lundi, 22 septembre 2014
L’avenir de l’homme, c’est l’artisan
Le billet de Patrick Parment
Le gouvernement vient de faire un petit pas en avant sur l’apprentissage après avoir fait deux pas en arrière au début de l’année en coupant pour 550 millions € d’aides aux entreprises. Résultat des courses, les entrées en apprentissage ont chuté de 12 % après avoir déjà baissé de 8 % en 2013. Or, l’apprentissage cela concerne pour beaucoup un secteur essentiel à la vie économique de ce pays : les artisans. Artisanat et apprentissage marchent de concert. De surcroît, les artisans ne sont pas affiliés au Medef mais ne disposent pas d’un syndicat efficace à l’image de la Fnsea pour les agriculteurs. A cela, une raison majeure : le gouvernement ne veut pas avoir sur le dos la « première entreprise de France ». Il y a bien l’UPA (Union professionnelle des artisans) me direz-vous, mais en dehors des petits fours et des médailles, on ne sait trop à quoi elle sert.
Or, il se trouve que les artisans constituent bel et bien le premier gisement d‘emplois en France, non reconnu, semble-t-il, par les technocrates qui nous gouvernent pour des raisons qui nous échappent mais qui tiennent vraisemblablement au caractère farouchement indépendant, voire un tantinet anarchiste, de ce petit monde.
Il n’est pas sans intérêt de rappeler quelques évidences. La stupidité d’un Jean-Pierre Chevènement qui a décidé que 80 % d’une classe d’âge obtiendrait le baccalauréat. L’éducation nationale, qui n’était déjà pas au meilleur de sa forme – et ne l’est toujours pas – a achevé de totalement déraper. Car, à nous reporter sur les décennies précédentes, on s’aperçoit que seuls 20 à 25 % d’une classe d’âge est en mesure de faire des études longues. Or, ce chiffre n’a jamais varié. Si l’éducation nationale se glorifie d’un taux élevé de réussite au bac, une forte majorité des potaches (80%) se retrouvent à l’ANPE dans les deux années qui suivent leur première année de fac. Sans aucune qualification évidemment. Ils viennent grossir le lot de ces élèves, de plus en plus nombreux, qui quittent le navire en classe de seconde.
Nos élites n’ont, semble-t-il, pas vraiment pris en compte l’ampleur de cette catastrophe. Voici trop longtemps que dans ce pays on a déprécié le travail manuel. Or, ô paradoxe, on dispose de la plus grande variété d’artisans au monde, dûment répertoriés par métier. Et les artisans sont demandeurs de main d’œuvre car soucieux de transmettre avant tout un magnifique savoir-faire. Enfin, le taux de chômage des artisans et des commerçants est de 4,1%. L'un des plus faibles.
Il faut protéger nos artisans, car ce sont eux qui ont fait la France. Que serait Versailles sans eux ? Que serait la haute couture sans ces petites mains qui s’affairent sur le tissu ? Que seraient nos architectes sans ces mains qui manient la pelle et la truelle, le compas et le marteau ? Rien ! Faut-il rappeler que si Denis Papin (1647-1712) a eu l’idée de la force motrice de la vapeur d’eau, c’est l’Anglais James Watt (1736-1819) qui nous a fait entrer dans le monde industriel avec sa machine à vapeur. Or, Watt n’était ni savant, ni érudit mais un modeste ouvrier pragmatique.
Et ce n'est pas l’informatique qui va changer les choses car on aura toujours besoin d’un plombier, d’un serrurier, d’un cuisinier, etc. Il nous faudra toujours un Compagnon du devoir pour porter l’excellence de la main au niveau de l’esprit. Car la main et l’esprit marchent de concert, là où l’énarque n’a pour unique béquille que sa mémoire. Pour son intelligence, faut voir.
Si les rapports de l’éducation nationale et le monde du travail sont à revoir, il est un obstacle à l’apprentissage : la fiscalité. Pour les petites entreprises – et pas les grandes – la fiscalité est confiscatoire et pénalisante. Sans oublier les banquiers qui refusent souvent d’aider ces galeux de PME.
Il faut ajouter aussi le poids des réglementations et des normes qui, quand elles ne sortent pas d’un ministère arrivent tout droit de Bruxelles. Ce pays souffre d’un excès de réglementations et d’un code du travail qui s’enrichit d’année en année (il fait plus de 1000 pages). Personne n’y comprend plus rien et l’artisan est pris dans cet étau de paperasses où l’Etat lui demande de faire son travail en lieu et place de ses fonctionnaires.
Enfin, défendre l’artisanat est aussi et surtout, dirai-je, un combat culturel. Tous ces savoirs viennent de la nuit des temps, ils se transmettent de génération en génération et s’enrichissent des outils de la modernité. Car l’artisan n’est pas l’ennemi de la technique quand elle le sert. Bien au contraire. L’artisanat est un corps vivant où naissent et meurent des métiers quand ceux-ci n’ont plus de débouché économique.
Enfin, aux côtés de ces artisans qui facilitent – voire rendent possible – notre vie quotidienne, se tient une autre catégorie, celle des artisans d’art. Ici, nous sommes au royaume de l’exceptionnel, de ceux qui viennent nourrir les grands du luxe (Hermès, LVMH, etc.), de la haute couture, de la haute gastronomie, de la joaillerie, etc. Certes, il y a de beaux artisans de par le monde, mais les artisans français sont les plus courus. Ils sont issus des mêmes filières, ont suivi le même cursus que leurs confrères mais, de par leur qualité, ont chois la voie de l’excellence. La liste est longue des ébénistes du Roi Soleil aux tailleurs de pierre, aux maîtres verriers, horlogers, que sais-je encore, qui ont doté la France d’un patrimoine exceptionnel et qu’on nous envie.
Remettre la France sur pied, libérer les énergies, c’est possible. Encore faut-il savoir ce que l’on veut et faire les bons choix. Il faut une vision, non pas politique, mais culturelle de ce pays aux richesses immenses et aux ressources existantes. Il nous faut simplement une classe politique qui ne pense pas uniquement en terme de casse-croûte et à vivre peinarde à l’ombre du contribuable que l’on saigne et des lois qu'on promulguent dans la hâte.
14:05 Publié dans Le Billet de Patrick Parment | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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