dimanche, 08 décembre 2024
La chute de Bachar el-Assad : leçons d’un effondrement
En l’espace de dix jours, les rebelles syriens, bien armés mais surtout déterminés, ont franchi les lignes de défense d’Alep pour finalement s’emparer de Damas sans rencontrer de résistance sérieuse. Ce dénouement brutal marque la fin du régime de Bachar el-Assad, un régime qui, voici encore quelques années, semblait solidement établi après avoir repoussé les islamistes dans des batailles acharnées. De la reprise de la banlieue de Damas à la reconquête de Homs et d’Alep, l’armée arabe syrienne s’était imposée comme un rempart pour les minorités religieuses face au djihadisme. Pourtant, elle a aujourd’hui disparu aussi rapidement qu’elle avait triomphé.
Cette chute spectaculaire soulève une question fondamentale : pourquoi certains régimes s’effondrent-ils tandis que d’autres sont écrasés ? L’histoire récente et lointaine offre des exemples éclairants.
Régimes écrasés : des défaites par la force
Certaines puissances ont été détruites par des interventions militaires massives ou des guerres totales. L’État islamique, qui avait instauré un « califat » au nord de l’Irak et en Syrie, a été éradiqué par une coalition internationale. De même, l’Allemagne nazie fut anéantie en 1945, après une guerre qui mobilisa des millions de soldats et la puissance industrielle du monde anglo-saxon et de l’Union soviétique. Plus loin dans le temps, les États confédérés d’Amérique furent défaits en 1865 après quatre années de guerre civile acharnée. Ces exemples illustrent des régimes qui ont combattu jusqu’à la destruction totale, souvent parce que leur idéologie ou leur système rencontraient une profonde adhésion populaire.
Régimes effondrés : l’absence de résistance
À l’opposé, certains régimes se sont effondrés sans réelle défaite militaire. Ce fut le cas de la France coloniale en Algérie en 1962, de l’Afrique du Sud de l’apartheid en 1994, ou encore de la Rhodésie en 1979. Ces régimes se sont délités, rongés par des contradictions sociales, des pressions internationales ou un manque de soutien intérieur. Leur défaite n’était pas sur les champs de bataille mais dans la perte de légitimité auprès de leur propre population et sur la scène internationale.
Le cas de l’Iran impérial en 1979 est tout aussi révélateur : le régime du Shah, pourtant bien armé et soutenu par les puissances occidentales, s’est effondré face à une révolution populaire largement imprévue. Ici, l’absence de mobilisation populaire au profit du régime a précipité sa chute.
Les régimes minés par le front intérieur
D’autres régimes ont été détruits par l’érosion du soutien intérieur en temps de guerre. La République du Sud-Viêt Nam en 1975 a vu son effondrement précipité par l’abandon progressif de son allié américain et par un soutien populaire en berne. L’Allemagne impériale en 1918 et l’Italie fasciste en 1943 ont également succombé à l’effondrement de leur front intérieur. Dans ces cas, les dirigeants n’ont pas su mobiliser la population pour poursuivre l’effort de guerre, laissant place à la résignation, voire à l’hostilité.
Leçons de la chute d’Assad
L’effondrement du régime syrien illustre un phénomène similaire. L’armée arabe syrienne, autrefois victorieuse, semble avoir perdu le soutien et la motivation de ses soldats et de sa population. Les défaites militaires ne sont souvent que l’aboutissement d’un processus plus profond : la perte de légitimité et de cohésion au sein d’un régime.
En dirigeant un pays comme on commande dans une caserne, sans impliquer véritablement la population dans les choix politiques, un régime s’expose à l’effondrement. L’armée peut se battre héroïquement pendant un temps, mais sans un soutien populaire durable, elle finit par s’épuiser. Plus encore, lorsque les dirigeants partagent tacitement ou explicitement l’idéologie du mondialisme – comme ce fut le cas en Afrique du Sud ou en Rhodésie – les soldats et les citoyens perdent tout intérêt à poursuivre un combat auquel leurs élites politiques ne croient plus.
Le rôle central de la politique
L’histoire nous enseigne que la survie des régimes face aux crises, qu’elles soient militaires ou politiques, repose sur deux piliers fondamentaux : la mobilisation populaire et une éducation politique cohérente. Sans politique claire, sans idéologie mobilisatrice et sans une compréhension partagée des enjeux, un régime ne peut résister aux pressions extérieures ou intérieures. Éduquer politiquement le peuple ne signifie pas simplement lui dicter des slogans, mais lui faire comprendre pourquoi il se bat, pourquoi il endure, et quel futur il construit.
Le contraste entre les batailles acharnées menées par l’armée syrienne il y a quelques années et son effondrement soudain aujourd’hui est un rappel poignant : les victoires militaires ne garantissent pas la pérennité d’un régime si celui-ci ne parvient pas à fédérer sa base sociale. En Syrie comme ailleurs, c’est la politique qui fait la différence entre un régime qui tombe et un régime qui résiste.
18:01 Publié dans Tribunes libres | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
Les commentaires sont fermés.