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mercredi, 10 février 2016

Réflexions inexpertes sur le droit de grâce

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Dr Bernard Plouvier

L’auteur n’étant pas un juriste, ses réflexions sur un sujet qui touche à l’interférence entre des pouvoirs d’essences (en principe) différentes ne peuvent qu’être impertinentes… le lecteur est donc averti d’entrée de jeu.

L’histoire nous enseigne que ce droit fut, toujours et partout, un droit régalien, c’est-à-dire exclusivement dévolu au titulaire du pouvoir exécutif… c’est dire à quel point ont erré le vieux Cicéron, qui a tenté de nous faire accroire que les armes cédaient devant la toge du magistrat, ou ce lourd Montesquieu (pas celui des Lettres persanes, l’autre – celui qui était président à mortier et nous asséna son Esprit des lois) qui s’est littéralement moqué des gens d’esprit avec sa « séparation des pouvoirs ».

L’un et l’autre de ces jurisconsultes éminents, dont la mémoire a défié les siècles, savaient pertinemment qu’ils mentaient, l’expérience leur ayant forcément appris que le Droit n’est jamais que l’expression policée de la Force. D’ailleurs chaque révolution, chaque guerre, chaque mutation socio-économique (pour user du jargon des sociologues) amènent leurs innovations dans le Droit civil, pénal et criminel et même dans le Droit international.

Changeant et mouvant dans ses principes et plus encore dans leur application, le Droit est non pas une constante – c’est à l’équité qu’est dévolue cette permanence universelle et diachronique -, mais une variable, voire une girouette évoluant au gré des vents dominants des dogmes politiques, des croyances religieuses ou de l’opportunité sociale.

Gracier un ou une condamné(e) ou commuer sa peine (ce sont deux choses différentes, car la véritable grâce est la remise totale de la peine) forment ce qu’il est convenu d’appeler le droit de grâce.

Curieusement, ce droit n’a jamais été octroyé à un groupe de savants magistrats. En toute logique, la victime ou, à défaut, sa famille devraient être entendues, car s’il y eut condamnation d’un accusé, il y eut aussi une victime… ce que l‘on oublie de plus en plus dans notre société post-soixante-huitarde, où toutes les valeurs classiques sont, non pas oubliées, mais systématiquement et volontairement inversées.

Le droit de grâce est constitutionnellement dévolu au chef de l’État qui est très rarement un juriste de formation, mais qui est constamment un politicien, soit un individu très sensible aux bruissements de l’opinion publique, façonnée pour les faits divers par les journalistes (c’est le seul privilège qui reste à ces auxiliaires du véritable Pouvoir – de nos jours : le pouvoir économique – et dont la rémunération et la notoriété dépendent directement des services rendus aux titulaires du Pouvoir).

En matière de faits divers sans retentissement politique ni économique, les journalistes sont libres de laisser vagabonder leur imagination. Ils peuvent ainsi transformer un coupable en victime d’erreur judiciaire (variante : victime d’acharnement judiciaire, quand la culpabilité est trop évidente pour être entièrement niée… mais tout est permis à qui entre dans le monde merveilleux des « circonstances atténuantes »). Parfois même, un journaliste plus inventif que ses confrères refait l’instruction de l’affaire à sa façon, transformant une victime en bourreau (variante : pédophile, ivrogne, incestueux, voire simplement autoritaire… bref tous les ingrédients de la supercherie psychanalytique, ce qui est un raffinement suprême dans l’argumentation, la friandise pour public ignare, ne demandant qu’à être ému).

Ainsi ficelé, le dossier transforme le condamné en victime-justicier et la victime initiale en abominable individu. Ne manque plus que la touche finale de démagogie : le grave chef de l’Etat qui s’est penché des nuits durant sur l’épineux dossier… avant d’octroyer ou de refuser le fameux droit en fonction de l’état de l’opinion publique. Car la mascarade judiciaire – c’en est une que de revenir sur un jugement d’Assises, suivi d’une confirmation en Cour d’appel – a pour unique finalité, non pas cette équité, trop sublime pour être humaine, mais une remontée de la cote de popularité du « chef ».

Cette popularité est indispensable à l’autocrate pour éviter l’insurrection des mécontents et des ambitieux qu’il craint constamment. Elle est tout aussi nécessaire au Président d’un régime dit démocratique, qui est presque toujours un candidat potentiel aux prochaines élections. Balzac l’a écrit : notre vie n’est que « Comédie humaine 

Les noms et les œuvres de messieurs Cicéron et Montesquieu ont défié le temps, peut-être parce qu’ils étaient de grands naïfs (c’est peu probable pour le premier cité puisqu’il fit une grande carrière de politicien aux opinions et allégeances mouvantes), ou plus simplement parce qu’ils ont menti avec panache, nous faisant croire en l’équivalence des termes Équité et Justice. On attend encore le régime politique qui sera fondé sur cet idéal et l’être d’exception qui en imposera l’application.    

12:47 Publié dans Tribune de Bernard Plouvier | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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