vendredi, 09 février 2024
Convulsions rurales
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
À cinq mois des élections européennes, les campagnes du Vieux Continent s’emballent dans une exaspération variée. Espagnols, Britanniques, Belges, Allemands et Français suivent avec deux à cinq ans de retard la révolte de leurs homologues néerlandais. Ces derniers protestèrent contre les normes administratives, les injonctions officielles et les oukases écologiques punitifs. La Commission européenne a, d’une part, incité à prendre ces mesures et, d’autre part, insisté à ratifier les traités déments de libre-échange au moins disant agricole avéré.
Depuis bientôt trois semaines, les syndicats majoritaires de l’agriculture hexagonale, productiviste et mécanisée, la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) et les Jeunes Agriculteurs, rencontrent la concurrence non plus de la Confédération paysanne altermondialiste, mais de la Coordination rurale. Dissidence de la FNSEA en 1991 en réaction contre la réforme libre-échangiste de la PAC (Politique agricole commune), la Coordination rurale fusionne avec la FFA (Fédération française de l’Agriculture) dont l’une des figures marquantes fut l’infatigable défenseur de l’enracinement et grand activiste agricole à l’instar d’Henri Dorgères, Alexis Arette. Qu’on se souvienne du magnifique blocus paysan de Paris en 1992 ! Quant au MODEF (Mouvement de défense des exploitants familiaux), proche du PCF, il se met à la remorque des événements…
La présente crise agricole résulte de plus de six décennies d’« industrialisation », de « tertiarisation » et de « bureaucratisation » du secteur primaire. Les agriculteurs sont de nos jours les formidables aventuriers d’une ère moderne finissante. Certains commentateurs voient dans ces manifestations et autres blocages autoroutiers la synthèse des Bonnets rouges bretons de 2013 et des Gilets jaunes de 2018 – 2019, d’où le bonnet jaune porté avec fierté par les mécontents. D’autres y transfèrent leur nostalgie ruraliste et agrarienne alors que le monde agricole est à 100 % urbanisé dans les mentalités. La césure entre les aires rurales et les espaces urbains n’existe plus d’un point de vue psychologique.
Ce constat, Bernard Charbonneau l’a fait dès 1973 dans son essai Tristes Campagnes (Éditions L’Échappé, coll. « Poche », 2023, 232 p., 12 €). Ami personnel du philosophe anti-technicien Jacques Ellul (1912 – 1994), Bernard Charbonneau (1910 – 1996) reste à l’écart des milieux politiques écologistes. C’est un paradoxe ! Son œuvre riche en essais édifiants constitue une belle somme intellectuelle non-conformiste. Méfiant envers le progrès technique, il clame son amour des patries charnelles. Il regardait d’un œil critique et sceptique l’entrée des écologistes dans l’électoralisme.
Amoureux des paysans du Béarn, des Landes et du Pays Basque, Bernard Charbonneau remarque qu’« autrefois maître de sa terre, le paysan béarnais n’en est plus que l’exploitant provisoire ». Il souligne que « la grande nouveauté de l’après-guerre c’est l’intégration de la campagne dans l’ensemble industriel et urbain, avec pour effet sa transformation en banlieue ». Il note en outre que « nous vivons dans une société qui n’a guère qu’une idée : produire ». Cette course au rendement explique l’endettement des exploitants agricoles, l’extension nécessaire des parcelles au grè des remembrements incessants et l’acquisition, de plus en plus en GAEC (Groupement agricole d’exploitation en commun), de machines automatisées coûteuses. L’introduction de la compétition dans le travail des champs explique le passage du paysan libre au salarié, plus ou moins direct, de l’industrie agro-alimentaire.
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samedi, 03 février 2024
Sur les Partisans de Dieu du Yémen
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Dans une vidéo datant de 2006, Judith Butler affirmait que « le Hamas et le Hezbollah sont des mouvements sociaux progressistes et font partie de la gauche mondiale ». L’essayiste queer étatsunienne montrait une maîtrise des problématiques de l’« Orient compliqué » aussi brillante que ses connaissances de l’intimité masculine. Cette prise de position entérina l’existence universitaire de l’islamo-gauchisme. On attend cependant la manifestation des wokistes pour le djihad ou la mise en vente des abaya pour hommes déconstruits.
Dans sa déclaration, Judith Butler aurait pu y inclure les Partisans de Dieu au Yémen qui existaient depuis déjà deux ans. Le monde entier les a découverts, le 19 novembre 2023, quand, caméras GoPro sur la poitrine, des commandos s’emparent du navire de transport Galaxy Leader et le détournent vers le port de Hobeida. Cette action est un acte de propagande réussi. Le monde médiatique parle dorénavant des « milices Houthi ». C’est un abus et une facilité de langage pour une opinion qui ignore le contexte politique agité en « Arabie Heureuse », nom antique du Yémen.
