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jeudi, 24 juillet 2025

Le grand retrait : sur l’extinction douce de la jeunesse masculine

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Balbino Katz chroniqueur des vents et des marées 

Les esprits simples parlent d’« incels », ces jeunes hommes qui ont fui le contact des femmes, avec le ton méprisant que l’on réserve aux êtres pitoyables, ces silhouettes numériques de forums américains, qu’on imagine ternes, sans charme, sans avenir. Libération y voit la dernière figure du patriarcat défait, un monstre de rancune et d’ennui. La réalité est plus vaste, plus tragique, et infiniment plus lourde de conséquences.

Car il ne s’agit pas d’un sous-groupe folklorique, mais de l’indice le plus visible d’un effondrement souterrain : les hommes jeunes, blancs pour la majorité, se retirent du jeu amoureux, du monde social, et parfois du monde tout court. Un chiffre suffirait à résumer ce bouleversement : aux États-Unis, 45 % des hommes âgés de 18 à 25 ans n’ont jamais approché une femme en personne. Jamais. Non pas à cause d’un handicap, mais par retrait. Non pas par peur, mais par désenchantement.

On leur a dit, pendant cinquante ans, que leur désir était suspect, leur insistance oppressante, leur galanterie sexiste, leur silence complice, leur parole toxique. Chaque regard, chaque geste, chaque mot fut recodé dans le langage de la violence symbolique. Alors, ils ont obéi. Ils se sont retirés. Non dans la colère, mais dans la torpeur. Non par ressentiment, mais par désapprentissage. Ce n’est pas une rébellion, c’est une adaptation.

Le vieux jeu du flirt, cette danse qui portait en elle des siècles de codes, d’humour, d’audace et de prudence, est devenu un champ de mines. L’homme qui regarde est un voyeur. Celui qui approche, un intrus. Celui qui insiste, un agresseur. Résultat : les hommes, même ceux qui plaisent, s’effacent. Ils laissent la place aux écrans, aux avatars, aux illusions de la facilité algorithmique. Et les femmes, de leur côté, se plaignent. Elles se maquillent, s’habillent, sortent, attendent et ne comprennent pas pourquoi il ne vient plus personne. Parce qu’ils sont partis. Pas fâchés. Juste ailleurs.

La cause profonde de ce retrait tient à ce que certains appellent l’inversion des signaux : un monde où les anciens rites de passage sont moqués, où la virilité est médicalisée, où l’effort sincère est tourné en dérision, où l’indifférence est devenue la posture virile dominante, et où le moindre échec sentimental devient, pour un homme, un traumatisme. Le garçon n’apprend plus à devenir un homme, il apprend à devenir invisible.

Ce phénomène n’est pas marginal. Il est civilisationnel. Car une jeunesse masculine absente, c’est une société qui cesse de se reproduire. Et c’est exactement ce qui se passe. Aux États-Unis, dans les zones blanches non urbaines, le taux de fécondité s’effondre. Les femmes diplômées se tournent vers les villes, vers des métiers de service, vers des standards élevés d’indépendance. Les hommes, eux, restent. Sans travail, sans femme, sans foyer. Le tissu social se délite. Le couple n’est plus la cellule de base. Il est devenu un luxe ou une stratégie.

Et comme souvent, cette fracture se double d’une polarisation politique. Les jeunes hommes glissent vers la droite, par instinct de survie. Les jeunes femmes dérivent vers une gauche sans racines, bardée de slogans thérapeutiques et d’injonctions victimaires. Il n’y a plus de langage commun. Plus de projet partagé. Seulement des silos culturels et des monologues désaccordés. Les jeunes hommes ne fuient pas les femmes. Ils fuient le système qui les a convaincus que toute masculinité est coupable.

Insistons davantage sur ce déséquilibre amoureux et sexuel qui se double d’une fracture politique de plus en plus tranchée. Aux États-Unis, les enquêtes montrent que les jeunes hommes penchent de plus en plus vers des formes de conservatisme instinctif, voire de rébellion silencieuse contre l’ordre moral progressiste, tandis que leurs consœurs glissent, elles, vers des postures intersectionnelles, écologistes, égalitaristes jusqu’à l’absurde. Cette dissymétrie idéologique s’observe aussi en France, où les figures féminines montantes de la jeunesse militante, Alma Dufour, archétype de l’activiste climat-sociale sortie des ONG pour rallier la NUPES ; Sandrine Rousseau, grande-prêtresse d’un féminisme métaphysique qui voit en chaque homme un danger potentiel ; Claire Lejeune, pasionaria d’Extinction Rébellion brandissant son désespoir comme une arme, incarnent un féminisme durci, imprégné d’écologie punitive, de lutte anticoloniale et de discours anti-hétérocentré. À leurs yeux, le masculin est par essence coupable : du capitalisme, de l’exploitation, de la planète abîmée. Dans les cortèges, elles brandissent des slogans comme des sentences, exigeant la déconstruction, l’autocritique, le silence. L’homme qui doute ou qui ironise est d’avance disqualifié : il ne comprend pas, donc il est oppresseur.

Dans ce climat, quel jeune homme sensé pourrait encore croire à la rencontre, au dialogue, à l’amour ? Ce n’est pas un fossé qui s’est creusé, c’est un gouffre de valeurs. La droite, autrefois assimilée à un carcan familial autoritaire, devient pour beaucoup de jeunes hommes l’espace de la respiration, du refus, de la possibilité d’exister sans s’excuser. Ils s’y réfugient non par goût de l’ordre, mais parce que la gauche les traite comme des ennemis potentiels, à rééduquer ou à invisibiliser. L’université, naguère lieu d’ascension, est devenue pour eux une jungle de micro-agressions, où le simple fait d’aimer Homère ou Nietzsche peut susciter la suspicion. Dès lors, le monde n’apparaît plus comme un champ d’action, mais comme un tribunal. Et le masculin, s’il veut survivre, doit soit se cacher, soit ruer dans les brancards. Il est trop tard pour la conciliation. Trop tôt encore pour l’affrontement. Alors les hommes attendent, tapis dans l’ombre numérique, que quelque chose cède. Peut-être une femme, peut-être une époque. Peut-être la digue de leur propre patience.

Et pourtant, dans ce paysage dévasté, un mouvement inverse s’esquisse. Un nombre croissant de jeunes hommes blancs américains, parfois issus d’univers athées ou séculiers, se tournent vers le catholicisme. Non pas comme on rallie une étiquette, mais comme on cherche un refuge. Là, dans le silence d’une chapelle ou la liturgie d’un rite ancien, ils retrouvent une vision intégrale de l’homme et de la femme, faite de différence et de complémentarité, non de soupçon. Ce retour au religieux n’est pas folklorique. Il est existentiel. Le catholicisme, avec son anthropologie incarnée, rétablit le lien entre amour et sacrifice, entre liberté et loi, entre virilité et service. Il offre aux âmes blessées un horizon de réconciliation, une grammaire du lien, un lieu où l’homme peut être homme sans être présomptueux, et la femme femme sans être soumise. Beaucoup de jeunes femmes y convergent aussi, dégoûtées par le cynisme du marché sexuel, en quête d’une promesse plus haute. C’est peut-être là que renaît, en dépit de tout, le secret espoir d’une union possible.

Source Breizh info cliquez ici

01:36 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

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