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lundi, 20 juillet 2020

Plan de relance européen : encore la désunion

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Par Mathieu Solal

Ils voulaient la paix. En arrivant à Bruxelles, Angela Merkel et Emmanuel Macron entendaient faire de leur alliance le socle de la relance européenne. Dans la droite ligne de leur initiative historique du 18 mai, le Président et la chancelière n’avaient plus qu’à transformer l’essai en convainquant leurs partenaires de réaliser pour la première fois l’union de la dette, pour faire face à la crise qui s’annonce. Quitte à faire des concessions, ils imposeraient leur leadership à cette nouvelle Union européenne débarrassée de l’épouvantail britannique et enfin encline à resserrer ses liens face à l’adversité.

Ils voulaient la paix, mais ils ont oublié de préparer la guerre. En arrivant à Bruxelles « dans un esprit d’unité et de compromis » vanté par leurs entourages, et avec comme unique but de défendre la proposition de plan de relance mise sur la table par la Commission européenne, le Français et l’Allemande se sont logiquement retrouvés en position de faiblesse.

Club des gourmands. En s’élevant au-dessus de la mêlée, ils ont ainsi ouvert un boulevard aux entrepreneurs de la division, dont ils avaient vraisemblablement sous-estimé le pouvoir de nuisance. Le reste n’est que jeu de rôle. Pendant trois jours, les défenseurs d’une relance commune et ambitieuse subissent les assauts de l’autoproclamé club des « frugaux » (Pays-Bas, Danemark, Autriche, Suède) qui pourrait bien être rebaptisé « club des gourmands » tant il aura obtenu des autres sans jamais paraître rassasié. Rejoints par la Finlande, ces contributeurs nets suivent dèlement leur ligne : ouvrir toujours plus de fronts pour obtenir tou- jours plus de concessions. Avec succès : samedi, le Président du Conseil Charles Michel fait de nouvelles propositions consacrant une baisse de la part des subventions au profit de celle des prêts dans le plan global de 750 milliards d’euros, une nouvelle augmentation des rabais dont bénéficient ces contributeurs nets au budget européen, et une gouvernance du fonds de relance permettant une mainmise des Etats.

Très en vue jusque-là, le Premier ministre néerlandais Mark Rutte salue « un mouvement dans la bonne direction ». Mais ses partenaires frugaux viennent à sa rescousse pour prolonger encore les discussions, exigeant une enveloppe de subvention inférieure à 400 milliards d’euros (contre 500 milliards prévus initialement). Le Suédois Stefan Lofven demande même un maximum de 150 milliards d’euros.

Pour ne rien arranger, l’Europe centrale joue de son côté sa propre partition. La Pologne et la Hongrie refusent tout net la conditionnalité des fonds européens au respect de l’Etat de droit lors d’un dîner houleux. Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki profite de ce front commun pour demander un réexamen de la clé de répartition des fonds dont il avait été peu question jusqu’ici, quand le Premier ministre hongrois Viktor Orban enchaîne les déclarations lunaires devant les journalistes.

Dos rond. Face à ces attaques, la France, l’Allemagne, mais aussi l’Italie et l’Espagne font le dos rond, cherchant à préserver coûte que coûte le plan de relance et enchaînant les réunions en petit comité avec les uns et les autres, sans rien opposer au détricotage consciencieux auquel s’adonnent leurs adversaires. Dimanche matin, après avoir claqué la veille au soir la porte au nez des « frugaux » avec lesquels ils tentaient d’obtenir un compromis, Angela Merkel et Emmanuel Macron changent de ton. « La volonté de compromis ne saurait nous faire renoncer à notre ambition légitime », lance le Président quand la chancelière n’exclut pas un sommet sans résultat.

Le revirement apparaît bien tardif et démontre en creux le mauvais calcul stratégique effectué par les défenseurs de la relance. Une stratégie qui s’est mise en place bien avant le Conseil et a consisté en une offensive de charme à destination du nord pour arrondir les angles en amont. Le défilé des dirigeants à La Haye n’aura ainsi servi qu’à améliorer l’image de trouble-fête de Mark Rutte et les réformes structurelles promises par l’Italie et la France à faire travailler l’imagination des « frugaux », ravis de pouvoir remplacer les demandes satisfaites par des nouvelles. Symbole ultime de cette stratégie, la fameuse « boîte de négociation » de Charles Michel présentée en grande pompe la semaine dernière et qui n’aura fait que servir les intérêts des « Frugaux » en favorisant le glissement vers leurs exigences.

Car le bon sens économique prôné par Angela Merkel et Emmanuel Macron est inopérant face aux enjeux de politique intérieure d’un Mark Rutte qui entre en période électorale, et surtout devant la rhétorique frugale fondée sur un irrationnel calcul coût-dépense ne prenant pas en compte l’avantage d’appartenir au marché commun, mais qui n’en a pas moins imprimé les opinions publiques depuis de longues années.

La critique est certes aisée, et l’art de pousser l’Europe à écrire une nouvelle page de son histoire indubitablement difficile. Il n’empêche. En laissant le terrain médiatique à leurs adversaires plutôt que de contre-attaquer en proposant par exemple de lancer une coopération renforcée pour faire la relance sans eux ou en opposant les régimes fiscaux avantageux des Pays-Bas à ses leçons de vertu budgétaire, les défenseurs de la relance ont laissé des plumes dans la bataille.  Le fin mot de cette histoire n’est pas encore connu. Gageons que l’urgence obligera in fine les postures à s’incliner et les Etats membres à s’entendre, pour leur salut à tous.

Source : L’Opinion 20/07/2020

 

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samedi, 18 juillet 2020

Les temps barbares

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Par Djordje Kuzmanovic*

« Une partie de la gauche semble avoir oublié le concept de « lumpenprolétariat » développé par Karl Marx et qui caractérise bien ces criminels qui s’en  prennent d’abord aux travailleurs. Le "lumpenprolétariat" décrit cette frange du prolétariat qui a quitté les classes populaires par le bas et où on retrouve  les voyous, les petits criminels – tous ces gens qui n’ont plus de conscience de classe, qui sont immoraux, mal éduqués et individualistes. Ce sont des  alliés objectifs de l'oligarchie capitaliste car ils copient, à leur échelle, son ethos : la prédation violente, pour soi et contre les autres. C’est aussi s’occuper  des catégories populaires, tâche normalement dévolue à la gauche, que de la débarrasser de ce lumpenprolétariat. La gauche actuelle semble incapable  même de penser le sujet. [...] L’impunité de ce nouveau « lumpenprolétariat » fait d’ailleurs écho à l’impunité des plus puissants de notre société qui se délite  par ses deux bouts. Il y a dans notre République des zones de non-droit et il faudra un jour prendre le taureau par les cornes avant que cela ne dégénère  totalement – par le bas et par le haut. [...]

Le problème, c’est qu’une bonne partie de la gauche parle très rarement d'insécurité, sans se rendre compte que les premières victimes de l’insécurité sont les catégories populaires, qu’elles soient d’ailleurs immigrées ou pas. Or la sécurité est la première des libertés. Le combat contre cette criminalité insupportable est à même de rassembler au-delà de tout communautarisme, par-delà les origines ethniques ou religieuses : la plupart des Français, quelles que soient leurs origines, souhaitent vivre en paix et ne pas craindre les petits voyous auxquels le pouvoir a abandonné les quartiers et leurs habitants. [...]

La droite a, durant les quarante dernières années, défendu avec passion les politiques néolibérales et les exigences de l’Union européenne quant à la réduction du financement des services publics ; elle s’est souvent vautrée dans l’atlantisme le plus complaisant en oubliant que ce qui accompagne le néolibéralisme  économique et le communautarisme étasunien, c’est cet individualisme forcené qui n’a que faire de l’autre et de la société et qui est aussi le terreau sur lequel fleurit cette criminalité barbare. »

(*) Dissident de La France insoumise. Il a fondé le mouvement La République souveraine qui entend s’opposer au bloc ultralibéral, européiste et atlantiste.

 Source : Russia Today 16/7/2020

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Le nouveau numéro (n°30) de Livr'arbitres

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vendredi, 17 juillet 2020

Qu’en est-il du pouvoir présidentiel ?

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On imagine tous que le président de la République a des pouvoirs exorbitants sous la Vème République en raison d’une Constitution taillée sur mesure pour De Gaulle. A tel point d’ailleurs que l’on n’hésite pas à parler de monarchie républicaine. Dans les faits on serait loin du compte comme l’expose ici Emmanuelle Mignon qui fut la directrice de cabinet de Nicolas Sarkozy. Les pouvoirs du président sur une administration omniprésente sont limités et la durée du mandat – cinq ans – n’autorise guère à engager de profondes réformes.

Ce qui nous amène à poser la question : comment réformer en profondeur ce pays ? Au fil des ans, on a créé un Etat jacobin monstrueux, étouffant à coups de taxes, de lois de circonstances, et de normes qui corsettent le monde du travail et contrarient les initiatives citoyennes. Une révolution s’impose, mais laquelle ?

Lire l’entretien ICI

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mercredi, 15 juillet 2020

Au lendemain du 14 juillet

6a00d8341c715453ef00e54ff296798833-150wi.jpgJean-Gilles Malliarakis

L'Insolent cliquez ici

Beaucoup de Français ont été doublement déçus en ce 14 juillet macronien.

Certains, de moins en moins nombreux sans doute, confondent encore l'État, l'État-Providence l'appellent-ils en rêve, et le Père Noël. Englués dans cette illusion si destructrice, ils croyaient peut-être en la promesse présidentielle d'une réinvention. Elle leur avait été annoncée le 13 avril. Le discours prononcé par le chef de cet État, à 3 mois de distance, les a une fois de plus dégrisés.

Mais pour d'autres, depuis le passage du général Boulanger au ministère de la guerre en 1880, il s'agit toujours d'un de ces jours fériés dont il convient d'oublier la symbolique. Longtemps militaire, elle donnait l'occasion au bon peuple de voir défiler ce qui reste des forces de défense d'un pays par ailleurs en déliquescence. "Fiers et contents, chantait-on à l'époque du général Revanche, nous allions à Longchamp le cœur à l'aise... car nous allions fêter, voir et complimenter l'armée française".

Cette année, tout fout le camp dans cette dérisoire république : par crainte d'une deuxième vague du virus, on dut se contenter de scruter la remarquable Patrouille de France et d'applaudir à l'infirmerie.

Comment ne pas partager, dès lors, le dégoût exprimé dans le Figaro ce 15 juillet par Vincent Trémolet de Villers sous le titre "Macron dans l'impasse médiatique : le plus frappant, le plus désolant aussi, ce sont les mots qui n'ont pas été prononcés. Quelques heures plus tôt, des gendarmes avaient défilé place de la Concorde, des soldats et des soignants avaient déplié un drapeau français. Trois couleurs qui disent la noblesse du service de l'État. Il y a quelques jours, Mélanie Lemée, gendarme de 25 ans, est morte pour avoir voulu, simplement, faire respecter la loi. Philippe Monguillot, chauffeur de bus, a perdu la vie pour avoir exercé l'autorité la plus infime: celle qui consiste à demander un ticket, le port d'un masque.

Ni les journalistes ni le président n'ont songé à évoquer, hier, ces drames, symboles alarmants d'une violence qui partout s'installe, précipités tragiques de nos renoncements. Dans la surréalité médiatique, pas une minute pour cette réalité criante. La seule évocation de l'ordre public a concerné le délit de faciès. Comment s'étonner alors que la défiance redouble, que l'abstention galope?"

Et que dire de ces pompiers sur les quels la racaille tire des coups de feu lorsqu'ils interviennent pour lutter contre une incendie comme ce soir-même de 14 juillet à Étampes ? Banal désormais n'est-ce pas ?

Cette mauvaise fête nationale fut instituée jadis sous prétexte de commémorer l'unité des Français de la Fête de la Fédération de 1790. Mais pour le monde entier, elle renvoie à la décapitation du malheureux Bernard-René Jourdan de Launay gouverneur de la Bastille.

Votre chroniqueur ne se lamentera donc pas de la fin de cette identification du pays à cette funeste Révolution qui le déconstruit avec tant d'efficacité depuis plus de deux siècles.

Je ne puis ici mieux faire à cet égard qu'inviter mes amis lecteurs à retrouver ci-dessous les liens de deux articles tirés des archives de L'Insolent :

17 juillet 2008  cliquez là 

22 octobre 2019 cliquez ici 

Je persiste et je signe.

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lundi, 13 juillet 2020

Les règles minimums du vivre ensemble sont comprises comme une soumission insupportable

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propos recueillis par Alexandre Devecchio

Pédopsychiatre et psychanalyste, Maurice Berger a travaillé sur la violence gratuite (1). Selon lui, les meurtres de Philippe Monguillot et de Mélanie Lemée témoignent d’une profonde crise de l’autorité.

Le Figaro - Philippe Monguillot est mort, tabassé pour avoir demandé à ses passagers de valider un ticket de bus. Ce meurtre fait suite à celui de la gendarme Mélanie Lemée lors d’un contrôle routier. Certains observateurs y voient de simples faits divers, d’autres le symptôme de l’ensauvagement de la société. Qu’en est-il, selon vous ?

Maurice Berger. - Les circonstances de ces deux morts ont un point commun, le refus de se soumettre à la loi, fût-ce en tuant : refus de mettre un masque et de présenter un titre de transport avec le conducteur de bus, refus de se sou- mettre à un contrôle routier avec la gendarme. Ce comportement est trop fréquent pour être considéré comme un fait divers, c’est un mode de relation : pour la quasi-totalité des mineurs délinquants dont je m’occupe en tant que pédopsychiatre, les règles minimums du vivre ensemble, et encore plus les lois, ne sont pas comprises comme une nécessité à respecter pour une vie en commun, mais comme une soumission insupportable.

Comment expliquer que ces crimes aient suscité, dans un premier temps, moins d’indignation en France que celui qui a coûté la vie à George Floyd aux États-Unis ?

