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samedi, 15 juin 2024

Entretien avec Marion Maréchal publié dans Valeurs actuelles

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Par Sébastien Lignier

Valeurs actuelles cliquez ici

Que ressentez-vous après la décision d’Eric Zemmour de vous exclure de Reconquête ? Des regrets face à ce qui a ressemblé à un grand déballage en public ou un soulagement de mettre derrière vous une aventure qui aura été douloureuse ?

Marion Maréchal. C’est évidemment un immense gâchis, mais aussi beaucoup de tristesse. Je n’avais pas fait un choix aussi difficile lors de la présidentielle de 2022, en imaginant une telle issue. Néanmoins j’assume mes responsabilités.

Oui après le malheureux échec d’un accord entre le RN et Reconquête deux options s’offraient à nous : soit nous présentions malgré tout un maximum de candidats Reconquête aux législatives au risque que ces candidatures de division renforcent la coalition des macronistes et celle de l’extrême gauche, soit nous renoncions à présenter des candidats et nous soutenions les candidats de la coalition Bardella-Ciotti.

Éric Zemmour a choisi unilatéralement la première option. J’ai choisi la deuxième car je considère que l’intérêt du pays doit primer sur l’intérêt des partis. Je ne prendrai pas la responsabilité que des candidatures Reconquête coûtent les quelques députés qui pourraient faire la différence pour que le bloc national l’emporte. J’ai passé la campagne des européennes a alerté les Français sur le risque de disparition de notre pays. Il faut être cohérent et nous hisser à la hauteur des évènements.

La menace est immense, le 7 juillet ce sera soit le bloc national soit l’extrême gauche coalisée. L’espoir ou le cauchemar.

A titre personnel, je regrette les mots inutilement blessants de « trahison » et de « regroupement familial des Le Pen » employés par Éric, tout comme je regrette qu’il ait tenté de ramener un désaccord politique de fond entre nous à une simple question familiale entre Marine Le Pen et moi. C’est sans doute facile à vendre, et plus confortable, mais ça n’en est pas moins faux. 

Laurence Trochu, Nicolas Bay ou Guillaume Peltier ne sont pas les neveux et nièces de Marine Le Pen ; deux d’entre eux sont issus de LR et ont occupé des fonctions auprès de Nicolas Sarkozy ou François Fillon. Et pourtant, tous les trois étaient à mes côtés pour lancer notre appel à refuser la division et à soutenir les candidats d’union LR-RN pour battre Macron et la coalition d’extrême gauche.

Le président de Reconquête vous accuse d’avoir négocié « en catimini » avec le RN, sans jamais lui en avoir rendu compte. Que répondez-vous à ces accusations ?  

Il a été informé immédiatement de ma volonté de négocier puisque j’ai lancé un appel à Marine Le Pen, Éric Ciotti et Nicolas Dupont-Aignan le soir même de mon élection, dimanche soir.

Dès lundi je rencontrai publiquement Marine Le Pen et Jordan Bardella tandis que la direction de Reconquête, sans nous prévenir, mobilisait déjà les fédérations du parti pour préparer des candidatures.

J’ai réclamé la réunion d’un Bureau exécutif de Reconquête! dès lundi soir pour justement faire état des échanges lors de cette rencontre. J’ai dû insister pour qu’il soit réuni, et lorsque ce fut finalement le cas mardi après-midi, c’était en fait déjà trop tard : malgré mes efforts, l’accord n’avait pas pu aboutir.

Éric Zemmour est-il devenu selon vous un frein à « l’union nationale » qui s’organise autour du Rassemblement national ?

Pendant toute la campagne des élections européennes, j’ai souhaité concentrer mon énergie et mes attaques vers le camp macroniste et les candidats de gauche. J’ai toujours distingué les concurrents des adversaires, ce qui ne m’a pas empêché de marquer clairement ce qui nous distingue politiquement du RN.

Dans une forme de campagne parallèle, assez désagréable et brouillant le message, des attaques bien plus violentes, parfois même caricaturales ou outrancières, ont été développées dans les médias ou sur les canaux numériques du parti par la présidence du mouvement et une partie de la direction.

Je considérais pour ma part qu’elles étaient non seulement inopérantes électoralement – cinq minutes passées sur un marché suffisaient à convaincre que ce n’était pas ce que souhaitaient les électeurs – mais qu’en plus cela pouvait contribuer à rendre difficiles les nécessaires synergies à venir.

