samedi, 22 juin 2024
AFRIQUE DU SUD : L’ANC BROIE DU NOIR….MAIS SAUVE LA MISE !
Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat
Avec le scénario ubuesque de la dissolution et la préparation des élections législatives françaises, le renouvellement de la chambre sud-africaine est passé assez inaperçu dans l’actualité. Pourtant il s’est produit un petit séisme aux pays des Afrikaners et de Mandela : l’ANC a perdu la majorité absolue comme un vulgaire Macron en 2022, et encore bien plus, sans doute, en 2024 !
Pour la première fois depuis 1994, l’ANC est mise en difficulté
Le 29 mai dernier, le corps électoral sud-africain, toutes ethnies mélangées, s’est prononcé et a infligé un sévère avertissement à l’African National Congress (ANC), qui gouvernait d’une façon monolithique la « nation arc-en-ciel », tant vantée par Nelson Mandela, depuis avril 1994. Cette fois-ci, le parti gouvernemental, aux mains des « kleptocrates » noirs qui se sont gavés des richesses accumulées par des années de pouvoir « blanc », a perdu la majorité des 400 sièges de l’Assemblée nationale siégeant au Cap. (Capetown). Ce parti, presqu’un parti unique, monopolisait tous les pouvoirs à l’échelon national comme à l’échelon provincial, exception faite de la province du Cap occidental. Cette dernière - la seule qui échappe à l’omnipotence du Congrès national africain -, était entre les mains de l’opposition parlementaire au plan national, emmenée par l’Alliance démocratique (DA) de John Steenhuisen, un parti souvent considéré comme étant le parti des « Blancs », mais pas seulement, comme le démontrent ses scores dans tout le pays
Une claque électorale
L’ANC termine donc, avec 40,18% des voix et 159 sièges, bon premier de la classe, mais en recul de 17,3% perdant , excusez du peu, 71 sièges de députés nationaux ! Les causes sont nombreuses : usure du pouvoir, corruption, incapacité à assurer un toit et du travail à tout le monde, une crise sans précédent dans la distribution de l’électricité.
Comble du déshonneur, des voix, noires, se sont élevées - timidement il est vrai -, pour dire que « c’était mieux à l’époque des Blancs » ! La Democratic Alliance, malgré la scission du nouveau parti Action SA d’Herman Mashaba, ancien maire de Johannesburg, a capitalisé, en partie, ce mécontentement. Mais d’autres acteurs aussi, l’un sur une base ethnique, l’autre sur une base idéologique, sont aussi bien présents sur l’échiquier politique. Jacob Zuma, un Zoulou – cet ancien président qui disait que l’on pouvait combattre le Sida en prenant une douche après un rapport sexuel ! -, condamné pour de multiples malversations, est revenu sur la scène publique, tel le Phénix renaissant de ses cendres. Son parti, Umkhonto We Sizwé, créé ex-nihilo – reprenant le nom de l’organisation armée de l’ANC pendant la lutte contre l’Apartheid -, a raflé 58 postes avec ses 14,58% et 2 344 309 voix.
Plus inquiétant, quoiqu’en recul, le résultat du Parti des combattants pour la liberté économique (EFF) de Julius Maléma, pourfendeur raciste d’Afrikaners et d’Anglophones blancs, qui obtient avec 1 529 961 votes 39 députés, soit 5 de moins que dans la configuration précédente. Ce boutefeu, jamais avare de provocations, est derrière toutes les grèves qui scandent la vie syndicale du pays, et exige purement et simplement l’expropriation sans dédommagement, des derniers fermiers blancs qui, pourtant, nourrissent le pays et assurent des exportations rentables. Heureusement, en France, nous n’en sommes pas encore arrivés à ce « Mélanchonesque » scénario catastrophique, comme au Zimbabwe, qui avait mis à terre la florissante économie de feu la Rhodésie (1).
Une certaine persistance ethnique, tout de même
Les Blancs, on le sait, ne forment plus qu’environ 8% de la population totale de la RSA. Ils sont concentrés dans la province du Cap occidental, qu’ils contrôlent avec leurs 24 sièges sur 42 et leurs 55,29% d’électeurs, et dans celle du Gauteng.
Au Cap, Ils représentent le quart de la population locale, et les Métis, très nombreux, leur sont plutôt majoritairement acquis. Le Gauteng est une entité administrative correspondant, grosso modo, à l’ancien Transvaal, qui concentre une grosse partie des fortunes et des richesses du pays autour de Pretoria la capitale politique, et de Johannesburg, la capitale économique. Dans cette province, l’ANC rafle 34,56% des bulletins, laissant la DA en deuxième position avec son million de voix et ses 27,33%.
