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dimanche, 10 janvier 2016

COEURS REBELLES AU LIBAN

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Georges Feltin-Tracol

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Quand parut en avril – mai 2014 le premier numéro des Cahiers d’histoire du nationalisme sur Léon Degrelle et le rexisme, les quatre numéros suivants étaient déjà annoncés. Le troisième, sous la direction de Francis Bergeron, concernait les volontaires français partis pour le Liban en 1976. Mais il ne sortit jamais, remplacé par « Jacques Doriot et le PPF ». Roland Hélie avait entre-temps reçu le manuscrit d’Emmanuel Albach qui, avec son camarade Philippe, furent les premiers Français à rejoindre les Kataëb de la famille Gemayel.

En français, Kataëb se traduit par « Phalanges libanaises ». Fondées en 1936 par Pierre Gemayel sur une ligne nationaliste conservatrice après avoir assisté aux Jeux Olympiques à Berlin, les Phalanges réclament l’indépendance d’un État libanais alors sous mandat français. Il est très probable d’y voir dans cette appellation l’influence de la Phalange espagnole de José Antonio Primo de Rivera. Si, au cours de la Seconde Guerre mondiale exista brièvement en Tunisie une Phalange africaine réunissant des Pieds-Noirs partisans de la Collaboration, le Chili connut de 1936 à 1957 une Phalange nationale dont la doctrine naviguait entre la doctrine sociale de l’Église, Salazar, le chancelier « austrofasciste » Dollfuss, le corporatisme, l’alliance avec le Front populaire local, le philosophe français Jacques Maritain et la démocratie chrétienne latino-américaine considérée alors comme une  « troisième voie » sud-américaine…

La guerre d’un autre temps…

Le récit autobiographique d’Emmanuel Albach (NDLR : en photo à Beyrouth en 1976 ci dessus) n’évoque pas ces péripéties politologiques. Il nous plonge en revanche dans un autre temps en pleine Guerre froide quand l’Union Soviétique atteint son apogée. Entre 1975 et 1990, le Liban pâtit d’une terrible guerre civile avec l’implication militaire, directe ou non, de la Syrie, d’Israël, de l’Iran, des États-Unis, de la France et de l’ONU. Le conflit éclate au printemps 1975 quand l’armée libanaise cherche à faire respecter la souveraineté libanaise aux groupes armés palestiniens. Ceux-ci n’apprécient pas la pression, répliquent et provoquent la riposte des milices chrétiennes qui luttent très vite non seulement contre les unités palestiniennes, mais aussi contre les bandes armées progressistes et d’autres minorités confessionnelles dont les Druzes. Le Liban est l’exemple typique de l’échec du multiculturalisme, y compris autochtone, quand l’État est faible et miné par des influences étrangères redoutables.

Quand les deux Français arrivent à Beyrouth au début de l’année 1976, les phalangistes et les « Tigres », la milice du Parti national-libéral du clan anglophile Chamoun, guerroient contre les Palestiniens et les Arabes progressistes sunnites. En cette époque maintenant éloignée où n’avait pas eu lieu la Révolution islamique en Iran, les chiites libanais sont marginalisés. « Pauvres parmi les pauvres, écrit l’auteur, les chiites sont restés en dehors de la guerre. Ils ne manquent pourtant pas de motivations puisque nombre d’entre eux étaient paysans au Liban du Sud avant d’être chassés par les Palestiniens de leur région ancestrale, et qu’on nomme maintenant “ Fatahland ”. Mais les moyens financiers leur font gravement défaut. Ils n’ont pas su encore intéresser de sponsor étranger. Patience ! Et ces gueux de Beyrouth trouveront bientôt leurs commanditaires. Téhéran aura son pion sur le damier libanais (p. 37). » Cependant, dès 1974, venait d’être fondé à la demande du marja (guide spirituel) Moussa Sadr, disparu en 1979 en Libye, le mouvement Amal pas encore décisif. Quant au Hezbollah, sa fondation remonte à 1982.

Les deux étudiants français sont interrogés par des phalangistes perplexes. Un jour, ils rencontrent Bachir Gemayel, le jeune chef militaire des Phalanges. Face à ce double témoignage de Français prêts à se sacrifier pour une cause qui n’est pas la leur, le jeune chef, bouleversé, leur lance : « Merci, merci ! Vous savez, nous aimons tant la France ! Elle est notre mère ! Et ce n’est pas une image pour nous. Alors, qu’elle nous abandonne, ça nous fait mal, très mal. Grâce à vous, nous nous sentons un peu moins seuls ce soir. Merci ! (p. 67) »