Ansar Allah, ou en arabe « Partisans de Dieu », sont fondés vers 2004 par Hussein Badreddine el-Houthi (1960–2004). Ce mouvement s’inscrit dans la complexité socio-culturelle du Yémen. La société traditionnelle yéménite se structure en effet autour des clans, des tribus et des fédérations tribales aux fortes traditions guerrières. À cette sociologie complexe s’ajoute la consommation généralisée et coutumière du khat, une « plante à mâcher » aux effets psychotropes majeurs. Il faut y ajouter les effets d’une histoire récente avec la division jusqu’en 1990 entre la République arabe du Yémen (ou Yémen du Nord) et la République démocratique populaire du Yémen (ou Yémen du Sud pro-soviétique). L’union de 1990 est rompue dès 1994 avec les velléités sécessionnistes du Sud contre la mainmise des « Nordistes ». Or le président Ali Saleh réprime avec violence ce séparatisme en moins de deux mois. Son autoritarisme irrite très vite de nombreuses tribus dont celle des Houthi du Haut-Yémen près de la frontière saoudienne.
Militant politique et prédicateur religieux, Hussein Badreddine el-Houthi conteste les autorités en place. Son assassinat déclenche la révolte de la région de Saada qui engendre ensuite une féroce guerre civile d’une rare intensité. Pour faire simple, les Partisans de Dieu affrontent non seulement les troupes gouvernementales, mais aussi les Frères musulmans, les indépendantistes du Sud ainsi que les islamistes de Daech et d’Al-Qaïda (qui se détestent réciproquement) sans oublier l’intervention armée de l’Arabie Saoudite, des Émirats arabes unis, du Soudan, de la Jordanie, du Qatar et de l’Égypte. Au cours de leur avancée vers la capitale Sanaa, Ansar Allah amalgame en leur sein des unités nassériennes et baasistes. N’oublions pas qu’en 1990–1991, le Yémen soutenait l’Irak de Saddam Hussein dans la formation du gouvernorat du Koweït.
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vendredi, 26 janvier 2024
L’outrage
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Dans les années 1990, Renaud Dély travaillait à Libération, le quotidien gauchiste. Il y traquait le Front national. Il passa ensuite aux hebdomadaires Marianne et Le Nouvel Observateur avant de tenter l’aventure radiophonique à France Inter. Il pontifie aujourd’hui sur la chaîne télévisée Arte. Son profil dépasse le simple politiquement correct.
Renaud Dély vient de publier aux éditions JCLattès un bouquin ni fait ni à faire (on lit le Mouvement national du progrès et non le Mouvement nationaliste du progrès). Il veut peut-être terroriser les ultimes abonnés de Télérama et de Politis. Son titre ? L’Assiégé (2024, 248 p., 20,90 €). Le sous-titre est bien plus explicite : Dans la tête de Dominique Venner, le gourou caché de l’extrême droite. Ouf, on échappe à l’ultra-droite !
Dély se fait fort d’entrer dans l’esprit d’un défunt incinéré. Il ne fait que transposer ses frustrations, ses fantasmes et ses obsessions. Il appartient à cette coterie de plumitifs et d’universitaires diplômés au petit bonheur la chance. Ces gars vivent de la « bête immonde », pourtant à l’origine sociale-démocrate selon Bertolt Brecht. Sans elle, Renaud Dély couvrirait la chronique des chiens écrasés, la rubrique nécrologique et les affaires d’adultère de son patelin. Grâce à l’extrême droite, il concilie gagne-pain et militantisme. Lui et ses congénères scribouillards devraient avoir la décence de verser aux droites radicales des redevances ou des droits d’auteurs. À l’ingratitude s’ajoute chez eux la pingrerie ainsi que l’absence de la moindre reconnaissance du ventre. C’est lamentable ! Mais ne scient-ils pas la branche sur laquelle ils sont assis ?
L’auteur a l’audace de réduire la vie d’un remarquable activiste, puis d’un excellent historien méditatif en quatre chapitres : son sacrifice solennel à Notre-Dame de Paris, le 21 mai 2013; l’épopée guerrière en Algérie; l’aventure d’Europe-Action et du Rassemblement européen de la Liberté (REL); sa passion pour les différentes formes de chasse, son amitié pour François de Grossouvre, détenteur des secrets les plus inavouables de François Mitterrand, son œuvre d’essayiste et ses funérailles.
