lundi, 14 décembre 2015
A CARACAS, LE « CHAVISME » SANS « CHAVEZ » NE FAIT PLUS RECETTE !
de Jean-Claude Rolinat
Dans le « maelström » des nouvelles qui nous submergent, une information en provenance d’Amérique latine est passée presque inaperçue : l’opposition vient de remporter la majorité des sièges au Congrès vénézuélien.
L’opposition vénézuélienne, la Table de l’Unité Démocratique, Mesa de la unidad democratica (MUD), une coalition hétéroclite d’une trentaine de partis – pas moins ! – vient de remporter dimanche 6 décembre dernier les élections législatives en battant le parti gouvernemental, le PSUV, Parti socialiste unifié du Venezuela. Le Président Nicolas Maduro, successeur depuis avril 2013 du colonel Hugo Chavez, a reconnu sa défaite au cour d’une conférence de presse donnée dans les salons de la présidence. La MUD a obtenu 99 des 167 sièges du Parlement contre 46 pour le PSUV, lequel détenait jusqu’à présent le pouvoir absolu avec pas moins de 100 députés.
Un immense chantier s’ouvre pour la nouvelle majorité, reconstruire l’économie sinistrée d’un pays « sovietisé » depuis la mise en route de la fameuse « Révolution bolivarienne » qui n’a abouti qu’à une inflation galopante de près de 200 % (!). Les ressources pétrolières qui alimentaient les subventions données aux classes les plus défavorisées de cet immense pays situé sur la côte nord Est de l’Amérique latine, se sont effondrées au même rythme que les cours du brut. Les pénuries de produits de première nécessité ajoutées au caractère autoritaire pour ne pas dire dictatorial du régime – il y a encore 75 prisonniers politiques dont l’un des leaders de l’opposition Leopoldo Lopez du parti « Volonté populaire » - ont poussé les électeurs vers l’opposition. Cette dernière pour la première fois depuis la prise de pouvoir par l’ex-putschiste Chavez en décembre 1998 avec 56,23 % des voix, a remporté les élections générales. Héros des classes populaires, officier de parachutistes amnistié après plusieurs tentatives ratées de coups d’Etat, ce métis à la carrure d’athlète allait dominer la vie politique vénézuélienne jusqu’à son décès en mars 2013 des suites d’un cancer du côlon. Il avait dessiné un univers socialiste à son pays à qui il voulait offrir le leadership d’une croisade anti-impérialiste sur le continent Sud-américain, s’alliant pour la circonstance avec Cuba à qui il offrait son pétrole contre l’envoi de techniciens, de médecins et de professeurs. Il avait fait quelques émules en Equateur et en Bolivie notamment, où l’indianiste Evo Moralès est toujours au pouvoir au Palais Quemada à La Paz. Partenaire de la Syrie et de l’Iran, Bête noire de Washington, il n’en commerçait pas moins d’une manière pragmatique avec les Etats-Unis. Son nationalisme teinté de socialisme était bien plus un marxisme coloré de nationalisme qu’une social-démocratie « pépère » à l’européenne…
N’est pas « Peroniste » qui veut
Pour autant rien à voir avec un mouvement populiste comme le Péronisme argentin qui, sous le règne de son fondateur et avec l’immense aura de son épouse Evita, s’affirmait dans les années 1950 avant tout comme un mouvement nationaliste désirant s’émanciper de la tutelle américaine, mais fondamentalement anti-communiste et chrétien. La chimérique « Révolution socialiste bolivarienne », en référence au Libertador de la Grande Colombie Simon Bolivar, le « Napoléon » latino-américain qui chassa les espagnols au début du XIXème siècle, n’a pas tenu ses promesses. Pauvreté, insécurité, endettement, corruption, tous les maux récurrents des pays du tiers monde, étaient au rendez-vous. « La politique économique du Chavisme, basée sur le contrôle étatique et la redistribution, est désastreuse pour les finances publiques » écrivait Jean Rouvière dans l’édition du 14 mars 2013 du quotidien Présent. Rien n’a changé.
