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mardi, 03 septembre 2024

Ces camarades qui nous quittent...

mmlo.jpegLa semaine dernière, quatre de nos camarades de combat nous ont quittés. Il s'agit de Dominique Vernhes (ancienne étudiante à Saint-Maur) et Christian Wirtz cliquez ici, qui avaient milité à Ordre nouveau dans les années 1970, de Jean-Claude Nadot cliquez là et de Jean Barone, décédé vendredi dernier chez lui dans les Yvelines, qui fut, lui aussi, de tous les combats depuis le Parti des forces nouvelles au début des années 1980.

Régulièrement (trop hélas), nous faisons part sur ce site, lorsque nous en sommes informés, des disparitions qui peinent les milieux nationalistes. Si la droite nationale est aujourd'hui aux portes du pouvoir, n'en déplaise à certains, c'est parce que, depuis des décennies, envers et contre tous, des mouvements et des militants ont maintenu la flamme allumée. C'est notre façon à nous de leur rendre hommage...

R H

En mémoire de Dominique Vernhes et de Christian Wirtz, en accord avec Jacques Mayadoux, coordinateur de l'ouvrage, nous vous proposons ici leurs deux contributions parues dans "Ordre nouveau raconté par ses militants" cliquez là


Quelques souvenirs, en forme d’abécédaire 

Dominique Vernhes

Née en 1954. Études juridiques à la faculté de Saint-Maur. Elle s’est principalement occupée de l’éducation de ses trois enfants et de ses onze petits-enfants tout en conservant un œil attentif sur la politique.

A, comme arrivée

Mais quelle mouche a piqué cette toute jeune adolescente élevée pieusement (mouais…) par des religieuses pour qu’elle s’aventure un beau jour dans cette ruelle du IVe arrondissement ? Un conseil de ses vénérables amis des cercles bonapartistes ?

Un dégoût profond de ce qui s’était passé dans les rues de Paris, deux ans plus tôt, en mai 1968 ? Des grands-parents même pas revanchards d’avoir quitté Maison-Blanche (dé-partement d’Algérie, aujourd’hui Dar El Beïda) ? Une rébellion d’ado contre une mère d’extrême gauche ?

Un désir de suivre son père, nationaliste particulièrement convaincu et aujourd’hui encore membre du GRECE ?

Probablement un peu de tout ça ! Mais principalement ses amis bonapartistes. L’un d’eux, très vraisemblablement fatigué qu’une gamine demandât chaque semaine de reprendre le pouvoir, me confia (très discrètement, tout de même) une adresse improbable où enfin, je pourrai donner libre cours à ma vindicte adolescente.

J’arrive donc devant une minuscule façade peinte en noir (engageant) et une porte manifestement blindée (toujours aussi attrayant). À la droite de cette porte, un curieux dessin : un grand cercle barré d’une croix.

Au-dessus, deux mots seulement, mais d’un graphisme qui me suivra longtemps : Ordre nouveau.

Faut assumer, puisque je suis là… Alors j’ose (morte de trouille) sonner.

Un très charmant jeune homme m’accueille ; je le reverrai assez souvent, presque jusqu’à son décès.

– Bonjour et bienvenue, entre, je t’accompagne, me dit-il.

Sylvain Garant, qui n’était pas encore avocat, s’avéra de plus être un proche voisin.

Après quelques minutes de papotage (histoire sans doute de ne pas laisser entrer une cinglée), il me conduit vers le saint des saints : le Big Boss himself, Alain Robert.…

Après quelques minutes de discussion sans aucun intérêt, vient enfin LA question importante

– Est-ce que tu sais taper à la machine ?

En ces époques reculées, fille = dactylo. J’extrais un sourire légèrement contraint

– Non, j’ignore tout de ces objets, mais je veux bien apprendre…

Un peu.

Rendez-vous est donc pris pour le jeudi suivant (le jeudi était alors le jour sans école).

S’ensuivront un certain nombre de jeudis où mon père, pas dupe mais heureux, accompagna sa fille place du Châtelet.