En classe de Terminale, cette pseudo-biographie vaudrait à son auteur un zéro pointé pour cause de paraphrase permanente. Il plagie en effet Le Cœur rebelle et l’agrémente de dialogues fictifs. Outre la dénonciation gratuite d’un mal-pensant selon les normes en place, il faut regretter que des personnalités-phares de la « mouvance », des intimes ou des amis proches de Dominique Venner, aient accepté de le rencontrer. Dély les remercie d’ailleurs très sincèrement. Pourquoi lui accorder un temps précieux en sachant que le résultat sera défavorable avec l’établissement d’une « légende noire » ? Aucun contact avec les stipendiés du Système médiatique d’occupation mentale ne devrait s’établir. Pas la peine que leurs affidés dénigrent dans un second temps le livre !
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vendredi, 19 janvier 2024
Querelle « depardivine »
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Ça a été la discussion mouvementée des réveillons. Plutôt que de s’engueuler sur les 91 inculpations de Donald Trump, l’arrivée climatorusse de l’hiver ou la loi immigration dont les quelques timides avancées seront certainement censurées par le Conseil constitutionnel, les convives ont préféré s’écharper sur… Gérard Depardieu.
Mis en examen depuis 2020 pour « viols » et « agressions sexuelles », l’acteur conteste formellement ces accusations. Il revient à l’émission « Complément d’enquête » du 7 décembre 2023 sur France 2 de relancer la controverse avec des propos grossiers, grivois et graveleux qu’il tient sur de jeunes cavalières en Corée du Nord. Se déchaînent alors les nouvelles pétroleuses 3.0. L’ultra-féminisme en bandoulière, ces Érinyes post-modernistes expliquent doctement partout que la présomption d’innocence n’est qu’une notion juridique seulement valable au tribunal. Elles sous-entendent que dans la société prime une présomption de culpabilité qu’on aurait aimé voir appliquée aux assassins supposés de Thomas à Crépol…
Cantonnée à une petite coterie d’où se dégagent néanmoins des miasmes nauséabonds, la polémique prend une tournure politique avec l’intervention d’Emmanuel Macron, le 20 décembre, dans l’émission sirupeuse « C à vous » sur France 5. Il tacle sa ministresse de la Culture dorénavant remerciée et vole au secours de Depardieu. La prise de position présidentielle provoque une avalanche de pétitions et d’autres tribunes plus ou moins mal intentionnées.
Le Figaro du 25 décembre 2023 publie le texte collectif « N’effacez pas Gérard Depardieu ». Déjà, dans sa livraison du 1er octobre dernier, ce quotidien avait fait paraître une lettre ouverte de Gérard Depardieu. Cette nouvelle contribution suscite une vague d’indignations formatées. Un certain collectif MeToo Media signe dans Le Monde du 27 décembre une lettre publique adressée au chef de l’État. Deux jours plus tard, l’officine du journalisme de flicage, Médiapart, met en ligne une pétition lancée par un autre collectif « Cerveaux non disponibles » (sic !) qui recueille en 48 heures plus de 8 000 signatures dont celles des chanteuses sans voix Angèle et Pomme, de la piètre actrice Corinne Masiero, de l’humoriste hautement risible Guillaume Meurice, de la performeuse porno Nikita Bellucci, de Rokhaya Diallo et même du fameux Médine. Le 31 décembre sort une « Adresse au vieux monde » signée par soixante-dix personnalités. Enfin, Libération du 1er janvier 2024 met en ligne une pétition de 150 artistes pour qui « L’art n’est pas un totem d’impunités » !
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vendredi, 15 décembre 2023
Confinement olympique
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
L’Hexagone cumule les malheurs ! Avant que débutent les fumisteries parisiennes du 26 juillet au 11 août appelées « Jeux olympiques » (JO) et du 28 août au 8 septembre 2024 pour des Jeux dits « paralympiques », les Jeux olympiques d’hiver de 2030 reviendraient encore une fois à la France.
Le Comité international olympique a dès à présent écarté les dossiers de candidature de la Suisse, de la Suède et des États-Unis. Il semble privilégier l’option des Alpes françaises portée par le président sarközyste de la région Auvergne – Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, et le président macroniste de la région Provence – Alpes – Côte d’Azur, Renaud Muselier.
La candidature hivernale alpine tablerait sur un budget insignifiant d’un milliard et demi d’euros, car pourraient servir 90 % des infrastructures construites pour les JO d’hiver d’Albertville en 1992. Ces jeux de 2030 se dérouleraient sur quatre territoires qui n’auraient plus qu’à bâtir les 10 % restants. Gageons que ce montant s’amplifiera au fil des mois.
