vendredi, 19 septembre 2014
"En liberté surveillée", le nouveau livre de Georges Feltin-Tracol, commenté sur Métamag...
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L’actuel Premier ministre Manuel Valls (ou hyper-premier ministre ?) représente parfaitement la mise en cohérence du système politico-médiatique dominant. D’un côté, nous avons le libéralisme économique, de l’autre, nous avons un libertarisme sociétal mais qui est obligatoire. En d’autres termes, l’idéologie libertaire, celle du libéralisme sociétal (pas celle de Proudhon bien sûr, non plus celle de Bakounine), est appliquée autoritairement. Il est ainsi obligatoire d’acquiescer à ses prémices sous peine d’être exclu du « cercle de la raison » et d’être assimilé à des « factieux ». Du coup, des moyens disproportionnés sont mobilisés contre les ennemis des lois « libertaires », lois qui ne sont autres que celles qui appliquent à la société les principes du libéralisme marchand.
Du même coup, les humoristes qui ont le malheur de faire de l’humour sur des sujets décrétés « sensibles », et a fortiori quand ils sont tabous, sont privés de toute liberté d’expression, comme si la loi devait se faire l’arbitre des convenances, des élégances, des bonnes manières. C’est ce qui est arrivé à Dieudonné et c’est ce que relate Georges Feltin-Tracol dans En liberté surveillée.
Son ouvrage a le grand mérite d’aborder, au travers d’exemples nombreux et significatifs, le processus de limitation ou même de suppression des libertés en France. Nous sommes passés d’un Etat « territorial et militaire » à un Etat « pénal, policier et carcéral ». L’ennemi de l’Etat est désormais à l’intérieur. La grande menace est interne, et le contrôle social (et la préemption fiscale) devient la grande affaire de l’Etat. Il y déploie, sous les ministres de l’Intérieur successifs, quelle que soit leur « couleur » politique, une grande énergie, toujours dirigée dans le même sens, c’est-à-dire visant à ne laisser subsister que les « petites différences », les « petits oppositions », les marges folkloriques du système, celles qui ne le mettent pas en cause, mais en constituent en quelque sorte le colifichet décoratif.
Pour le contrôle de tous et l’intégration de tous au grand ordre mondial de la sécurité et de la marchandise, tous les moyens de l’Etat sont mobilisés, mais aussi ceux des groupes privés proches de l’Etat, des institutions judiciaires, etc. Louis Althusser appelait cela les appareils idéologiques d’Etat. Il convient de parler aujourd’hui plutôt d’ « Etat profond » pour mieux caractériser la forme actuelle de ce réseau, réseau tissé de convenances non dites mais évidentes, de connivences, d’ambitions, de renvois d’ascenseurs, de dissuasion aussi si nécessaire. Une carrière peut aussi vite être accélérée qu’elle peut être brisée.
Le domaine sociétal fait partie du champ d’application de la nouvelle intolérance. Plus les innovations pseudo-égalitaires, en fait niveleuses, et hostiles à toute sexuation, sont délirantes et de mauvais goût, plus elles sont encouragés, voire même obligatoires. Professeur(re)s et recteur(e)s prônent la « journée de la jupe » avec le soutien de toute l’institution éducative. La Grande Rééducation est en marche, et elle marche vite (aujourd’hui avec la bien jolie et si bien utilisée Najat Vallaud-Belkacem, Young leader 2006 de la French-American Foundation, tout comme l’atlantiste extrême Jean-Marie Colombani, Aquilino Morelle, Yves de Kerdrel et tant d’autres, représentatifs de toutes les fausses gauches et les fausses droites que le bon Dieu voudra bien imaginer).
Il s’agit, avec la révolution sociétale déjà bien engagée, d’éradiquer toutes les différences. Il s’agit d’aller vers une société androgyne. Pour rééduquer, la méthode est toute trouvée : il s’agit de considérer le peuple comme une classe d’élèves, et le gouvernement, aujourd’hui « socialiste », comme de bons instituteurs(trices). Cela tombe bien puisque, avec la gauche, l’idéologie du progrès se caractérise par le fait que l’homme (la femme aussi !) est considéré comme une table rase, sur laquelle il convient, par l’éducation, d’inscrire les idées adéquates et de programmer le comportement adéquat. C’est ainsi que la loi s‘invite, nous rappelle Feltin-Tracol, dans le lit des hommes et des femmes, statuant sur tel homme « pas assez actif » sexuellement avec sa conjointe. Délire occasionnel ? Bien plutôt, c’est l’aboutissement logique d’un mouvement de publicisation de l’espace privé (qui est le revers de la privatisation de la politique, notamment par la création de milices privées à la place des armées).
