jeudi, 18 juillet 2024
Rafle du Vel d’Hiv et mensonges éhontés
Bernard Plouvier
Il semblerait que Marine Le Pen ait dit publiquement que la Rafle de Juifs de la Seine (Paris et grande banlieue) des 16 et 17 juillet 1942 aurait été organisée par les « autorités administratives de l’État français ».
Cette assertion est tellement stupide et mensongère qu’on ne peut employer que le conditionnel et imaginer qu’un journaleux, ivre de haine ou de haschich, ait totalement déformé les propos de la Présidente du Rassemblement National. Car il s’agit d’une telle déformation des faits, d’un tel délire que seul un Chirac avait, jusqu’à nos jours, osé vomir une telle insanité. Avant de donner quelques précisions sur un fait important des années d’Occupation, il importe de rappeler quelques déclarations.
Charles De Gaulle avait dit, parlant des années d’Occupation : « Quant aux Français de demain, je ne vois pas pourquoi ils auraient honte du passé de la France et le renieraient en quoi que ce soit » (décembre 1969). Il avait d’ailleurs dit la même chose à de nombreux intimes
François Mitterrand, devenu son lointain successeur, avait, en 1994, abordé les revendications des vengeurs de la mémoire juive : « C’est l’entretien de la haine et ce n’est pas la haine qui doit gouverner la France ».
Un auteur israélien renchérissant, à propos des « années noires », a écrit qu’on ne notait « aucun signe d’un antisémitisme actif et répandu, aucune preuve que la politique antijuive eût été activement ou passivement soutenue par la population française » (Asher Cohen), et s’il avait été bien informé de la politique de Philippe Pétain, de François Darlan et de Pierre Laval, il aurait pu ajouter que les autorités du RSHA (la Direction des polices de sécurité du Reich) en charge de « la question juive » en France n’avaient cessé de protester de 1941 à 1944 sur le « sabotage » de la politique de concentration, puis de déportation des Juifs citoyens français.
Le 16 juillet 1995, Jacques Chirac – qui fut sans contestation possible l’un des plus minables chefs d’État français depuis le Moyen Âge, et la concurrence était pourtant rude – a osé évoquer une « faute collective de la France » à propos de la « Rafle du Vel d’Hiv », ainsi appelée parce qu’on a parqué provisoirement au Vélodrome d’Hiver de Paris les malheureuses victimes de cette rafle ordonnée de Berlin dans des circonstances très précises.
De ce pur délire verbal à sous-bassement électoraliste, issu d’un être indigne de sa fonction, est née une stupide repentance, ouvrant droit à de nouvelles indemnisations payées par les contribuables français. Pire encore, à compter du discours irresponsable de ce politicien dépourvu de dignité autant que de connaissances historiques, les sociétés françaises travaillant pour l’exportation eurent à subir le chantage du lobby juif des pays où elles voulaient œuvrer.
Après la honteuse déclaration à caractère électoraliste de Jacques Chirac, le politicien de la France « black-beur », l’ex-Président François Mitterrand a déclaré en privé : « Je ne vois pas pourquoi la France devrait s’excuser de crimes dans lesquels elle n’a rien à voir collectivement, des crimes commis par des minorités activistes, complices des Allemands… La France de l’époque, c’étaient des millions de braves gens paumés, patriotes et antiallemands, pas des antisémites ». Au moins, Mitterrand, qui avait connu de près les acteurs de la politique française de Vichy, savait-il de quoi il parlait.
Les faits authentiques sont simples à exposer, même si leurs motivations sont parfois plus complexes que ne l’écrivent les auteurs-vengeurs. Outre la lutte contre le marché noir, c’est l’activité terroriste des communistes qui provoque les premières arrestations de Juifs et non leur appartenance ethnique.
En juillet-août 1940, sur ordre des services économiques du Commandant militaire suprême en France (le MBF), des commerçants Juifs sont arrêtés pour ventes à des prix dépassant de beaucoup le tarif imposé.
En mai 1941, sur ordre du MBF, la police parisienne – qui par les stipulations de l’armistice des 22-25 juin 1940 est subordonnée à l’Occupant – reçoit l’ordre de convoquer 6494 Juifs étrangers et apatrides (à l’exclusion des Juifs citoyens d’États neutres) et de les remettre au Sipo-SD [ce que les auteurs mal informés résument par : « Gestapo »] pour internement à Pithiviers ou Beaune-la-Rolande, avant un transfert en camps de travail tous situés en Zone Occupée de France… nul ne le sait à Vichy ou ailleurs en France, mais dans le Reich, on prépare l’Operation Barbarossa et on se méfie beaucoup des Juifs, suspects d’être peu ou prou marxistes. 3710 Juifs se présentent et sont internés.