Il paraît par ailleurs étonnant d’investir dans des endroits déjà nantis (Haute-Savoie, Savoie, Hautes-Alpes avec le Briançonnais et Alpes-Maritimes avec la métropole Nice – Côte d’Azur). Il est vrai que pratiquer le ski de fond sur la Canebière à Marseille ou organiser des descentes de ski à Super-Besse dans la chaîne des Puys en Auvergne relèveraient de situations incongrues.
Ce divertissement - détournement sportif mobilisera quand même des sommes gigantesques alors que le pays est surendetté et qu’il manque des moyens financiers tant pour les services publics vitaux (hôpitaux, Poste, armée, police, justice, prison) que pour les infrastructures ferroviaires indispensables rien qu’en Provence – Alpes – Côte d’Azur et en Auvergne – Rhône-Alpes. Outre le dépassement financier prévisible, la tenue des JO de l’été 2024 et de l’hiver 2030 permet au Régime d’améliorer le flicage généralisé de la population. Les réclusions covidiennes de 2020 – 2021 ont déjà montré la très grande passivité d’une population de plus en plus bovine. Les décisions prises pour assurer la sécurité maximale des JO à Paris constituent une nouvelle expérience de gestion des foules dans un cadre de plus en plus cosmopolite.
Le mercredi 29 novembre dernier, à côté de la mairesse socialiste de la capitale, Anne Hidalgo, du maire socialiste de Saint-Denis, Mathieu Hanotin, et de Tony Estanguet, président de Paris 2024, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, au moment des Gilets Jaunes, exposait les premières mesures du plan de sécurité et de circulation pendant la période olympique. En plus du doublement prévu du prix du ticket des transports en commun (train, tram, métro et bus) en Île-de-France et du risque de paralysies fréquentes de certaines lignes saturées, Parisiens et Franciliens subiront une surveillance permanente qui se prolongera jusqu’en 2025 !
La préfecture de police de Paris prévoit en effet la mise en place de quatre périmètres d’accès. Le premier – compréhensible – concernera les sites olympiques proprement dits et le village des sportifs situé en Seine – Saint-Denis, ce nouvel Eldorado départemental fantasmé. Pour y pénétrer, des fouilles individuelles seront réalisées avant de montrer une accréditation officielle. Le deuxième périmètre ne sera accessible qu’aux titulaires de billet (ou aux personnes accréditées) qui assisteront aux compétitions dans les tribunes. Le troisième périmètre s’exercera hors des terrains sportifs. Les zones rouges interdiront la circulation de tout véhicule motorisé, sauf si l’engin appartient aux riverains détenteurs d’une place permanente de stationnement chez eux, aux aidants de personnes âgées ou dépendantes, aux personnes qui travaillent dans le coin, aux services de livraisons et de dépannage sans oublier les taxis et les VTC. Pour pouvoir circuler en voiture dans ces zones rouges, il faudra au préalable s’enregistrer sur une plate-forme numérique en fournissant une quantité incroyable de justificatifs. En revanche, ces contraintes ne devraient pas toucher les piétons et les cyclistes. Attendons néanmoins le printemps pour leur finalisation. Toutefois, inviter des amis à assister depuis son balcon ou derrière ses fenêtres aux cérémonies d’ouverture et de clôture impliquerait que l’hôte donnât à cette plate-forme d’enregistrement l’identité complète de ses invités, ce qui rabote la liberté de réunion dans un lieu privé. Rappelons que le Conseil constitutionnel avait censuré à l’époque covidienne la limite du nombre d’invités présents à son domicile. Toutes les personnes enregistrées obtiendraient sur leur téléphone intelligent un QR-code, forme sophistiquée de l’attestation de sortie covidienne de sinistre mémoire. Enfin existeraient des zones bleues autorisant la circulation limitée des résidents, des travailleurs et des livreurs. Les mesures les plus draconiennes sur les restrictions de circulation débuteraient deux heures - deux heures trente avant le départ des rencontres sportives et se termineraient une heure après. Dans ces conditions, il est plus que probable que tout le centre de Paris soit figé de 6 h 30 à minuit.
La vie courante des Parisiens et des Franciliens sera infernale sans omettre le recours massif aux drones de surveillance et un développement impressionnant de la vidéosurveillance. On ne peut que craindre de retrouver en 2030 un dispositif semblable amélioré de redoutables innovations techniques. Par exemple, au lendemain de l’attentat d’Arras du 13 octobre 2023, Laurent Wauquiez a réclamé des caméras de reconnaissance faciale à proximité des établissements scolaires. Auparavant, le même avait soutenu l’emploi de la reconnaissance faciale dans les gares ferroviaires et routières.