À partir de là, je perds le fil des innombrables manifs de soutes sortes. Je me souviens cependant de la première, sous l’Arc de Triomphe où mes petits camarades arboraient ce qui était pour moi un drapeau catalan. Inculte ! Il s’agissait du drapeau sud-vietnamien. « Halte à l’agression communiste au Sud-Vietnam », criions-nous. Kézaco ? Inculte, vous ai-je dit… J’apprendrai au fur et à mesure.

Première chose : les cours…  dispensés par un très vieux, très très vieux monsieur excessivement cultivé et intéressant au demeurant, mais à la main trop promeneuse à mon goût. Je cesserai donc définitivement de porter ici mes jupes bleu marine de jeune fille sage pour ne plus porter que des pantalons.

D, comme débuts

Un minuscule café et sa microscopique terrasse jouxtaient ce que nous appelions notre local (1). Cet aimable établisse-ment, Chez Gina, était presque uniquement fréquenté par des dames exerçant un très vieux métier : elles faisaient principalement commerce de leurs charmes.

Lorsqu’elles n’exerçaient pas leur art, elles tapaient le carton ou tricotaient, en devisant gaiement de leurs vies respectives, de leurs soucis de famille, d’enfants… Je me trouvais transportée dans une chanson de Brassens.

Un jour, elles sortirent même de leur réserve pour me venir en aide. J’étais molestée par deux jeunes représentants de la chance-pour-la-France (en bon français, deux Arabes) qui n’en avaient qu’après mon cyclomoteur. Elles sont sorties, les ont mis en déroute avant de me faire boire un thé bien fort et surtout bien arrosé pour me remettre de mes émotions.

Toutes les semaines, les bleus dont je faisais partie avaient pour mission de vendre le journal Pour un ordre nouveau devant le BHV (Bazar de l’Hôtel-de-Ville) situé à quelques mètres du local. Ça nous apprenait à beugler dans les rues et ça nous rapportait quelques sous. Contrairement à ce que certains pourraient penser aujourd’hui, ce petit journal plutôt pas mal conçu se vendait relativement bien. Peut-être les jeunes gens que nous étions, très exaltés et visiblement heu-eux d’être là, étaient-ils contagieux…

Nous envoyions dans un même bonheur Messmer ou Brejnev-la-Peste à la porte, souhaitions bonne année aux pourris, demandions à l’Europe de se libérer et protestions déjà contre l’immigration sauvage – ce qui au bout du compte nous coûtera fort cher.

Cette bande de jeunes braillards joyeux n’avait cependant pas que la vente du journal à son programme. Notre principal but : les manifestations, bien entendu. Notre récompense, en quelque sorte.

Permettez-moi ici d’évoquer le Moyen Âge, que dis-je le Moyen Âge, la Préhistoire ! Un temps où les réseaux sociaux et les portables n’étaient même pas dans les rêves futuristes des plus fous. Alors comment réussissions-nous à nous contacter, à nous retrouver malgré tout ? Allez savoir… Mais nous nous retrouvions lorsque le besoin s’en faisait sentir, c’est le principal.

Aujourd’hui, les dates et la chronologie m’échapperont probablement un peu, mais chacun s’y retrouvera un peu chez lui.

Un de nos principaux centres d’activité était sur les Champs-Élysées : la boutique de l’Aeroflot, la compagnie d’aviation civile de l’Union soviétique. Notre grand jeu était d’en pulvériser la vitrine… Au bout de quelque temps, la devanture fut protégée par les forces de l’ordre. Nous contournâmes donc ce léger inconvénient : un garçon (on n’en manquait pas) accompagné d’une fille (c’était déjà plus problématique), jouant le couple amoureux, enlacé et bouche sur bouche, traversait les rangs de flics, émus de cet amour naissant. Puis, les deux vils anticommunistes primaires balançaient pavés, rails ou autres objets peu compatibles avec leur idylle, dans la vitrine des soviétiques, avant de détaler à toutes jambes. Cette tactique, nous l’utiliserons souvent, et la plupart du temps à bon escient.

