mardi, 20 mars 2012
L'Afrique Réelle N° 27 - Mars 2012
Par Bernard Lugan
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Conséquence de la malencontreuse intervention franco-otanienne, l’éclatement de la Libye a déjà des conséquences géopolitiques dont nous sommes encore loin de mesurer les effets à moyen et à long terme [1].
Les décideurs français n’ignoraient pourtant pas que la Libye n’est pas un Etat, mais un conglomérat tribal engerbant la Tripolitaine qui regarde vers Tunis, la Cyrénaïque tournée vers Le Caire et le Fezzan qui plonge vers le bassin du Tchad et la boucle du Niger. Ils savaient qu’au départ le mouvement n’était qu’une dissidence régionaliste née en Cyrénaïque et renforcée d’une manière opportuniste par le soulèvement de la minorité berbère vivant dans le djebel Nefusa, à l’Ouest. Leurs conseillers ne leur avaient pas caché que l’épicentre de la « révolution » était la région de Benghazi, capitale de cette Cyrénaïque dissidente à l’époque ottomane, rebelle durant l’Impero italien et insoumise ensuite.
Ce fut donc bien dans une guerre civile que le président de la République immisça la France, au profit d’un camp contre un autre, trompant la Chine et la Russie sur ses intentions réelles tout en transformant un mandat onusien limité à la protection des civils de Benghazi en un droit de guerre étendu à l’ensemble du pays.
Reconnu par la France comme « le seul représentant légitime des populations libyennes » dès le 10 mars 2011, le CNT a depuis démontré qu’il ne représente que lui-même. Pendant un temps, sa seule marge de manoeuvre fut de donner des gages à certaines tribus tout en essayant de ne pas s’aliéner les autres. Aujourd’hui, alors que son autorité ne dépasse pas l’antichambre du bureau de son président, la Cyrénaïque vient de faire sécession.
Le dossier central de ce numéro de l’Afrique Réelle est consacré au pétrole car le continent fonde d’énormes espoirs sur des découvertes qui se multiplient depuis une décennie. Est-il pour autant cet eldorado décrit par certains observateurs ? La réponse doit être nuancée.
Aujourd’hui, l’Afrique dans son ensemble n’assure en moyenne que 15% de la production mondiale et ses 24 pays extracteurs ne produisent à eux tous pas davantage que l’Iran, le Mexique et le Venezuela réunis. De plus, dans l’état actuel des découvertes, elle ne détient qu’entre 8 et 10% des réserves mondiales prouvées, soit à peu de choses près l’équivalent de celles du seul Iran.
Cependant, de très importantes découvertes étant attendues ou annoncées en off shore et en off shore profond ainsi qu’en on shore, la place de l’Afrique dans la production mondiale va nécessairement augmenter. La question qu’il est donc légitime de poser est de savoir si le pétrole va pouvoir, à lui seul, sortir le continent de sa situation actuelle. Aura-t-il un effet d’entraînement sur des économies sinistrées ?
En Algérie et au Nigeria, la manne pétrolière n’a pas provoqué de décollage et le « tout pétrole » y a détruit une agriculture jadis florissante. Partout, il a provoqué la corruption, le gaspillage et même, ce qui est un comble, les pénuries en produits pétroliers.
En définitive, le pétrole n’a pas enrichi les Africains, mais des Africains, quelques Africains. Il a d’abord servi à se servir.
[1] Voir à ce sujet les numéros de janvier et de février de l’Afrique Réelle.
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