samedi, 01 février 2014
Lettre à Monsieur Ivan Rioufol
Jean-Pierre Fabre-Bernadac
Boulevard Voltaire cliquez ici
« “Jour de colère” a dévoilé la face hideuse d’une France fascistoïde. Il est l’exemple à ne plus suivre. » Diable, M. Rioufol, vous n’y allez pas avec le dos de la cuillère. On croirait entendre BHL ou Caroline Fourest. D’abord, sachez que j’ai une grande admiration pour vos écrits et votre courage, d’autant plus que nous nous sommes connus sur les Champs-Élysées le 24 mars. Au fait, les Champs, le 24 mars, n’étaient-ils pas interdits ?
Mais revenons à nos manifestants fascistoïdes. Toutes vos critiques à leur encontre partent de vidéos et de ouï-dire par les médias. Vous êtes bien placé pourtant pour constater les falsifications de ces gens-là… Quelques cris ont certes été poussés par un nombre infime de manifestants provenant en partie de la mouvance Dieudonné, mais ceux-ci ont aussi chanté la Marseillaise et n’ont occasionné aucune altercation à l’intérieur du cortège. Je condamne ces slogans mais dans chaque rassemblement de gauche, on entend « Mort aux fachos », terme aussi bien appliqué pour caractériser Alain Finkielkraut que Frigide Barjot ou Marine Le Pen, sans que les bien-pensants protestent.
Croyez-vous que les sans-grade de « Jour de colère » n’étaient que des excités n’ayant que l’insulte à la bouche ? Croyez-vous que les chômeurs radiés de Pôle emploi ou les petits entrepreneurs en redressement judiciaire qui observent leurs députés continuer à s’octroyer des avantages ou M. Hollande jouer à pile ou face avec ses maîtresses aux frais des contribuables n’aient pas le droit de balancer des termes « choisis » ? « Juif, la France n’est pas à toi ! » est certes un slogan inconsidéré, mais si on criait « Catho, la France n’est pas à toi » ou « Musulman, la France n’est pas à toi », cela n’entraînerait pas chez moi de réaction plus appuyée. La France n’est pas aux uns ou aux autres, elle est à tout le monde à condition qu’elle soit reconnue comme une communauté supérieure de destin.
Soyons honnête, M. Rioufol, notre divergence ne porte pas sur un cri ou un débordement mais sur deux conceptions opposées du changement. Pour vous, il ne passe que par une union des droites avec une partie de l’UMP qui enfin tendrait une main molle au FN. Le changement n’est simplement qu’un changement de majorité, ce que l’on connaît depuis cinquante ans, la fameuse partie de ping-pong politique : « un coup à toi, un coup à moi ».
Pour moi, le changement n’est pas cela, il est dans la remise en cause du système lui-même. La corruption, la dépendance à Bruxelles et l’incapacité des gouvernants, qu’ils soient de gauche ou de droite, m’amènent à cette conclusion que seule une transformation radicale basée sur des états généraux et un rapport direct avec le peuple peut sauver la France et les Français qui ne se reconnaissent plus dans leur propre pays. Que voulez-vous, quand on n’a pas assez d’argent pour finir les fins de mois, on s’occupe plus de ses comptes que du mariage pour tous. Les bourgeois, majoritaires en nombre contre le mariage gay, pouvaient élargir leurs justes revendications sociétales en étant solidaires des classes défavorisées : ils ne l’ont pas fait. Dans ces conditions, « Jour de colère » ne pouvait qu’éclater. Et croyez-moi, même sans votre aval, cette résilience n’a pas fini de s’étendre.
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