lundi, 03 novembre 2014
France, les années décisives, une réflexion de Laurent Ozon
« Nécessité fait loi », affirme le dicton. L'économisme se veut un destin. Donc, un fatum dont l'on ne sort que mort, ou quasiment. Car si la force des choses, des objets de consommation, l'emporte, emporte les corps, les âmes, l'humain, la vie, c'est tout ce qui est aléatoire, ou régi par la volonté, qui est noyé par le déluge réificateur. Autrement dit, la liberté est anéantie, et partant, toute politique, c'est-à-dire toute résistance aux prétendues « nécessités ».
Le dernier livre de Laurent Ozon, France, années décisives, dénonce cette « bulle » toxique, qui nous emprisonne depuis quarante ans. L'ancien conseiller de Marine Le Pen pour l'écologie, le fondateur de Maison Commune, organisation de formation pour cadres politiques, quant à lui, met l'accent sur l'avenir immédiat, qui décidera de notre survie en tant que peuple. Cette « bulle », qui tient du mirage, n'est plus qu'une baudruche qui se dégonfle sous nos yeux. La convergence des catastrophes, économique, démographique, écologique, politique, identitaire, nous ramène à ce qui avait été oublié dans la griserie des trente trompeuses, dans cette atmosphère de champagne bon marché, ce soir interminable où l'on fait la noce sans trop savoir comment le lendemain sera fait. Et voilà que le lendemain, c'est aujourd'hui, et que l'on a la gueule de bois.
Les vingt prochaines années vont donc décider du sort du peuple français, « substance historique sensible », et, plus largement, des peuples européens. Dans une saisissante analyse d'une situation qui a toute l'apparence d'être désespérée, Laurent Ozon nous livre des raisons d'espérer, malgré tout. Car, comme il le rappelle, c'est pas la volonté, l'action, la saisie lucide, pragmatique, décisive de notre destin, qu'un sursaut est possible. Il reprend la phrase de Heidegger, qui semble parfaitement résumer sa vision de l'engagement, et qui rejoint celle de Nietzsche : « Là où croit le danger, croît aussi ce qui sauve. » Pourquoi ? Tout simplement parce que « le réel revient en force ». Le réel, c'est tout ce qui nous lie au Territoire, aux Ressources, à la Reproduction. Autrement dit, à notre occupation du monde, à notre subsistance, à notre persistance vitale et identitaire.
Or, l'oligarchie occidentale a sabordé sciemment toute solidarité, tout attachement, avec le peuple, qu'elle est censé protéger, et l'héritage, dont elle devrait assumer la pérénité. En choisissant le grand large du mondialisme et du cosmopolitisme, elle a cessé d'être vivifiée par les racines qui l'avaient fait naître, et se voue, par conséquent, à une dégénérescence inéluctable. Parce qu'elle est sélectionnée sur de fausses valeurs.
Notre société complexe atteint un point où la désintégration paraît certaine, les mesures pour y faire face étant maintenant trop sévères et douloureuses. Il s'agit de savoir si une nouvelle forme de vie en commun sortira du désastre.
Pour Laurent Ozon, le localisme est la structure idoine pour retrouver la viabilité de notre être collectif. L'utopie libérale fait croire que la contraction est soluble dans le marché. Le gigantisme écrase toute disparité véritable, toute prise sur notre vie, sur ce que l'on appelle notre souveraineté véritable, pratique, existentielle. L'impossibilité, pour le système, de continuer dans sa folle course vers l'abîme, rendra possible, par l'instauration de circuits courts de distribution, de liens économiques locaux, une reprise en main de notre destin, de nos valeurs, de notre « subjectivité vitale », que les doctrinaires de l'universalisme unidimensionnel tententent d'écraser.
Cette logique sociale est une vraie révolution civilisationnelle. La subsidiarité – car le cadre des nations, des Etats, de l'Europe, n'est pas aboli – ouvre des perspectives démocratiques, environnementales, culturelles d'une richesse insoupçonnée. Le repeuplement des campagnes, les liens humains devraient en être réactivés. On rejoindrait ainsi l'idéal grec d'autonomie, qui est la liberté authentique. Par contre coup, l'appareil pléthorique du système, sa pesante idéologie maternante, sa bureaucratie, ses gaspillages, disparaîtront. La diversité, la variété, la réalité de ce qu'était autrefois notre continent, ancré sur les patries charnelles, retrouveront leur éclat.
Des mesures concrètes peuvent être entreprises, comme la détaxation en fonction de la proximité du lieu d'embauche. Tout est à la mesure de la volonté, et de notre instinct de survie, notre système immunitaire.
Mais ce projet civilisationnel dépasse évidemment le domaine strict des échanges économiques. L'écologie n'est pas qu'un aspect – sain – de la gestion du patrimoine naturel. C'est une vision, une relation avec ce qui n'est pas humain, une prise en compte de la beauté du monde, de sa gratuité, de sa grâce.
L'identité est l'un des ingrédients de cette riche multiplicité de l'univers. Le système mondialiste, par le nivellement des genres de vie, impose l'uniformisation. Son projet de multi-communautarisme est un argument totalitaire pour noyer les originalités culturelles, historiques, ethniques, dans un tsunami migratoire. Notre rapport au monde, c'est avant tout le rapport à nous-mêmes, Européens, Français, Auvergnats, Bretons... Il est nécessaire d'assumer la part politique de notre être au monde, ce qui signifie qu'il faut accepter un combat conscient et total, opérationnel, organisé et méthodique.
A ce titre, il s'agit de proposer aux populations immigrées, à partir d'un partenariat avec les pays arabo-maghrébins, qui connaissent, eux aussi un assaut de populations venant de l'Afrique subsaharienne, une « remigration ». C'est pourquoi un accord profond, avec l'Afrique du Nord, qui possède de nombreux liens avec l'Europe de l'Ouest, et singulièrement la France, est indispensable, et que nous devons appréhender avec doigté la question de l'Islam. La notion de « choc des civilisations », qui arrange les affaires de l'Amérique, risque de mettre à mal ce projet ambitieux.
Ce concept de « remigration », pour réaliste qu'il soit, si on le veut de toutes nos forces, présente toutes les saveurs du mythe sorélien, idéal opératoire, comme la grève générale, susceptible de mobiliser et de fixer à la lutte un but de guerre. En même temps, c'est le seul moyen d'éviter une colonisation de notre nation, et de se trouver livré à un conflit terrible et meurtrier. Malgré tout, il semble probable que l'appareil d'Etat, organisateur de notre disparition, fera tout pour ne pas être détruit. A moins qu'il ne s'effondre.
Articulé à la façon d'un entretien, sous la forme de questions et de réponses, le texte est dense, profond, suggestif. Son écriture est claire, concise, d'un niveau intellectuel et culturel très élevé. On sent l'homme qui a pensé, a enrichi sa démarche d'un arrière-plan référentiel varié et solide. C'est un bonheur de lucidité, d'intelligence, de savoir, et un viatique pour notre France, notre Europe. Voilà un bouquin de combat, une arme pour notre avenir immédiat. Je le recommande à tous. Ce livre est plus qu'un plaisir, c'est une nécessité.
France, les années décisives, Laurent Ozon, Editions Bios, 2014,100 pages, 15 €
23:02 Publié dans Claude Bourrinet, Livres | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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