vendredi, 27 janvier 2023
L’ombre de l’Algérie sur la France La chronique flibustière de
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Bien que passée inaperçue, elle a été la première polémique de l’année 2023. José Gonzalez, député RN de la 10e circonscription des Bouches-du-Rhône, accède à l’une des dix vice-présidences des Amitiés parlementaires France–Algérie. La gauche crie au scandale d’autant que le doyen de l’Assemblée nationale, originaire d’Oran, n’a jamais caché la déchirure de l’exil et la nostalgie pour la terre de ses ancêtres. Cette vaine querelle prouve encore l’intensité, la profondeur et la complexité des relations franco-algériennes. Or, malgré une indépendance acquise depuis soixante ans, l’Algérie continue à peser sur le devenir français.
En septembre 2021, le gouvernement français restreignait le nombre de visas accordés non seulement aux Algériens, mais aussi aux Tunisiens et aux Marocains. En 2019, Paris avait accordé environ 200 000 visas aux seuls Algériens ! Cette mesure de rétorsion répondait au refus habituel des trois États maghrébins de ne pas reprendre (ou bien peu) leurs ressortissants expulsés de l’Hexagone. En 2019, le taux de reconduction à la frontière ne représentait que 14,4 %. Le Figaro du 19 octobre 2022 signalait qu’« en 2021, les Algériens composaient la seconde nationalité la plus représentée en CRA (centre de rétention administrative) (1 687 personnes, 10,3 % du total), après les Albanais (1 521, 11,5 %), les Tunisiens (1 387, 9,4 %) et les Marocains (1 587, 8,6 %) suivaient ». La « crise des visas » s’achève en décembre 2022 par l’incroyable reculade du gouvernement français. A-t-il pris conscience du poids démographique algérien en France ? A-t-il tenu compte des impératifs énergétiques et économiques du moment ?
On recense entre 75 et 85 vols quotidiens entre la France et l’Algérie, soit quatre cents liaisons aériennes par semaine ! Un article du Monde du 25 août 2022 citait Christophe Castaner de sinistre mémoire évoquant « 1,2 millions de Français algériens qui votent ». Un parent faisant son service militaire en 1995 se souvient qu’un binational qui préférait effectuer dix mois de conscription en France plutôt que deux ans en Algérie, lui déclara avoir voté à l’élection présidentielle algérienne pour le candidat islamiste Mahfoud Nahnah…
L’octroi massif de visas aux Algériens est une exigence fréquente de la rue maghrébine. Dès qu’un président hexagonal parcourt Alger, Constantine, Tizi Ouzou, la foule lui hurle : « Des visas ! Des visas ! Des visas ! » Les autorités algériennes aimeraient que leur validité dure plus longtemps. L’actuel chef de l’État algérien, Abdelmadjid Tebboune, déclare au Figaro du 30 décembre 2022 : « Je me permets de paraphraser un ami qui, de manière anecdotique et ironique, me déclarait récemment que les Algériens devraient avoir des visas d’une durée de 132 ans. » Par-delà le ton sarcastique, les propos présidentiels ne peuvent qu’encourager les Harraga, ces jeunes Algériens désespérés par l’inertie du régime, son incompétence et sa kleptocratie, à émigrer en France. Ambassadeur de France en Algérie à deux reprises (2008 – 2012 et 2017 – 2020), Xavier Driencourt explique dans Le Figaro du 21 décembre 2022 que « les autorités algériennes n’ont pas intérêt à récupérer ces ressortissants, réfractaires, politiquement marginaux ou contestataires, souvent kabyles, qui fuient leur pays en raison du contexte politique ou pour des raisons économiques; ces migrants sont une variable d’ajustement dans un pays en crise ».
L’attrait migratoire de l’Hexagone se comprend pour la libéralité de ses prestations sociales supérieures à un modèle suédois dépassé qu’il délivre aux immigrés. Sans omettre d’autres facilités obtenues. Par exemple, Xavier Driencourt insiste sur « l’utilisation des passeports diplomatiques, qui permet à nombre de ressortissants algériens de venir en France sans visa et sans aucune forme de contrôle, la non-délivrance de titres de séjour aux Algériens qui ne résident pas en France mais qui profitent de leur carte de résident pour se faire soigner et/ou bénéficier des avantages sociaux du système français ». L’« envie de France » s’accroît au moment où le gouvernement algérien retire la langue française à l’école au profit de l’anglais. Le président Tebboune a beau déclaré qu’« en 2022, l’Algérie compte 27 millions de locuteurs qui maîtrisent le français sur 45 millions d’habitants », il estime néanmoins que son pays « ne s’est pas libéré pour faire partie d’un je ne sais quel commonwealth linguistique ». L’arrêt de l’apprentissage de la langue de Molière dans le système scolaire ne signifie pas la fin des flux migratoires. Bien au contraire !