Je ne peux que constater que la suite des événements, et le refus du RN de conclure un accord avec Reconquête en raison de l’attitude d’Éric Zemmour, m’ont donné raison. Je le regrette profondément car les électeurs de Reconquête auraient mérité d’être représentés dans cette coalition des droites par un accord électoral respectueux du courant de pensée que nous représentons.

Combien de personnalités politiques issues de l’écosystème Reconquête sont prêtes à vous rejoindre ?

Les cadres, militants et adhérents de Reconquête sont des gens admirables. Cette rupture soudaine est humainement très difficile pour beaucoup, surtout après 9 mois d’une campagne européenne où ils se sont beaucoup donnés. Je comprends que certains aient encore besoin de temps pour mesurer les enjeux et prendre position.

Depuis notre appel à refuser la division et soutenir les candidats de l’union nationale, désormais relayé sur le site jesoutienslunion.frdéjà près de la moitié des délégués départementaux ont manifesté, à divers degrés, leur soutien.

Certains ont démissionné, en réaction à notre exclusion, d’autres encore ont fait part de leur refus de présenter des candidats dans leur département. Par ailleurs, notre appel a aussi été rejoint par de nombreux élus de Reconquête, parmi lesquels le sénateur des Bouches-du-Rhône, Stéphane Ravier.

Au-delà des cadres, nous avons eu des milliers de témoignages spontanés de soutien, venant d’ailleurs bien entendu de nos rangs, mais aussi de sympathisants RN ou LR.

À titre personnel, vous avez annoncé votre intention de ne pas vous présenter aux législatives. Pourquoi ? Quelle sera votre place dans la campagne qui s’ouvre ?

Je ferai campagne, tant dans les médias qu’auprès des Français, pour faire gagner le bloc national et battre le bloc macroniste et l’extrême gauche. Je ne serai en revanche pas candidate, car j’ai été élue au Parlement européen par 1,4 million de Français voici à peine 5 jours. C’est cette mission qu’ils m’ont confiée que je veux assurer en priorité.

Avec nos trois autres députés européens, je ferai la semaine prochaine mes premiers pas à Bruxelles, où j’ai hâte de retrouver nos alliés du groupe des Conservateurs et de me mettre au travail pour défendre notre civilisation et les intérêts de la France. Dans tous les cas, je n’abandonne pas les Français qui m’ont fait confiance et continuerai de mener les combats nécessaires.

Vous avez toujours assumé votre refus de revenir au RN. Votre position peut-elle évoluée au vu de la situation politique inédite ?

Je le redis clairement : mon soutien aux candidatures du bloc national ne signifie pas mon ralliement au parti Rassemblement national, contrairement à ce qui a pu être dit par certains. Je n’ai pas dévié de mon projet :  bâtir la force de droite authentique qui manque à notre pays.

Une force clairement attachée à la préservation et la transmission de notre identité, tout en assumant une vision économique de droite et défendant nos valeurs face à toutes les formes de déconstruction. Une force qui travaille à l’union nécessaire pour assurer la victoire, comme c’est le cas dans tous les pays d’Europe où des coalitions des droites, portant des idées proches des nôtres, gouvernent désormais.

C’est dans cette optique que j’ai rejoint Eric Zemmour lors de l’élection présidentielle, c’est dans cet objectif que je me suis investie dans Reconquête! ensuite, c’est pour cela que j’ai mené notre liste lors des élections européennes. Et je continuerai à travailler dans cette direction avec tous ceux qui partagent cet objectif.

En faisant le choix de l’union, je reste fidèle à la promesse initiale de Reconquête et comprends d’autant moins mon exclusion du parti suite à ce choix. Personne n’oublie qu’Éric Zemmour, lui-même et c’est tout à son honneur, a prôné pendant vingt-cinq ans l’union des droites. Je regrette qu’en cet instant historique où il faut la mettre en place en unissant les forces et les votes, il veuille l’empêcher en présentant malgré tout des candidats Reconquête.

Comment réagissez-vous à la décision d’Eric Ciotti de s’allier au Rassemblement national…et au psychodrame au sein des Républicains à la suite de cette annonce ? L’heure de vérité a-t-elle sonné pour la droite ?

Je salue cette décision courageuse, attendue par de nombreux électeurs de LR et démontrant le fossé existant désormais avec la majorité des dirigeants de ce parti, y compris ceux qu’on aurait imaginés plus solides et cohérents face aux événements.

Désormais les masques tombent chez LR entre ceux qui ont vraiment à cœur l’intérêt de leur pays et ceux qui en sont encore aux petits calculs personnels et politiciens.

21:32 Publié dans Législatives 2024, Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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