Autre divertissement assez prisé, la tactique dite de la chèvre. Vous expédiez dans un quartier chaud pour nous, le Quartier latin, une fille seule vendre notre journal. Les gauchistes ne flairent bien entendu rien et s’attaquent à la mal-heureuse. Mal leur en prend, ses petits camarades, dûment armés veillaient au grain et déboulent. Dois-je vous raconter l’épilogue, peu à la gloire des forces de gauche ?

Nous tentâmes d’utiliser la même tactique dans d’autres quartiers peuplés différemment (oui, les mêmes qu’aujourd’hui, chances-pour-la-France et autres racailles). Les résultats furent moins probants, voire carrément dangereux et nous abandonnâmes ces facéties.

F, comme facéties

Pour de méprisables raisons pécuniaires, il nous arriva de louer nos talents et plus particulièrement notre savoir-faire en maintien de l’ordre. Notre légendaire SO (service d’ordre) prêta (non ! vendit, et fort cher) ses services au maire de Tours, Jean Royer, candidat éphémère à l’élection présidentielle de 1974. Pour mémoire, le grand axe politique du monsieur était « L’érotisme ne passera pas ». Bref, au cours de ce peu glorieux mais rentable engagement de notre part, j’ai pu assister à quelques aimables facéties.

À l’extérieur d’un meeting tenu par ledit défenseur de l’ordre moral, un jeune militant, épais comme une allumette, Didier T., avisa un groupe de chevelus mal intentionnés, devisant paisiblement à proximité des CRS qui visiblement s’ennuyaient ferme. Notre ami pousse sèchement deux chevelus qui, déséquilibrés, en bousculent d’autres et se retrouvent donc projetés bien malgré eux sur les forces de l’ordre. Sortis brutalement de leur torpeur, les pandores dégainent leurs matraques. Je vous laisse imaginer l’épilogue de cette aimable joyeuseté et la tête rigolarde du bousculeur qui s’éloigne en sifflotant.

J, comme Jardin du Luxembourg

Comme tout groupe, nous avions nos codes vestimentaires. Pour nous des casques noirs, souvent frappés de la croix cel-tique blanche ; pour les vilains d’en face, des casques blancs. Vu comme ça, cela peut paraître stupide, mais c’était bien utile pour éviter de taper sur un copain… Nos amis/ennemis (ça dépendait des jours) du GAJ, coiffaient eux d’élégants casques orange.

Pour le haut, deux écoles s’affrontaient : les blousons de cuir noir et les lodens verts.

Le point de rencontre où nous ne fusionnâmes que rarement mais néanmoins très violemment était le jardin du Luxembourg : à gauche, la Sorbonne (casques blancs), à droite, As-sas (casques noirs), au centre le jardin…

L, comme lycée

Mon prof de philo de cette époque était Nouvelle Action française, genre de royaliste de gauche. Le grand avantage du bonhomme fut de me foutre une paix royale (fût-elle de gauche), les lendemains de meetings – il savait que ma voix serait trop éraillée, voire inexistante – et de m’éviter quelques conseils de classe pourtant parfois mérités.

Le lycée très catholique qui supportait mes multiples incartades se situait sur une minuscule colline dominant un des plus prestigieux établissements du coin, le lycée Marcelin-Berthelot qui abritait en son sein quelques camarades particulièrement motivés. Un beau jour, quelle ne fut pas ma surprise de les voir débouler à la sortie de mon lycée, tracts à la main, sourires flamboyants et joyeux cris « Salut, Dominique ! »

Comme discrétion, j’avais connu mieux. Je vous épargnerai les discours moralisateurs de la mère supérieure sur mes fréquentations douteuses avec des « blousons noirs » (version médiévale de la caillera).

M, comme métro Duroc

Parlerons-nous ici de choses qui fâchent ? Pour cette manifestation, on nous avait demandé de venir « propres », c’est-à-dire sans casque ni fléau japonais. Et nous fûmes cantonnés en fin de cortège, déjà ostracisés par le Front national que pourtant nous avions très largement contribué à créer.

Je ne sais plus pourquoi le point de rassemblement était fixé à la sortie du métro Duroc. Toujours est-il que c’est par là que les gauchistes nous attaquèrent, déboulant en nombre, casqués et armés, eux !