Au Kwazulu/Natal, l’ex-Zoulouland du côté de Durban, c’est le parti de Zuma qui est en tête avec 44,91% des électeurs, laissant la seconde place à l’Inkhata Freedom Party (IFP) de l’ancien chef Buthelezi avec 18, 28%, reléguant l’ANC à la troisième place avec seulement 17,22% .La DA est toute proche, avec 13,46% grâce à ses 471 830 voix. (Nombreux, les Indiens ont-ils voté préférentiellement pour elle ?) Au Cap oriental, en revanche, l’ANC domine largement, avec 62,38% des suffrages, et elle contrôle le parlement local avec 45 députés sur 72. C’est le pays des Xhosas, celui des ex-bantoustans du Ciskei et du Transkei, d’où était originaire Nelson Mandela. On le voit, les votes sont un peu « régionalisés », pour ne pas dire « ethnicisés » !
Un gouvernement « d’union nationale » peut-il tenir la barre longtemps ?
Le Congrès national sud-africain a annoncé le 14 juin qu’il avait conclu un large accord avec la principale formation de l’opposition, l’Alliance démocratique, ainsi qu’avec d’autres partis marginaux pour former un gouvernement de coalition. Cette alliance politique a permis la réélection par le parlement de Cyril Ramaphosa au poste de président de la République d’Afrique du Sud par 283 voix, ce qui va au-delà des sièges cumués par l’ANC et DA.
De fait, le parti Inkhata (IFP) a exprimé le désir de faire partie de la coalition gouvernementale. L’ANC avait engagé des discussions avec d’autres partis d’opposition représentés à l’Assemblée nationale, pour se joindre à ce bloc gouvernemental.
Les Combattants de la Liberté (EFF) et nouveau parti de Zuma, l’Umkhonto We Sizwé ont décliné l’offre, préférant camper dans des postures d’opposants radicaux. Cyril Ramaphosa, un ancien syndicaliste ayant réussi dans le monde des affaires, et qui avait négocié avec le « pouvoir pâle » la transition démocratique post-Apartheid , affichait le large sourire des bons jours après ce coup de théâtre. Le secrétaire-général de l’ANC, Fikile Mbaluba, s’était félicité pour sa part« d’une percée » en vue de cet accord commun, confirmant que, désormais, le centre de gravité de la politique sud-africaine était aux antipodes des extrêmes, après le rejet des tentations par certains, d’alliances avec Maluma, les gens du Congrès panafricain d’Azanie, de l’UDM, d’ALJAMA, et des Couloured du NCC, etc.
Le leader de DA, M.Steenhuisen, estimait pour sa part que le nouveau cabinet d’unité multipartis « était la meilleure opportunité pour le pays » d’obtenir « la stabilité et une bonne gouvernance propre », faisant allusion a la corruption qui a entaché l’ANC ces dernières années.
Une résiduelle résistance afrikaner
Si DA, qui est un parti libéral de droite, est favorablement apprécié des milieux d’affaires - blancs ou noirs -, il reste encore tout de même perçu par la majorité noire du pays, comme le parti des « Européens ». Ces « Européens » complètement « africanisés » depuis trois siècles et demi - notamment les Afrikaners -, portent parfois leurs suffrages en faveur du Front de la Liberté (VF+) qui, au plan national, n’a obtenu que 218 850 voix - 1,36% et 6 sièges -, soit 1,02% et 4 députés de moins que dans la précédente législature.
C’est dans le Gauteng qu’il obtient deux députés provinciaux avec 2,33 %, ne devant se contenter dans toutes les autres provinces que d’un seul représentant aux parlements locaux. Toutefois, son score le plus fort – 3 % -, est obtenu dans l’ancien État libre d’orange – capitale Bloemfontein -, où les ruraux de « l’Afrikanerdom » sont les dignes descendants des Boers qui remontaient, à bord de leurs charriots tirés par des bœufs, du Cap vers les plateaux du Drakensberg pour faire « Le Grand Trek ».
Ce sont eux et leurs descendants qui ont fait ce pays moderne. L’Union sud-africaine – devenue en 1961 la RSA -, était, jadis, la première puissance continentale en termes économiques et militaires. « L’africanisme » est passé par là. Même s’il était nécessaire, indispensable, de réformer le pays – juridiquement, il ne peut pas y avoir de citoyens de 1ère et de 2ème classe dans la même nation-, la rapide capitulation des élites anglophones et afrikaners face à la « Mandélatrie » universelle, a précipité ce fabuleux pays dans la médiocrité. La nouvelle alliance ANC/DA va-t-elle bénéfiquement contrarier le destin ?
Lire dans la collection « Qui suis-je », la biographie de Ian Smith, le père de l’indépendance rhodésienne, éditée chez Pardès.
19:33 Publié dans Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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