samedi, 15 février 2025
« Il faut en finir avec l’idée que l’islamisme n’est pas l’islam »
Michel Festivi
On est toujours trahi que par les siens, c’est bien connu. En matière d’islamisme et d’islam, la parole d’une islamologue d’origine maghrébine a beaucoup plus de poids et de force que si la même voix était clamée par un occidental bon tient, qui serait immédiatement traité de raciste invétéré.
Razika Adnani, d’origine algérienne, est philosophe, membre du conseil d’orientation de la fondation de l’islam de France, elle fait aussi partie du Conseil scientifique du centre civique du fait religieux. Elle a notamment écrit, Islam quel problème ? Les défis de la réforme chez Upblisher en 2017. Comme l’avait souligné Joseph Macé-Scaron dans Marianne, le 20 novembre 2015 « De Rachid Benzine à Ghaled Bencheikh en passant par Razika Adnani, nombreux sont les islamologues à en appeler à accélérer le mouvement en vue de libérer la parole du dogmatisme religieux ».
Dans un entretien accordé au Figaro le 18 avril 2024, Razika adnani est sans détour « il faut en finir avec l’idée que l’islamisme n’est pas l’islam ». Bien de nos pseudos intellectuels et faux prêcheurs seraient bien inspirés d’en prendre de la graine et de sérieusement méditer ses paroles.
Elle indique très concrètement que les nombreuses attaques au couteau « révèlent un désir de soumettre les musulmans de France à la charia, au nom de la règle de la loi islamique que l’on nomme, - et elle reprend un verset du coran - « ordonner le convenable et dénoncer le blâmable ». Et encore son interview date de près d’un an, les faits de ces derniers mois, de ces dernières semaines, de ces derniers jours ne font que confirmer et conforter son analyse.
Car, ce qui est une évidence que refuse de voir nos élites aveugles et sourdes « celui qui a l’objectif d’imposer la charia a l’objectif d’imposer l’islam, et celui qui veut imposer l’islam, impose la charia. » Pour un musulman, l’islam n’est pas dissociable de la charia et imposer la charia a toujours été l’objectif des musulmans pratiquants et traditionnels. D’ailleurs tous les pays musulmans appliquent, avec divers degrés, la charia, comme elle le soutient.
En Europe, selon elle, l’un des pays les plus islamisés serait sans contexte la Grande Bretagne, car « l’islam est une religion qui se vit et existe davantage dans l’espace public que privé » et le Royaume uni ne connait pas nos règles sur la laïcité. On pourrait lui rétorquer que des pays comme la Belgique ou la France sont aussi en pole position. Rappelant l’histoire des pays arabes, elle revient sur le retour de bâton des wahhabites et des frères musulmans, qui ont reconquis les nations musulmanes qui avaient tenté d’imposer un nouveau modernisme (la nahda) entre le début du XIXe et le milieu du XXe siècle, imposant un drastique retour en arrière que l’on peut voir en Afghanistan, au Pakistan, en Turquie, voire même en Égypte, et dans quasiment tous les pays du Moyen-Orient, en Irak, en Syrie, sans même parler de l’Iran qui était aux avant-postes de la modernité avant 1979.
S’agissant des solutions proposées pour lutter contre cette prégnance de l’islam, une plus grande fermeté et détermination de l’état à lutter contre l’islamisation de nos sociétés serait plus que nécessaire. L’effort essentiel doit aussi se focaliser sur l’école pour prémunir les enseignants et leur donner les éléments intellectuels indispensables pour contrer les discours plus intégristes que jamais des jeunes qu’ils sont censés éduquer. Elle revient sur son expérience d’enseignante en Algérie pendant les années de plomb, et comment elle a tenté de faire face à son niveau, par cet armement intellectuel justement.
Son discours se fixe sur ce principe essentiel, ne pas dissocier l’islam de l’islamisme, contrairement à ce que font beaucoup trop d’intellectuels occidentaux, par méconnaissance ou par soumission au politiquement correct. Car non seulement cela trompe les français et les européens, mais plus encore « cela fait le nid du conservatisme et du radicalisme en mettant l’islam à l’abri de toute critique. Cela a empêché les musulmans de porter un regard critique sur leur religion et sur le discours religieux. Bien au contraire, cette expression les a confortés dans leurs certitudes et leurs pratiques qui remontent aux premiers siècles de l’islam et qui ne sont pas en accord avec les valeurs de notre époque et avec la culture française. »
Elle réfute fortement l’axiome si répandu « ce n’est pas l’islam mais seulement les musulmans », doxa qui est le pendant selon elle de « ce n’est pas l’islam mais l’islamisme », théories foireuses qui se répètent après chaque attentat ou chaque crime. Elle reprend les travaux de nombreux musulmans, qui par le passé, ont vainement tenté de rebâtir un coran enfin débarrassé de tous ses miasmes pseudo-juridiques. En général ils ont été passés au fil de l’épée. Il faut que « l’islam change de l’intérieur ». Cette révolution copernicienne est très loin d’arriver actuellement.
Razika Adnani revient sur ce concept piège « d’islamophobie », repris à satiété par les gauches et singulièrement par LFI pour disqualifier l’adversaire et le vouer aux gémonies. Ce vocable a pour but de bloquer la pensée et la raison, il s’appuie sur les théories du coran incréé, la théorie du Salaf (ou précédent), et du Naql (le littéralisme). L’islam devient donc une idéologie parfaite, non critiquable, non amendable, transmise directement de dieu, par celui ou ceux qui ont détenu la vérité absolue, ne pouvant en aucun cas être critiquée. Tous ceux qui imposent l’idée que l’islam ne serait pas responsable des problèmes qui se posent, mais seulement l’islamisme qui ne serait pas l’islam, participent à cette mystification totalitaire, la plupart de nos élites dévoyées, de nos intellectuels soumis, de nos politiques lâches en font partie.
En tout cas, ses propos sont revigorants et prouvent que tout n’est peut-être pas encore perdu. Mais il y a tant à faire. Le Figaro dans son édition du 14 février 2025, nous apprend qu’une pression de plus en plus forte est exercée par des musulmans, sur leurs coreligionnaires, pour qu’ils ne fêtent pas les anniversaires, le Nouvel an ou encore la Saint-Valentin, car cela relèverait du « shirk », un péché absolu en islam.
12:26 Publié dans Michel Festivi | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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