mercredi, 19 décembre 2012
FLORANGE : L'INDUSTRIE ASSASSINEE
Michel de Poncins
Depuis des semaines nous voici inondés d'informations sur Florange. Pour sauver l'emploi de 620 personnes, on en détruit des milliers ailleurs. Jean-Marc Ayrault, premier ministre, vient de faire part d'une absurdité à la sortie d'un comité interministériel : la totalité du gouvernement est mobilisée sur le sujet ; avec les 40 ministres qui passent une grande partie de leur temps à se chamailler et les mille membres des cabinets, la mobilisation s’apparente à une sonnerie de tocsin : pendant cette absence gouvernementale, des milliers d'emplois ont disparu sans que personne ne s'en soucie vraiment.
Il a été question à voix haute de nationalisation. Cette seule rumeur non démentie est un télégramme adressé aux investisseurs du monde entier : n'investissez pas en France, car le pays est pourri et votre propriété peut être saisie à tout moment. Combien de chômeurs en plus à cause de cette rumeur ? Mystère.
Un fait demeure. Si par un arrangement coûteux avec Arcelor Mittal, les hauts fourneaux restent en marche, les 620 emplois sauvés seront des emplois fictifs. Les experts sont unanimes à dire que la fabrication d'acier doit être aujourd'hui située au bord de la mer. Les composants du monde entier peuvent y être facilement reçus et la production peut être acheminée partout.
Ce qui est en question, ce n'est nullement telle ou telle politique industrielle mais l'existence même d'une politique industrielle.
LES DEFAUTS DES POLITIQUES INDUSTRIELLES
Une telle politique, quelle qu'elle soit, implique au départ des coûts insupportables. Le nombre des ministres qui s'en occupent est grand. Arnaud Montebourg flanqué de son titre ridicule est loin d'être le seul ; il a ses représentants dans les régions et les départements ; il en est de même pour chacun des autres. Les collectivités territoriales ont leurs services spécialisés ainsi que les grandes mairies. Tout ce beau monde s'agite sous l'œil narquois de Bercy, seul décideur en dernier ressort.
Les coûts sans limite connue déclenchent les impôts qui écrasent l'industrie sans aucune pitié. S’y ajoutent des dommages gravissimes. Les pertes de temps sont colossales : attendre six mois une maigre subvention pour un projet peut tuer le projet. Les conditions imposées pour avoir les aides transforment le projet selon des vues, négligeant le marché. Ayons garde d'oublier la corruption inévitable, gangrène dont la France souffre particulièrement selon Transparency International.
LE MAQUIS DES AIDES AUX ENTREPRISES
Un aperçu des aides aux entreprises illustre tout ce désordre.
Suite à un audit en 2011 le coût total s'élève à 65 milliards, soit 4 % du PIB et un peu plus que le budget de l'éducation nationale. C'est, grosso modo, l'équivalent de l'impôt sur les sociétés. Pas moins de 6 000 dispositifs existent. Parmi les 6 000, se trouvent 22 aides européennes, 730 aides nationales et 650 aides pour l'ensemble des collectivités locales de la seule région Ile de France. Il y a 220 dispositifs différents d'aide à la création d'entreprise, or seulement 10 % des entreprises qui se créent en bénéficient en pratique. Ces chiffres sont évidement très incertains et mouvants, car dans une forêt vierge personne n'y voit goutte. Le désordre de l'État est tel, que pour arriver à ce recensement il a fallu mobiliser trois corps d’inspection : finances, administrations et affaires sociales.
Ces chiffres doivent être fortement majorés car ils se limitent aux montants des aides elles-mêmes. Le coût total pour l'économie nationale doit tenir compte des dépenses déclenchées dans la fonction publique comme nous venons de le montrer. Pour ce qui concerne les dépenses privées il y a lieu d'enregistrer les heures interminables consacrées par les entreprises à l'analyse de ce maquis avec quelquefois des services complets et des directions importantes au sein des grandes entreprises. Ne pas oublier non plus les organisations patronales dont une grande partie des services contribuent au dit maquis. Cette circonstance explique, au demeurant, une complicité de fait entre les pouvoirs publics et les organisations patronales en vue du maintien et de l'amplification du système. Les organisations patronales sont souvent, hélas, du mauvais côté, partageant avec les politiques de solides intérêts personnels et la même idéologie dirigiste. Les 65 milliards ci-dessus doivent, donc, pour une analyse honnête, être affectés d'un coefficient de majoration inconnu mais certainement élevé.
Le désert industriel qu'est devenu la France et dont tout le monde se plaint est particulièrement grave à cause de la nature spéciale des activités industrielles. Celles-ci offrent l'avantage d'une très grande diversité des métiers, à la différence des autres activités comme les activités de services. Elles ouvrent en conséquence beaucoup de perspectives à une foule de créateurs ou de salariés et aussi à des sous-traitants, eux-mêmes porteurs de divers métiers. Il n'est pas possible que quelqu'un de raisonnable se satisfasse de la perspective de voir la Chine ou d'autres pays devenir fabricants de la plupart des objets de notre vie quotidienne.
Il est certain que pour ne pas assassiner l'industrie et la faire revenir il faut que l'Etat ne s'en occupe plus. D'autres conditions comme le détricotage du pesant code du travail en accroissement constant sont nécessaires. La route de la liberté et de la richesse qui s'ensuit est bien balisée ; si personne ne l'emprunte, de nouveaux désastres nous attendent.
11:21 Publié dans Tribunes de Michel de Poncins | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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