Un pareil paquet d’applications sécuritaires pour cet été surprend. Le préfet de police se couvre en précisant que la loi permet ce dispositif à partir d’un acte réglementaire paraphé du ministre de l’Intérieur. Quelques heures plus tard, des sénateurs s’élevèrent contre ce projet liberticide. « Ces dispositions sont typiques d'un état d'urgence, s’indigne le sénateur centriste du Tarn, Philippe Bonnecarrère. Mettre en place de telles mesures dans une situation qui a vocation à être heureuse [...] est extrêmement curieux. » La sénatrice centriste de l’Orne Nathalie Goulet dénonce pour sa part « des dispositions attentatoires aux libertés ».
Les attentats islamistes, les agressions sanglantes et les manifestations d’ultra-violence encouragent la démarche despotique du Régime multiculturaliste. Le confinement covidien à l’échelle nationale et le confinement olympique à l’échelle parisienne préfigurent la mise en place, tôt ou tard, d’un « pass carbone » individuel destiné à lutter contre le réchauffement climatique en attendant le puçage obligatoire de tous.
Le contrôle médiatique, la surveillance accrue des réseaux sociaux, la censure active sur Internet, l’opposition – parfois levée – de manifester et l’interdiction de colloques et d’autres réunions de la dissidence oppositionnelle confirment malheureusement la tendance intrusive des gouvernements occidentaux à vouloir s’occuper de tout et à tout régenter dans un environnement de plus en plus chaotique. L’Occident globalitaire n’est plus seulement un grand hospice selon le défunt Édouard Limonov; il se transforme en un gigantesque bagne à ciel ouvert.
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°96 mise en ligne le 13 décembre 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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vendredi, 08 décembre 2023
Le projet de démocratie nationale
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Il y aura bientôt cinq ans, Vincent Vauclin, à la tête de La Dissidence Française, présentait la Liste de la Reconquête aux élections européennes. Sa candidature fit l’objet d’une émission spéciale de « Pavillon noir » mise en ligne sur votre radio préférée vers le 24 mai 2019. Cette initiative judicieuse représenta un grand air frais dans une campagne morne, mièvre et ennuyeuse. Elle recueillit 4 569 suffrages selon les résultats officiels, mais plus en réalité, car, dans l’impossibilité financière d’imprimer un très grand nombre de bulletins, l’impression chez soi a pu être un motif d’invalidation pour un président du bureau de vote sourcilleux sous le prétexte de non-respect du grammage légal exigé.
En août 2020, Vincent Vauclin transforma son mouvement activiste en Mouvement national-démocrate (MND). Il publia au préalable un essai, Reconquête. Manifeste de la droite alternative. Son lancement connut un réel succès avant que l’entrée en politique d’Éric Zemmour brisât son élan initial. Est-ce un hasard si le parti zemmouriste s’appelle Reconquête ! et si son site officiel s’inspira à l’origine fortement de celui du MND ? Ce parasitage n’empêche pas le MND de soutenir quelques thèmes essentiels dont la « remigration ». Dans l’une des émissions de « La Longue Vue », Maurice Gendre mentionne le projet constitutionnel en faveur d’une démocratie nationale, projet disponible à la consultation sur le site nat.dem.
Le MND ne prétend pas fonder une VIe République. Il préfère reformuler l’actuelle république sur des assises nationales, civiques et référendaires. Il invite à une refonte profonde de la Constitution de 1958. Signalons par exemple que le titre XV qui traite de l’Union dite européenne est supprimé, car le MND ne cache pas sa volonté de « Frexit ».
Certains points envisagés sont excellents tels l’inscription dans l’article 1 de deux nouveaux alinéas. Le premier rendrait la liberté d’expression et le droit d’accès, d’opposition, de rectification et de suppression sur Internet irrévocables. Le second accorderait aux citoyens français le droit de porter une arme. L’article 3 serait complété par l’affirmation que l’armée française repose sur une armée de milice à l’instar du voisin suisse.
Au moment du ravage macronien des retraites, le MND fustigeait par communiqué le recours au 49.3. Ses propositions abolissent bien évidemment cette procédure parlementaire rationalisée. Mais, fait étrange, ne sont pas écartés d’autres éléments liés à ce même parlementarisme rationalisé. L’article 40 stipule ainsi que « les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique ». Les articles 47 et 47 – 1 réduisent la durée des débats au Parlement pour les projets de loi de financement de la sécurité sociale, articles mobilisés pour la dévastation des retraites.