Du fait de la couleur verte de leur convocation, les conteurs d’histoires appellent cette opération la « Rafle verte », alors qu’il n’y a eu aucune rafle stricto sensu, mais une convocation dans des bureaux de police. Au Sipo-SD [un service complexe, regroupant des policiers de la Kripo – la police judiciaire -, de la Gestapo – la police politique – et du SD-Ausland – l’espionnage et le contre-espionnage du Parti nazi à l’étranger], on enrage car les policiers français n’ont pas fait de zèle, ne recherchant pas les Juifs qui ne se sont pas présentés. De Vichy est arrivé un rappel du gouvernement français : aucun Juif citoyen français innocent de crime ou de délit ne peut être arrêté du seul fait de sa « race ».
Avec Barbarossa (22 juin 1941), tout change. Débute le cycle Attentats contre des Allemands désarmés en plus de sabotages matériels & Répression. Aucun héros de la Résistance communiste ne se dénonçant jamais, l’on exécute des otages, choisis préférentiellement dans le camp communiste et chez les Juifs, congénères de Karl Marx.
La première rafle parisienne a lieu du 20 au 25 août 1941, où les policiers parisiens sont cette fois-ci encadrés de gendarmes militaires allemands, requis par le Sipo-SD. 4232 Juifs sont arrêtés dont 1 200 Juifs citoyens français – ces derniers étant tous libérés de septembre à novembre, après une réaction de fureur de l’amiral Darlan et du ministre Pucheu : le Vice-Président du Conseil des ministres et le titulaire de l’Intérieur avaient prêté « leur police », pour arrêter des communistes, mais nullement des Juifs citoyens français. À l’ambassade allemande à Paris, on grogne contre les policiers français peu zélés et contre « l’incompréhension » des patrons de l’État français, indifférents à la « question juive ».
En décembre 1941, les communistes enclenchent une décade sanglante, d’où une riposte du Sipo-SD avec arrestation de 990 Juifs de Paris, dont 734 citoyens français – René Blum, frère de Léon, fait partie du lot. Ils sont expédiés au camp de Royallieu (Compiègne), où 92 d’entre eux meurent lors du terrible hiver 1941-42. Sont libérés 73 grands malades, mais les autres détenus sont déportés vers le complexe concentrationnaire d’Auschwitz le 27 mars 1942, en dépit des demandes de libération de 357 anciens combattants. Pour une fois, les Allemands résistent aux réclamations du maréchal Pétain : ils ont choisi des notables qui avaient participé « à une campagne de haine antiallemande » avant l’Occupation
La Guerre à l’Est ne tournant pas trop bien, au RSHA de Berlin, on intensifie la lutte contre les Juifs, dans le cadre de la guerre contre le « Judéo-bolchevisme ». Reinhard Heydrich vient en personne, du 5 au 11 mai 1942, installer son représentant en France, Karl Oberg, avec ordre de déporter tous les Juifs de France « vers l’Est ». Le 7 mai, Adolf Eichmann, chargé de la logistique de la déportation, réclame un premier contingent de 50 000 Juifs, puis un second de 100 000 pour le deuxième semestre de 1942. Il revient à Paris les 30 juin et 1er juillet pour ordonner la capture de ces Juifs et leur expédition par chemin de fer vers l’Est.
On rappelle que, selon les estimations officielles, la déportation des Juifs de France vers le système concentrationnaire du Reich a touché environ 75 000 Juifs, la mortalité directe et indirecte des Juifs de France durant cette guerre étant chiffrée entre 75 000 et 78 000 personnes, dont 24 000 Juifs citoyens français. Toutes les estimations chiffrées sur la Seconde Guerre mondiale sont fortement critiquables, on le sait ; mais la différence entre le nombre de victimes exigées par Eichmann pour la seule année 1942 et le nombre total de déportés, de 1942 à 1944, saute aux yeux. Et l’on en revient à la Rafle du Vel d’Hiv.
