vendredi, 05 juin 2020
Pourquoi la gauche s’en prend avec tant de violence à Michel Onfray
Par Eric Zemmour
Ils ont sorti les orgues de Staline. La gauche institutionnelle a sonné le tocsin. Les éditorialistes ont lancé les premières salves. Les politiques sont tapis derrière, attendant leur heure. Leur cible privilégiée du jour a pour nom Michel Onfray et la création par ses soins d’une revue intitulée Front populaire. Il a droit à tous les qualificatifs éculés : fasciste, collabo, vichyste, etc. Leur cible est d’autant plus détestée qu’elle vient de chez eux, de leur camp, de cette gauche matérialiste et hédoniste, proudhonienne et libertaire, qui les ravissait naguère par son anticatholicisme féroce.
Mais le gaillard n’est pas du genre à tendre l’autre joue et rend coup pour coup. Il a compris, lui, que les temps avaient changé et qu’à l’heure de l’islam conquérant, « mettre une claque à sa grand-mère » n’était plus opportun. La gauche en veut d’autant plus à Onfray qu’elle a bien compris l’enjeu idéologique et politique : il s’agit de rassembler les deux pans de droite et de gauche du souverainisme. Cette initiative a déjà été tentée il y a vingt ans par Charles Pasqua, Jean-Pierre Chevènement et Philippe de Villiers. Mais les républicains des deux rives ne sont jamais parvenus à construire ce pont qui scellerait leur alliance. Entre-temps, ils ont été pris de vitesse par Emmanuel Macron qui a réussi, lui, l’union des bour- geoisies des deux rives : les libéraux de droite et les libéraux de gauche. Comme si Macron avait rassemblé le camp du oui à Maastricht, tandis que le camp du non restait obstinément divisé.
De nombreuses voix de la droite souverainiste, intellectuels et journalistes, ont rejoint l’entreprise d’Onfray. D’autres clubs, chapelles, individualités rament dans le même sens. Des pétitions sont signées en commun. Le souverainisme a repris des couleurs depuis que cette épidémie de Covid-19 a montré les conséquences de la mondialisation et de la désindustrialisation, qui nous ont rendus à la fois démunis et dépendants. Emmanuel Macron parle désormais de souveraineté nationale, même s’il ajoute aussitôt, dans un « en même temps » qui détruit la cohérence de son propos, la « souveraineté européenne ».
C’est le danger pour le souverainisme que d’être repris par tous, y compris par ses ennemis les plus farouches. Si les républicains des deux rives s’agitent sur le plan intellectuel, les partis politiques restent de marbre. La France insoumise combat « l’islamophobie » et soutient les émeutiers noirs de Minneapolis, comme si elle était devenue une annexe partisane du mouvement décolonial. Marine Le Pen, elle, fait l’éloge du général de Gaulle et rêve d’une alliance avec LFI qui révulse les militants mélenchonistes. Ce n’est pas un hasard. Le vrai clivage au sein du mouvement souverainiste est identitaire. La question de l’immigration, de l’islam, des frontières et de la préférence nationale, de la France qui n’est pas seulement une République mais aussi, mais surtout, un « peuple de race blanche, de religion chrétienne et de culture gréco-romaine », selon la célèbre formule du général de Gaulle, cette question est la mère de toutes les batailles. Pour l’avenir de la France et, donc, pour le rassemblement des souverainistes des deux rives.
Source : Figaro Magazine 6/06/200
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