mardi, 09 juillet 2024
Monsieur Bricolage à l’Elysée
Vincent Trémolet de Villers
« Personne n’a gagné », a dit fort justement Gérald Darmanin, il aurait pu ajouter : et la France a perdu. La perspective qui s’ouvre devant nous est franchement décourageante : c’est Monsieur Bricolage ou le blocage. Le bricolage, c’est le concours lancé dès dimanche soir de la coalition la plus baroque : libéralo-communiste, progressivo-conservatrice ou bonaparto-socialiste. Le blocage, c’est la combinaison perpétuele, vaine et impuissante. Dans les deux cas, la part médiocre de la politique l’emporte sur les convictions et le dessein. En ces matières, on ne voit rien venir. Derrière la digue républicaine, ce ne sont que contradictions, oppositions, ambitions contraires. Le parti du président n’a plus d’autre projet que celui de survivre, le Nouveau Front populaire a forgé un imposant programme, une sorte de précipité idéologique fabriqué chez Hugo Chavez, un barrage infranchissable pour la réalité et le bon sens, une cataracte de milliards imaginaires...
Les inquiétudes qui ont fait du Rassemblment national le pivot des trente derniers jours sont-elles déjà oubliées ? Contenir le parti de Marine Le Pen, souligner ses faiblesses ne fera pourtant pas disparaître ce qui le fait prospérer. L’immigration, à laquelle les sociaux-démocrates danois, les travaillistes britanniques osent s’attaquer sans tabou, reste le grand impensé de la gauche et du centre. L’insécurité, qui frappe indistinctement les enfants des membres des trois blocs, est relativisée quand elle n’est pas niée. Le déclassement économique, qui pèse sur la classe moyenne dans les moindres détails de la vie courante, n’est abordé que sous l’an gle de l’assistance et de la subvention. La dette, qui nous attend au tournant, a carrément disparu de la conversation civique. C’est une marotte de pisse-vinaigre, une obsession de comptable. L’école ? Le logement ? L’écologie innovante ? L’intelligence artificielle ? C’est bon pour les colloques. La politique, la vraie, consiste depuis un mois à jouer avec les institutions, avec les élections, avec les combinaisons comme ressorts d’une série où seuls comptent l’éclat de l’image et l’ivresse du pouvoir. Netflix à l’Élysée et la France oubliée.
Source : Le Figaro 9/7/2024
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