Faut-il comprendre que le MND souhaiterait rejoindre une NUPES subclaquante ? Pas du tout ! L’emploi du référendum remplacerait le 49.3. Si un projet ou une proposition de loi est impossible à adopter en raison de l’opposition irréductible entre l’Assemblée nationale et le Sénat d’une part, ou entre le gouvernement et le Parlement d’autre part, il reviendrait aux citoyens de trancher par référendum ce désaccord. Certes, mais sur quelle version, celle de l’exécutif, celle amendée par le Sénat ou par l’Assemblée nationale ? Y aurait-il un quorum minimal de 50 % de participation afin de valider le scrutin ou bien ignorerait-on l’abstention comme en Suisse ? En cas d’abstention élevée, le texte serait-il finalement adopté ou bien rejeté ?
L’appel au peuple est une bonne chose quand ce dernier se pense en sujet politique. Or, Carl Schmitt l’a annoncé très tôt, nous sommes à l’ère de la dépolitisation. On dit souvent que les gens ne pensent politique que cinq minutes par jour. Erreur ! Ils ne pensent politique que deux minutes trente par an (et encore !). Sans une démopédie permanente et répétitive, le référendum se révèle aujourd’hui improductif et même hasardeux.
La fin du 49.3 s’accompagne de l’entrée constitutionnelle du scrutin proportionnel de liste. Dans ses mémoires, Michel Debré rapporte que le général De Gaulle ne voulait pas y souscrire. Il estimait avec raison que le mode de scrutin peut changer si cela sert les intérêts de la majorité sortante. Le MND conserve, hélas !, les députés des Français à l’étranger et n’abolit pas la double nationalité, surtout si la France sort de l’Union supposée européenne. Quant au Sénat, ce serait une assemblée de 348 maires tirés au sort. Pourquoi ne pas fusionner la haute-assemblée avec l’inutile Conseil économique, social et environnemental et en faire un Sénat des pays et du travail ? Belle initiative en revanche que d’exiger de tout parlementaire un serment prêté à la nation (et non à la République !). Mais pourquoi ne pas l’étendre aux élus locaux ainsi qu’aux membres de l’exécutif ? Le septennat serait rétabli avec une seule réélection consécutive permise. Outre le pouvoir référendaire de trancher et la possibilité de proposer une loi par pétition, un cinquième des électeurs inscrits pourrait déposer auprès du président de l’Assemblée nationale une demande argumentée de traduire le chef de l’État devant la Haut-Cour de Justice pour haute-trahison. Le président du Sénat reste président de la République en cas d’intérim alors qu’il serait plus cohérent que l’intérim revienne au Premier ministre.
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vendredi, 01 décembre 2023
Contradictions légales au sujet des fins de vie
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Le 29 octobre dernier, Emmanuel Macron annonçait sur X (ex-Twitter) son intention d’inscrire dans la Constitution de la Ve République l’avortement. Une phrase serait ajoutée à l’article 34 : « La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté de la femme, qui lui est garantie, d’avoir recours à l’IVG. » La révision serait adoptée en Congrès réuni à Versailles par le vote qualifié des trois cinquièmes des députés et des sénateurs.
Cette procédure parlementaire éviterait le risque de référendum que ne veut pas ce très grand démocrate. Le Monde du 31 octobre 2023 rapporte les propos d’un conseiller de l’Élysée pour qui une campagne référendaire accorderait « une tribune totalement disproportionnée par rapport à ce qu’ils [les groupes hostiles à l’IVG] représentent en réalité ». Le choix du Congrès offrirait au contraire au système médiatique d’occupation mentale une mise sous pression maximale sur tout parlementaire réfractaire ou abstentionniste.
Une fois encore, Macron se trompe. Il devrait observer ce qui se passe actuellement aux États-Unis. Dans les États dits conservateurs qui soumettent à leurs électeurs la question de l’avortement, ceux-ci répondent favorablement à son maintien et désavouent des républicains inféodés aux sectes évangéliques. Redoutable animal politique, Donald Trump a déjà compris cette désaffection. Il ne considère plus ce sujet sociétal comme une priorité dans sa campagne électorale de l’année prochaine. En Pologne, les nationaux-conservateurs atlantistes du PiS viennent de perdre les élections législatives. Leur politique anti-IVG bien trop restrictive a favorisé la mobilisation de leurs opposants, à savoir les plus jeunes électeurs et les électrices. Jaroslaw Kaczyński n’est pas Viktor Orban, plus fin et plus subtil.
Ce projet de révision constitutionnelle court-circuite cependant un autre projet gouvernemental traitant de la fin de vie, du suicide assisté et de l’euthanasie. Le contraste en devient saisissant. La Constitution, une nouvelle fois défigurée, comportera à la fois l’interdiction d’éliminer physiquement des ordures (tueurs d’enfants, assassins de personnes âgées, terroristes, trafiquants, vendeurs et usagers de drogues, etc.) et l’approbation de la fin du fœtus. Quant à la loi sur l’euthanasie, elle autoriserait les médecins à abréger sous certaines conditions pour l’heure floues la vie de patients jugés incurables ou trop âgés. Les Pays-Bas et la Belgique montrent dès à présent d’inquiétantes dérives dans ce domaine.