R, comme remerciements

Puis, la vie continua et nous nous dispersâmes au gré de nos amours, de nos enfants, de nos professions, etc.

Cependant, je profite de l’occasion qui m’est offerte ici pour remercier du fond du cœur Catherine R. qui a réussi le tour de force de retrouver les adresses de beaucoup d’entre nous et qui parvient, encore aujourd’hui, à nous réunir régulière-ment pour un dîner souvent ponctué de chants.

Au sein de cette communauté baroque, j’ai eu le bonheur de rencontrer plein de copains, quelques amis et deux maris (oui, je manque désespérément d’imagination)…

Ça valait le coup, non ?

(1) Aujourd’hui c’est quartier hyperbranché, depuis l’installation, bien après notre départ, juste à côté de notre QG de la célèbre troupe du Splendid (Clavier, Blanc, Jugnot, Lhermitte, Balasko, Chazel).

 

Fidélité à la parole donnée 

Christian Wirtz 

Né en 1946. Il a travaillé dans des sociétés en Afrique noire avant de revenir en France où il a dirigé des entreprises de travail temporaire. Aujourd’hui, il est formateur.

 J'étais un adhérent, simplement, et je donnais un coup de main, pas plus que les autres et pas moins. On était tous quasiment au même niveau hiérarchique.

Christian Lefèvre était une légende ; il a donné, il a pris. Bernard Lescrainier, Laszlo Varga, eux aussi étaient des légendes. Alain Robert, c’était le chef à l’époque ; le temps a passé et le chef a disparu.

J’ai commencé très tôt dès l’âge de 13-14 ans. Mes cousins germains me traitaient de sale Boche. Ce qui était totalement idiot : mon père s’était engagé dans le 12e régiment étranger d’infanterie dont la devise était « Honneur, fidélité, valeur, discipline » ; ils ont eu soixante-dix pour cent de perte en juin 1940 dans l’Aisne…

J’avais aussi un oncle à Hambourg et il m’expliquait que ce qu’il avait vu et vécu était extraordinaire. L’histoire que l’on nous enseignait n’était pas la bonne.

J’avais entendu parler d’Occident en 1966 à l’âge de 19 ans et j’ai rallié ce mouvement dirigé par Alain Robert, Alain Madelin et Gérard Longuet.

C’était un mouvement nationaliste et l’on s’opposait aux maos, à la gauche et à l’extrême gauche qui régnaient dans les facultés, sauf à celle de Paris Assas.

Je n’étais ni étudiant ni travailleur ; j’étais un faux étudiant, ma principale préoccupation étant de militer plus que d’étudier.

Je me souviens de Jack Marchal qui réalisait des bandes dessinées avec un petit rat, de François Duprat qui dans un de ses nombreux livres avait inventé une division de la SS. Des couennes de jambon lui servaient de marque-pages qui finissaient par salir son imperméable gris clair… C’était un homme extrêmement intelligent qui a été exclu pour déviationnisme d’Occident et d’Ordre nouveau.

Je me souviens aussi des filles qui militaient avec nous, comme nous, engagées politiquement et physiquement dans nos batailles, et en particulier de l’une d’entre elles qui avait été capable de « sécher » un adversaire.

Le mouvement Occident n’était pas uniquement présent pour faire des coups ; il en donnait, c’est vrai, mais si le gouvernement gaulliste ne l’avait pas dissous en octobre 1968, nous aurions continué car nous avions de nombreuses ramifications en province où nous commencions à être bien structurés.

Après la dissolution, il a fallu se rabattre sur autre chose même si ce ne fut pas immédiatement Ordre nouveau. Après Occident, il y a eu différents mouvements, des petites structures.

Ordre nouveau fut lancé en décembre 1969 et la première réunion se tint au square Saint-Lambert dans le XVe arrondissement de Paris, le cinéma où devait avoir lieu le meeting ayant été plastiqué par la vermine rouge. Maître Jean-François Galvaire et Alain Robert en furent les principaux animateurs.