Un tournant chez les Latinos ?
Déjà le 14 avril 2013, c’est à la suite d’une victoire serrée que Nicolas Maduro, avec seulement 50,66 % des suffrages, avait accédé au Palais Miraflorès – la résidence présidentielle - face au candidat d’opposition Henrique Capriles qui avait obtenu 49,07 %, moins de 250 000 voix d’écart les séparant sur 15 millions de bulletins ! De violentes manifestations faisant 7 morts et 61 blessés avaient ponctué la proclamation de la victoire du dauphin d’Hugo Chavez. Nicolas Maduro avait crié au coup d’Etat et imputé aux « fascistes de l’opposition » les victimes des évènements et, pour faire bonne figure comme dans tout régime autoritaire qui se respecte, avait fait arrêter 135 personnes dont certaines sont toujours embastillées. L’ex-général Raul Baduel, un proche de Chavez tombé en disgrâce, dénonçait pour sa part depuis sa prison militaire dans la banlieue de Caracas, « la mainmise de Cuba sur le Venezuela ». Avant d’ajouter que le serment fait pour mettre en place une vraie démocratie dans le pays « avait été perverti ». Le 8 décembre suivant, la majorité « Bolivarienne » perdait lors des élections municipales les mairies de 9 capitales provinciales, signal avant-coureur de craquements dans l’édifice politique du PSUV. En janvier et février 2014, lors de manifestations d’étudiants liés à l’opposition, 10 personnes étaient tuées suite à des tirs effectués par des miliciens du régime membres du Colectivo du « quartier 24 janvier », là où est inhumé Hugo Chavez. Depuis, la tension n’a jamais cessé de monter, le ministre de l’énergie menaçant les « rebelles » de l’Etat de Tachira, « sous occupation fasciste », de couper aux populations les livraisons de carburant. Accentuant le caractère totalitaire du régime, Maduro créait en mai 2014 une nouvelle police à sa botte, « la Brigade Spéciale contre les Groupes Générateurs de Violence ». Les organisations de défense des droits de l’homme qui pouvaient encore faire parvenir des messages à l’extérieur dénonçaient « un gouvernement qui renforce chaque jour sa doctrine de sécurité nationale (…) par rapport aux droits des citoyens » et qui désignait l’opposition au pouvoir d’Etat comme un ennemi. Comme pour ajouter une caractéristique supplémentaire à la nature dictatoriale du pouvoir, le parti gouvernemental sans craindre le grotesque de la situation, encourageait ouvertement un culte à la mémoire d’Hugo Chavez en réécrivant « le Notre Père » et lui substituant dans la prière le nom du défunt Président ! Une petite brise Nord-Coréenne soufflait du côté des Caraïbes ! Hésitant à truquer les élections à la lecture des sondages qui annonçaient tous une défaite du Chavisme, le pouvoir s’est résigné à laisser légalement se dérouler le processus électoral. Pour quels lendemains ? Une difficile cohabitation s’annonce entre les pouvoirs exécutif et législatif. En tout cas, avec cette spectaculaire défaite de la gauche extrême au Venezuela, la victoire du droitiste Macri à Buenos Aires et la mise en cause de la présidente Brésilienne Dilma Roussef et de son Parti des Travailleurs (PT) pour corruption, les forces « progressistes » en Amérique centrale et du Sud connaissent leur premier coup d’arrêt depuis de nombreuses années. Les Sandinistes s’accrochent encore au Nicaragua comme les successeurs des Tupamaros en Uruguay. Mais il semble que les vieilles lunes Castristes aient fait leur temps, même si à La Havane le communisme s’attarde encore avec au pouvoir le frère du lider maximo. Le continent est, politiquement, plus contrasté que jamais. Ces pays méritent notre attention. La France y conserve encore un certain prestige. Il ne faudrait pas négliger cet aspect des choses pour d’obscures complicités « romantiques » avec Cuba d’une époque révolue.
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