En France, le meurtre glaçant de George Floyd a été utilisé par des professionnels de l’indignation, très organisés pour alimenter le communautarisme. Concernant les deux autres crimes, beaucoup de personnes sont profondément choquées, mais elles sont capables de contenir leur colère. Elles se sentent impuissantes, déprimées, dégoûtées devant l’incapacité des politiques à comprendre cette violence et à y réagir et devant la faiblesse de la plupart des réponses pénales. Elles ont compris que la mort d’Adama Traoré serait appréhendée comme la preuve d’un « racisme d’État » et la preuve de « violences policières » systémiques, tandis que la mort de Philippe Monguillot ou celle de Mélanie Lemée seraient réduites au rang de faits divers.

De manière générale, la violence gratuite se banalise-t-elle en France ?

Quand une violence a pour but de voler, l’agresseur frappe pour ob- tenir un objet convoité, mais s’enfuit dès qu’il s’en est emparé pour ne pas être attrapé par la police. Dans la violence gratuite, pour un « mauvais regard », l’agresseur frappe autant qu’il en éprouve l’envie, de manière impitoyable et parfois jusqu’à la mort. En 2018, une enquête de l’Insee a indiqué une violence gratuite toutes les 44 secondes en France. Tout citoyen peut s’y trouver confronté. Ces situations sont fréquentes, mais jamais banales, car traumatisantes. Pour ne pas compromettre ses chances de rester intact, il faut se soumettre, baisser les yeux, laisser passer devant soi dans une file d’attente, accepter l’humiliation.

Peut-on parler de crise de l’autorité ?

La crise de l’autorité sévit à plusieurs niveaux. Politique, avec la succession de ministres de la Justice considérant les agresseurs essentiellement comme des victimes. Judiciaire, car on a créé un déséquilibre trop important entre la justice de l’auteur, focalisée sur la personnalité et l’histoire de l’agresseur, et la justice de l’acte, qui concerne les faits et leurs conséquences : les dégâts commis sur le corps et le psychisme d’autrui. Un policier m’explique qu’un délinquant lui déclare : «Vous faites des lois que vous ne respectez pas vous-mêmes ; pourquoi voulez-vous qu’on les respecte ? » Les sursis répétés n’ont aucun sens pour les mineurs les plus violents. Une réponse pénale matérialisée par une sanction est le seul miroir qui leur indique la gravité de leur acte. Sinon, pour eux, c’est comme s’il était effacé. Crise d’autorité familiale, enfin, avec une incapacité de beaucoup de parents à dire non de manière ferme. Résultat, un jeune violent me déclare : « Je veux, je prends. »

Certaines violences sont-elles plus spécifiquement liées à une crise de l’intégration ?

Les auteurs de ces crimes sont issus de l’immigration, mais parler de crise de l’intégration est inexact. La responsabilité de la société française est infime dans des actes aussi graves. En revanche, il est vrai que la majorité des sujets violents sont issus de cultures qui ont une violence interne. 80 % des mineurs très violents ont ainsi été exposés à des scènes de violence conjugale pendant les premières années de leur vie et les ont intériorisées. Or ces scènes sont beaucoup plus fréquentes dans toute culture incluant une inégalité homme-femme, avec des mariages forcés, de la polygamie.

(1) « Sur la violence gratuite en France », Éditions de l’Artilleur, 2019. 

Source : Le Figaro 13/07/2020

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samedi, 11 juillet 2020

C’est au nom de ses propres principes que l’on accuse l’Occident

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par Chantal Delsol *

Le mouvement décolonial qui s’en prend à l’histoire européenne comporte une contradiction interne, estime le professeur de philosophie politique, Chantal Delsol*, qui refuse toute relecture manichéenne du passé.

Nous nous étions réjouis de voir décapiter les statues de Lénine et de Staline. Sortant d’une longue période totalitaire, pendant laquelle le visage de Big Brother était omniprésent et monopolistique, la destruction des images détestées symbolisait pour les peuples soviétisés le retour à la liberté. La mise à mal récente, pour ne citer qu’eux, de Schœlcher, Colbert, Faidherbe, traduit la volonté d’abolir une vision élogieuse du passé colonial, de l’époque où l’Occident dominait le monde. Il ne s’agit plus d’un régime spécifique, particulièrement odieux, comme pour le soviétisme. Il s’agit de l’histoire tout entière. Ces destructions de la mémoire s’inscrivent dans un bien plus vaste mouvement : on voudrait supprimer les noms des auteurs passés soupçonnés de machisme ou de racisme - c’est-à-dire tous !

On ne bâtit rien sur une tabula rasa, comme le XXe siècle l’a montré abondamment. On ne peut pas nettoyer les siècles pour obtenir la pureté totale - selon nos critères qui ne seront peut-être plus ceux de nos enfants. L’histoire est toujours noire et blanche, pleine de grandeurs et de crimes, parce que l’existence humaine est noire et blanche. La culture occidentale a certainement des contours plus appuyés que les autres, très noire parce que sa force et son influence sont immenses, très blanche parce qu’elle invente l’État de droit et les droits de l’homme. Elle a pratiqué l’esclavage comme les autres et plus que certains autres ; mais elle en a inventé l’abolition. Elle a colonisé comme les autres et plus que les autres, pourtant elle a décolonisé non par faiblesse, comme les autres, mais, tout au moins en partie, par mauvaise conscience. Son histoire est noire et blanche, et c’est elle qui nous fait, nous les descendants. Nous avons besoin de connaître et de célébrer cette mémoire contrastée, pour notre gouverne et pour notre jugement. La volonté actuelle d’éradication, peut traduire la volonté utopique de nettoyer le monde, passé compris, de toutes ses taches pour le rendre parfait. Projet insensé et puéril : d’abord parce que la perfection n’est pas de ce monde, ensuite parce que notre génération n’a pas mission de décréter le bien pour les siècles des siècles, passé et avenir confondus. Il y a quelque chose de terroriste et de nihiliste dans les dégradations des personnages du passé.

En l’occurrence, il s’agit ces jours-ci moins d’un utopisme périmé que d’un énorme ressentiment. Une contradiction majeure traverse les mouvements indigénistes et décoloniaux qui s’en prennent aux symboles de notre passé : détracteurs de l’Occident, ils sont en train de faire son éloge appuyé. C’est qu’il ne s’agit en aucun cas pour eux de réclamer l’adoption des règles de droit du pays dont leurs parents ou eux-mêmes sont originaires. Lequel de ces « racisés » (comme ils se nomment eux-mêmes) accepterait de se voir appliquer l’emprisonnement des opposants politiques qui a cours en Algérie, la peine de mort qui existe encore en Mauritanie, l’excision courante dans tant de pays d’Afrique ? Les musulmans, qui colonisaient l’Europe en conquérants jusqu’en 1492, ne se sont jamais repentis plus tard pour cette prouesse de la force. Et même les jeunes filles qui portent le voile ici de leur propre choix le font, selon Houria Bouteldja, par amour et compassion pour la virilité blessée de leurs frères musulmans français, et non pas parce qu’elles ont envie de vivre dans une société où la virginité des filles est érigée au rang de valeur métaphysique. Ce que réclament les « racisés », ce n’est pas la prise en compte de leurs identités, c’est l’habeas corpus appliqué à la perfection : cet habeas corpus qui est typiquement occidental. Autrement dit, ils brisent ce qu’ils convoitent. Mécanisme bien connu du ressentiment.

C’est au nom de nos principes que l’on nous accuse : non parce que nos principes seraient mauvais (on ne leur préfère pas des formes de dhimmitude ou d’esclavage des femmes), mais parce qu’ils ne sont pas appliqués avec suffisamment de perfection. Il y a là une sorte de retour de bâton : nous avons tellement, avec les droits de l’homme, érigé une morale en politique, que l’on nous réclame à présent la réalisation intégrale de nos discours idéalistes...

Il y a dans le mouvement décolonial une contradiction interne, un nœud angoissant qui laisse voir son caractère pathologique. La révolte anti-française actuelle est moins une haine brute qu’une haine par défaut d’appartenance, autrement dit, du ressentiment et de la rancœur : je vous déteste non pas parce que vous êtes le contraire de moi, mais parce que je n’ai pas pu être comme vous. Après une vague d’intégration réussie dans les années 1960, depuis une trentaine d’années on peut parler davantage de désintégration.

S’est-on demandé pourquoi les communautés françaises d’origine asiatique ne se joignent pas du tout à ces rébellions, et même les trouvent plutôt étranges ? Pourquoi, selon les enseignants des écoles, les élèves d’origine asiatique ne contestent pas les contenus des cours, étudient sérieusement et s’intègrent au lieu de se placer en posture de révolte contre la culture qui les accueille ? Pourtant les populations asiatiques peuvent nous reprocher tout autant les colonisations passées, qu’elles ont subies plus qu’à leur tour. Elles n’ont pas de ressentiment envers nous parce que leur culture d’origine est vivante et forte, différente de la nôtre et fière de cette différence. En revanche, les descendants des sociétés africaines et arabo-musulmanes ont le sentiment que leur culture n’a pas seulement été avalée par l’Occident mais qu’elle a été digérée. Face à la culture occidentale, elle est dépassée, elle n’est simplement plus viable, jugent-ils. Ce constat engendre un ressentiment dramatique - il faut casser ce qui a rendu votre passé obsolète, et qu’on ne parvient pas, de surcroît, à s’approprier tout à fait. C’est la révolte d’une population qui a perdu sa culture mais n’en a pas adopté une autre, et dont la situation ou plutôt la non-situation, est intolérable.

Les colonisations occidentales ont été considérables et meurtrières parce que l’Occident était à la fois très puissant et très prosélyte. Nous avons d’autres défauts, mais nous sommes vaccinés contre la libido dominandi. Cependant, il s’agit de notre histoire et il s’agit de nos pères, qui ont pensé bien faire, et nous serions bien légers de les renier. Chacun se doit bien de porter son histoire et de l’assumer avec les bonnes et les mauvaises choses. Nous n’avons pas à nous agenouiller comme les politiciens démagogues, ni à nous repentir de ce qu’ont fait nos ancêtres, mais plutôt à porter la responsabilité de leurs actes, parce que l’histoire est d’un seul tenant et parce qu’une société est aussi habitée par ses morts. On peut débattre sans fin pour savoir ce qu’historiquement il aurait mieux valu faire, qui a mal fait et qui a bien fait. La question n’est pas là. Cette situation nous a été léguée en héritage. Il est grotesque de se répandre ici en auto-flagellations et là en invectives. Il faudrait d’abord cesser de dissimuler la réalité, puis la regarder en face.

* Philosophe, de l’Institut. Dernier ouvrage paru : « Le Crépuscule de l’universel » (Éditions du Cerf, 2020).

Source : Le Figaro 11/07/2020

 

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L'écologie ne se résume pas aux trottinettes et aux éoliennes...

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Le philosophe Olivier Rey ne se reconnaît pas dans la vision des Verts et le soutien suractif que ces derniers apportent aux lois dites sociétales, mais il juge légitime l’inquiétude suscitée par l’état alarmant d’une nature exploitée à outrance. Il prône une écologie qui réconcilierait l’homme avec celle-ci.

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vendredi, 10 juillet 2020

Et on fera taire tous les affreux

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En matière de liberté d’expression, il n’y a pas que des mauvaises solutions, il y en a aussi de très mauvaises. En laissant les géants du numérique imposer à tous les règles qui leur sont dictées par un chantage planétaire, nous avons choisi le pire. Elisabeth Lévy, dans Causeur, commente avec pertinence, la fermeture des sites d’Alain Soral et de Dieudonné.

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jeudi, 09 juillet 2020

État des lieux de la France

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Par Natacha Polony

Un contraste étonnant se dessine entre le caractère profondément insignifiant du nouveau gouvernement et l’exceptionnelle gravité de la situation dans laquelle se trouve la France. On aimerait, pourtant, s’enthousiasmer pour un gouvernement d’union nationale qui préfigurerait un sursaut et donnerait corps aux assauts de lyrisme des communicants présidentiels, occupés à vanter les « talents » dénichés par Jean Castex, l’homme qui, après avoir décon né la France, s’apprête à la redresser en dix-huit mois.

Étrange moment de flottement. L’effervescence médiatique autour d’une équipe dont Me Éric Dupond-Moretti semble devoir à lui seul nourrir l’appétit de spectacle ferait presque croire que la crise économique qui vient serait une promenade de santé. Que pèsent un million de chômeurs à côté d’une guerre possible entre le nouveau ministre et la magistrature ? Même Roselyne Bachelot, indéniablement plus légitime à son poste que ses prédécesseurs, semble reléguée au rang d’attraction, alors même qu’elle tente de faire comprendre de quelle ampleur cataclysmique seront les conséquences du coronavirus sur un monde de la culture réduit à la paralysie. Le spectacle ne vaut que si les acteurs jouent leur rôle. Pas trop de fond. Beaucoup d’effets de manche. Ils ne sont là que pour ça : tenir la scène pour permettre au principal acteur de se représenter en 2022. Le reste n’est qu’accessoire.

Le reste, pourtant, c’est un pays qui mériterait mieux qu’un Premier ministre ectoplasmique et des calculs politiciens. La dernière semaine suffit à en offrir un aperçu. Après les plans sociaux annoncés chez Nokia, Airbus, Air France ou Technicolor, EDF détaille son plan « Mimosa ». Un plan d’économie de plusieurs milliards d’euros, avec gel des investissements et des embauches, et économies de bouts de chandelle. Et le prochain programme de restriction budgétaire, on le baptise « Pâquerettes et coquelicots » ?

La France va connaître une crise plus importante que celles de ses voisins. Pour des raisons qui ne tiennent pas à Emmanuel Macron mais à ce système économico-politique dont il est le dernier avatar. « Préférence française pour le chômage », nous dit le président dans un entretien avec la presse régionale dont la longueur n’a d’égal que le vide sidéral du contenu. Une fois de plus, on se focalise sur les conséquences, le poids du système social, pour ne pas regarder les causes, une désindustrialisation acceptée comme prix d’une monnaie forte et d’une préférence des élites françaises pour les services et la nanciarisation à l’anglo-saxonne. Tourisme et banque pour compenser l’éradication de filières industrielles dont les savoir-faire ont été méprisés et abandonnés à la prédation. Qui regarde la composition du nouveau gouvernement y trouvera deux ministères délégués, l’un à l’Industrie et l’autre aux Petites et Moyennes Entreprises. À défaut d’un véritable plan de réindustrialisation, d’aménagement du territoire, de développement des infrastructures et de plani cation, quelques pansements sur les plaies béantes.