Le 2 juillet 1942, René Bousquet, le Secrétaire-général du ministère de l’Intérieur et patron des polices françaises, insiste sur « l’opposition du maréchal Pétain à l’arrestation de Juifs de nationalité française ». Puis le 4, Laval charge Bousquet de rappeler aux Allemands que la Police française et l’UGIF (l’Union Générale des Israélites de France) ne coopèreront que pour le regroupement des Juifs non-citoyens français – il est tellement naïf qu’il interdit de séparer les familles de déportés : nul ne sait à l’époque que l’on massacre réellement des Juifs en Pologne occupée, même si des rumeurs circulent comme celles des années 1915-20 sur « six millions de Juifs » qui sont menacés de mort - les estimations, alors totalement fantaisistes, varient entre 5 et 10 millions de Juifs… la lecture du New York Times des années de la Grande Guerre est utile, pour mieux comprendre la vaticination de Nahum Goldmann (du World Jewish Congress) dans The New York Times du 25 juin 1940 : « Six millions de Juifs européens seraient condamnés à la destruction si les nazis devaient vaincre ». Étonnante préscience ou réutilisation d’un vieux slogan ?
Dès le 1er juillet 1942, on avertit les patrons de l’UGIF-Nord (Zone Occupée), la direction de la Gendarmerie et celle de la Garde mobile, enfin la Préfecture de police de l’imminence de l’Opération Vent printanier : le regroupement en vue d’un départ vers l’Est de Juifs et de Juives de tous âges, non-citoyens français, sauf les grands vieillards et les enfants de moins de 16 ans.
À la même époque, soit du 6 au 8 juillet 1942, la rafle de Bordeaux ne porte que sur des Juifs mâles, de 16 à 45 ans, tous étrangers ou apatrides et jugés aptes au travail. Mais on n’en trouve que 150, alors qu’au Sipo-SD on en espérait un millier : des fuites se sont, à l’évidence, produites.
À la Préfecture de police de Paris, on sort les fiches de 25 334 Juifs et Juives de Paris, habitant les 3e, 4e, 10e, 11e, 17e, 19e, 20e arrondissements, et de 2 027 autres établis en banlieue, soit 27 361 personnes. Ces fiches sont envoyées aux bureaux de l’UGiF, où l’on prépare des étiquettes nominales, montées sur ficelle pour servir aux victimes de pièce d’identité bien apparente, ainsi que l’intervention des assistantes sociales.
Les agents de la police municipale de Paris sont avertis le 13 juillet. De très nombreuses indiscrétions fusent aussi bien de l’UGIF que du côté de la police et de l’administration française, et comme les visites domiciliaires et les rafles de 1941 n’ont touché que des mâles adultes, des Juifs abandonnent femme et enfants qui sont censés ne rien risquer.
Le Préfet de police Amédée Bussière, entré en fonction le 1er juin, est réticent quant à la participation de 4 500 de ses hommes aux visites domiciliaires. Bousquet lui envoie le 15 juillet un ordre écrit, spécifiant qu’il faut faire respecter l’ordre et calmer toute agitation.
Le cardinal Suhard a par ailleurs été alerté : des maisons religieuses à Paris et en banlieue, sont prêtes, avant même le début des visites domiciliaires, à recueillir les enfants juifs isolés. Les 15, 16 et 17 juillet, des Juifs porteurs d’étoile sont prévenus dans la rue ou le métro par des policiers inconnus d’eux et l’on cache des familles entières dans des caves ou des appartements non habités.
Les 16 et 17 juillet, des assistantes sociales juives de l’UGIF vont chercher à leur domicile les enfants juifs orphelins et les moins de 16 ans, dont la liste (très incomplète) a été fournie par le Sipo-SD, les conduisant au Centre Lamarck, d’où ils sont emmenés vers des camps provisoires. Les sujets raflés puis déportés, l’été de 1942, sont des Juifs apatrides ou citoyens étrangers. Comme l’a dit plus tard un rescapé de Drancy : « Les Juifs français n’étaient pas solidaires des Juifs étrangers. Ils nous considéraient comme des inférieurs et disaient que nous étions cause de leurs malheurs ».
En ces deux jours de folie, les non-Juifs charitables sont beaucoup plus efficaces que les notables de l’UGIF. Un Juif des USA fort critique, Richard Cohen, a écrit : « Les dirigeants de l’UGIF auraient sûrement pu comprendre qu’il s’agissait, pour la première fois, de déportations massives incluant des femmes et peut-être des enfants. L’inaction de l’UGIF, au moment de l’arrestation des enfants, s’explique mal… N’ont-ils rien compris ou ont-ils préféré se taire et ne rien faire, pour ne pas exposer leur vie et celle des leurs ? ». Il y a un peu de cela, c’est évident, mais aussi une totale ignorance de ce qui se passait à Chelmno, Belzec et Sobibor ; le camp d’extermination d’Auschwitz-II-Birkenau ne commençant à fonctionner qu’en juillet 42.