Et puis, quel avenir pour l’objection de conscience des personnels de santé en matière d’avortement ? Son introduction dans la Constitution interdira-t-elle toute contestation ? Y aura-t-il sous peu un délit de contestation de l’IVG ? Remarquons qu’on peut toujours réclamer le rétablissement de la peine capitale sans déclencher de poursuites judiciaires. En juin 2023, des militants anti-IVG à Lyon ont osé l’impensable. Ils ont collé des autocollants contre l’avortement sur les vélos en libre service de la métropole dirigée par les Verts. L’exécutif métropolitain a porté plainte pour dégradations. Mais les enquêteurs ont usé du délit d’entrave à l’IVG. Serait-ce un détournement de la loi ? Serait-il possible d’étendre ce délit à d’autres actions hors de tout lieu de santé ? Laissons à Foxley le soin de répondre à cette double interrogation dans une prochaine intervention de sa remarquable chronique, « De Droit et de Croc ».
Remarquons en outre que ceux qui souhaitent l’abolition de cette objection de conscience étaient les mêmes à militer au temps du service national obligatoire en faveur de l’objection de conscience... Cette dernière serait-elle donc sécable ou malléable au gré des circonstances ?
Qu’on ne se méprenne pas ! Votre serviteur qui n’est pas monothéiste ne considère pas la vie comme un absolu indépassable. La peine de mort est une nécessité fondamentale pour le bon ordre social. C’est la voûte qui soutient tout l’édifice pénal. Son abolition lamentable excite le crime et encourage l’amoindrissement progressive des peines dites incompressibles. Par exemple, la justice belge refuse de renvoyer en France Salah Abdeslam, le seul terroriste survivant des attentats du 13 novembre 2015, condamné à la réclusion à perpétuité sans aucune réduction de peine. Les magistrats belges assimilent cette peine à une peine ou à un traitement inhumain ou dégradant ! On sait que les progressistes militent pour la suppression de la peine de sûreté de 22 ans qui violerait les droits de l’homme, de la femme et des poux. Ces officines grotesques s’élèvent contre la prison, sauf quand il s’agit d’enfermer historiens critiques et militants dissidents.
Les plus hypocrites dans ces débats de société restent bien sûr les Verts. Ces soi-disant écologistes s’affichent en défenseurs véhéments du vivant : ils défendent les cours d’eau, les écosystèmes, les paysages, la faune et la flore. Ils sont prêts à interdire la corrida dans le Midi, les combats de coqs dans le Nord et la chasse partout. Ils manifestent devant les boucheries traditionnelles artisanales qui heurtent leur véganisme. Ces ardents chantres du vivant sont prêts à deux coups de fourchettes de manger de la viande végétale industrielle… À quand donc des lions herbivores ? Ils sont enfin pro-choix. Ils s’opposent aux OGM avec raison, mais ils acceptent les OHCM (organismes humains chimiquement modifiés) dans le cadre d’une transition sexuelle. Frappés d’hémiplégie conceptuelle, ces défenseurs de la bio-diversité se moquent de l’indispensable ethno-diversité et développent des réflexes manichéens pavloviens, assis dans leur salon embourgeoisé en attendant l’arrivée d’un Uber ou d’un Delivroo.
Contrairement aux chrétiens, la fin de vie peut être anticipée à la suite de Pierre Drieu la Rochelle, de Henry de Montherlant, de Yukio Mishima et de Dominique Venner. Ces quatre morts volontaires confortent une philosophie vitale de l’homme intégral. Se donner la mort n’est pas un interdit moral comme ne l’est pas la limitation par des avortements nécessaires des risques de transmission de maladies génétiques inguérissables ou de tares héréditaires. On peut très bien imaginer qu’une société ré-organisée, verticale et hiérarchisée instaure l’autorisation préalable de mariage et le permis de conception.
Ainsi est-on très loin des motivations politiciennes et féministes de pacotille en faveur de l’introduction de l’IVG dans la Constitution. Le sujet est en tout cas bien trop sérieux pour le confier aux branquignols politiciens.
