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samedi, 20 décembre 2025

Sur le Baron Julius Evola

Evola Bio.jpgLa chronique flibustière

de Georges Feltin-Tracol 

Quel ouvrage imposant ! 740 pages ! Une masse proche du kilogramme ! Une épaisseur de 4,5 cm, une largeur de 21 cm et une longueur de 29,5 cm ! Son prix s’élève à 52,00 €. La vie aventureuse de Julius Evola (Ars Magna, coll. « Evoliana », 2025) est sans conteste la biographie la plus riche de Giulio Cesare Evola (1898 – 1974).

Ce travail colossal revient à Andrea Scarabelli. Vice-secrétaire de la Fondation Julius-Evola, il offre au public francophone une édition revue, corrigée et augmentée par rapport à l’édition initiale. Traduit par Istvàn Leszno et préfacé par Alain de Benoist, le livre contient plusieurs cahiers photographiques, un appareil critique de notes sur quatre-vingt-deux pages, la liste intégrale des livres originaux d’Evola, une bibliographie exhaustive de dix-huit pages suivie de la bibliographie française des ouvrages évoliens parus dans l’Hexagone réalisée par le préfacier, soit quinze pages, et un index de noms propres mentionnés. Très impressionnant !

Au terme de longues et fructueuses recherches, Andrea Scarabelli résout certaines énigmes et écarte des légendes forgées autour de cette personnalité majeure de la vie intellectuelle du XXe siècle. Par exemple, Julius Evola n’a jamais été noble sicilien. Sa famille avec qui il entretient des rapports distants ne descend nullement de seigneurs normands venus en Sicile à l’appel du conquérant Robert Guiscard de Hauteville. Plus favorable à une aristocratie spirituelle qu’à une aristocratie héréditaire, il adopte le titre de « baron ». Ce n’est pas anecdotique ! Julius Evola déteste être appelé « Maître ». Andrea Scarabelli rapporte un entretien entre Placido Procesi et Evola qui déclare : « Je ne suis pas un Maître. Constatez les conditions qui sont les miennes. Même si j’en étais un, je ne pourrais pas me présenter comme tel. J’ai tout écrit parce que je me souviens. » Certains l’appellent « Professeur » bien qu’il n’ait jamais obtenu le moindre diplôme universitaire. Le désigner comme « Baron » pendant les conversations lui convient mieux.

Andrea Scarabelli insiste beaucoup sur l’influence de l’alpinisme dans l’affirmation de sa personnalité. Pratiquer ce sport exigeant développe une vive complémentarité entre la volonté de puissance, la recherche de l’effort et le sens du défi. Méditations du haut des cimes exprime cette grande passion vitale chère à l’écrivain romain. Régulièrement, il part, seul ou accompagné d’une autre personne, dans des courses réputées difficiles, voire dangereuses… Plus tard paralysé des membres inférieurs, son regard s’illumine dès que son interlocuteur évoque ce sujet. Exercer l’alpinisme témoigne d’un solide caractère. Ainsi se montre-t-il désagréable, agacé et irritable à l’égard du personnel médical hospitalier. Ce comportement varie selon les circonstances. « Pour certains, il est froid et distant, pour d’autres, il est empathique et ouvert, sans oublier, poursuit Andrea Scarabelli, ceux qui le voient comme désinvolte et prêt à se jouer de lui-même. »

Toute sa vie, Julius Evola exècre la bourgeoisie. Outre la promotion de la Droite spirituelle hostile à la modernité, il critique la morale commune des communistes et des catholiques qui plombe les années 1950. Il déplore l’interdiction des maisons closes. Il considère les prostituées plus honorables que les bourgeoises et se gausse de la bigoterie gouvernementale. À propos de la prostitution, à travers divers articles, il « propose […] l’institution de structures syndicales visant à protéger et à défendre les prostituées ». Il défend aussi les filles – mères célibataires. Ce supposé misogyne tance les hommes qui se défilent de leurs responsabilités paternelles.

Longtemps marginalisé, Julius Evola se surprend qu’après 1945, de nouveaux et précoces activistes au sein de la FUAN (Front universitaire d’action nationale) et du Front de la Jeunesse du MSI (Mouvement social italien) le lisent avec passion. Si le Baron se félicite de cet enthousiasme, il s’agace parfois de leur « évolomanie ». Lui qui polémique avec des « guénolâtres » calfeutrés dans une morne adoration, se moque de certains de ses admirateurs dont le comportement moutonnier l’insupporte. Andrea Scarabelli cite Adriano Romualdi, auteur de Julius Evola, l’homme et l’œuvre : « Un jour, entendant qu’un groupe de ses admirateurs consacrait le lundi à la lecture des Hommes au milieu des ruines, le mercredi à celle de Révolte contre le monde moderne et le vendredi à Chevaucher le tigre, Evola les interrompit pour demander non sans malice : “ Et quel jour consacrez-vous à la Métaphysique du sexe ? ” »

Les relations sont loin d’être au beau fixe avec ses correspondants réguliers. René Guénon ne cache pas son scepticisme envers l’Italien qui s’investit un peu trop à son avis dans le fracas du monde moderne. Il oublie cependant que Julius Evola a participé à la Grande Guerre (1915–1918) en tant qu’officier d’artillerie. Il recevra au nom de ce passé en 1969 le titre de « chevalier de Vittorio Veneto » signé par le président de la République italienne…

Une incompatibilité d’intention se produit avec Ezra Pound. Le contempteur de l’usure n’adhère pas à la vision du monde évolienne qui récuse toute hégémonie de l’économie. De son côté, l’ancien dadaïste s’interroge sur la poétique poundienne. Il la juge plus que surfaite…

La vie aventureuse de Julius Evola décrit donc les nombreuses facettes de l’auteur de « Chevaucher le tigre ». Certes, comme l’admet volontiers Andrea Scarabelli, le chantre de l’impersonnalité active n’aurait pas approuvé cette ambitieuse biographie. Qu’importe ! Elle témoigne de la singularité d’un très     « bon Européen ».     

Salutations flibustières !

• « Vigie d’un monde en ébullition », n°178, mise en ligne le 15 décembre 2025.

00:05 Publié dans Georges Feltin-Tracol | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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