Mais poussons un peu plus loin le diagnostic. La France n’est pas seulement confrontée à une crise économique majeure. Emmanuel Macron n’appelle pas pour rien à une reconstruction « économique, sociale, environnementale et culturelle ». On peut même espérer que, au-delà du slogan, il entrevoit quel chantier titanesque s’offre à lui. Reconstruction culturelle. L’expression ne se résume pas au sauvetage d’un secteur que le président ne daigne pas citer dans ses interventions. Disons-le brutalement : la France est un pays dans lequel un chauffeur de bus, un père de famille, peut mourir pour avoir voulu accomplir son devoir et faire respecter la loi. La France est un pays dans lequel l’école produit à la pelle des jeunes gens non seulement incapables de raisonnement mathématique, mais parfaitement ignorants de tout ce qui constitue la civilisation à laquelle ils appartiennent.

On est ravi que Marlène Schiappa ait été promue ministre déléguée à la Citoyenneté, mais il faudra davantage que des déclarations racoleuses pour rebâtir ce qui fait l’essence même d’une nation : l’idée que nous formons un peuple, c’est-à-dire une entité politique dont les membres se sentent un destin commun, qui les oblige vis-à-vis de ceux qu’ils croisent et qui ne seront jamais ni des ennemis ni les membres d’une tribu adverse. La France est traversée par des haines, elle est défigurée par des comportements qui relèvent d’une guerre de territoires, elle est fracturée par le fait que, à tous les échelons de la société, certains s’affranchissent des règles communes.

Y a-t-il encore un sens à terminer les discours officiels par un « vive la République et vive la France » qui sonne creux ? La République n’existe que par la promesse d’ascension sociale sur la base du mérite, qui permet à chacun d’exprimer ses talents et de s’émanciper, notamment par le travail, des déterminismes qui l’entravent. La France n’est rien sans la perpétuation d’une culture faite du souci de la beauté sous toutes ses formes, géographiques ou artistiques, et de l’homme comme incarnation et comme idée. Retrouver la République et la France devrait être le programme premier d’un gouvernement digne de ce nom.

Source :  Marianne 9/7/2020

 

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Dupond-Moretti et Darmanin, les noces funèbres ?

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Par Etienne Defay

Le choc promis par Emmanuel Macron que devait incarner le remaniement est finalement as- sez décevant. Un subtil mélange de fond de tiroir, de recasage et de racolage. La seule véritable prise de guerre, non des moindres puisqu’il s’agit du monstre du barreau et terreur des magistrats, le Gargantua du prétoire, Maître Eric Dupond-Moretti. La promesse de débats houleux et de joutes parlementaires homériques pour les plus optimistes. Pour les réalistes, en plus d’être l’arbre qui cache la forêt en matière de  renouveau, Dupond-Moretti garde des Sceaux, c’est l’arrivée de l’extrême gauche aux fonctions suprêmes. Celui qui se définit comme de sang mêlé et porteur « d’antiracisme », le défenseur de Théo Luhaka, de Patrick Balkany et d’Abdelkader Merah, grand ennemi des magistrats est donc ministre de la Justice. Lors de sa première visite à la prison de Fresnes, il a été ovationné. Pas par les surveillants mais par les détenus. Ambiance.

A l’Intérieur, arrive Gérald Darmanin, le sémillant ministre du Budget aura donc remporté son pari de laisser Castaner se griller à l’Intérieur avant de prendre sa place. Darmanin, c’est « le traître » pour Christian Jacob, c’est celui qui se présente comme petit-fils d’immigré alors qu’il descend d’un harki donc d’un citoyen français. Darmanin, c’est en arrivisme ce que représente Dupond-Moretti en outrancier. Et pourtant, cet improbable tandem aux histoires radicalement différentes vont devoir faire fonctionner ensemble les deux principales missions régaliennes de l’Etat : protéger et juger. Un constat qui glace un peu, il est vrai.

D’autant que la presse tire déjà à boulets rouges sur le tandem. Dupond- Moretti parce qu’il fut très critique à l’encontre du mouvement MeToo et Darmanin parce qu’il fait l’objet d’une enquête pour viol. A la limite ce n’est pas le plus préoccupant. Le garde des Sceaux ne saurait être coupable de délit d’opinion et le ministre de l’Intérieur a droit à la présomption d’innocence. Néanmoins on peine à voir comment ce couple mal assorti va parvenir à s’accorder, rassurer les forces de l’ordre et en finir avec le laxisme judiciaire. On connaît l’appétence de la Justice pour les coupables et le peu d’attention porté aux victimes.

Un duo à l’image du remaniement

Comme le fait remarquer le politologue Guillaume Bernard au média Boulevard Voltaire, c’est l’ordre protocolaire des ministères qui interpelle : « En premier viennent les Affaires européennes, en deuxième l’Ecologie. Il faut attendre la 6ème place pour voir le ministère de l’Intérieur et la 10ème place pour le ministère de la Justice. Cela montre que les fonctions régaliennes de politique intérieure, d’immigration irrégulière, d’insécurité sont reléguées bien derrière des questions d’affichage. »

On l’aura compris, le régalien est confié aux bêtes de scène et aux ambitieux mais arrive dernier dans les priorités d’Emmanuel Macron. Dommage que ce soit les principales préoccupations des Français qui sont au mieux caricaturés, au pire insultés.

Source : Présent 9/7/2020

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mardi, 07 juillet 2020

Les droites et le nouveau gouvernement

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Jean-Gilles Malliarakis L'Insolent cliquez ici

La petite opération de ravalement gouvernemental donne lieu à une avalanche de commentaires. La place des "laïcs", des "hommes de réseaux", des "amis de Xavier Bertrand", autant d'expressions qui permettent d'éviter les gros mots. Personne n'entend attaquer trop frontalement la bienfaisance philosophique qui structure le régime républicain. Depuis la victoire des radicaux socialistes en 1902 et celle de Mitterrand en 1981, on appelle cela la gauche

On a pourtant étrangement insisté, à l'occasion du passage de témoin – on hésite écrire de faux témoins – sur la qualité d'hommes de "droite" qui aurait caractérisé Édouard Philippe en 2017 puis son successeur Castex en 2020. Au rebours en effet de l'idéologie fondatrice de la cinquième république, on communique en effet de plus en plus en France sur l’existence d'une droite.

Rappelons à ce sujet que ce mot n'appartenait pas au vocabulaire de référence du fondateur lequel raisonnait essentiellement en terme de rassemblement. Cette appellation se retrouve d'ailleurs dans le seul parti qu'il n'ait jamais constitué lui-même, le RPF de 1947. On chercherait vainement sous sa plume pourtant féconde une réfutation du marxisme en tant que tel, ni même une franche condamnation du stalinisme, tout au plus parlera-t-il du régime affreux de l'Union soviétique alors qu'il justifie de nouer avec elle en 1944 une belle et bonne alliance. A ses adversaires intérieurs du parti communiste français il reproche leur séparatisme. De 1954, date à laquelle, selon l'expression de l'homme de Colombey "le rassemblement était devenu une débandade", à 1977, quand le RPR fut fondé à Égletons où Jacques Chirac se revendique d'un "travaillisme à la française", aucun parti d'obédience gaulliste n'a jamais utilisé le mot "droite".

Il faut attendre Sarkozy pour voir apparaître franchement le concept.

Il est désormais devenu courant et personne ne semble contester vraiment dans les rangs du parti continuateur LR. Reste qu'entre temps était apparue l'UMP, union pour la majorité présidentielle de 2002, créée dans la foulée de la victoire ambiguë d'une coalition hétéroclite dirigée contre la présence au second tour de Jean-Marie Le Pen. Le nouveau parti était supposé fusionner, ou plutôt agréger autour de l'épine dorsale chiraquienne les restes du giscardisme, du centrisme et même ceux de l'éphémère démocratie libérale revendus par l'intermédiaire Raffarin qu'on nomma Premier ministre.

Or, pour apprécier l'ensemble de ces évolutions, on doit observer qu'il existe en regard, de façon massive et même grandissante au sein de l'électorat des aspirations constitutives de diverses clientèles "de droite".

Nos vaseux communicants et autres sondeurs, si prompts et si empressés à se tromper eux-mêmes, si habiles à induire le grand public en erreur, ne s'y méprennent pas sur ce point.

Dès les travaux de Deutsch Lindon et Weill (1) de 1966, et les premières critiques de la Bipolarisation institutionnelle qui semblait caractéristique dans les débuts de la cinquième république, il apparaissait de façon parfaitement claire, avec un demi siècle d'avance qu'il existait un "marché", une demande de droite au moins au départ, et depuis les années 1980 de plus en plus forte d'un grand parti non pas travailliste mais conservateur en France.

Faut-il dès lors accuser de "tromperie sur la marchandise" tous les hommes politiques qui s'emploient depuis lors à répondre à cette demande par une offre plus ou moins inadaptée à cette demande ?

Une telle accusation se révèle en partie naïve.

Cette rhétorique des dénonciations réciproques de la "fausse droite" et de "l'extrême droite" a commencé à poindre en effet dans les années 1990. Elle se trouvait dans les propos et sous la plume de "nationaux" qui, 20 ans plus tôt, avaient eu pourtant l'intuition volontariste, aussi bien chez les frères ennemis du FN et du PFN, d'une "droite nationale et populaire", voire au plan philosophique une "nouvelle droite", etc... Ils n'avaient rassemblé au départ qu'un nombre très limité de suffrages. La première poussée électorale s'était produite, à la faveur de l'ère Mitterrand, aux élections européennes de 1984.

 permit Ce n'est qu'à partir de 1990, et sur la base d'un montage provocateur, pourtant assez grossièrement fabriqué à Carpentras par une officine liée aux renseignements généraux, qu'il est devenu constant, et obligatoire, d'ostraciser de façon définitive toute notion d'union des droites.

Et 30 ans plus tard cela dure encore.

(1) Deutsch, Lindon et Weill, "Les Familles politiques en France"  1966, 128 pages Editions de Minuit

 

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En France, l’autorité est dénigrée en bas et embourbée en haut

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Par Eric Deschavanne et Pierre-Henri Tavoillot*

L’autorité vient d’en haut, la confiance vient d’en bas », disait Sieyès. Le problème français est que nous n’avons plus ni haut ni bas. C’est la principale leçon de la crise, qui vient confirmer un diagnostic établi depuis longtemps.

Du côté de la confiance, les citoyens n’en ont guère envers un État auquel ils demandent pourtant sans cesse davantage. L’État est plein de défiance à l’égard de la société civile, qu’il perçoit comme un tas de Gaulois réfractaires.

Au sein de l’État, l’exécutif ne se fie que peu à l’administration (qui le lui rend bien), ni au législatif qui s’englue dans l’atonie. Entre les élus et les services, que de malentendus ! Entre le national et le local, que de  soupçons ! Et que dire des citoyens entre eux quand on voit une Convention de 150  citoyens tirés au sort ne faire aucune confiance aux 60 millions de leurs congénères pour relever les défis du changement climatique ? Leurs propositions le révèlent : il faut punir ces ignorants pour leur bien et les forcer à entrer dans une écologie décroissante ! Il faut bouleverser la Constitution pour contraindre les politiques à tout jamais. Sans doute la question posée induisait- elle assez largement ce type de réponse.

Du côté de l’autorité, même constat alarmant : elle est dénigrée d’en bas dès qu’elle tente de s’affirmer ; elle est embourbée en haut par les abus de contre-pouvoirs et d’agences irresponsables qu’elle s’est imposés  à elle-même. Souvent laxiste et inefficace, là où elle devrait s’affirmer ; parfois autoritariste, là où elle devrait être à l’écoute : elle est toujours à contretemps ! « Nul n’obéit à quelqu’un qui ne croit pas à son droit de commander. » Raymond Aron rejoint là, deux fois n’est pas coutume, de Gaulle : « Heurtée d’en bas, chaque fois qu’elle se montre, [l’autorité] se prend à douter d’elle-même, tâtonne, s’exerce à contretemps, ou bien au minimum avec réticences, précautions, excuses, ou bien à l’excès par bourrage, rudesses et formalisme » (Le Fil de l’épée, 1932). La date de ce texte révèle que le problème n’est pas vraiment nouveau. Il est structurel en démocratie. Mais ce n’est pas une excuse. Car l’ampleur qu’il prend est vraiment inquiétante.

C’est ce que révèle une note remarquable publiée par Nicolas Bauquet, directeur des études à l’Institut Montaigne, sur l’action publique durant la crise de la Covid-19. Il fait là le travail urgent et capital que font mal — en ce moment même — les commissions d’enquête parlementaire. Il s’agit d’une analyse serrée, sans complaisance mais sans accusation, de ce qui a marché (l’informel) et dysfonctionné (la chaîne bureaucratique) dans la gestion de la crise. Tout y passe : la défiance entre services, le carcan des règles, la terreur des responsabilités, les rétentions d’informations utiles, l’indigestion de données inutiles, la dilution de la décision, les ruptures graves dans les chaînes de commandement, le brouillage du rapport entre le savant et le politique. Nous l’avons vu à propos de la gestion des tests, des masques, du confinement, de l’organisation de la santé en France, des relations entre la recherche médicale et le soin... : sur tous ces sujets, il y a eu, en trois mois, un condensé exceptionnel de tous les défauts, mais aussi des forces de notre système.

Après la crise, il y a donc une bonne et une mauvaise nouvelle. La bonne est que la qualité des personnes - y compris au plus haut niveau - leur dévouement et leurs initiatives ont permis de tenir bon. Jean Castex a été une de ces chevilles ouvrières. La mauvaise est que les circuits institutionnels n’ont cessé de leur mettre des bâtons dans les roues.

