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vendredi, 13 juin 2025

Douche glacée à Varsovie

La Pologne tient une présidentielle cruciale pour son rôle dans l'UE

Georges Feltin-Tracol

Les plumitifs de la presse subventionnée de grand chemin jubilaient le mois dernier. Satisfaite de la victoire présidentielle du maire libéral de Bucarest, le 18 mai, grâce à une forte ingérence numérique occidentale, française en particulier, la cléricature médiacratique souhaitait que le poulain de l’actuel premier ministre polonais, l’extrême centriste Donald Tusk, Rafal Trzaskawski, déjà candidat battu en 2020, évinçât le candidat national-conservateur présenté par PiS (Droit et Justice), Karol Nawrocki.

L’espoir du système médiatique d’occupation mentale était fondé au soir du premier tour, ce même jour. Avec 31,36 %, Rafal Trzaskawski arrivait en tête. Mais Karol Nawrocki le talonnait à 29,54 %, soit un écart de 1,82 point ! Le report des suffrages pour le second tour du 1er juin se révélerait décisif. Outre cette maigre différence, deux enseignements supplémentaires rendaient les spéculations électorales bien hasardeuses.

Les trois candidats de gauche ne recueillent que 10,18 %. Aucun ne dépasse 5 %. La gauche tant dans sa version sociale-démocrate que dans sa variante radicale devient une force marginale d’appoint guère certaine. Quant aux trois candidats de droite radicale, ils cumulent à 21,92 % des voix. Ce résultat constitue la grande surprise du premier tour.

Troisième au soir du 18 mai, Slawomir Mentzen récolte 14,81 %. Il représente la Confédération Liberté et Indépendance. Fondée en 2018, cette coalition politique compte seize députés et cinq euro-députés dont trois membres à l’Europe des nations souveraines et deux aux Patriotes pour l’Europe. Elle regroupe Nouvel Espoir, le Parti des chauffeurs, la Ligue nationale, l’Union des familles chrétiennes et le Mouvement national. Des différences programmatiques entre les alliés ne nuisent pas à l’entente : le Mouvement national tend vers le national-populisme alors que Nouvel Espoir se veut libéral-conservateur. Mentzen a séduit un électorat jeune ou primo-votant lassé du bipartisme entre la Plateforme civique d’extrême centre et PiS, et intéressé par ses propositions libertariennes en prenant exemple sur Elon Musk et la TechnoBro d’inspiration minarchiste (un État limité à ses seules fonctions régaliennes).

Arrivé en quatrième position avec 6,34 %, Grzeorgorz Braun représente la Confédération de la Couronne polonaise (deux députés et un euro-député non-inscrit). Créée en 2019 et alliée à la Confédération Liberté et Indépendance avant d’être exclue cette année pour radicalité élevée, cette Confédération de la Couronne polonaise a bénéficié de l’appui du Congrès de la Nouvelle Droite. Non, les rédactions d’Éléments, de Nouvelle École et de Krisis n’ont pas déménagé à Varsovie ! Lancé en 2011 par l’excentrique Janusz Korwin-Mikke, ce Congrès de la Nouvelle Droite, affilié au Parlement européen à Identité et Démocratie, s’affiche libéral et conservateur. Son libéralisme est parfois surprenant avec sa volonté de légaliser toutes les drogues. Usant d’un argumentaire libertarien, Braun perd 78 918 voix par rapport à Krzysztof Borak, candidat en 2020 (6,78 %).

N’obtenant que 0,77 %, Marek Jakubiak anime les Républicains libres, une scission nationaliste du PiS. Héritier du nationaliste russophile ethno-polonais Roman Dmowski (1864 – 1939), ce candidat ne cache pas son scepticisme envers les idées libertariennes et le conservatisme libéral. Il faut toutefois rappeler qu’à l’occasion de la première élection présidentielle à l’automne 1990, le futur président Lech Walesa affronta au second tour l’homme d’affaire canadien, Stanislaw Tyminski, par ailleurs chef du groupusculaire Parti libertarien du Canada.

Acceptant de discuter sur Internet avec Slawomir Mentzen, les deux finalistes démontrent leur envie de draguer ses électeurs. Si Trzaskawski reste lui-même face à son contradicteur et déroule son discours libéral-progressiste destiné en premier lieu à ses électeurs urbains, Nawrocki, ouvertement atlantiste et fan du MAGA trumpiste, diaspora polonaise outre-Atlantique oblige, accepte toutes les conditions de son interlocuteur devenu faiseur de président dont le refus que l’Ukraine adhère à l’Union dite européenne, que l’armée polonaise intervienne là-bas et le rejet d’introduire l’euro en Pologne.

Il faut attendre la matinée du lundi 2 juin pour apprendre l’élection de Karol Nawrocki à la présidence à 50,89 % contre 49,11 % pour Trzaskawski, soit la plus faible différence de l’histoire de l’élection présidentielle en dépit d’une diminution de l’abstention (28,37 % au lieu de 32,69 % au 1er tour). Certes, Nawrocki a su attirer vers lui la grande majorité des électeurs de droite radicale. Il a aussi su catalyser la colère des catégories populaires irritées par la campagne de presse anti-Nawrocki. En effet, pendant la campagne électorale, la presse menteuse n’a pas cessé de dénigrer le candidat du PiS au point de pratiquer un racisme de classe. Elle a accusé le directeur de l’Institut de la mémoire nationale de proxénétisme et de s’être battu lors de quelques rixes. Cette campagne négative s’est retournée contre ses auteurs.

Investi le 6 août prochain, Karol Nawrocki entend saper le gouvernement de Donald Tusk et de favoriser le retour au pouvoir du PiS. Le futur chef d’État polonais dispose d’un droit de véto sur toutes les lois. Ce véto ne peut être annulé que par un vote de la Diète à la majorité qualifiée des trois cinquièmes. La cohabitation va donc se poursuivre et elle risque de devenir électrique d’autant que le gouvernement Tusk repose sur une alliance instable entre la gauche, les centristes agrariens et les libéraux. Toutefois, la faible avance montre l’existence d’un antagonisme intérieur qui s’apparente à une guerre culturelle majeure, voire à une « guerre civile froide ». PiS appartient cependant aux Conservateurs et réformateurs européens. L’audience continentale de l’Italienne Giorgia Meloni s’accroît par conséquent.           

 Salutations flibustières !

« Vigie d’un monde en ébullition », n° 160 , mise en ligne le 10 juin 2025 sur Radio Méridien Zéro.

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