Ordre nouveau était la continuité d’Occident. On changeait simplement de nom. Nous étions deux cents à trois cents militants dans la région parisienne avec une forte implantation dans le XVe arrondissement.

Politiquement, nous détestions De Gaulle et la gauche ; nous n’avions pas de respect pour les étudiants gaullistes de l’UNI qui représentaient tout ce que l’on vomissait : l’abandon de l’Algérie, l’affairisme… Nous ne pouvions pas pardonner et notre action était vraiment politique.

Nous avions une haine du gauchisme équivalente à notre haine du gaullisme. Le marxisme et le gaullisme représentent l’axe du mal, et depuis rien n’a changé.

Certains anciens de l’OAS – entre autres les frères Talbotier, Christian Lefèvre, Laszlo Varga, Bernard Lescrainier – nous ont rejoints pour consolider et structurer le mouvement. Ils sortaient en général de Saint-Martin-de-Ré et avaient bénéficié de l’amnistie de juin 1968.

Laszlo Varga avait aidé Claude Tenne, militant OAS, à s’évader dans une malle (1). Roger Talbotier, lui, avait échappé à la vigilance de ses matons lors d’un transfert et fut repris six mois plus tard.

En ce qui me concerne, j’étais très proche d’Alain Robert, principal décideur et animateur du mouvement Ordre nouveau.

Le mouvement s’est bien développé à partir du meeting du 13 mai 1970 à la Mutualité à Paris et nous avons bénéficié du travail des anciens d’Occident. Nous avions des contacts avec les phalangistes de Blas Piñar en Espagne, les militants du Mouvement social italien de Giorgio Almirante, d’Ordre nouveau Belgique et des colonels grecs. Nos relations avec les colonels grecs étaient informelles, mais avec le MSI d’Amirante, elles étaient plus structurées et il nous fournissait des affiches de propagande.

Ordre nouveau n’était pas qu’une bande de copains. Il y avait un bureau politique et pas de deuxième bureau politique comme cela a été écrit par des sources mal informées qui souhaitent enjoliver la réalité. D’ailleurs à quoi cela aurait-il servi ?

En exagérant, je dirais qu’il y avait un flic pour trois adhérents ! Le seul flic officiel se nommait Gilbert Le Cavelier qui devait être aux Renseignements généraux. Il était carré et je lui tire mon chapeau ; c’est un homme qui nous a souvent sauvé la mise. Quand une opération de police était prévue contre nous, Le Cavelier appelait Alain Robert et disait « Attention, ne le faites pas… ».

Une petite anecdote : un soir à la faculté d’Assas, il y avait une réunion de cadres d’Ordre nouveau et en même temps un rassemblement de gauchistes, en nombre, dans le grand amphithéâtre. À une quinzaine, nous sommes allés exprimer la libre parole et nous les avons fait courir et se replier à toute vitesse. Mais ils étaient environ cinq cents et lorsqu’ils se sont rendus compte de notre infériorité numérique, ils ont répliqué en nous assaillant à coups de pieds de table. Ce jour-là, notre camarade Robert Allo a été grièvement blessé (fracture du crâne et trépanation). Gilbert Le Cavelier nous a sortis de cette situation périlleuse en dégainant un pistolet et en tirant une balle en l’air – ce qui nous a permis de partir dignement, bien que certains de nos camarades, nous confondant avec les gauchistes, nous aient balancé des chaises du premier étage lors de notre départ. Le Cavelier était un bon flic. Je crois qu’il faisait croire aux policiers qu’il s’infiltrait chez nous mais en réalité lui nous renseignait. Un mec bien, c’est rare de dire cela d’un flic des Renseignements généraux, même s’il a été décrié par des gens qui ne le connaissaient pas. Il nous a toujours aidés.

La période d’Ordre nouveau a été extrêmement dense. Tous les jours il se passait quelque chose.

En février 1971, rue du Renard dans le centre de Paris, nous étions réunis pour un petit meeting de quartier et protégions la salle à une quinzaine. Les gauchistes au nombre de soixante sont arrivés de la place Beaubourg, en commando organisé. Nous avons reculé et nous sommes rentrés dans la salle, à l’exception du responsable du service d’ordre, notre ami Christian Lefèvre, qui a été roué de coups, au sens propre, sur le capot d’une voiture. Il a eu les deux bras et les deux poignets brisés ; plusieurs d’entre nous ont aussi été blessés en venant le dégager.