Alors que nous sommes en train de renouer avec le quotidien et nos mauvaises habitudes, ne gâchons pas cette occasion unique de nous améliorer. Le changement de premier ministre est censé ouvrir une nouvelle ère. Déjà les chantiers s’esquissent avec leur lot de querelles prévisibles et de blocages annoncés. Ce serait pourtant une grave erreur de ne pas procéder à un bilan. Il faut revoir en détail le déroulé de cette séquence complexe, sans perdre de vue les idées directrices. L’énergie nationale devrait s’attacher non seulement à sortir de la crise, mais à en tirer les leçons, sans esprit d’accusation, ni désir de vengeance. De ce point de vue, les procédures judiciaires engagées au pénal contre les responsables politiques sont d’une bêtise insigne révélant seulement l’extrême confusion des esprits : la substitution du juridique au politique.

Non, le seul but qui doit animer l’intérêt général n’est ni de punir ni d’ostraciser, mais d’améliorer les choses par l’examen scrupuleux de nos faiblesses. Avons-nous encore cette énergie qui permettra de faire se rencontrer l’autorité d’en haut  et la confiance d’en bas ? En avons- nous même encore le désir ?

(*)  Éric Deschavanne est enseignant en philosophie, auteur notamment d’un essai intitulé « Le Deuxième Humanisme » (Germina 2010). Pierre-Henri Tavoillot est maître de conférences en philosophie à l’université Paris-Sorbonne et a publié en particulier « Comment gouverner  un peuple roi ? » (Odile Jacob, 2019). Tous deux animent ensemble le Collège de philosophie.

Source : Le Figaro 7/7/2020

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dimanche, 05 juillet 2020

Macron a tort : la rentrée ne sera pas difficile, mais apocalyptique

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Par Marc Landré *

Emmanuel Macron l’avait déjà laissé entendre le 14 juin, lors de sa dernière adresse télévisée à la nation. « Notre pays va connaître des faillites et des plans sociaux multiples en raison de l’arrêt de l’économie mondiale », avait prévenu le chef de l’État, en appelant déjà à une « reconstruction économique » de la France et promettant de « tout faire pour éviter au maximum les licenciements ». Ce vendredi, dans son interview à la presse régionale, il a été encore plus clair : « la rentrée sera difficile et il faut s’y préparer ». Pronostiquer qu’elle sera  « difficile » est au mieux un euphémisme, au pire une lapalissade. La rentrée de septembre, de l’avis de tous les experts, va être bien pire, c’est-à-dire apocalyptique. En réalité, comment pourrait-il en être autrement, tant la déflagration économique que la France endure est d’une violence inédite ? Les Français - qui dans leur grande immense majorité ont été pour l’heure épargnés par les conséquences de la crise sanitaire - ne s’en rendent pas compte mais l’horizon est des plus sombres, pour ne pas dire des plus noirs.

Il suffit d’égrener les prévisions des principaux indicateurs macroéconomiques pour le mesurer. La contraction du PIB ? Elle sera au moins de 11 %, ce qui équivaut à un bond en arrière de 270 milliards d’euros en termes de créations de richesses. Le déficit ? Il sera supérieur à 250 milliards d’euros en fin d’année, soit 5 fois plus important que le niveau attendu à date avant la crise. L’argent public mis sur la table ? Pas moins de 460 milliards d’euros en garanties de prêts bancaires, aides directes à des secteurs en difficulté, financement du dispositif de chômage partiel ou primes diverses distribuées à ceux qui en ont besoin. Du jamais vu en temps de paix !

L’impact social de cette crise fait déjà froid dans le dos : premières faillites (ou dépôts de bilan) d’enseignes bien connues des Français et annonces de plans sociaux taille XXL de grandes entreprises (Airbus, Air France...). Les destructions d’emploi vont atteindre des sommets et sans doute frôler le million sur l’année. Un record en si peu de temps ! Le chômage devrait pour sa part bondir de deux ou trois points en quelques mois, pour tangenter voire dépasser les 11 % de la population active, un taux là encore jamais atteint (il a grimpé jusqu’à 10,8 % en 1994) par le passé. Quant aux 700 000 à 900 000 jeunes (diplômés ou pas) qui vont tenter leur chance sur le marché du travail en septembre, ils vont trouver portes closes dans les entreprises privées qui ont déjà gelé toutes leurs embauches. Sine die.

Le terreau, de surcroît, est plus que jamais propice à l’explosion sociale après les soubresauts des trois premières années du quinquennat Macron. La révolte des « gilets jaunes », à l’hiver 2018, et la récente fronde contre la réforme des retraites - que le président de la République veut remettre en chantier dès cet été - ont laissé des traces indélébiles dans l’opinion. Beaucoup ont donc une revanche à prendre sur le patron de l’exécutif et se serviront du premier prétexte, réel ou feint, qui se présentera à eux pour tenter leur chance et faire plier le président.

Alors que la République a vacillé sous ls coups de boutoirs répétés de centaines de milliers de « gilets jaunes », on peut  craindre le pire si une grande part d la population se mobilise – à commencer par sa jeunesse qui se voit  déjà sacrifiée - frappée par la dureté de la crise économique et surtout sociale. « Une étincelle  à un endroit pourrait provoquer un embrasement... », prévenait à juste titre, il y a dix jours dans Le Figaro, François Moreau, le président de LHH (ex-Altedia), le cabinet d’accompagnement et de conseil RH du groupe Adecco.

C’est dire l’immensité de la tâche  qui attend Jean Castex, le premier ministre qu’Emmanuel Macron s’est choisi pour la fin de son mandat : redresser la France, bien sûr, et surtout éviter qu’elle ne se fracture plus... À coup sûr, une mission à très haut risque !

(*) Marc Landré est rédacteur en chef au Figaro, responsable du service Economie France.

Source : Le Figaro 4-5/7/2020

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samedi, 04 juillet 2020

Le paradoxe identitaire de l’Occident

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Par Mathieu Bock-Côté*

Les émeutes raciales qui ont bousculé les États-Unis à la suite de la mort de George Floyd n’en finissent plus de faire sentir leurs effets, et cela, bien au-delà  de leurs frontières. L’idéologie racialiste contamine désormais l’ensemble du corps social. Ainsi, les grandes entreprises font du zèle. On l’a vu avec L’Oréal qui a voulu effacer la référence au mot « blanc » dans certains de ses produits. Quant au New York Times,  il s’engage à désormais écrire le mot « noir » avec une majuscule, mais à conserver sa minuscule au mot « blanc ». C’est ainsi qu’on prête allégeance aux gardiens de la révolution diversitaire au moment où le régime se radicalise en se racialisant : en se lançant dans une purge symbolique pour déblanchir la société. Ces entreprises versent dans l’humour involontaire.

En d’autres termes, l’idéologie racialiste se diffuse à grande vitesse dans les institutions qui produisent la légitimité culturelle. Son lexique s’impose. « Racisme systémique », « fragilité blanche » : ces termes nous sont désormais familiers. Il y a quelques années encore, l’antiracisme avait pour programme de neutraliser et même de déconstruire le concept de race dans la représentation de la vie sociale, afin de la rendre indifférente à la couleur de la peau. Cette perspective est désormais discréditée. Pire encore, elle serait à proscrire. Les « experts » du régime ont décrété qu’elle relevait du « daltonisme racial », qui permettrait la reproduction durable du racisme systémique en dissimulant les discriminations généralisées qui le caractériseraient.

L’antiracisme consisterait aujourd’hui à replacer la race au cœur de la cité, mais dans la perspective du « racisé ». Ce terme n’est pas neutre, et porte dans sa définition même une accusation : ce sont les « Blancs » qui fabriqueraient les « racisés », en créant un système dont ils seraient la norme universelle et qui produirait une différence stigmatisée chez les populations qui ne sont pas d’origine européenne. Le racisme serait, par définition, un système d’exploitation du monde à l’avantage des « Blancs ». Conséquence : par définition, le racisme antiblanc serait une impossibilité logique et une aberration antiscientifique. On ne se trompera pas : cette quincaillerie théorique bas de gamme, qui s’alimente au ressentiment, véhicule simplement un racisme antiblanc véhément. Ses promoteurs cherchent à le faire passer pour de la sociologie.

Nous sommes ici devant ce qu’on pourrait appeler le paradoxe racial des sociétés occidentales. Au fil des dernières décennies, elles se sont convaincues tout à la fois de l’inexistence des races et de la nocivité absolue du racisme, et pour d’excellentes raisons auxquelles elles font bien de s’accrocher, elles refusent de revenir sur ce qu’elles considèrent comme un acquis de civilisation. Mais elles sont manifestement les seules à le croire. La mouvance indigéniste fait tout pour exhorter les « minorités » à revendiquer leur identité raciale. Les sociétés occidentales ont beau répéter que la race représente une catégorie régressive qui ne saurait fonder une identité collective, elles peinent  à admettre que leur universalisme, ou du moins, l’idée qu’elles s’en font, est moins partagé qu’elles ne le souhaitent.

La position des peuples européens devient intenable. Leur identité nationale est brutalement ramenée à une identité raciale – s’impose ainsi le terme « majorité blanche » pour les désigner. Ils sont condamnés, en quelque sorte, à une forme d’identité négative et ne peuvent dire « nous » que pour expier les péchés qu’on leur prête. Ils sont jetés dans un piège idéologique qui les condamne à l’autodestruction symbolique et à l’expiation perpétuelle, d’autant que la mouvance indigéniste assimile au suprémacisme blanc toute résistance à ses agressions idéologiques. C’est de cette situation insensée qu’ils doivent sortir, et ils n’y parviendront pas en se réfugiant dans une définition exagérément étroite et trop souvent asséchée de ce qu’on appelle les « valeurs de la république ».

Si la France importe, ce n’est pas à la manière d’un territoire administratif neutre mais parce qu’il y a un peuple français, avec un substrat historique, une culture, des mœurs, un esprit particulier. Et si elle peut assurément absorber des populations nouvelles à chaque génération, c’est à condition de respecter ses capacités d’assimilation, qui ne sont pas infinies. Ce n’est plus le cas depuis un bon moment. La nation ne pourra affronter la poussée racialiste qu’en s’assumant comme identité forte ne doutant surtout pas de son droit de s’imposer chez elle. Elle ne doit plus se voir comme une forme périmée, mais comme la médiation vivante permettant de nouer un lien politique entre les hommes. Resurgira alors cette évidence perdue : l’enracinement n’est pas le contraire de l’universel, mais sa condition de possibilité existentielle.

(*) Journaliste, chroniqueur au Figaro

Source : Figaro 4-5/7/2020

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vendredi, 03 juillet 2020

Congo : les regrettables « regrets » du roi des Belges

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Bernard Lugan

Le mardi 30 juin 2020, pliant à son tour sous l’air du temps, le roi des Belges a présenté « ses plus profonds regrets pour les blessures infligées lors de la période coloniale belge au Congo ». Des « regrets » qui n’avaient pas lieu d’être. Pour au moins quatre  raisons principales : 

1) En 1885 quand fut internationalement reconnu l’État indépendant du Congo (EIC), les esclavagistes zanzibarites dépeuplaient tout l’est du pays. Ayant largement franchi le fleuve Congo, ils étaient présents le long de la Lualaba, de l’Uélé, dans le bassin de la Lomami, un des affluents majeurs du Congo, et ils avaient quasiment atteint la rivière Mongala.

Dans cette immense région, de 1890 à 1896, au péril de leur vie, de courageux belges menèrent la « campagne antiesclavagiste ». Au lieu de lassantes et injustifiables excuses, c’est tout au contraire la mémoire de ces hommes que le roi des Belges devrait célébrer. Parmi eux, les capitaines Francis Dhanis, Oscar Michaux, van Kerckhoven, Pierre Ponthier, Alphonse Jacques, Cyriaque Gillain, Louis Napoléon Chaltin, Nicolas Tobback et bien d’autres. Pour avoir voulu arracher les malheureux noirs aux esclavagistes musulmans venus de Zanzibar et de la péninsule arabe, Arthur Hodister et ses compagnons ainsi que le lieutenant Joseph Lippens et le sergent Henri De Bruyne furent massacrés. Les deux derniers eurent auparavant  les mains et les pieds coupés par les esclavagistes. Leurs statues vont-elles être déboulonnées ? Probablement, tant l’ethno-masochisme des Européens semble être sans limites.

2) Dans le Congo belge les services publics fonctionnaient et des voies de communication avaient été créées à partir du néant, tant pour ce qui était de la navigation fluviale, que des voies ferrées, des aérodromes ou des ports. Quant au réseau routier, il était exceptionnellement dense, des pistes parfaitement entretenues permettant de traverser le pays d’ouest en est et du nord au sud en toutes saisons. Après l’indépendance, ces voies de communication disparurent, littéralement « mangées » par la brousse ou la forêt.

3) La Belgique n’a pas pillé le Congo. Et pourtant, cette colonie fut une de celles dans lesquelles  les profits  furent les plus importants. Mais, à partir de 1908, les impôts payés par les consortiums et les privés furent en totalité investis sur place.  Le Congo belge pouvait donc subvenir à ses besoins, le plan de développement décennal ainsi que les investissements étant financés par les recettes locales tirées de l’impôt des grandes sociétés.

4) Parmi toutes les puissances coloniales, la Belgique fut la seule à avoir défini un plan cohérent de développement de sa colonie en partant d’une constatation qui était que tout devait y être fait à partir du néant. En matière d’éducation, la France et la Grande Bretagne saupoudrèrent leurs colonies d’Afrique sud-saharienne tandis que la Belgique choisit de procéder par étapes et de commencer par bien développer le primaire, puis le secondaire et enfin seulement le supérieur. Mais, pour que ce plan puisse être efficace, il lui fallait encore une certaine durée. Or, il fut interrompu par l’indépendance alors qu’il fallait à la Belgique au moins deux décennies supplémentaires pour le mener à son terme.

Alors, certes, il y eut une période sombre dans l’histoire de la colonisation belge, avec une politique d’exploitation fondée sur le travail forcé et dénoncée en 1899 par Joseph Conrad dans son livre « Au cœur des ténèbres ». Mais ce ne fut qu’une parenthèse de quelques années. A partir de 1908, le Congo rentra en effet dans l’Etat de droit et ses ressources ne servirent plus qu’à sa mise en valeur.

Voilà pourquoi, en plus d’être  regrettables, les « regrets » du roi des Belges sont une insulte à de grandes figures belges et à l’Histoire de son pays.

Pour en savoir plus, voir mon livre Histoire de l’Afrique des origines à nos jours, pp 552-555 et 701-715.

