) : « Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, l’agenda de la négociation ne comporte pas d’examen de la question monétaire. Peut-on envisager une harmonisation des règles ou des normes sans envisager aussi une harmonisation des parités des monnaies au sein d’un système stable et ajustable en tant que de besoin ? Nous ne le pensons pas. » Et de conclure : « L’omission de la question monétaire confirme aussi que ce sont les intérêts américains et allemands qui président à la nouvelle négociation. Et l’aboutissement éventuel de cette négociation devrait sonner le glas du projet officiel d’une Europe unie, capable de défendre ses valeurs au sein d’un monde globalisé. »
Notes
(1) Economiste, Spectacle du monde, février 2014
Article publié dans le n°35 (mars avril 2014) de Synthèse nationale
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