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jeudi, 28 janvier 2016

Point sur la situation en Syrie à la veille des pourparlers de paix

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Martial Roudier Languedoc infos cliquez ici

Ce vendredi 29 janvier 2016 vont débuter à Genève des pourparlers de paix entre l’opposition syrienne et les représentants du gouvernement toujours légitime de Bachar El-Assad. Cette rencontre peut être qualifiée d’historique puisque les combats auxquels nous assistons en Syrie pourraient aisément être qualifiés de « Troisième Guerre mondiale ». En effet, au vu des forces en présence sur le terrain et des états participant de près ou de loin aux combats, il n’est pas interdit de qualifier ce conflit moyen-oriental de majeur.

Syrie : quelles forces en présence ?

Pour schématiser nous avons d’un coté le camp « officiel » qui soutient le président alaouite Bachar El-Assad mené de manière spectaculaire par la Russie et son président Vladimir Poutine. Ce dernier a voulu que son pays reprenne une place majeure dans la géopolitique de la région, qui est sa zone d’influence directe; mais a souhaité également soutenir un pays allié et fidèle client. Il est à rajouter que la Russie possède localement quelques infrastructures militaires dont le port de Tartous et qu’une victoire lui assurera dans la région un partenariat privilégié payé au prix du sang. Se sont agrégés à la Russie, deux acteurs locaux majeurs dans la région qui composent l’alliance chiite. Le Hezbollah libanais qui a délaissé son ennemi historique, Israël, pour miser sur le futur et consolider sa position auprès de nouveaux partenaires. L’un de ces derniers est constitué par la République Islamique d’Iran, troisième composante de poids des « pro-Bachar ». L’Iran, qui avait revu ses prétentions politiques à la baisse avec le remplacement du président Mahmoud Ahmadinejad (réputé pour ses saillies verbales à l’ONU envers Israël) par le plus mesuré Hassan Rohani, effectue un grand retour en envoyant ses soldats combattre en première ligne.

Le camp adverse est celui que l’on pourrait qualifier « d’occidental » puisqu’il est composé principalement des Etats unis et de pays européens. Mais, et il est impératif de garder ce point à l’esprit, si l’Europe et les USA semblent maîtres de la situation, il est plus probable qu’ils jouent les « idiots utiles » d’autres pays qui agissent en sous main pour leurs propres intérêts. Nous pensons ici au rôle majeur de l’Arabie Saoudite sunnite qui est le principal fournisseur d’armes à tous les opposants à Bachar El-Assad. Il est d’ailleurs surprenant d’observer sur des photos de combats, des insurgés dépenaillés utiliser du matériel sophistiqué comme les missiles anti-chars TOW coutant plusieurs dizaines de milliers de dollars. Ce type de système d’arme est aujourd’hui le principal frein à l’avancée des forces pro-gouvernementales. Nous n’oublierons pas de signaler le rôle pour le moins ambigu de la Turquie et le jeu particulièrement trouble de son président Erdogan. La Turquie est LA base logistique des forces anti-gouvernementales, de l’opposition dite « modérée » par Laurent Fabius, comme des combattants de Daech. Personne n’oubliera l’épisode du bombardier russe SU-24 abattu pour avoir prétendument survolé l’espace aérien turc. C’est par la Turquie que les jihadistes « européens » passent en Syrie et c’est également par là que les « migrants » entrent en Europe. Parmi ces derniers, les auteurs des attentats de Paris. Et dire que certains veulent intégrer la Turquie dans l’Europe…

