dimanche, 12 janvier 2025
Bel hommage de Gabriele Adinolfi à Jean-Marie Le Pen
Gabriele Adinolfi Noreporter cliquez ici
“J’ai vécu dix pour cent de ma vie en mer.”
Ainsi parlait le Breton, amoureux de la liberté, des épreuves solitaires face aux éléments naturels et des vastes espaces ouverts. Le reste de sa vie, il l’a consacré à la lecture, aux amis, aux femmes, à la lutte et à la politique, qu’il considérait comme la somme de tout cela, enrichie par la ténacité de celui qui ne cède jamais.
Et qui surprend. Combien de fois lui a-t-on dit : “C’est impossible”, pour découvrir ensuite, grâce à lui, que le miracle était réalisable. Mais pour cela, il faut du caractère et de la foi.
“Comme les joueurs de rugby anglais, disait-il, je ne me rends pas avant la dernière minute du match.”
Au début, je l’ai snobé
car, en arrivant à Paris, on m’avait dit qu’il était “réactionnaire”.
Indubitablement, il avait une vision trop institutionnelle de la lutte, à mon goût. J’étais bien plus proche du MNR (futur Troisième Voie) et des programmes du Parti des Forces Nouvelles. Plus proche des solidaristes que des nationalistes, même si j’appréciais les deux écoles politiques existantes et concurrentes : celle du GRECE et celle de l’Action Française.
Puis, grâce à son action, j’ai recentré mon regard sur la lutte institutionnelle, que je considère toutefois insuffisante. Mais cela me regarde.
Je lui dois beaucoup
Essayez de vivre les premières années de clandestinité avec seulement un lien indirect avec vos passions ! Mes sept premières années après 1980 furent particulièrement prudentes, car, jusqu’à la fin des procès Terza Posizione et NAR, je risquais une vingtaine d’années de prison. Ce n’est qu’en constatant que désormais il y en avait moins de la moitié que j’ai commencé à faire quelques pas en avant dans la visibilité.
Ainsi, je vivais mes passions de loin, et j’ai toujours dit que je devais à Liedholm, l’entreneur de la fantastique AS Roma de ces années-là, et à Le Pen, avec les succès politiques de mon monde, les grandes joies du quotidien d’un exilé.
“Merci, Président, pour le rêve que vous nous avez offert !”
C’est ainsi que je l’ai salué dans sa résidence de Montretout en 2002, le soir du second tour de la présidentielle qui l’avait opposé à Chirac.
“Merci, vous êtes très aimable,” m’a-t-il répondu. C’est à partir de là que nous avons commencé à nous voir de temps en temps. Il m’avait aperçu à diverses occasions, mais je ne m’étais jamais manifesté. Étant recherché jusqu’en 2000, je ne voulais pas risquer de lui causer des problèmes.
Il m’avait probablement aussi entrevu quelques années plus tôt, lorsque les trois quarts de l’appareil étaient partis avec Mégret dans la scission, et que j’avais voulu donner de moi-même pour aider le parti à survivre au coup de poignard dans le dos. Beaucoup des nôtres, avec leur ingénuité proverbiale et incurable, y étaient tombés à pieds joints. Mais ce n’était ni la première, ni la dernière fois que je n’ai pas hésité à rester presque seul pour être dans le juste. Avec le temps, les autres sont aussi revenus.
À deux reprises, Le Pen partit volontaire
pour sa France, la seconde fois en officier de paras combattant en Égypte, après avoir démissionné de son mandat – et de son salaire – de député (prenez-en de la graine, les gens, prenez-en de la graine !). Il fut un combattant infatigable, dans les tranchées comme dans la rue, où il perdit un œil lors d’une des nombreuses bagarres.
On peut bien dire : “Heureux les borgnes au royaume des aveugles !”