L'Afrique réelle cliquez ici

00:29 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

jeudi, 02 juillet 2020

Valse verte à Versailles

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par Natacha Polony

L’unique leçon à tirer de ce scrutin est que la fracture territoriale qui dessine à présent la lutte des classes en France est plus profonde que jamais. L’illusion d’optique d’un sursaut à gauche masque difficilement le désenchantement des territoires abandonnés (…) Restent des citoyens excédés, qui ont prouvé, une fois encore, qu’ils ne concevaient pas le moindre enthousiasme pour le RN. Utiliser un gourdin pour cogner sur le système ne signifie pas qu’on soit « gourdiniste », comme l’écrivait Philippe Muray.

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Alignez vous ! par Régis Debray

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Un texte de Régis Debray ne laisse jamais indifférent. Cet homme de gauche qui ne se reconnaît plus dans la mouvance socialiste actuelle poursuit en solitaire sa réflexion sur le monde qui nous entoure et plus singulièrement à travers ses médias quels qu’ils soient, de la religion aux idéologies. Depuis quelques années, ce rare et réel intellectuel de gauche – espèce en voie de complète disparition pour notre plus grand bonheur – nous livre ses réflexions via de courts textes qui ont pour qualité d’en dire long et de nourrir notre réflexion. Voici donc « Alignez-vous ! » sur l’américanisation du monde. A l’image d’Athènes et de Rome hier, ou de la France du XVIIe siècle, celle-là même de Louis XIV, la puissance dominante impose en général sa vision du monde aux « barbares » qu’elle soumet. Une domination en général culturelle avant d’être économique. Avec l’Amérique, c’est l’inverse. Cette domination économique sous-tend une soupe culturelle tout à fait indigeste. Etat des lieux.

A lire ICI

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mercredi, 01 juillet 2020

Énergie électrique : peut-on continuer longtemps à dire des âneries ?

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Loïk Le Floch-Prigent Contrepoints

Quand va-t-on arrêter de prendre 65 millions de Français pour des enfants attardés à qui on peut asséner n’importe quoi ? Les masques ne vous ont-ils pas suffi ?

Le 11 juin la ministre de l’Écologie et de l’énergie accompagnée du président de RTE responsable du réseau électrique national ont voulu rassurer les Français : ils sont vigilants, s’il fait froid cet hiver, il n’y aura pas de black-out !

Après que les Français, désormais masqués, se souviennent des propos rassurants du début de la pandémie sur le fait que, certes nous n’avions pas de masques, mais qu’ils étaient inutiles et peut-être même nuisibles, cet avertissement du type « dormez bien mes petits », a des saveurs d’avertissement !

Il est vrai que l’ensemble du discours qui suit montre bien l’étendue du problème. Le PPE, dont les décrets sont sortis en avril, est déjà dépassé et c’est grâce aux centrales à gaz, et aux centrales à charbon qui ne ferment qu’en 2022, que nous allons nous en sortir cet hiver 2020/2021 !

UNE ÉNERGIE ESSENTIELLE À LA POPULATION

C’est effectivement au Parlement et dans les ministères que se décide une politique très technique, celle de la fourniture d’une énergie essentielle pour la population française, l’électricité. Il y a donc eu un plan, la Programmation pluriannuelle pour l’énergie (PPE) et un examen permanent de la politique de production qui marginalise la Société nationale (EDF) qui doit se plier aux vœux de la nation et des technocrates qui lui sont associés.

La population doit donc être rassurée, elle vivra bien un black-out, pas forcément en 2021, mais peut-être en 2022. Tout est organisé en ce sens puisque jour après jour ceux qui ont eu en charge de sécuriser une énergie abondante et bon marché sont écartés des décisions, ils doivent s’adapter aux diktats des idéologues et des bureaucrates.

La production électrique est assurée pour plus de 70 % par les centrales nucléaires, pour 11 % par les centrales hydrauliques, le reste par le charbon, le gaz, le solaire et l’éolien.

Deux décisions ont été prises :

(1) fermer la centrale nucléaire de Fessenheim en 2020, la première tranche le 21 avril, la deuxième le 30 juin, privant le pays de 6 à 7 TWH, soit plus de 2 % de la consommation nationale ;

(2) passer au plus vite à seulement 50 % la production des centrales nucléaires et donc d’en fermer encore d’autres parfaitement utilisables et amorties.

Ces décisions n’ont aucune justification, ni technique, ni économique, ni climatique. Il s’agit de politique politicienne destinée à plaire à un électorat anti-nucléaire. Elles sont d’un coût prohibitif pour un pays qui sort difficilement d’un séisme coronavirus lui ayant fait perdre au moins 4 années de croissance.

On aurait pu souhaiter que quelqu’un, quelque part, demande de surseoir à ces deux décisions dont la stupidité n’a d’égale que la charge pour le contribuable, mais les responsables viennent de nous dire que nous allons dans le mur, mais ne vous inquiétez pas, on s’en occupe.

QU’IMPORTE LES RISQUES DE PÉNURIE

Qu’importe si la décision de fermeture de Fessenheim a entraîné la mise en service d’une centrale au charbon de 600 MW dès le mois d’avril pour veiller à l’approvisionnement électrique de la région aux trois pays qu’elle desservait, qu’importent les 9 millions de tonnes de CO2 émises, qu’importent les 2000 emplois, qu’importent les risques de pénurie… ou de black out.

Nous avons encore les centrales à charbon, nous avons un programme d’effacement (industriels prêts à arrêter leur production), procédure non gratuite pour le contribuable, (faut-il vraiment encourager les usines à cesser de produire alors qu’elles viennent de subir trois mois de difficultés liées au coronavirus ) ; et puis les Français n’ont pas de thermostats, le gouvernement – donc le contribuable – va leur donner 150 euros par nouveau thermostat installé destiné à faire des économies d’énergie. Bien sûr il a été remarqué que nous vivions en électricité interconnectée et que nos voisins allaient nous fournir une énergie (gratuite ?) dès que nous en aurions besoin !

Quand va-t-on arrêter de prendre 65 millions de Français pour des enfants attardés à qui on peut asséner n’importe quoi ? Les masques ne vous ont-ils pas suffi ?

La réalité c’est que nous avons l’une des électricités les plus décarbonées du monde, de l’ordre de 85 % avec le nucléaire et l’hydraulique, et qu’il est de notre intérêt de les conserver.

Pour passer l’hiver 2020/2021, compte tenu de la fermeture de Fessenheim et du retard pris dans le programme de maintenance du au confinement et donc à l’arrêt des travaux, la production d’électricité nucléaire doit être réexaminée pour éviter le black-out.

Heureusement il nous reste des centrales à charbon – celle de Cordemais en Loire-Atlantique sauve chaque année la Bretagne depuis dix ans – des centrales à gaz qui ont fonctionné à plein régime toute l’année 2019. Il se trouve – et les responsables se gardent bien de le dire – que l’hiver correspond à une période souvent sans vent et sans soleil ! C’est donc le mix électrique associé au nucléaire qui nous permet chaque hiver de nous donner lumière et chauffage.

Les beaux discours sur les énergies nouvelles sont intéressants en mai, où l’on arrive alors à dire : « tel jour nous avons eu 10 %  de solaire, tel autre 30 % d’éolien ». Ce n’est pas inexact, mais à cause de l’intermittence et de la non prévisibilité, cela correspond à des surcoûts qui ont déjà augmenté de 25 % la facture d’électricité de chaque Français et a réduit la compétitivité industrielle des gros consommateurs.

Il faut poursuivre les expérimentions du solaire et de l’éolien, mais maintenant que nous disposons des chiffres, il faut se concentrer sur les circuits courts, c’est-à-dire l’utilisation de l’électricité fournie au plus près de la production.

LE BLACK OUT QUI S’ANNONCE

Nous avons tous les éléments pour remettre le dossier électrique sur les bons rails, nous savons que nous allons à plus ou moins brève échéance connaitre un black-out un hiver prochain, il a été annoncé. Qu’attendons-nous pour revenir sur un programme suicidaire ?

En hiver froid nous ne pouvons pas compter sur les fermes éoliennes ou solaires pour nous en sortir. Mettre fin à la production de charbon et une partie du nucléaire conduit à nous précipiter sur des centrales à gaz ; est-ce que nous le voulons, comme le font les Italiens ?

Mais continuer à sortir des âneries en mélangeant la base et le pic, en prenant des jours de soleil et de vent pour crier victoire et en déroulant des programmes d’investissements d’éoliennes en mer comme au Cap Fréhel en Bretagne avec un prix de l’électricité quatre fois plus élevé que celui du nucléaire et en faisant payer le raccordement au contribuable touche à l’odieux. On a le droit de penser et de réfléchir dans notre pays, le droit aussi d’éviter une faillite collective.

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La convention citoyenne et ses 146 bêtises

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Par Benoît Busonier

Il convient de rappeler ce qu’est la Convention citoyenne pour le climat. Cette instance est sortie du néant, qu’elle n’aurait pas dû quitter, en octobre 2019, par la volonté d’Emmanuel Macron. Le principe est le suivant : après le « grand débat national » qui a suivi la crise des Gilets jaunes et le recueil de leurs cahiers de doléances, le président a cru discerner que la demande populaire la plus urgente était celle d’une assemblée citoyenne... au sujet du changement climatique. C’est ainsi qu’a été noyée dans la communication la revendi- cation originelle, celle d’une fiscalité moins écrasante pour ceux qui travaillent et dont les services publics se dégradent ou disparaissent.

Trois cent mille numéros de téléphone ont été générés par l’institut Harris, missionné pour rassembler un panel le plus représentatif. Par un hasard curieux, Da- niel Cohn-Bendit faisait d’ailleurs partie des citoyens appelés. Prière de ne pas ricaner dans les rangs. Théoriquement, l’assemblée des cent cinquante est représentative de la société française, en ceci qu’elle rassemble un nombre exact d’urbains, de ruraux, de jeunes, de plus âgés, des deux sexes, de conditions sociales variées, etc. Selon les supports de communication, « pour garantir l’impartialité du tirage au sort, le processus a fait l’objet d’un contrôle d’huissier, sous la supervision des Garants et du Comité de gouvernance de la Convention citoyenne ». Arrêtez de ricaner, vous dis-je, on vous voit.

Ces cent cinquante semi-volontaires ont travaillé des mois durant pour sortir une série de propositions condensées en quatre cents pages, lesquelles prouvent indeniablement que le tirage au sort des représentants, cher à Chouard, arrive premier au classement des Jeux olympiques de la plus grosse bêtise à ne surtout jamais faire. Un budget de quatre millions d’euros a été alloué au Conseil économique, social et environnemental pour organiser cette convention. Pour l’encadrer, parce que manifestement il y a des limites à ne pas dépasser, Thierry Pech a été nommé coprésident : il est directeur général de Terra Nova dans le civil, c’est-à-dire qu’il a rédigé la stratégie du PS version François Hollande, avec le succès que l’on connaît de ce quinquennat. Pour quels résultats ? Ces cent cinquante novices ont inventé la dictature.

Tout ce que le PS n’a pas pu faire avec la politique à l’ancienne, Emmanuel Macron va pouvoir le faire grâce à cette convention manipulée de A à Z par les « experts » qui étaient là pour « documenter » les participants. Pleins de bonne volonté, ils ont proposé des mesures touchant directement la Constitution ; autrement dit, si le président tient parole, il devra saisir le Parlement ou passer par voie référendaire. Parmi les réjouissances, placer la préservation de l’environnement dans le préambule de la Constitution, au-dessus des libertés publiques les plus élémentaires. Créer un « crime d’écocide », dangereusement vague. Taxer à 4 % les dividendes des entreprises gagnant plus de dix millions d’euros, une excellente idée pour créer des dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires. Réduire la vitesse sur autoroute à 110 km/h, une excellente idée pour rendre la vie toujours plus impossible à tous ceux qui n’ont pas le bon goût de vivre en ville. Entrer dans les appartements des particuliers pour les « inciter » à rénover... L’utilisation du terme « inciter » est d’ailleurs éloquente ; elle signifie ceci : laissez-vous convaincre par le projet de bonheur que nous vous proposons, et, si vous n’êtes pas d’ac cord, on vous obligera à être convaincu, et si vous n’êtes pas encore volontaire, on vous contraindra à notre bonheur, coûte que coûte.

Au-delà de l’aspect idéologique, ces mesures sont d’un coût absolument pharaonique, et ressemblent à ces Jeux olympiques qui ont fait exploser la Grèce en beauté en 2004. Mais, au fond, la France est dans un tel état économique et social, elle est un tel baril de poudre socio-économique, que cette étincelle n’est pas pire qu’une autre ; au moins on aura essayé de penser aux autres.

Source : Présent 1er /07/2020

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mardi, 30 juin 2020

Lors de ces municipales, la « France périphérique » n’a pas pris la parole

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Par Jérôme Sainte-Marie *

Les municipales constituent une étape décisive d’une crise politique majeure. Il ne s’est pas seulement agi de sanctionner un pouvoir impopulaire, comme cela s’est produit au profit de la droite en 2014 ou 1983, ou, en faveur de la gauche, en 1977. Le modèle dit des élections intermédiaires s’appliquait alors, l’électeur profitant d’un scrutin local pour exprimer sa désapprobation à l’égard de la politique suivie au niveau national. Le moment n’était pas agréable pour les gouvernants, mais les institutions s’en trouvaient plutôt renforcées et les passions politiques régulées. Tel n’est pas le cas aujourd’hui, en raison de l’abstention massive, mais aussi du problème connexe d’une offre politique désaccordée aux demandes des Français. Une béance entre les citoyens et les institutions qui laisse entrevoir une fin de quinquennat difficile pour la société tout entière.

L’abstention est massive, faisant de la plus enracinée des élections un scrutin hors sol. Le fait est singulier. Si l’abstention avait tendance à progresser légèrement à chaque municipale, en 2014 encore elle était contenue à 36 % au premier tour. Dimanche dernier, elle fut supérieure de deux points à celle constatée lors du second tour des législatives, le 18 juin 2017. Phénomène d’autant plus remarquable que la commune demeure l’échelon politico- administratif préféré des Français. En février 2020, 60 % des Français exprimaient leur confiance dans le conseil municipal, plaçant celui-ci loin devant les instances représentatives nationales. Pourtant, que seuls quatre Français sur dix, parmi les 16 millions susceptibles d’aller voter le 28 juin, aient  exprimé un suffrage indique que le scepticisme démocratique a atteint la commune. Cette nouvelle est d’autant plus préoccupante que ce territoire fut le terreau de notre régime, comme le décrivait l’historien Maurice Agulhon dans son livre La République au village.

