vendredi, 03 avril 2020
La foire aux vanités politiques
Par Ivanne Trippenbach
Jupiter convoque les animaux. Le singe, l’éléphant, l’ours et la baleine viennent apporter leur pierre, chacun critiquant les autres pour tirer comiquement la couverture à soi. Jean de La Fontaine, dans sa fable La Besace, taquine ainsi les vanités : « Nous nous pardonnons tout, et rien aux autres hommes/On se voit d’un autre œil qu’on ne voit son prochain. »
Dans la crise sanitaire, la besace des responsables politiques semble pleine. Chacun y puise les clés qui valident les thèses qu’il porte — c’est le piquant de la politique. Quitte, par- fois, à faire prospérer des explications un peu trop simples. Un virus circule ? Fermons les frontières. Des entreprises délocalisent ? Nationalisons-les. L’hôpital public souffre du manque de lits de réanimation ? Abandonnons la discipline budgétaire. L’adversaire est, pour tous, tout trouvé : le libéralisme et la mondialisation.
Solutions. Peu esquissent des solutions, en revanche, à l’inertie de l’Etat, à l’insuffisante coopération entre le public et le privé, au gaspillage des dépenses de santé ou au besoin d’attractivité pour développer la recherche... Le Parti socialiste se fait discret sur les stocks stratégiques de masques, qui ont fondu depuis 2013. Les Républicains, comme pour faire oublier les 20 milliards d’euros qu’ils proposaient d’économiser en 2017 sur la santé, prennent leur distance avec une rigueur de gestion qui caractérise pourtant l’Allemagne dans la guerre sanitaire. Le Rassemblement national réclame du « made in France », mais ne dit pas non aux innovations étrangères qui permettent d’espérer un vaccin.
Dans la réflexion sur l’indépendance stratégique, Emmanuel Macron opte pour l’approche par la souveraineté. « Nous devons rebâtir la souverai- neté nationale [...], produire davantage en France, sur notre sol », a-t-il déclaré mercredi dans une usine de masques à Angers. « L’Europe de la souveraineté » qui, écrivait-il dans Révolution en 2016, « régule le libre-échange et civilise la mondialisation », semble à présent poussée hors de la scène...
Source : L’Opinion 3/04/2020
10:53 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
Les commentaires sont fermés.