Indomptable et toujours prêt à se battre sans jamais céder, il pardonna constamment les nombreuses trahisons subies de la part de ses collaborateurs, amis et membres de sa famille. Les esprits mesquins pourraient confondre cette grandeur d’âme, cette magnanimité, pour de la faiblesse, alors qu’elle témoignait d’une certaine supériorité morale.
“Notre père a tort de soutenir Saddam Hussein, nos électeurs ne le comprendront pas.”
C’est ainsi que parlèrent sa fille Marine, alors âgée de vingt-deux ans, et sa sœur Yann, future mère de Marion, lors d’un dîner à cinq chez “Lutin” en 1990. Je ne les avais jamais vues auparavant.
“Écoutez – dis-je – l’électorat est féminin et aime les hommes avec les attributs. Personne n’a plus d’attributs que votre père, alors taisez-vous !” Elles apprécièrent, en particulier Marine. Aujourd’hui, je ne sais pas si elle apprécierait encore autant.
Entre parenthèses, Jean-Marie revint quelques jours plus tard en France, ramenant avec lui tous les Européens qui étaient restés à Bagdad et que l’on craignait de voir retenus en otage.
Combien de fois lui a-t-on dit : “C’est impossible,” pour découvrir ensuite, grâce à lui, que le miracle était réalisable.
“Monsieur Le Pen, de quel côté êtes-vous ?”
C’est ainsi que, en direct à la télévision, l’animateur l’interpella en lui montrant des images lors de la première Intifada palestinienne, supposant que toute réponse décevrait la moitié de son électorat.
“Savez-vous ce que vous me montrez ? Les images d’une société multiraciale. Je veux que la France ne devienne jamais comme ça.”
“Monsieur Le Pen, qu’est-ce que ça fait de poser le pied dans une nation faite par des immigrés ?”
Ainsi s’exprima une journaliste américaine lors de son arrivée aux États-Unis.
“Savez-vous à qui vous parlez ? Je suis Sitting Bull, le dernier des Sioux.”
Et je pourrais en citer bien d’autres. Combien ai-je espéré, prêché, même enseigné pour que l’on prenne exemple sur sa manière virile et percutante de répondre !
Avant de publier
“Orchestre Rouge” en 2013, je lui fis proposer le manuscrit, tentant le coup de maître d’obtenir une préface de sa part. Comme je m’y attendais, il me répondit que cela mettrait sa fille dans l’embarras.
Il s’agissait d’un livre traitant des liens entre les centres de renseignement et le terrorisme, un sujet complexe à suivre, particulièrement pour un pays qui leur est étranger et des faits presque inconnus du lecteur moyen, d’autant plus aggravé par le rationalisme français.
Et pourtant, il avait tout saisi parfaitement et m’avait même ajouté des détails et de nouvelles analyses, comme sur le changement de guide dans les appareils israéliens au début des années soixante.
Pendant sept ans
jusqu’aux restrictions dues au Covid, je le fréquentai à chaque occasion possible, enregistrant plusieurs de ses souvenirs, dont je tirerai peut-être un livre un jour.
Il était toujours surprenant par sa lucidité mentale et sa capacité à anticiper les scénarii.
Bien qu’affaibli par l’âge, au début de chaque rencontre, il semblait un peu fatigué, mais en deux minutes, le sang affluait à son cerveau, et le plus vif des présents était toujours lui.
Il ne perdit jamais ses réflexes de séducteur
Quand je lui amenai une journaliste grecque de l’Aube Dorée pour l’interviewer, il se montra si galant et macho qu’il semblait un jeune homme.
Une autre fois, à Rungis, près d’Orly, alors qu’il parlait à la tribune de Synthèse nationale, une italienne venue avec Roberto Salvarani trouva le courage de se précipiter vers lui pour lui serrer la main malgré le service d’ordre qui l’entourait. Il l’accueillit en souriant. Elle me raconta qu’elle lui avait dit : “Je suis une amie de Gabriele Adinolfi”, une formule magique. Que nenni ! En plus, il était sourd… Je lui ai expliqué qu’il avait accueilli avec joie la femme, rien à voir avec aucun Adinolfi !