Si la première raison invoquée par les abstentionnistes est le risque sanitaire, ceci n’épuise pas l’explication à l’heure où une activité pratiquement normale a repris sur tout le territoire. Le second motif invoqué par les abstentionnistes tient à l’absence d’impact de ce scrutin sur leur vie quotidienne, ce qui nous rappelle que le conflit social qui traverse le pays depuis trois ans suscite une politisation réelle sans issue électorale évidente. Un tel constat est encore plus valide lorsqu’il s’agit d’un scrutin municipal.

La troisième raison retenue par les abstentionnistes est qu’il n’y aurait eu à leur disposition aucune liste correspondant à leurs vœux. Cette donnée est essentielle. La faible implantation de LREM d’une part, la grande difficulté du RN à constituer des listes d’autre part, ont généré une offre politique très différente de ce que serait une élection nationale. Le handicap est encore plus valable pour la formation lepéniste, dont les électeurs habitent plus souvent dans des communes de taille réduite, là où la compétition politique se déroule sans référence partisane. Il a été établi que si la liste Bardella aux européennes avait atteint 28 % des suffrages exprimés dans les communes de moins de 3 500 habitants, son score fut moitié moindre, 14 %, dans celle dépassant les 100 000 habitants.

La discordance des attentes actuelles fondamentales des Français par rapport à ce qui peut être traité au niveau municipal ainsi que la distorsion de l’offre politique expliquent en grande partie l’exceptionnel niveau de l’abstention. Celle-ci produit à son tour des effets politiques, car la propension à aller voter est structurellement inégale selon les catégories sociales. Les moins intégrés économiquement ont une moindre propension à se rendre aux urnes. Les catégories suffisamment protégées des aléas économiques, notamment les fonctionnaires, ont à la fois plus tendance à aller voter et davantage d’intérêt pour des sujets sociétaux et environnementaux. La part du vote écologiste dans un corps électoral inhabituellement réduit en fut logiquement accrue.

Un certain sentiment d’artificialité apparaît donc à la lecture de ces résultats. Comment mesurer les rapports de force politique dans le pays à travers un scrutin émietté en 36 000 communes où dans la grande majorité des cas il n’y avait pas d’offre partisane identifiée, et avec une différence sociologique massive entre les électeurs des villes et ceux des petites communes ? La déstructuration des systèmes d’alliance rend plus difficile le vote au second tour qu’à l’époque du clivage gauche-droite triomphant. Pour qui pouvait voter un électeur LREM ou RN dont la liste aurait été éliminée au premier tour ? Un autre motif de l’abstention de second tour se trouve dans le caractère inabouti de la transformation de notre système politique.

Cet inachèvement ne constitue pourtant pas un retour en arrière et le rétablissement du clivage gauche-droite. Le sondage de l’Ifop sur les intentions de vote à la présidentielle, publié quelques jours avec le second tour des municipales, a confirmé la polarisation de l’électorat entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, qui rassembleraient aujourd’hui 55 % des suffrages du premier tour. Leur affrontement se trouve pérennisé par l’extraordinaire contraste sociologique entre leurs électorats respectifs, au point que l’on peut parler d’un véritable vote de classe. Entre les deux, diverses formations conservent la faveur d’électeurs appartenant plus souvent aux classes moyennes.

Dès lors que l’on passe à une offre politique exhaustive et à l’ensemble des électeurs, le portrait politique de la France est donc très différent de celui présenté au soir des municipales. Il est probable que le succès des listes à direction écologiste dans un nombre significatif de grandes villes aura un effet performatif (qui réalise une action par le simple fait de son énonciation, NDLR) sur la vie politique dans les prochains mois, mais ces données d’opinion incitent à la prudence.

L’issue des municipales n’indique donc pas la restauration du « vieux monde ». La crise de la représentation politique, à l’origine du phénomène des « gilets jaunes », s’en trouve même renforcée. La « France périphérique » théorisée par Christophe Guilluy ne s’est guère exprimée, par choix ou par absence d’offre politique. Si le peuple des métropoles a pu s’exprimer idéologiquement, celui de la ruralité ou des petites villes en a été privé. Parmi le premier, l’insuccès des listes LREM a montré la fragilité du « bloc élitaire » constitué autour d’Emmanuel Macron. Parmi le second, la difficulté du « bloc populaire » à exister électoralement est patente, sans qu’il soit possible d’affirmer que cela soit imputable à la nature du scrutin. Entre les deux, ceux qui répugnent à un tel affrontement ont bénéficié d’une visibilité inversement proportionnelle à la réalité de leur socle électoral réel, une fois celui-ci rapporté à l’ensemble des inscrits. Ces municipales auront constitué un moment d’apesanteur dans la crise multiforme que traverse le pays, n’en résolvant aucun des termes et aggravant le hiatus entre les préoccupations populaires et la politique instituée.

* Fondateur de Polling Vox, Société d’études et de conseil spécialisée dans les enjeux d’opinion. L’auteur a notamment publié « Bloc contre bloc, la dynamique du macronisme »  (Éd. du Cerf, 2019).

Source : Le Figaro 30/6/2020

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jeudi, 25 juin 2020

Présent vient de sortir un numéro hors-série consacré à Jean Raspail

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Présent vient de publier un hors-série de 24 pages en hommage à Jean Raspail.

Avec des témoignages, des photos, les signatures de Francis Bergeron, Alain Sanders, Camille Galic, Thierry Bouclier, Pierre Saint-Servant, Pierre Dimech, Eric Fosse, Rémi Tremblay, Jean-Claude Gapin-Fréhel, Aristide Leucate, Christian Mouquet et un entretien avec Jacques Terpant.

Il est disponible dans la boutique en ligne : cliquez ici

Il sera dans les kiosques à partir de la semaine prochaine (5 euros).

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L'alliage bobo coco écolo

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Jean-Gilles Malliarakis

Ce 28 juin, second tour tardif des élections municipales, on annonce une poussée des alliances, inconcevables au départ, entre l'aile gauche extrême de l'écologisme et les caciques de la gauche. Un tel attelage contre nature s'installe dans les grandes villes, où, contrairement à la tendance générale du pays réel, les vieux rogatons du parti socialiste en attendent d'être remis en selle.

D'abord, on cherche à nous faire oublier que, depuis toujours, l'influence du socialisme étatiste a toujours encouragé les pires atteintes à l'environnement. Cela s'est vérifié en Chine comme en Europe de l'est, mais aussi dans les campagnes françaises.

Mais plus généralement c'est bien l'impunité du communisme, malgré son écroulement des années 1990, associée à une ignorance systématique, abyssale et voulue de l'histoire, qui permettent cette imposture.

La première installation d'une statue de Lénine en Europe de l'ouest a ainsi pu être organisée ce 21 juin sur la place publique de Gelsenkirchen. Cette ville de Westphalie d'ancienne tradition sidérurgique se situe à la proximité des Pays-Bas. Elle est considérée comme la plus pauvre d'Allemagne.

Le monument, haut de 2m15 a été originellement coulé en Tchécoslovaquie en 1957, avant même que fut érigé à Berlin, en 1961, le fameux Mur de Protection antifasciste détruit un quart de siècle plus tard par la poussée protestataire du peuple.

En cette occasion, au contraire, les organisateurs de l'événement pouvaient souligner avec satisfaction, qu'il s'agissait du même mouvement que celui des déboulonnements dont la vague hystérique a pris naissance en cette année 2020 aux États-Unis.

Dérisoire symbole d'une tentative de revanche ? Non, malheureusement, il ne faut pas en sous-estimer la portée.

On saccage les monuments glorifiant les figures de l'Histoire, on érige les représentations des héros révolutionnaires tous classés positifs : le message simple et direct, même si son impact peut sembler minuscule, ne peut échapper à personne.

Cette lutte mémorielle internationale se révèle fort significative de la volonté négatrice et destructrice, venue de fort loin, au profit du système de référence imaginé par le principal disciple et successeur dudit Lénine, Joseph Vissarionovicth Djougachvili – Staline.

Nous voici donc embarqué dans une machine à remonter le temps.

Le XXe siècle aura été marqué, en effet, plus encore que par ce que nous appelons la révolution russe en général, par la dictature du Stalinisme.

Une question sémantique se pose à ce sujet ; elle divise certes les historiens. Faut-il parler en effet de "stalinisme" ou de "marxisme-léninisme", le nom qu'il se donnait lui-même ? Je suis porté à soutenir, quant à moi, qu'on se trompe en croyant que le seul Joseph Staline aurait créé le système abominable qui porte son nom : c'est au contraire ce système qui a sélectionné le terroriste géorgien "Kouba", pseudonyme de Djougachvili, et qui l'a fait "l'homme d'acier" Staline...

Quelle part convient-il donc, à cet égard, d'attribuer à Staline lui-même, et au stalinisme ? Le léninisme lui sert d'étiquette. Mais en tant que règne de Lénine, bref mais intense, celui-ci laisse un souvenir de lutte révolutionnaire, en exil jusqu'en 1917, puis d'insurrection et de guerre civile jusqu'en 1921. On pourrait donc, très légitimement aussi, parler du régime comme « léniniste » : on est pourtant convenu de parler de stalinisme, sans trop réaliser qu'il s'agit d'une seule et même dictature. Quand on fait remarquer que ses principes d'action conduisent à une discipline de fer, Vladimir Ilitch Oulianov souligne qu'il s'agit effectivement de l'essentiel de son programme.

Le pouvoir personnel du héros éponyme du stalinisme s'est instauré d'abord en 1923. À cette époque, son prédécesseur, fondateur lui-même de cette prison des peuples appelée Union soviétique était devenu incapable de gouverner. Les photos terrifiantes de l'avancement de sa maladie, à ce stade de la syphilis dit autrefois paralysie générale, n'ont été publiées qu'après la chute de l'URSS. De janvier 1924 où il porte le cercueil du fondateur du bolchevisme, à 1931 le secrétaire général élimine ses rivaux un par un et consolide sa dictature. Le parti communiste qui s'appellera jusqu'en 1934 le parti ouvrier social démocrate russe fraction bolchevik restera ainsi pendant les 70 ans de la durée du régime le parti unique et le centre d'un réseau mondial rebaptisé de manière trompeuse IIIe Internationale et connu sous le nom de Komintern. Staline lui-même dirigea son immense empire jusqu'à sa mort en 1953, terrorisant ses opposants et liquidant, au plan mondial, tous ses compagnons de route en fonction de chaque changement de ligne. En 1956 son successeur Khrouchtchev imagina de sauver le système en faisant mine de dénoncer rétrospectivement ce que l'on appela le culte de la personnalité.

Mais à partir de 1963, dans le contexte de la stagnation générale de la société soviétique, incurablement stalinienne dans les faits, Brejnev puis ses successeurs laissèrent même s'opérer la réhabilitation rampante et continue de Staline, toujours petit père des peuples, grand linguiste, coryphée des sciences et des arts et, depuis quelques années en Russie, surtout comme maréchal et chef de guerre.

Le petit crocodile apparaît impunément ainsi à l'ouest de l'Allemagne, et si nous suivions le proverbe africain nous pourrions penser « qu'il faut tuer le crocodile quand il est petit ». Comme nous ne voulons pas, en Europe, nous comporter comme des sauvages, contentons-nous de ne pas le laisser grandir et de suggérer amicalement aux autorités allemandes d'appliquer à ces adeptes du bolchevisme leur excellente loi constitutionnelle de 1949.

Elle permet à la cour de Karlsruhe de dissoudre et de mettre sous surveillance les organisations totalitaires dès lors qu'elles menacent les institutions, ce que nous gagnerions aussi à faire en France.

Source L'Insolent cliquez ici

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Convention climat : la démocratie est révolutionnaire

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par Natacha Polony

Tout cela finira-t-il encore en eau de boudin ? Encore une bonne idée abîmée par les instrumentalisations politiciennes ? Une chose est sûre : les réactions outrées de certains économistes bon teint aux pro- positions de la convention citoyenne sur le climat laissent penser que, malgré tout, mettre des citoyens tirés au sort autour d’une table peut être révolutionnaire. Reste à savoir ce qu’Emmanuel Macron tirera d’un objet politique non identifié qu’il a lui même sorti du chapeau pour contrer les revendications démocratiques nées avec les « gilets jaunes ».

Prenons un pari : les propositions de cette convention niront pour leur très grande majorité dans un classeur, après quelques discours lyriques visant à remercier les 150 auteurs pour ce merveilleux travail qui honore la démocratie. Comme l’a déjà esquissé la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, Agnès Pannier-Runacher, on retiendra quelques éléments anecdotiques qui – heureux hasard – correspondent à des décisions déjà engagées par le gouvernement. On interdira la publicité pour les véhicules les plus polluants. On incitera à la rénovation thermique des bâtiments (sans la rendre obligatoire : beaucoup trop volontariste). Au mieux verra-t-on fleurir un référendum sur quelques éléments symboliques destinés à montrer que le pouvoir se soucie du climat et croit en la démocratie.

