lundi, 26 août 2019
Il faut sauver nos campagnes !
Il n’y aura pas de “gilets verts” après les “gilets jaunes” », affirme Christiane Lambert, la présidente de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Les agriculteurs ne monteront pas de barricades à la rentrée, pas plus qu’ils ne viendront, sur leurs tracteurs, dire leur colère à Paris. Et pourtant. Les difficultés s’accumulent et la matière à explosion sociale existe. L’inquiétude est là, qui grandit et trouvera en son temps une forme d’expression, qui surprendra les politiques et les Français dans leur ensemble. Comme toutes les incompréhensions, mal perçues, mal analysées, mal traitées. Ou trop tard.
Le climat dans les campagnes s’est considérablement détérioré. Et pas seulement la météo. Les relations sociales entre agriculteurs et leurs voisins atteignent parfois des niveaux d’exaspération encore peu connus.
Les intrusions dans les exploitations agricoles, les actes de vandalisme, les insultes, les discussions houleuses qui tournent mal et qui vont jusqu’à l’agression physique se multiplient. Parfois sur la base de mauvaises interprétations des activités auxquelles se livrent les agriculteurs, violemment attaqués parce que leurs voisins pensaient qu’ils étaient en train d’épandre des pesticides. Des cartes stigmatisant les élevages de porc en attente de feu vert à leur agrandissement ont été publiées sur Internet. Les mises en cause verbales se font aussi dans les magasins ou sur les marchés.
Climat délétère
Sécheresse et canicule sont arrivées dans ce climat délétère. Des mois sans eau ont jauni les campagnes, asséché les réserves d’eau et engagé les éleveurs dans une course épedue à la recherche de fourrage pour le bétail. Au total, 86 départements ont été frappés par le manque d’eau. Le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, a autorisé 69 départements à utiliser les jachères pour nourrir les bêtes. « Tout cela arrive trop tard, commente Christiane Lambert. Les prairies sont marron. Cela casse le moral des éleveurs. » Le déficit hydrique et le manque de nourriture ont ralenti la croissance des animaux. La mortalité des volailles dans les poulaillers a atteint des niveaux très élevés. Les trésoreries souffrent.
Des aides viendront. Mais à quelle hauteur ? Et quand ? Dans le meilleur des cas pas avant des mois, car les arbitrages ne seront rendus qu’en octobre. Les agriculteurs réclament moins de rigidité dans les règles de l’irrigation et de la création de réserves d’eau. La Hongrie et la Pologne ont accru leurs capacités de stockage de 13 %. L’Espagne de 29 %. En France de... 1,9 %. Les exploitants ne comprennent pas l’acharnement de l’administration tricolore à toujours exiger plus que ne le demande l’Europe.
Les distorsions de traitement au sein de l’UE sont ressenties comme autant d’injustices et de freins inopportuns alors que l’agriculture française perd en compétitivité. Tout comme l’ouverture des frontières à des centaines de milliers de tonnes de viande en provenance du Canada, via l’accord du Ceta, et du Brésil, via le Mercosur. L’idée que la France accepte de faire entrer des denrées si lointaines produites dans des conditions très différentes des attentes des consommateurs, en matière de pesticides, de farines animales, de bien-être, est d’autant plus difficile à admettre pour les agriculteurs que cela intervient en plein débat sur la taxe carbone.
Source : Les Echos 26/08/2019
08:18 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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