Le meeting le plus violent eut lieu le 9 mars 1971 au Palais des Sports, porte de Versailles.

Les gauchistes de tout poil venant de la porte de Vanves convergèrent à plus de trois mille par vagues successives ; ils étaient casqués et armés de barres de fer. Arrivées en face à la police, les premières lignes se sont effacées ; les suivantes ont lancé des cocktails Molotov et ensuite nous ont chargés. Les flics se sauvaient en courant, les pompiers n’étaient pas en reste. C’était méchant et cela a duré toute la nuit. Je vois encore un manifestant que j’avais triqué (2), il avait la jambe qui s’agitait comme un lapin. Je pense que ce soir-là, il y a dû y avoir des morts chez les assaillants car cela était réellement violent. Ils étaient haineux et méchants, c’était une belle époque.

Je veux évoquer aussi la manifestation de Duroc, organisée en avril 1973 conjointement avec le Front national naissant. Toute la faute de notre défaite de cette journée incombe aux grands responsables du Front qui n’ont pas voulu que nous soyons armés. Christian Lefèvre n’avait pas approuvé ce désarmement mais il fallait obéir aux instructions de la rue de Surène (3). Les gauchistes ont attaqué par derrière et les derniers rangs de la manifestation ont littéralement explosé. Les assaillants appartenaient à la Ligue communiste et ce n’étaient pas des guignols.

Je me souviens également du meeting contre l’immigration sauvage du 21 juin 1973 à la Mutualité, cette réunion où les gauchistes ont attaqué la police à plus de trois mille, tous casqués et armés. Avec un de mes amis, le bucheron canadien, alias Petit Luc, nous avons littéralement massacré un opposant (et pourtant c’était un vrai roc). Il est parti en ambulance. Je dois reconnaître qu’il était gonflé. Les gauchistes étaient souvent courageux, haineux, méchants et c’étaient des militants déterminés.

Ce jour-là malgré leur supériorité numérique, ils n’auraient néanmoins pas pu envahir la Mutualité. Notre service d’ordre était bien organisé, avec des lances en bambou et des camarades survoltés pour défendre la salle. C’est la violence qui a motivé la dissolution le 27 juin 1973 et non le thème de la réunion. À l’époque, les immigrés et le Grand Remplacement ne faisaient pas peur au gouvernement de Pompidou.

Je ne peux pas oublier cette période. Je n’ai pas rejoint le CNI ni le RPR. Je suis resté fidèle à une ligne nationaliste et je n’ai pas voulu me confondre avec les anciens combattus ou résistants. Je n’ai pas rejoint Le Pen. C’est nous, Ordre nouveau, qui avons créé le Front national.

Le Pen ne s’est imposé qu’après. Alain Robert s’est rapproché de Pasqua alors qu’il aurait pu continuer sur la même ligne.

Nous avions un idéal, nous rêvions à un ordre nouveau. Aujourd’hui, on s’engage pour de l’argent, aujourd’hui on ne croit plus en rien. Aujourd’hui, l’extrême droite n’est pas assez soudée, il y a trop de chapelles…

Je voudrais dire aux jeunes nationalistes qu’ils devraient fonder un mouvement avec la même ligne politique et la même violence et détermination que dans les années soixante-dix. Les identitaires essaient de le faire. Eux, ils sont bien, ils possèdent une structure, ils ne baissent pas les bras. Les « antifa » sont des guignols (ils sont forts quand ils sont cinquante sur un os).

Je n’ai pas de regret si ce n’est de ne pas en avoir fait plus : nous n’avons pas été assez méchants.

(1) Ce sont ses gardiens qui ont porté la malle où il se cachait… Il trouva refuge en Seine-et-Marne et ne fut jamais repris.

(2) Dans l’argot militant, triquer : battre, cogner.

(3) Adresse du premier siège du Front national.

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