Il y a pourtant beaucoup plus dans ces propositions, qui dépassent, et c’est tant mieux, la question du climat, pour s’intéresser à la préservation des sols, à la souveraineté alimentaire, à la fin de la logique consumériste. Les boucliers qui se lèvent dessinent d’ailleurs le portrait de l’immobilisme drapé des atours de la raison. D’un côté, ceux qui crient à l’aberration économique. Limiter la production d’objets inutiles et réparer ceux qui servent ? Quelle horreur ! « Décroissantisme », lancent quelques parfaits spécimens de l’aristocratie administrative qui gouverne la France depuis le Conseil d’État. De l’autre, ceux qui s’insurgent contre le fait que ces vaillants citoyens aient évacué toute idée de taxe carbone. Ceux-là sont les représentants de cette social-démocratie qui accepte toutes les règles du marché mais tente de l’infléchir par la fiscalité. Taxer ce qui est néfaste pour orienter vers ce qui est vertueux. Ces 149 propositions ne sont pas exemptes de ce type de logique mais avec l’idée que l’État prévaut sur le marché. Écologie punitive ! entend-on. Les mêmes qui font preuve d’un mépris de classe effarant face à la demande de démocratie exprimée par nombre de citoyens jouent aux défenseurs des libertés outrés qu’on puisse interdire au peuple de manger ces aliments « ultratransformés » qui sont des concentrés de gras, de sucre, de sel et d’arômes artificiels. Il en est aussi, bien sûr, pour se frotter les mains : cette convention tirée au sort – quelle horreur (bis) – pour répondre à la révolte des « gilets jaunes » formule des propositions qui, nous assurent-ils, les feraient immédiatement redescendre dans la rue. Est-ce si sûr ? Si l’on veut bien regarder plus loin que ces 110 km/h sur autoroute qui servent d’étendard pour commentateur paresseux, ces propositions ne sont pas en contradiction flagrante avec celles publiées par les premiers « gilets jaunes », qui réclamaient plus de justice fiscale et de protection des filières françaises. La logique est une reprise en main par les citoyens, face à un système qui industrialise chaque processus et favorise des multinationales déterritorialisées et irresponsables.

C’est le sens de ce crime d’écocide, concept largement contestable mais qui se veut un symbole, comme tous ces mots en « cide » dont on abuse aujourd’hui. Pas sûr que le débat y gagne grand-chose. Les atteintes graves à l’environnement doivent être punies à leur juste mesure, mais il y faut un arsenal juridique précis plutôt qu’un slogan.

Enfin, certains se gaussent : le nucléaire est absent, c’est bien la preuve qu’on se moque du monde. On peut au contraire en conclure que cette convention n’est en rien radicale, et qu’elle a préféré le consensus plutôt que d’aborder un domaine où se mêlent écologie, industrie, recherche, filières d’excellence et indépendance stratégique. Peut-être certains de ses membres ont-ils considéré que le nucléaire nous permettait d’obtenir une énergie non carbonée à un prix abordable, malgré les problèmes incommensurables qu’il pose. De même, cette convention a préféré prôner l’agroécologie plutôt qu’un passage brutal au bio. Aucun maximalisme. On est loin de la figure du méchant décroissant qui veut ruiner notre belle économie.

Que conclure de cette expérience démocratique ? D’abord ceci : quiconque fait l’effort de s’intéresser à l’état des sols, détruits par l’agriculture intensive et le béton des zones commerciales, à la biodiversité, à la pollution des eaux... en conclut qu’il faut agir. De manière massive et globale. Pourquoi ne pas laisser les représentants élus en juger ? Parce que, visiblement, ils sont enfermés dans des préjugés et des idéologies qui leur interdisent toute action. Tout sera fait, bien sûr, pour vider ce travail de sa substance et n’en garder que l’écume inoffensive. La démocratie véritable est révolutionnaire.

Source : Marianne 25/6/2020

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mardi, 23 juin 2020

Zeev Sternhell et la question du «fascisme français»

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Par jacques de Saint Victor

L’historien des idées, Zeev Sternhell,  qui vient de mourir, emportera-t-il avec lui la polémique sur le « fascisme français » ?  Ce rescapé des deux pires totalitarismes du XXe siècle (stalinisme et nazisme), a consacré une grande partie de ses travaux à la question du fascisme dont il voulait voir à tout prix l’origine dans notre pays. Il a eu le mérite de montrer, dès sa thèse sur Maurice Barrès et le nationalisme français (1969), que le fascisme est une idéologie « ni droite ni gauche » qui ne peut s’expliquer, comme le voulait la vulgate marxiste, simplement par les contradictions du capitalisme et de la pensée conservatrice. Le fascisme puise en effet beaucoup dans la praxis révolutionnaire et les haines « socialistes » à l’encontre de l’argent, voire des Juifs (l’un des plus grands antisémites, Alphonse Toussenel, auteur de Les Juifs, rois de l’époque : histoire de la féodalité financière, était un militant de gauche, disciple de Fourier).

Pour Sternhell, la « droite révolutionnaire », née de la rencontre entre ce socialisme et le nationalisme, à l’époque de l’affaire Dreyfus, puisait en partie son modus operandi dans la Révolution française la plus radicale. Sur la forme, Hébert annonce Maurras. Ce concept original, que Sternhell a développé ensuite dans son essai, La Droite révolutionnaire, 1885-1914 : les origines françaises du fascisme (1998), a le mérite de dynamiter la thèse bancale de René Rémond sur les trois droites (légitimiste, orléaniste et bonapartiste), très répandue dans les médias, et de relier la radicalité révolutionnaire aux débordements de la droite néomonarchiste puis des autres ligues d’extrême droite dans les années 1930 jusqu’à Vichy.

Mais, et c’est là où la théorie l’emporte chez lui sur l’histoire, on ne peut en déduire de continuum entre cette droite qui échoue à Vichy et le fascisme. Rejetée par la majorité des historiens des idées français (Berstein, Milza, Winock), cette vision « ahistorique » (P-A. Taguieff) de Sternhell séduisit pourtant un certain nombre d’intellectuels dans les années 1980, notamment quelques « nouveaux » philosophes. Elle alimenta pendant les années Mitterrand-Chirac la repentance collective de politiciens voyant, par ignorance ou électoralisme, dans la France le foyer des doctrines fascistes.

Or, s’il y eut de véritables penseurs fascisants (comme le néosocialiste Déat ou l’ancien communiste Doriot), ces thèses ne sont pas nées en France et n’y prospérèrent pas, les partis ouvertement fascistes, comme le Faisceau de Marcel Bucard, restant très marginaux. Sternhell a exagéré l’importance de groupuscules marginaux (comme le cercle Proudhon), et minoré l’impact de la Première Guerre mondiale, décisive dans l’émergence du fascisme. Vichy, malgré sa législation antisémite, prise dès 1940, et sa dérive vers une répression sanglante, a du mal à se laisser réduire à un « fascisme français » tant il relève d’influences contradictoires (nationalisme, monarchisme, technocratisme, pacifisme, etc.). Il n’y a jamais eu de parti unique à Vichy, à l’inverse des vrais États totalitaires, et le régime de Pétain se veut du reste « pacifiste », à la différence des véritables fascismes.

Brillant polémiste, ayant sorti de l’oubli de nombreux auteurs, aimant susciter parfois un sentiment de culpabilité chez son lecteur, Sternhell poursuivit ses travaux en s’aventurant sur un terrain plus large, avec Les Anti- Lumières : du XVIIIe siècle à la guerre froide (2006), s’en prenant à toute les idéologies hostiles au naturalisme abstrait des secondes Lumières françaises (Condorcet). Cette définition partiale, enfermant la philosophie des Lumières dans un ultra-rationalisme étroit (« franco- kantien »), le conduisit à méjuger de nombreux penseurs étrangers. Ainsi classa-t-il dans le camp des « anti-Lumières » l’anglais Edmund Burke, grand libéral défenseur de la révolution américaine et en effet inquiet de l’abstraction des droits de l’homme, Sternhell oubliant ou feignant d’oublier qu’il existe une contre-révolution libérale. Il fit de même avec un des théoriciens du libéralisme politique, Isaiah Berlin, ou certains représentants des Lumières napolitaines.

Aujourd’hui, les travaux de Zeev Sternhell ne rencontrent plus la passion qu’ils avaient suscitée à l’époque de leur publication. Et, d’une certaine façon, on peut s’en réjouir au nom de l’histoire. La complexité triomphe, même si l’idéologie (française ou pas) a hélas encore de beaux jours devant elle.

Source : Le Figaro 23/6/2020

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samedi, 20 juin 2020

A Dijon, la vérité des faits

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Par Guillaume Roquette *

Et le réel s’est vengé. Durant deux semaines de divagation, la France s’est prise pour l’Amérique, la police a été indignement culpabilisée (y compris par son ministre) et le pays tout entier fut accusé de racisme, sommé de mettre un genou à terre en signe de contrition. Jusqu’à ce que des émeutes, bien réelles celles-là, nous ramènent tout d’un coup dans le vrai monde.

Les batailles rangées entre Tchétchènes et Maghrébins qui ont bouleversé Dijon cette semaine n’ont rien d’inédit. Elles viennent nous rappeler que la violence, en France, n’est pas le fait de la police mais des voyous. Voilà des années que la capitale de la Bourgogne, comme des dizaines de métropoles françaises, est le théâtre d’affrontements entre bandes sur fond de trafic de drogue. Des années que les armes y circulent presque au grand jour, que les trafiquants ont conquis le territoire.

Pour une fois, les médias n’ont pas masqué le caractère ethnique de ces heurts. D’ordinaire, quand de tels troubles surviennent, l’origine des émeutiers est pudiquement cachée au profit d’expressions elliptiques comme « jeunes des cités » ou « habitants des quartiers sensibles ». Mais cette fois les faits étaient trop aveuglants pour les cacher. Et quand les policiers ont réussi tant bien que mal à rétablir l’ordre après plusieurs jours d’impuissance, aucun acteur à la mode, aucune chanteuse en mal de notoriété ne les a traités de racistes. La réalité était plus forte que les fantasmes.

De la même façon, l’antienne habituelle sur les malheureux jeunes abandonnés à leur sort et acculés à faire des bêtises nous a été épargnée. Il faut dire que le quartier des Grésilles, à Dijon, où ont eu lieu les affrontements est tout sauf une zone délaissée par les pouvoirs publics : ceux-ci y ont engouffré pas moins de 135 millions d’euros pour y construire gymnase, médiathèques et autre salle d’escalade. Et la mairie (socialiste) ne s’est pas arrêtée là selon le candidat d’opposition LR aux municipales : « Cela fait des années qu’on dénonce une gestion clientéliste et communautariste des quartiers par la mairie. On a laissé s’installer toute une activité de trafic de drogue sous la houlette de quelques familles qui manifestement bénéficient d’une certaine protection. »

Posément et sans amalgame, il va bien falloir affronter la question du lien entre immigration et délinquance. Beaucoup de Français découvrent aujourd’hui que l’arrivée de réfugiés tchétchènes a fait naître de nouveaux foyers de criminalité, de Nice jusqu’à Strasbourg. Puisque nous ne sommes plus capables d’assimiler de nouvelles populations, pourquoi continuer à laisser nos frontières ouvertes ? Pour des raisons humanitaires répond la gauche. Parce qu’on a besoin de main-d’œuvre, ajoute le Medef. Du côté de la majorité, on ne dit rien mais on agit : l’Union européenne vient d’ouvrir discrètement la porte à une adhésion de l’Albanie, pays gangrené par les mafias. Avec l’accord d’Emmanuel Macron, qui s’y disait fermement opposé il y a quelques mois encore.

(*) Directeur de la rédaction du Figaro Magazine.

Figaro magazine 20/06/2020

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lundi, 15 juin 2020

Parution prochaine du nouveau numéro de la revue Réfléchir & Agir (n°66)

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Chez votre marchand de journaux : 7 euros

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Comment finir par faire la promotion du KKK en prétendant lutter contre le racisme ?

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Une recette simple, facile, et efficace.

Prenez un fait divers tragique, comme par exemple l'arrestation houleuse d'un homme noir qui tourne au drame avec le décès de ce dernier. Avant toute enquête et tout jugement, faites de cette mort un meurtre raciste révélateur d'une discrimination structurelle et haineuse touchant les forces de l'ordre mais plus globalement toute la société occidentale et dont chaque blanc, où qu'il se trouve sur la planète, est à titre personnel en partie responsable et coupable.

Parallèlement, ignorez et feignez de méconnaître les innombrables agressions quotidiennes, les viols, les insultes, les tabassages, les humiliations, les meurtres gratuits, les coups de couteaux dont sont victimes des blancs de la part de membres de minorités. Déclarez posément que ça n'a rien à voir, que ça ne compte pas, que ce n'est pas le problème. Exigez de ces mêmes blancs qu'ils demandent pardon pour les crimes imaginaires et fantasmés de leurs lointains ancêtres et qu'ils rampent devant ceux-là même qui leur pourrissent la vie au quotidien bien qu'il n'aient aucunement souhaité leur présence sur leur sol, bien au contraire. Enfin, expliquer aux dits blancs qu'il n'ont qu'une seule et unique alternative : soit être de sales racistes à jamais coupables de tous les maux du monde et de tous les échecs des autres composantes de l'humanité, soit défiler à 4 pattes et en laisse à la prochaine manifestation « Black lives matter ».

Remuez-le tout et laissez exploser.

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samedi, 13 juin 2020

Jean Raspail nous quitte

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Jean Raspail vient de nous quitter, il avait 94 ans. Avant de devenir l’écrivain consacré et prolixe que l’on connaît, il fut aussi tour à tour aventurier, explorateur, poète. Jean Raspail assumait pleinement sa foi catholique et son attachement à la monarchie. Son œuvre a été couronné de nombreux prix.

En 2003, Jean Raspail recevait le Grand prix de littérature de l’Institut. A cette occasion, c’est Michel Déon qui a dressé le portrait de l’écrivain qui était aussi son ami.

Arrivé à l’âge d’homme, Jean Raspail cède à l’appel du voyage — les deux Amériques, le Japon, le Congo belge dans sa tourmente suicidaire, Hong Kong et Macao, en passant par les Antilles : " En quarante ans de voyages à travers le monde, explique Jean RASPAIL, j’ai suivi de nombreuses pistes qui menaient aux derniers survivants encore doués de mémoire. " Son périple ne doit donc rien à la curiosité de l’ethnologue : il est un hommage à tous les peuples deux fois morts — balayés par les fracas de l’histoire et ensevelis dans la mémoire des hommes. À son premier voyage vers des terres lointaines, Jean RASPAIL doit sa vocation d’écrivain : " À considérer les cheminements intérieurs de la vie, c’est là que je suis né, à l’âge de vingt-trois ans et neuf mois, par un matin glacial de printemps de l’année 1943 ", aux abords d’un village algonquin. L’admirable Qui se souvient des hommes… et le non moins beau Pêcheurs de lunes témoignent de cette conversion : écrire pour vaincre les puissances de l’oubli.

