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lundi, 29 juillet 2024

JO : le génie français brillait par son absence

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Entretien avec Alain Finkielkraut par Eugénie Bastié

LE FIGARO. - À travers cette cérémonie d’ouverture, « on a restauré une fierté pour ce pays, pas pour son identité, mais pour son projet politique : aller de l’avant, avec une Histoire en mouvement » a déclaré Patrick Boucheron, architecte de la cérémonie sur France Inter. Partagez-vous son enthousiasme ? Avait-elle selon vous une dimension idéologique ?

Alain Finkielkraut. - Je suis très impressionné par la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. Il ne me paraissait pas possible, en effet, de faire pire c’est-à-dire, à la fois, plus obscène et plus conformiste, que l’Eurovision. Je me trompais : impossible n’est pas post-français. « Une cérémonie grandiose qui a cassé tous les codes», titrait le journal Libération.

Remettons les choses à l’endroit : c’était un spectacle grotesque, qui, des drag-queens à Imagine et de la célébration de la sororité à la décapitation de Marie-Antoinette (l’une des pages les plus glorieuses de notre histoire) déroulait pieusement tous les stéréotypes de l’époque. Sur un point, Patrick Boucheron a raison : le génie français brillait par son absence. Je ne parle pas de la grandeur. Peu m’importe la grandeur ! Non, entre la chorégraphie horrible de Lady Gaga et le pénible exhibitionnisme de Philippe Katerine, où étaient le goût, la grâce, la légèreté, la délicatesse, l’élégance, la beauté même ?

La beauté n’existe plus. L’heure est à la lutte contre toutes les discriminations. On a même eu droit à un plan cul à trois. Homophobe soit qui mal y pense! et pourquoi le défilé de mode devait-il être aussi agressivement moche ? Thomas Jolly et Patrick Boucheron s’applaudissent de leur audace transgressive alors qu’ils sont les serviteurs zélés de la doxa. La nation résolument tournée vers l’avenir confie à des historiens le soin de dilapider son héritage. Le Collège de France a été longtemps un haut lieu de la pensée libre, c’est devenu le bastion de l’idéologie.

La chanteuse Aya Nakamura sortant de l’Institut accompagnée de la garde républicaine... qu’en pense l’académicien que vous êtes ?

Au diable les formes, la solennité, la raideur! La garde républicaine a pris son pied et s’est mise sans vergogne au diapason des Indigènes de la République. Les bibliothèques elles-mêmes ont été dépoussiérées. On n’explore plus désormais la carte du tendre avec Bérénice ou avec Un amour de Swann mais avec Passion simple. Annie Ernaux a remplacé Proust et Houria Bouteldja Émile Zola. Le mot qui vient involontairement à l’esprit devant ce fiasco grandiose est celui de décadence. Que reste-t-il de la France en France et de l’Europe en Europe ? Qu’est-il arrivé au Vieux Continent ?

La diversité du monde est joyeusement engloutie dans le grand métissage planétaire. Et ce n’étaient plus les athlètes de tous les pays qui défi- laient sous les yeux d’un public ravi, c’étaient les bateaux-mouches avec, sur le pont, des matelots surexcités. Le déluge qui s’est alors abattu sur la Ville Lumière ne peut être qu’une punition divine. À quelque chose, malheur est bon : après cette soirée apocalyptique, je suis devenu croyant.

« Écoutez, je suis en train de lire tous les tweets de l’extrême droite en PLS sur cette #ceremoniedouverture #paris2024. Je vous le confirme : elle est très réussie », a tweeté Marine Tondelier... En acceptant de critiquer cette cérémonie, ne courrez-vous pas le risque de passer pour un facho passéiste et ringard ?

Faire entendre une voix dissonante dans ce grand concert extatique, c’est prendre le risque d’être perçu comme un rabat-joie identitaire et rance. Me voilà rangé parmi les maurrassiens. Cette étiquette infamante témoigne de la confusion des temps. Le fils d’immigrés que je suis ne peut se résigner à l’enlaidissement et à l’avilissement de ce qui lui tient tant à cœur.

Source : Le Figaro 29/07/2024

13:28 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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