Lors de la campagne présidentielle de 2012, alors conseiller de l’ombre de Nicolas Sarközy, Patrick Buisson suggérait au président-candidat d’abroger la partie encore en vigueur des accords d’Évian. L’ambassadeur Driencourt propose pour sa part « la dénonciation ou à tout le moins la renégociation des accords de 1968 ». « Ces accords du 27 décembre 1968, précise-t-il, portent sur les conditions d’arrivée et d’installation des Algériens en France. Ils comprennent de nombreuses dispositions dérogatoires par rapport aux autres nationalités, y compris les Marocains et les Tunisiens : certificat de résidence de dix ans, régularisation des sans-papiers facilitée, regroupement familial accéléré, conditions d’intégration dans la société française assouplies par rapport aux autres nationalités, visas étudiants assez généreux, etc. Beaucoup de facilités, donc, au bénéfice des Algériens. Négociés et signés dans la foulée des accords d’Évian, à une époque où la France voulait faire venir en France une main-d’œuvre algérienne francophone, ces accords n’ont plus de sens dans le contexte actuel ». Hélas ! on sait que le gouvernement macronien ne fera rien alors que les Algériens présents en France, quand ils ne militent pas en faveur de la cause kabyle, s’islamisent très rapidement. N’oublions jamais cette pancarte mal orthographiée brandie par une participante goguenarde à une manifestation contre le concept fallacieux d’islamophobie tenue à Paris le 19 octobre 2019 : « Française musulmane et voilée, si je vous dérange, je vous invite à quitter mon pays. »
Un lecteur de Valeurs actuelles du 7 juillet 2022 cite par ailleurs Léon Roches rapportant les commentaires de l’émir Abdel Kader dont il fut le secrétaire particulier de 1836 à 1840 : « Nous avons vendu notre âme à Dieu, nous méprisons la mort. C’est nous qui rendrons la Mitidja déserte et qui bloquerons l’infidèle dans Alger. Bientôt nous chasserons les Français d’Alger. Puis nous passerons la mer sur des barques. Nous prendrons Paris. Nous nous y assemblerons. Puis nous conquerrons les autres nations et nous leur apprendrons la vérité du vrai Dieu. » Après cinq années de détention et libéré par un homme qui a lui aussi connu l’emprisonnement, le prince-président Louis-Napoléon Bonaparte, l’émir s’installera à Beyrouth où il protégera des chrétiens persécutés. Quant à ses petits-fils, ils seront officiers de l’armée française.
Les réflexions d’Abdel Kader se comprennent à l’aune de l’histoire de la future Algérie. Elle fut du Moyen Âge jusqu’à la conquête de 1830 un puissant foyer de piraterie barbaresque. En 1541, l’empereur Charles Quint organisa le siège d’Alger sans pour autant pouvoir briser cette menace.
Détentrice de gisements considérables d’hydrocarbures, l’Algérie a les moyens de jouer sur l’activité économique et l’avenir énergétique de la France. L’importante communauté algérienne, binationale ou non, constitue un autre moyen de pression. En 2002, au mépris de la souveraineté nationale, l’Amicale des Algériens en Europe appelait à voter contre Jean-Marie Le Pen présent au second tour de l’élection présidentielle. Les prochaines décennies confirmeront peut-être la prédiction de Mohamed Larbi Ben M'hidi (1923–1957), l’un des six fondateurs du FLN (Front de libération nationale). Il lança aux soldats français qui venaient de l’arrêter : « Je vous prédis, moi, que vous aurez l’Algérie de Tamanrasset à Dunkerque. Vous voulez l’Algérie française et moi je vous annonce la France algérienne. »
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°58, mise en ligne le 25 janvier 2023 sur Radio Méridien Zéro.
09:31 Publié dans Georges Feltin-Tracol | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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