vendredi, 25 avril 2025
Tripatouillage dans nos communes !
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Le Parlement français a le sens de l’urgence politique et du salut public. Alors que le pays traverse une insécurité endémique, un endettement considérable et un effondrement de son niveau scolaire, les députés viennent d’adopter de manière définitive une proposition de loi d’une importance cruciale, majeure, voire vitale.
Ce 7 avril 2025, par 206 votes pour, 181 contre (principalement issus des groupes RN, LR et UDR) et 25 abstentions (où étaient donc les 165 absents ?), l’Assemblée nationale approuve donc un texte qui renforce la parité dans les fonctions électives et exécutives dans les petites communes et ce, à moins d’un an des élections municipales. Cette nouvelle loi impose la parité femmes - hommes dans les communes de moins de mille habitants. Cette catégorie représente 70 % des municipalités françaises. Elle bouleverse bien des habitudes électorales.
Jusqu’à présent, l’élection du conseil municipal se déroulait au scrutin majoritaire plurinominal à deux tours avec la possibilité de panacher, c’est-à-dire de rayer le nom de certains candidats. Le panachage disparaît avec l’introduction prévue par cette loi d’un vote par liste bloquée. « Le scrutin de liste est une invitation à la clarté et une manière d’affirmer que le collectif prime sur l’individuel. C’est une façon de mieux protéger les élus », déclare en séance la députée MoDem du Puy-de-Dôme, Delphine Lingemann. Or qui dit liste dit par conséquent parité. Sachant que la fonction de maire et de maire-adjoint dans une commune de petite taille démographique est souvent une tâche harassante, ingrate et peu rémunératrice, les volontaires, surtout féminines, font défaut. Toutefois, une enquête récente du Cevipof – Sciences Po sur l’état des maires à un an des élections montre que 37 % des édiles des communes de moins de 500 habitants souhaitent quand même se représenter.
Certes, la nouvelle loi estime qu’une liste sera réputée complète si elle compte jusqu’à deux candidats de moins que l’effectif entier inscrit dans le code électoral. Il faut signaler que l’Association des maires de France présidée par le maire LR de Cannes, David Lisnard, et l’Association des maires ruraux de France du maire vosgien des Voivres, Michel Fournier, soutiennent cette réforme plus que politiquement correcte. La conséquence sera qu’en 2026, de nombreux électeurs ne pourront choisir qu’une seule liste. Et la République hexagonale persiste à donner des leçons de démocratie à la terre entière…
Par-delà le fantasme paritaire, ce texte porte en lui deux répercussions insidieuses. La première verra un regroupement forcé de communes. Si aucune liste ne se présente dans la commune, la préfecture reporte d’un trimestre le scrutin municipal. Si, au terme de cette période, il n’y a toujours pas de candidat, la préfecture, après consultation du maire, des conseillers départementaux du canton, du député de la circonscription, des sénateurs et du conseil départemental, peut décider de la fusion de la commune avec l’une de ses voisines. Ainsi le nombre de communes françaises se réduira-t-il mécaniquement. On peut envisager que la fusion concerne trois, quatre ou cinq communes d’une même contrée.
La réduction du nombre de communes entraînera une diminution non négligeable du vivier des parrainages pour la présidentielle de 2027. Maints candidats traités de « petits » ont pu se présenter aux échéances précédentes grâce à la signature des maires ruraux. Moins nombreux, ceux-ci continueront-ils à signer en faveur d’un candidat de témoignage ? On en doute…
La même semaine, le Palais-Bourbon, toujours en pointe dans les sujets de préoccupation essentiels des Français, débattait de la proposition de loi organique révisant la loi Paris–Lyon–Marseille (PLM) de 1982. Dès 1983, et à la différence des autres communes, les électeurs des trois principales villes de l’Hexagone votent dans le cadre des arrondissements ou des secteurs (le secteur central réunit les Ier, IIe, IIIe et IVe arrondissements de la capitale et neuf secteurs regroupent chacun deux arrondissements à Marseille). Les premiers élus d’arrondissement (ou de secteur) siègent de droit par fléchage aux conseils municipaux parisien, lyonnais et marseillais. Cette procédure n’existera peut-être bientôt plus.
Adoptée en première lecture dernièrement par 183 voix pour, 33 contre et 17 abstentions, la proposition établit le même jour deux scrutins distincts : le premier pour le conseil d’arrondissement (ou de secteur) et le second pour le conseil municipal central. La députée MoDem du Rhône, Blandine Brocard, a essayé d’exclure Lyon de cette réforme, car les Lyonnais voteraient une troisième fois pour désigner le conseil métropolitain du Grand Lyon. Cela fait maintenant une décennie que la Métropole de Lyon, soit 58 communes, s’est détachée du département du Rhône dont elle a récupéré les attributions. Le Grand Lyon ignore le canton. La demande de Blandine Brocart n’a eu aucun succès auprès de ses collègues.
À la différence encore des autres communes, l’Assemblée nationale a abaissé la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête : 25% au lieu de 50%. Enfin, elle entérine – et c’est légitime ! - la modification de la répartition des conseillers par arrondissement (ou secteur) en tenant compte de l’évolution démographique. Ce point n’a jamais été révisé en 43 ans. Par exemple, les 6e, 7e et 9e arrondissements de Lyon comptent neuf conseillers municipaux centraux pour respectivement 50 700, 87 500 et 53 600 habitants ! Les distorsions de représentativité deviennent manifestes.
Le texte voté par les députés passera devant le Sénat à compter du 4 juin prochain. Les sénateurs ne sont guère favorables (doux euphémisme !) à cette révision qui secoue les états-majors politiciens. La mairesse PS de Paris sur le départ, Anne Hidalgo, s’y oppose alors que le maire proto-sociétaliste de Marseille, Benoît Payan, l’approuve. Quant à l’édile Vert de Lyon, Grégory Doucet, il la récuse. Les Républicains sont eux aussi divisés. Or le vote d’une loi organique nécessite un accord préalable entre les deux chambres.
La réforme de la loi PLM est louable, mais sa mise en œuvre relève de l’usine à gaz bureaucratique. Cette réforme écarte la question décisive de la répartitions des compétences entre la mairie centrale et les arrondissements (ou les secteurs). Elle n’aborde pas non plus les rapports institutionnels entre ces deux instances supposées coopérer au quotidien sur un territoire commun.
La reprise en l’aménageant de l’exemple électoral du conseil régional n’aurait-elle pas été meilleure ? En présentant sur un seul bulletin pour l’ensemble du territoire communal avec des sections pour les arrondissements (ou les secteurs), l’électeur ne risquerait pas de se perdre sans oublier que monter deux à trois bureaux de vote à un moment où manquent régulièrement des assesseurs devient dès lors une gageure difficile à surmonter.
Tels des Byzantins de 1453 dissertant sur le sexe des anges, à savoir la parité obligatoire dans les communes rurales et la réforme de la loi PLM, la soi-disant démocratie libérale encadrée par les partis démontre par ces deux actes toute sa nocivité. De pareilles balivernes cesseront aussitôt dans le cadre d’une démocratie organique souveraine structurée autour d’une aristocratie populaire authentique exigeante, disciplinée et ascétique.
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°153, mise en ligne le 23 avril 2025 sur Radio Méridien Zéro.
22:41 Publié dans Georges Feltin-Tracol | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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