Plus aucun acte n’est d’ordre privé, l’Etat a le droit et même le devoir de regard sur tout. Il ne s’agit plus seulement de juger ce qui est dit mais ce qui pourrait être dit – jurisprudence Dieudonné, on interdit le spectacle avant que soient peut-être tenus des propos qui tomberaient sous le coup de la loi. Il s’agit même d’investiguer sur ce qui pourrait être pensé sans être dit. Le désir non conforme est interdit, par exemple celui éprouvé depuis quelques milliers de générations par des hommes pour des femmes faisant profit de leur charme. L’exemple de la prostitution, que le gouvernement veut interdire, est emblématique. Il s’agit non d’interdire une offre mais de mettre au pénal la demande qui s’exprimerait en face de cette offre. On ne fait pas plus hypocrite. La parole des femmes précisant se prostituer volontairement est niée. On ne saurait trop remarquer l’importance de ce retournement. La modernité a été l’assomption du sujet. Or, nous n’en sommes plus là du tout. Le sujet est agi dans certains domaines, il n’est pas libre. Voilà ce que nous dit l’idéologie. Qui le sait mieux que lui ? Qui sait « qui agit qui » mieux que le sujet ? Qui peut nous dire par qui les prostituées, y compris celles qui s’affirment libres, sont agies ? La réponse est simple, ce sont les associations qui peuvent nous dire le vrai, ces fameuses associations, celles légitimitées par des financements publics (ce qui assure le bouclage du système : l’Etat n’est pas en première ligne, il met en première ligne des structures qui dépendent de lui. De même, la Nuit de Cristal ne venait pas officiellement de l’Etat, mais de mouvements pseudo-« spontanés » de nazis de base). Ces associations ne sont pas n’importe lesquelles. Ce sont les associations dites féministes, celles qui sont à la fois le produit de l’idéologie dominante et ses agents de contrôle.
Les bien-pensants développent ainsi, comme le remarque fort bien G. Feltin-Tracol un véritable discours d’exclusion. A l’égard de qui ? A l’égard des gens simples, normaux, des sans voix, des sans grades, des sans associations. Il s’agit de changer le peuple à coups de réformes sociétales. Et c’est finalement plus facile que d’être accepté ou aimé par le peuple.
Georges Feltin-Tracol a le mérite d’aller à l’origine de ce processus de réduction toujours plus grande des libertés. L’idéologie « de gauche » a en fait gagné toute la droite. L’idéologie du genre n’a pas été mise en place par Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem, elle date – au moins –, dans sa prise en charge institutionnelle, de Luc Chatel. Pourquoi ? Parce que la droite et la gauche ont tout intérêt à détourner le peuple des problèmes économiques, sociaux et politiques. Parce que les gouvernants ont tout intérêt à faire du « sociétal » à la place du social qu’il ne peuvent plus faire, pour cause de désindustrialisation, de chômage de masse, de choix mondialistes et du soutien de toute la classe politique à la financiarisation de l’économie. Il s’agit soit d’endormir le peuple soit de lui fournir des dérivatifs.
Il s’ajoute à cela autre chose, très présent dans l’affaire Dieudonné : la culpabilisation due à la reconnaissance par Chirac de la responsabilité de la France (et non seulement du régime de Vichy) dans les déportations de Juifs pendant l’Occupation. A partir de là s’est répandu dans les élites une course au « rachat ». Il s’agit de ne plus jamais être en retard d’une lutte pour les droits humains. Mais ceux-ci n’ont plus guère de rapports avec les droits de l’homme de 1789 (même s’ils en sont l’aboutissement logique et incestueux), il s’agit désormais du « pourtoussisme », des droits pour tous à tout. L’indifférenciation généralisée est à l’horizon de cette lutte « pourtoussiste ». Ce projet est logique : pour l’idéologie dominante, les identités, les peuples n’existent pas. La France ? C’est une marque touristique qu’il s’agit de bien vendre. C’est au mieux la somme des entreprises françaises. C’est tout, sauf une patrie. Sexe masculin et féminin n’existent eux-mêmes guère plus que les peuples. Il n’y a plus d’hommes mais des gens qui ont une « orientation hétérosexuelle ». De même, il n’y a plus de Français mais des gens qui ont une « orientation française » (ou pas, et on appelle cela la « diversité »).
Indifférenciation, sans-frontièrisme, mondialisation, tels sont les fondamentaux de l’idéologie dominante. Elle se raidit. Elle recherche le contrôle sur tout : sur les semences, qui ne sauraient être produites par tout un chacun (loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006), sur les médicaments, sur les idées, qui doivent être agréées, sur les comportements, qui doivent être conformes aux normes jugées « appropriées » par l’idéologie, sur le porte-monnaie des citoyens, qui doivent être endettés – sous prétexte de « relancer » la croissance – ce qui permet de les contrôler par le crédit.
Nous en sommes là. C’est très exactement un néo-totalitarisme post-démocratique. Il s’agit, comme avec tous les totalitarismes, de réduire la diversité du vivant. Tout doit être contrôlé et marchandisé. Or, le contrôle nécessite de rationaliser le vivant. Voilà les enjeux que Georges Feltin-Tracol nous aide à comprendre. Ce qui n’est pas mince. A lire pour retrouver (ou garder !) une joyeuse lucidité. Et l’envie d’enlever leurs masques aux imposteurs.
Georges Feltin-Tracol, En liberté surveillée, réquisitoire contre un système liberticide, Les Bouquins de Synthèse nationale, 284 pages, 23 €. (+ 3 €. de port) Synthèse nationale 116, rue de Charenton 75012 Paris (adresse postale uniquement).
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