La situation en Syrie aujourd’hui

Sur le terrain, à la veille des fameux pourparlers de Genève, quelle est la situation militaire? Il est difficile de répondre à cette question car le conflit qui nous occupe ne se présente pas comme une guerre de position avec un front bien établi. Il faut ici prendre en compte deux éléments que sont les composantes ethniques et la géographie. La Syrie d’avant 2011 n’existe plus et n’existera plus, toutes les minorités ethniques veulent tirer avantage de ce conflit pour devenir autonomes, on pense aux Kurdes qui se taillent la part du lion dans le nord du pays. Le territoire syrien est composé de zones désertiques et de zones montagneuses où les forces en présence constituent une véritable mosaïque s’étirant principalement le long des vallées et des axes routiers. Nous retrouvons des enclaves pro-gouvernement cernées par l’Etat Islamique et des zones favorables à l’insurrection isolées par les forces gouvernementales. Pour résumer, on peut distinguer huit tendances et toutes sont en opposition les unes avec les autres. D’un point de vue purement militaire, il est intéressant de constater que les fondamentaux sont de retour. On se bat de manière acharnée pour Sheikh Maskin qui est un carrefour clef, la M5 devient l’axe majeur (sud-nord) de progression, dans les montagnes au nord de Lattaquié et à proximité de la frontière turque, on réapprend la prépondérance d’une position en hauteur sur l’axe routier de fond de vallée, le fameux « qui tient les hauts, tient les bas ».

Aujourd’hui l’avantage revient aux forces loyalistes. Ces dernières progressent globalement sur tous les fronts grâce évidemment à la maîtrise de l’espace aérien et l’appui logistique russes.

Très importante progression dans les montagnes du Nord de Lattaquié où s’est déroulé l’incident du bombardier russe. Cette zone est en passe d’être nettoyée. Elle présentera plusieurs avantages. A savoir : 1/ réduire l’influence néfaste liée à la frontière turque (acheminement de combattants, de matériels, d’argent, etc.) 2/ sécuriser les infrastructures portuaires et aéroportuaires militaires russes présentes dans la région 3/ préparer l’englobement de l’axe menant à la ville d’Idlib « capitale » des forces insurgées.

Forte poussée également autour de l’aéroport de Qweires à l’Est immédiat d’Alep, libéré il y a trois mois d’un encerclement de deux ans par l’Etat Islamique. Le saillant s’étend et se transforme en un mouvement tournant afin d’encercler les forces jihadistes. L’objectif principal est la plaque tournante d’Al Bab et cette victoire permettra de récupérer une centrale thermique, de sécuriser un axe important et surtout de faire baisser la pression sur cette zone de la périphérie d’Alep.

La conquête de l’autoroute M5 qui relie le sud et le nord du pays est pour l’instant à l’arrêt mais constitue l’objectif principal de la reconquête. Gageons que l’effort sur cet axe reprendra une fois les autres secteurs consolidés.

Plusieurs autres secteurs marquent des avancées mais qui n’apparaissent pas comme majeures pour le moment. On ne sait pas par exemple ce que va donner la prise de Sheikh Maskin au sud ou bien comment va évoluer la réduction de la poche insurgée du nord de Homs.

La situation est très préoccupante pour les forces loyalistes dans la poche de Deir-Eizor. Cette enclave en plein territoire de l’Etat Islamique a subi une féroce attaque jihadiste la semaine dernière et la situation sur le terrain ne promet pas de s’arranger.

De durs combats ont lieu au Nord à la frontière turque entre l’Etat Islamique et les forces insurgées de l’Armée Syrienne Libre. Notons que ce territoire est également convoité par l’opposition Kurde qui réaliserait ainsi la jonction entre deux de ses territoires, verrouillant ainsi la zone de frontière avec la Turquie.

La ville islamiste de Manbij au Nord se retrouve menacée depuis quelques temps par les forces kurdes du YPG, discrètement aidées par les américains, qui ont pris possession du barrage de Tishrin et ont ainsi pu traverser l’Euphrate menaçant directement l’Etat Islamique au cœur de son territoire. Cette avancée est pour l’instant au point mort.

Aucune bonne nouvelle ne nous est parvenue quant à la libération de Palmyre. Chaque jour qui passe est une catastrophe pour cette cité romaine qui est un des joyaux de la civilisation et dont les trésors architecturaux sont détruits à la dynamite par les fous d’Allah !

Qu’attendre finalement des pourparlers de vendredi? Il parait illusoire de croire qu’ils seront déterminants, tant les belligérants de ce conflit régional -mais d’un enjeu dépassant les frontières du Moyen Orient-, ayant fait entre 100 000 et 300 000 morts, sont nombreux et sur des positions diamétralement opposées. Ce matin, on apprenait d’ailleurs que la Turquie menaçait de boycotter les pourparlers si les kurdes étaient invités à la table des négociations.

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