De retour en France, Jean Raspail doit se plier à de nouvelles exigences, relever de nouveaux défis. " Notre voyage à nous est entièrement imaginaire. Voilà sa force ", écrivait Céline dans le prologue du Voyage au bout de la nuit. Jean RASPAIL est appelé lui aussi " de l’autre côté de la vie ". Lorsque sa quête se fait toute intérieure, lorsqu’il devient, comme tant de ses héros, orphelin de ses rêves, le Wisigoth aborde aux rivages de la Patagonie : " Jeune explorateur, dans les années cinquante, je m’étais volontairement enfoncé, plusieurs mois durant, dans les solitudes australes de la Terre de Feu, la Patagonie, le cap Horn, le détroit de Magellan, là où se rejoignent le tout et le néant. Sur les cartes marines, en ces temps, les contours de nombreuses îles figuraient en pointillés hypothétiques. Les derniers Indiens vivants fuyaient au plus profond des fjords déserts, emportant dans leurs canots le feu enfermé dans un pot de terre. C’est là que j’ai appris à vivre : une bonne école. C’est là que j’ai appris à rêver ma vie… " À l’instar d’Antoine de Tounens, éphémère souverain de Patagonie, qui lui valut le Grand Prix du Roman de l’Académie, Jean Raspail célèbre cette patrie perdue où il choisit d’établir son exil intérieur avec tendresse, avec ironie, avec fierté, avec mélancolie. " C’est, nous dit-il, être exactement Patagon que d’accommoder ensemble ces quatre sentiments-là. "

Cette retraite n’appelle pas l’inaction, et la solitude de Jean Raspail est celle du veilleur au rempart. Semblable à ces Sept cavaliers qui quittèrent la ville au crépuscule par la porte de l’Ouest qui n’était pas fermée, ultime défense d’un royaume qui a perdu la foi en son propre destin, il a, une fois pour toutes, fait vœu de ne pas subir : " Tête haute, sans se cacher, au contraire de tous ceux qui avaient abandonné la ville, car ils ne fuyaient pas, ils ne trahissaient rien, espéraient moins encore et se gardaient d’imaginer. "

Nous n’aurions pas tout dit de Jean Raspail si nous ne rappelions pas son roman : Le Camp des saints. Ce livre qui atteint presque sa majorité aujourd’hui est à la fois une œuvre passionnante et si prophétique qu’on ose à peine y croire. Les grands romanciers sont des extralucides qu’on a tort de trop souvent prendre pour des jongleurs. Le Camp des saints est un livre qui a conquis les États-Unis si peu enclins à s’intéresser à la littérature française. Jean RASPAIL a reçu le prix Thomas Eliot décerné par l’université de Chicago.

J’ajouterai que Jean Raspail nous a aussi offert le plus beau rêve qui soit : un mythique royaume de Patagonie. Pour tous ceux qui veulent bien encore jouer à s’inventer un monde d’aventures et de fantaisie, le royaume de Patagonie a ses couleurs, son hymne national et des correspondants dans le monde entier grâce à un pléthorique service diplomatique dont j’ai l’honneur d’être le consul général en Irlande, tâche qui ne me distrait pas trop de mon propre travail. Les Patagons de passage ne posent aucun problème.

 

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jeudi, 11 juin 2020

Eloge de la police...

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Michel Onfray

Notre époque nihiliste se caractérise, en autres choses, par une défaite de la réflexion et un triomphe de la moraline.

La moraline est cette substance toxique des gens sans morale qui n’abordent plus le monde qu’en pantins manichéens tout juste capables de dire: je like ou je nique… On ne se pose plus la question du pourquoi et du comment des choses, autrement dit de leur généalogie, mais on martèle qu’on adore ou qu’on vomit, disons-le dans le sabir du jour: qu’on kiffe ou qu’on invite à manger ses morts. C’est le degré zéro de l’humanité, le temps du cerveau reptilien qui décide de l’action binaire: on bave d’amour ou on bave de haine. Dans les deux cas, dépourvu de cerveau, on n’est plus qu’une bouche qui bave. Un ver annelé qui mange et qui défèque. Darwin n’avait pas prévu que l’évolution conduirait cette transformation de l’homme en ténia.

Dans les rues de Caen, un long cortège défile, nonobstant l’interdiction des rassemblements de plus de dix personnes. Mais ces manifestants ont le soutien du ministre de l’Intérieur pour transgresser la loi et celui du chef de l’État qui, jadis, était censé garantir l’état de droit car, bien sûr, le chef de l’État est silencieux mais il lui a donné sa bénédiction, comment pourrait-il en être autrement. Le slogan de ces manifestants ? «Tout le monde déteste la police » ! Quelle drôle d’idée d’affirmer une pareille chose quand moi, par exemple, je ne souscris pas à cette vocifération et que tout le monde moins un, ça n’est plus tout le monde.

D’autant que je sais ne pas être seul : nous sommes nombreux à penser que, non, nous ne détestons pas la police. Nombreux et d’ailleurs majoritaires.

Le ministre de l’Intérieur et le chef de l’État conduisent donc une politique en faveur des seules minorités dans le plus total mépris de la majorité, qui n’en peut plus… Voilà  qui montre que nous ne sommes plus en démocratie mais dans une oligarchie qui gouverne en fonction des intérêts d’une poignée de gens. Nous sommes en régime communautariste et racialiste qui a choisi pour ennemi le mâle blanc hétérosexuel.

Pour preuve que nous sommes dans un régime communautariste et racialiste anti-blanc, autrement dit un apartheid inversé : cette saillie de Castaner qui explique pourquoi la justice, aux ordres, du moins complice, ne poursuivra pas les gens qui ont manifesté malgré l’interdiction de le faire et malgré les lois relatives au coronavirus: « L’émotion dépasse les règles juridiques.»

Changement d’ère : Il  suffira dès lors, quand son enfant aura été violé, d’en appeler à l’émotion pour buter soi-même le violeur en estimant que sa souffrance justifie qu’on s’affranchisse des lois; il suffira, quand on se fera cambrioler pour la dixième fois sans que rien ne soit fait, de tirer sur les cambrioleurs pour les abattre afin que, sains et saufs, ils n’aillent pas porter plainte contre le cambriolé ; il suffira, quand un chauffard nous coupera la priorité de le rattraper, de l’agresser puis de l’achever à coup de manivelle ; il suffira, quand le chef de l’État aura trahi son peuple plus que de raison, d’entrer à l’Élysée pour lui trancher la tête et la mettre au bout d’une pique – il suffira désormais d’invoquer l’émotion…

Jamais on n’est tombé aussi bas qu’avec ce ministre de l’Intérieur qui invite à jeter la loi par-dessus bord si l’émotion le justifie ! C’est proprement inviter à la loi de la jungle, aux règlements de compte, à la vengeance, à la vendetta, à la loi du talion. Ces prétendus progressistes ne s’activent que pour la régression !

C’est en même temps une invitation à abolir la police qui est le bras armé de l’un des droits de l’homme : la sûreté – c’est, avec la liberté, la propriété et la résistance à l’oppression, on devrait s’en servir de celui-là, l’un des quatre droits naturels et imprescriptibles – voyez l’article 2. Ce que veut Castaner, c’est abolir ce droit de l’homme au nom d’une logique qui est tout simplement celle de la mafia dont Castaner semble bien connaitre les règles.

On imagine que ça n’est pas l’émotion de tout le monde que Castaner porte en sautoir… Car l’émotion, les gilets jaunes n’en ont pas manqué. Or, quand ils manifestaient la leur, le pouvoir macronien envoyait la troupe pour leur arracher les mains, leur fendre le crâne ou leur faire sauter les yeux des orbites.

L’émotion de ceux qui appellent à la haine de la police, le chef de la police la bénit, il se dit même prêt à mettre un genou à terre : mais comment pourrait-il s’agenouiller alors qu’il a brûlé les étapes et qu’il se trouve déjà à plat ventre ?

On a déjà vu que la vieille dame qui allait faire ses courses avec une attestation de sortie rédigée au crayon à papier se faisait taxer d’une amende qui comptait pour un quart de sa retraite : elle aurait pu frauder et modifier ses erreurs de sortie, il suffisait d’une gomme dans la poche. Ou bien qu’un fils qui se déplaçait pour fermer les yeux de son père mourant s’est fait lui aussi verbaliser. Ou bien encore que les morts se trouvent privés de cérémonies mortuaires avec leurs familles. Ou bien enfin que les anciens ont été parqués dans leurs usines à crever avec interdiction de voir leurs enfants.

Pendant ce temps : invitation de la hiérarchie policière à fermer les yeux sur le viol du confinement après la rupture du jeûne du ramadan à Hérouville-Saint-Clair (24 avril), match de football dans les quartiers chauds de Strasbourg (25 mai), même chose à Grigny (27 mars), prière de deux mille musulmans dans un stade (24 mai), manifestation dite antiraciste (en fait: racialiste) à Paris (31 mai). 20.000 personnes au coude-à-coude dans les rues de la capitale, voilà qui ne constitue pas un risque épidémique de foyer – de cluster comme disent les muscadins de l’Élysée tout à la dévotion l’Empire américain.

Le meurtre de George Floyd aux États-Unis n’est pas objet de like ou de nique. Mais d’une réflexion généalogique. Commençons par préciser que ce meurtre est inexcusable, il est tout même explicable, étymologiquement: susceptible d’une explication, et on ne m’empêchera pas de faire mon travail de philosophe.

Nul ne l’ignore, aux États-Unis, les armes à feu sont en vente libre : c’est le pays au monde où, faudrait-il s’en étonner? les morts par balles sont les plus nombreux. C’est également l’État où les meurtres d’enfants dans les écoles sont les plus nombreux, chacun a l’occasion de s’en apercevoir: les fusillades dans les lieux scolaires sont, hélas, monnaie courante. Quand aux USA un policier interpelle une personne suspectée d’un acte délictueux, il risque sa vie si on lui tire dessus : c’est le far-west, autrement dit c’est sa vie ou celle de l’individu qu’il appréhende. Qui refusera de prendre en compte cette donnée sociologique pour penser les polices ? Ce qui se passe aux États-Unis n’est pas comparable à ce qui a lieu en France.

De la même manière que, sociologiquement, les morts par chute d’un toit sont plus fréquentes dans la profession de couvreur que dans celle de maître-nageur, les morts suite à des interpellations qui se passent mal sont plus fréquentes dans la profession de policier que dans celle de guichetier au Crédit agricole.

Le métier de policier consiste, chaque jour, à se trouver avec le moins beau de la nature humaine. Olivier Marchal, un ancien du métier, a publié un très beau texte en défense de la police en interpellant les belles âmes « qui n’ont jamais vu un flic pleurer devant le cadavre d’un enfant de quatre ans tué d’un coup de fer à repasser ou d’un nourrisson violé par son beau-père et qui dégueule ses intestins par son anus ». C’est ça le métier de policier : rencontrer cette engeance qui tue des enfants au fer à repasser où qui les sodomise au point de les déchirer.

Sauf quelques demeurés confits dans l’idéologie, chacun sait qu’il existe des centaines de territoires perdus de la République dans lesquels la loi est celle que chérit notre ministre de l’intérieur: celle de la jungle. Un monde de voleurs, de braqueurs, d’agresseurs, de dealers, de violeurs, d’agresseurs, devant lesquels il n’y a que deux solutions : soit rien faire et laisser dire pour obtenir une prétendue paix sociale, alors que cette fausse paix prépare une vraie guerre civile, c’est la jurisprudence Macron-Castaner, mais c’est aussi celle de tous les chefs de l’État depuis un demi-siècle; soit appréhender ces présumés coupables afin de les remettre à la justice pour que la loi soit dite, c’est la jurisprudence républicaine. La République est morte depuis que la première jurisprudence triomphe.

La plupart des policiers sont des prolétaires, exploités, sous-payés, mal considérés, exposés, pas soutenus par leur hiérarchie car, plus on grimpe, plus elle est faite de complices du pouvoir qui se signent devant cette fameuse jurisprudence Castaner : comment, sinon, grimper les échelons et obtenir de la promotion, sinon par zèle et empressement à s’agenouiller aux côtés de Castaner ou, mieux, à se mettre à plat ventre, près de lui ?

Quand un adolescent répondant au nom de Gabriel témoigne des coups qu’il a reçus, il commence son témoignage en avouant sans vergogne qu’il était en train de voler un scooter. Lorsque ce reportage passe dans l’émission matinale de Morandini, qui, je crois, aura bientôt l’occasion de rencontrer la police lui aussi, ce passage où il est dit que le vol précédait l’interpellation a tout bonnement été effacé. Il est alors facile de parler de prétendues violences policières : le jeune garçon n’a rien fait, il a juste été attaqué parce que des policiers voulaient le tuer, normal, c’est dans leur ADN de « fascistes » et de « terroristes » est-il dit !

La censure de cette information est troncage de l’information, elle est donc propagande et idéologie, mensonge et mystification. Le coupable se trouve transformé en victime. Le policier qui tente d’interpeller un voleur qui s’enfuit devient le coupable absolu, le coupable véritable devient la victime totale: inversion des valeurs radicales… Et voilà donc toute la police raciste, toute la police violente, toute la police coupable.

Ces gens qui défilent en affirmant qu’ils détestent la police ne remettent pas en cause le régime macronien, l’État maastrichtien, l’ordre mondial américain, comment dès lors Castaner & Macron ne leurs feraient-ils pas le baiser mafieux ? Le président de feu la République peut bien continuer à ruiner le pays, à détruire la France, à travailler à la paupérisation généralisée, à confiner et ficher les citoyens pour mieux les contrôler: ceux qui manifestent sont les idiots utiles de ce monde comme il va. Comment, sinon, expliquer la formidable mansuétude d’État dont ils profitent ?

La police est le bouc émissaire de ce pouvoir qui flatte ceux qui haïssent la police dans le sens du poil. Le pouvoir sait que la police, idem avec l’armée, est loyale et ne retournera pas ses armes contre lui. Mais jusqu’à quand ? Le jour où cette guerre civile que fomente le pouvoir aura envahi les rues, on saura répondre à cette question.

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