En banlieue, gendarmes et gardes mobiles surveillent l’opération ; à Paris, c’est le rôle de la police municipale en uniforme. Tout doit se faire dans le calme et les forces de l’ordre doivent veiller à ce que ne se produise aucun pillage de domicile vidé de ses occupants. On a mobilisé, le 15, des infirmières de la Croix-Rouge et des agents du Secours national. On fera payer très cher à Edmond Hennequin, le patron de la Police parisienne, son rôle dans ces visites domiciliaires et l’on oubliera que ses policiers ont averti beaucoup de Juifs avant l’opération.
Les hommes de la 3e section des Renseignements Généraux, vouée à la surveillance des étrangers, se sont fait aider d’indicateurs juifs qui se fient au faciès et s’adressent en yiddish à leurs cibles, dans les cafés parisiens, autour des gares de Lyon et d’Austerlitz, ou dans les rues des arrondissements fréquentés par de nombreux Juifs. La commission d’épuration de la police, dirigée par le commissaire Auguste Lelièvre, a estimé que de juin 42 au mois d’août 44, 4 249 Juifs en situation irrégulière auraient été arrêtés par les hommes des RG et des services de police antijuive, et nul n’a cherché à savoir combien de ces victimes avaient été pistées par des congénères.
Si l’on résume les faits, rien, dans cette Opération Vent printanier, ne s’est passé comme prévu. De nombreuses familles ont été cachées, grâce à des non-Juifs ; les sujets arrêtés hurlent et protestent, des passants grognent, des policiers pleurent : on est loin du calme et de la passivité espérés par les Allemands. Au lieu des 27 000 Juifs attendus, on en arrête 12 884 (3 031 Juifs adultes, 5 802 Juives et 4 051 enfants et adolescents – alors que les enfants de moins de 16 ans devaient être confiés à des organismes charitables). Certes, on a arrêté au total 13 152 Juifs, mais Pierre Laval exige et obtient la libération d’étrangers qui sont des Anciens Combattants de l’Armée française et des membres leur famille, ce qui ramène le véritable score à 12 884 détenus, dont des enfants qui n’auraient pas dû être arrêtés.
Theodor Dannecker, l’homme d’Eichmann à Paris immédiatement révoqué, écrit à son patron pour se justifier : « Des fonctionnaires de la police française auraient… préalablement renseigné des personnes qu’ils devaient arrêter ». Dans son rapport final, Heinz Röthke, le successeur de Dannecker, évoque « le sabotage » de l’opération par la police française.
Un témoin juif, Pierre Ryss, a dit sur le ton du mélodrame à relents bibliques : « Heureux ceux qui n’ont pas vu comment on sépare de force les enfants de leurs parents ! » : soit les enfants de moins de 16 ans, que cette séparation douloureuse a sauvés pour une grande partie d’entre eux. C’est ainsi qu’on écrit toute l’histoire : un verre à demi-rempli est aussi un verre à demi-vide et les témoins sont souvent peu fiables.
Le sauvetage des Juifs citoyens français, sur ordre des messieurs Pétain, Darlan et Laval fut une réalité. À compter du 11 novembre 1942 – date de l’invasion de la Zone Libre dans les suites immédiates du débarquement Anglo-US au Maroc et en Algérie -, aucun gouvernant français n’eut plus d’influence sur les événements. Pourtant jusqu’en 1944, la protection resta partiellement efficace. Durant le premier semestre de 1944, alors que le Sipo-SD connaît le domicile exact d’environ 60 000 Juifs de métropole, un peu moins de 16 000 sont déportés, au moment où les Juifs de Hongrie sont déportés en masse.
Quand on se mêle d’écrire l’histoire - chose fort difficile, voire périlleuse -, il convient de s’en tenir aux faits et d’éviter les mensonges de propagande.
NB Le lecteur intéressé trouvera les sources de cet article in Bernard Plouvier : Les Juifs de France durant la Seconde Guerre mondiale, 2 volumes, Dualpha, 2018
01:59 Publié dans Tribune de Bernard Plouvier | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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