Quelques mois plus tard, Emmanuel Albach ne retourne pas au Liban seul. « Avec Pierre, Jacques et Francis étaient de la première fournée. Francis militait chez les solidaristes et passait beaucoup de temps à faire passer des samizdats en URSS. […] Il fait le voyage à Moscou en deux-chevaux, le coffre bourré de littérature interdite. Jacques, fleur de lys au revers du blouson de cuir, était son alter ego dans le militantisme politique, même s’il n’avait pas tout à fait les mêmes références. […] Franck, Bertrand et Gérard, étaient les autres recrues de notre petite légion française (pp. 112 – 113). » L’auteur souligne que cet engagement en Orient toucha tout particulièrement deux courants de la grande mouvance nationale : des royalistes souvent issus des organisations héritières de l’Action française comme le narre Christian Rol dans son roman biographique sur René Resciniti de Says, Le roman vrai d’un fasciste français (La manufacture des livres, 2015) et des militants solidaristes. Emmanuel Albach rencontre parmi ces derniers Stéphane Zenettacci, tombé le 19 juillet 1976 dans le camp palestinien de Tall El Zaatar. « C’est un gars singulier, un drôle de petit Corse qui danse avec aisance sur le fil de son existence. Un gars aussi, qui dispose d’une sorte de pouvoir. Il agit comme une boule de chaleur humaine, attirante et explosive aussi, qui vous enveloppe dans ses rayons, qui vous emporte d’un coup dans une vague submergeante de séduction, un mélange irrésistible de gentillesse et de générosité, de gestes amicaux, instinctivement fraternels, une pression de la main sur l’épaule, un regard complice, intime, qui quête votre amitié et l’obtient sans coup férir, parce que ça paraît lui faire tant plaisir que vous l’aimiez bien, cela semble si fondamental soudain, pour ce fou charmeur, que vous lui prouviez votre affection… (pp. 198 – 199) » C’est aussi une personnalité impétueuse qui trouve les Kataëb trop timorés et suggère de rallier les « Tigres » de Chamoun, prêts à prendre d’assaut Tall El Zaatar.

Foin du romantisme guerrier !

En mettant ses idées au bout de sa peau, Emmanuel Albach, désormais président de l’Amicale des anciens volontaires français au Liban (AAVFL), aurait pu écrire un texte épique, héroïque, guerrier, exaltant tel Jünger dans Orages d’acier la « Guerre notre mère ». Il n’en est rien ! Son livre dépeint la réalité sordide de la guerre, civile qui plus est : les obus ou les balles des snippers fauchent les civils malchanceux ou imprudents. L’auteur n’écarte pas ses émotions. « Il me manquait l’angoisse et la peur. Depuis j’ai connu bien des nuits de terreur (p. 44). » On a l’impression, vu de France, que le conflit libanais était une sorte de guerre médiévale. Peut-être, mais, pour l’auteur, « ni fraîche, ni joyeuse, cette guerre-là… (p. 171) ». Il ajoute en outre que « les films n’exposent de la guerre que ses aspects les plus spectaculaires : le feu, le sang, les cris, et jamais – ou si peu – le quotidien du combattant en lutte incessante contre une foultitude de petites contradictions qui lui rendent la vie bien plus agaçante que tous les obus du monde. La mauvaise nourriture, les odeurs répugnantes, les vêtements toujours imprégnés de sueur ou de crasse, le soleil trop chaud, la nuit trop froide, les moustiques hystériques, la promiscuité de l’abri exigu où le court repos est gâché par les pets impudents des voisins ; le réveil lourd, l’estomac dans les talons ; la soif que l’on étanche bêtement à un tuyau crevé en sachant parfaitement qu’on se gave d’amibes ; et les maux d’intestins qui en résultent, vous prenant parfois au si mauvais moment qu’on est obligé de baisser son froc à cinq mètres de la barricade pour revenir plus vite y reprendre sa place. À la guerre les chiottes sont rares et il n’y a jamais de papier (p. 187) ».

Malgré la tragédie quotidienne subsistent néanmoins des instants magiques d’humanité. Le jeune Fadi se prend d’amitié pour l’auteur et veille parfois en sa compagnie la ligne de front. Emmanuel Albach rencontre aussi l’amour dans les rues dangereuses de la capitale libanaise. Une lycéenne blonde aux yeux « vert-émeraude (p. 79) », Lucie, s’éprend de lui ! Son jeune frère, Lucien, est par ailleurs un grand copain de Fadi ; tous les deux montent presque un complot matrimonial pour permettre à Emmanuel de rencontrer la belle chez une tante complaisante. L’auteur dînera ensuite chez les parents de la demoiselle. On reste cependant déçu de ne pas connaître le dénouement final de cette intrigue amoureuse…

Beyrouth 1976 est l’un des tout premiers témoignages d’une aventure guère connue en France qui date maintenant de quatre décennies si l’on excepte quelques brèves allusions dans la biographie écrite par Christian Rol, les célèbres Rats noirs de Grégory Pons et un article de Rémy Drelon-Mounier, « Vacances au Liban » paru dans Historia spécial n° 406 bis (3e trimestre 1980). Dans cet article, Emmanuel Albach y est présenté en tant qu’Éric Paulin. D’autres récits seraient bienvenus pour mieux connaître ce geste superbe, gratuit et valeureux qui ne doit pas s’effacer pas des mémoires. Un autre engagement mériterait lui aussi d’être salué : celui des volontaires nationalistes français qui apportèrent dans la jungle birmane aux résistants karens la croix celtique. La seconde moitié du XXe siècle fourmilla de dignes héritiers du chevalier Bayard.

Diapositive1.jpgEmmanuel Albach, Beyrouth 1976. Des Français aux côtés des Phalangistes, Les Bouquins de Synthèse Nationale (116, rue de Charenton, 75012 Paris), 2015, 267 p. (avec un cahier photographique), 22 € + 3 € de port

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