C’était aussi un grand causeur, jamais banal ni monotone
J’ai déjeuné deux fois avec lui. La première, dans un restaurant corse avec d’autres camarades français qui me sont très chers (Axel, Antoine, Fred), et la deuxième chez lui, en compagnie d’autres invités dans un cadre digne d’un théâtre de boulevard, non loin des lévriers de son épouse Jany. Elle me répétait : “Vous devez absolument rencontrer Alain Delon, qui vient souvent ici. Qu’est-ce qu’il est encore beau !”
Et lui, pendant ce temps, racontait des aventures maritimes en Grèce tout en expliquant aux invités qu’en France on pense que les Italiens jouent de la mandoline, mais qu’il ne faut pas les énerver, car ils tirent.
La dernière fois que je l’ai vu, ce fut chez lui
Nous avions convenu d’une interview vidéo pour une chaîne YouTube espagnole, mais il fut hospitalisé d’urgence et tout fut annulé.
Le soir même de sa sortie de l’hôpital, son secrétaire m’appela pour me dire qu’il ne pouvait recevoir personne, mais qu’il ferait une exception pour moi le lendemain.
Je me rendis chez lui, où il m’accueillit assis à son bureau, vêtu d’un maillot de corps et une perfusion au bras. Je lui apportai un cadeau de la part des Espagnols.
“Où sont-ils ? – me demanda-t-il – Faites-les entrer !”
Juan Lopez Larrea, qui dirigeait la délégation espagnole, était resté dans la voiture. Je l’appelai. Pendant ce temps, les domestiques étaient partis, si bien que je me retrouvai à faire le service pour les boissons et le café dans la cuisine. Jean-Marie, avec sa perfusion au bras, s’agitait en plaisantant et en riant, dans une ambiance de camaraderie de caserne, faite de souvenirs et de blagues.
Un Français, un Italien et un Espagnol : notre Europe !
J’ai toujours retenu son anniversaire
et je l’appelais ce jour-là, ce qu’il appréciait. Je ne lui ai jamais avoué que cela m’était facile, puisqu’il était né le 20 juin, comme ma mère, bien qu’avec cinq ans d’écart. Et ce qui est extraordinaire, c’est qu’il a réussi à mourir à la même date que ma mère : le 7 janvier.
J’ai eu le plaisir extraordinaire de devenir un peu son ami alors qu’il avait déjà été mis “sur la touche”, comme on dit en France, bien qu’il ait encore tant à dire et à proposer. Il était encore, une fois de plus, celui qui, avec son unique œil, continuait à voir le plus loin.
Cible possible de la haine de la racaille – cette même racaille qui est allée hurler et gémir exhibant son infériorité à l’annonce de sa mort –, il n’avait aucune protection. N’importe qui aurait pu lui faire du mal. Mais il ne s’en souciait pas.
Dans sa tanière
j’ai pu fréquenter et apprécier la majesté du lion en hiver.
Un éclat d’intimité partagée.
De tout ce qu’il a fait et représenté, on a parlé et on parlera encore, mais jamais suffisamment. Je me promets d’y contribuer à mon tour, avec le temps.
Mais ici, j’ai voulu évoquer le Le Pen que j’ai connu et que j’ai aimé.
En attendant, je peux dire avec une immense satisfaction qu’au cours de ma vie, j’ai eu la chance de rencontrer et de côtoyer quelques géants.
Les derniers ? Qui sait ! Mais ils m’ont donné envie de chanter un ancien air sud-américain :
“Gracias a la vida, que me ha dado tanto !”
Merci, Monsieur le Prés-id-ent !
Que le ciel vous soit doux, au-dessus de la mer !
10:50 Publié dans Gabriele Adinolfi, Jean-Marie Le Pen | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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