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vendredi, 29 janvier 2016

Du bon usage de la fonction hospitalière

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Dr Bernard Plouvier

En ce mois de janvier 2016, comme pour reposer l’opinion publique des ignominies islamiques en Europe occidentale, la presse bruit du triste comportement de jeunes stagiaires affecté(e)s en services hospitaliers consacrés aux déments et débiles mentaux. Et ceci pose de nombreux problèmes, sans commune mesure avec la simple répulsion provoquée par les sévices physiques et moraux infligés aux patients. S’indigner est chose aisée ; éviter les récidives est plus utile ; réformer est indispensable.

D’abord, il convient de déterminer quels idiots administratifs ont pu exposer sans examen psychologique préalable des adolescents, et surtout des adolescentes de 16-17 ans, au contact effrayant d’humains qui n’en sont plus vraiment malgré les apparences, ayant perdu ce qui nous différentie des autres espèces animales : le cerveau… certes imparfait, mais avec ses six couches de neurones du néocortex, il est ce que l’évolution des espèces animales a fait de mieux pour l’instant.

On a osé, par l’effet d’une irréflexion et d’une irresponsabilité qui confinent au pur crétinisme, mettre des gamines, qui rêvent du prince charmant qui les couvrira de baisers, voire de bijoux, des idiotes à peine sorties du monde merveilleux de Walt Disney et des bisounours, qui ne pensent qu’à flirter et regarder des téléfilms made in USA débiles et sirupeux, en relation immédiate avec des « enveloppes corporelles » vidées de ce qui fait l’essence de l’être humain. Comme l’écrivait Erich-Maria Remarque (in L’Obélisque noir) à propos de débiles mentaux et de déments : « à côté de ces monstres, les animaux sont des dieux ».

Le contact avec déments, psychotiques graves et débiles profonds est déjà un traumatisme pour un étudiant en médecine lors de ses premiers stages hospitaliers (en 3e et 4e années d’études)… alors plonger gamins et gamines dans cet enfer terrestre est une absurdité, une erreur grotesque qui, dans notre monde où grâce aux téléphones-appareils photo et vidéo portables chacun peut se croire devenu le nombril du monde, débouche sur la mise en scène de sottises qui dégénèrent vite en cruautés. Plutôt que de se référer à la supercherie psychanalytique, il suffit de se remémorer La Fontaine : « Cet âge est sans pitié »… et il évoquait des gamins de moins de 10 ans ; chacun sait que les « ado » sont pires.

Depuis la fin des années 1980, les administratifs ont progressivement imposé leur dictature dans les hôpitaux, passant du rôle de gestionnaire, plus ou moins habile et mégalomaniaque, mais toujours carriériste, à celui de « chef » omnipotent, tenu en bride, exclusivement pour la question financière, par « l’autorité régionale de santé » (qui change d’appellation toutes les décennies). Le médecin chef de service, considéré comme un gêneur, est informé une fois prises les décisions, et l’infirmière-surveillante, autrefois associée aux médecins, a été placée dans la mouvance administrative, au point que certaines surveillantes ne font même plus la visite des malades avec les médecins !  

Les abominations, qui ont indigné l’opinion à juste titre, doivent servir à autre chose qu’alimenter les jérémiades sur le passé et « la jeunesse dépravée actuelle »… lamentations d’autant plus déplacées que c’est la société que nous avons créée ou tolérée qui a façonné cette jeunesse. Les « dysfonctionnements » (c’est le terme administratif pour désigner une faute, une carence d’encadrement ou tout autre accident) témoignent de l’absurdité kafkaïenne de notre système hospitalier.

Il est temps de se souvenir qu’un hôpital n’est pas « une affaire à gérer comme n’importe quelle entreprise » (paroles très souvent entendues depuis les années 1995 sq. par l’auteur, chef de service hospitalier durant trente années), mais une structure de soins, physiques et mentaux. C’est d’abord et avant tout le médecin qui soigne, étant seul habilité à établir les diagnostics, à prescrire les thérapeutiques et à juger de l’évolution… même si certaines infirmières ont voulu usurper ces fonctions, selon le schéma du principe de Peter qui veut que chaque acteur de la comédie humaine s’élève jusqu’à son plus haut degré d’incompétence.

L’ignominie récente doit être l’occasion de prendre conscience des dangereuses dérives administratives et financières qui ont présidé à la « politique hospitalière » des deux dernières décennies. Les soins sont d’abord et avant tout affaire de médecins. C’est au chef de service et à la véritable surveillante de soins de décider qui il faut affecter aux « endroits sensibles » et qui doit en être exclu. Les administratifs doivent se contenter du rôle de gestionnaires et non de celui de dictateurs, singulièrement à propos de sujets dont ils ignorent tout.

07:41 Publié dans Tribune de Bernard Plouvier | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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