mercredi, 29 mai 2013
Armes chimiques en Syrie : il est urgent de ne rien faire...
Nicolas Gauthier
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Assez mollement, comme toujours, l’Europe vient de lever l’embargo relatif aux livraisons d’armes à l’ASL, la fameuse Armée syrienne libre. Mollement et en prenant son temps, sachant que le camp de la rébellion est plus que divisé, c’est le moins qu’on puisse prétendre. Dans la foulée, Vladimir Poutine entend fournir le régime de Damas en missiles anti-aériens S-300, l’équivalent russe des Patriot américains. Missiles dont l’Iran, par les moyens tortueux qui sont les siens, s’est déjà doté, malgré tous les efforts à peine moins tortueux des services secrets israéliens pour faire échouer l’affaire.
Pour aller court, un pays doté d’un tel armement se retrouve, de fait, quasiment sanctuarisé de toutes frappes aériennes ennemies. D’où le peu d’entrain, nonobstant les rodomontades de rigueur de l’Occident, à s’en aller pratiquer la politique de la canonnière à Téhéran.
Car, tel que noté avec l’intelligence bainvillienne en matière de géopolitique qu’on lui connaît, Hubert Védrine rappelait récemment sur les ondes de France Inter qu’il est bien fini, le temps où l’Occident – comprendre l’axe Washington-Tel Aviv – pouvait de force imposer ses seules visions au reste du monde. Bienvenue dans un monde multipolaire, dans lequel il faut désormais compter avec Moscou, Pékin, New Delhi et même Brasilia. En effet, échaudés par les récentes équipées néocoloniales en Libye, voire au Mali, ces États entendent désormais peser de tout leur poids.
Cela est encore plus complexe à Damas qu’à Tripoli. Car il ne s’agit pas d’États-nations au sens où on l’entend en Europe, mais d’anciennes provinces des califats de jadis, omeyyades, abbassides puis ottomans, ensuite transformées en protectorats, terres administrées sous mandats internationaux. Quant à l’habituel référent politique — ces régimes se revendiquent d’un nationalisme laïc à forte connotation socialiste —, force est de constater qu’ils n’étaient au mieux que parenthèses, au pis des leurres.
Et c’est toute l’inextricable complexité de la région qui revient aujourd’hui en boomerang, dans la tête de géopoliticiens du dimanche, façon Bernard Kouchner, pour lesquels il y a, d’un côté de la barricade, gentils démocrates laïcs, avides de vivre à l’occidentale ; et de l’autre, barbus assoiffés de sang. Armer les rebelles syriens ? Oui, mais pour aboutir à quelle sorte de régime ? Un régime wahhabite ? L’horreur absolue ! Quoique ce même Occident, Israël y compris, puisse fort bien s’en accommoder dans la péninsule arabique, là où il y a du pétrole, au contraire de la Syrie.
Jouant habilement de ces contradictions, Bachar el-Hassad est en train de se refaire la cerise en préparant un futur réduit alaouite (islam chiite dissident), qui jouxterait le Liban. Les Iraniens, qui ont oublié d’être sots, appuient la manœuvre en envoyant les troupes d’élites du Hezbollah. Les chrétiens ? L’opposition sunnite les verrait bien à Beyrouth, tout en promettant le cercueil à leurs frères ennemis chiites. Et les Iraniens ? S’ils sont en partie le problème, ils feront, à plus ou moins long terme, partie de la solution, comme assené par le même Hubert Védrine.
À ce propos, lorsque l’on parle d’oumma, communauté mythique censée rassembler tous les musulmans du monde, au-delà des frontières et des ethnies, qu’il nous soit aussi permis de rigoler sous cape : ils n’ont vraiment besoin de personne pour se couvrir de ridicule en s’entretuant, un peu comme ces Européens, de confession ou de culture chrétiennes, dont le legs à l’humanité aura aussi été celui consistant à mettre la planète à feu et à sang par deux guerres mondiales, et même une troisième, plus « froide » mais qui jamais n’aura dit son nom.
En attendant, toujours les mêmes bobards de guerre. Les troupes « loyalistes » qui utiliseraient des armes chimiques, alors que leurs ennemis « rebelles » s’en serviraient aussi. Et le lacrymomètre qui se met en branle. Ce qui se passe en Syrie est décidément bien trop crucial pour qu’on en laisse l’analyse aux enfants. Ou à certains journalistes.
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