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n° 94, mise en ligne le 29 novembre 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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vendredi, 17 novembre 2023
La bataille du point médian
La tribune flibustière de Georges Feltin-Tracol
Le 30 octobre dernier, par 221 voix pour et 82 contre, le Sénat adoptait une proposition de loi déposée par Les Républicains hostile à l’écriture inclusive tant dans les textes officiels que dans les documents privés (actes juridiques, contrats de travail, mode d’emploi d’appareils électro-ménagers ou informatiques). La proposition votée attend maintenant son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, inscription qui n’est pas pour l’heure prévue. Il est toutefois cocasse d’apprendre que quelques jours auparavant, le 19 septembre, le groupe RN au Palais-Bourbon présentait sans grand succès une autre proposition de loi contre cette nuisance lexicale, linguistique et grammaticale.
Ces deux initiatives entendaient d’abord conforter et consolider une circulaire prise en 2017 par Édouard Philippe, alors Premier ministre, contre l’emploi du point médian sans pour autant avoir de valeur contraignante. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, signait en 2021 un décret opposé à l’écriture inclusive. Ces deux textes de portée administrative n’empêchent pas maintes universités hexagonales de se vautrer au quotidien dans l’écriture inclusive, cet acmée de la dysgraphie.
Au cours des débats au Palais du Luxembourg, la sénatrice LR de l’Aisne, Pascale Gruny, a considéré cette écriture monstrueuse comme « le résultat d’une démarche militante dictée par la doxa du temps présent ». Pour l’excellent sénateur Reconquête ! des Bouches-du-Rhône, Stéphane Ravier, cette fausse écriture « n’est rien d’autre qu’une écriture de l’exclusion, qui met la langue française en péril. Les malvoyants, les dyslexiques et les étudiants étrangers seront les victimes de ce saccage ». Le même jour, en visite à Villers-Cotterêts dans l’Aisne, commune picarde dirigée dès 2014 par le RN Franck Briffaut, militant frontiste exemplaire depuis 1977, Emmanuel Macron déclarait pour l’inauguration de la Cité internationale de la langue française que dans la langue de Molière, de Voltaire et de Charles Péguy, « le masculin fait le neutre. On n’a pas besoin d’y ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets ou des choses pour la rendre lisible ». Est-il aussi direct à propos des nouvelles horreurs telles « celleux », « iel » ou « toustes » ? Non, puisque le célèbre « en même temps » persiste. Ainsi, en 2021, Élisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, disait-elle – on appréciera la délicatesse de la phrase - « que l’on dise que, potentiellement, on peut dire “ iel “, parce que ça enrichit la langue et c’est un pronom neutre, pourquoi c’est si choquant ? » Il est regrettable d’accepter ces monstruosités sémantiques, ces manifestations flagrantes de barbarisme et de solécisme. Le projet sénatorial du 30 octobre n’est que la neuvième proposition sur ce sujet depuis 2018...
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vendredi, 10 novembre 2023
Les grandes manœuvres outre-Rhin
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Les prochaines élections législatives allemandes se dérouleront à l’automne 2025. Toutefois, depuis la retraite de leur nourrice en chef, la mère Merkel, les Allemands assistent à des bouleversements considérables.
Le chancelier social-démocrate Olaf Scholz a le privilège inédit de diriger une alliance tripartite, la « Coalition tricolore » (rouge pour la sociale-démocratie, vert pour les Grünen et jaune pour les libéraux). Dès le départ, cette entente se montre fragile du fait des profondes divergences entre les Verts et les libéraux. Les premiers, dépensiers, s’opposent aux seconds, tenants de l’austérité, du désendettement et de la « règle d’or » budgétaire. Les tensions internes s’avivent en raison d’une crise socio-économique croissante.
Le recours à la dissolution du Bundestag est rare outre-Rhin. Son dernier usage en 2005 vit la défaite de Gerhard Schröder et la victoire de Merkel. En outre, les politiciens allemands n’y sont guère favorables. La guerre en Ukraine, les sanctions économiques contre la Russie, le problème énergétique dû à la fermeture de toutes les centrales nucléaires et des mesures écologiques coercitives mécontentent l’opinion publique. En recul de 2,3 % en 2021 par rapport à 2017 (12,64 %), l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) connaît maintenant une réelle popularité et pas seulement dans les sondages. Les élections régionales du 8 octobre dernier en Bavière et en Hesse (dont sa principale métropole, Francfort, représente la ville cosmopolite par excellence) confortent son ancrage historique à l’Ouest (18,44 % en Hesse et 14,65 % en Bavière). Ministresse fédérale sociale-démocrate de l’Intérieur qui persécute tout ce qui est national comme, par exemple, en septembre 2023, la perquisition et l’interdiction du mouvement païen odiniste des Artgemeinschaft, de leur association familiale et de leur revue, Nordische Zeitung (« Journal nordique »), Nancy Faeser, ne récolte que 15,09 % aux élections en Hesse, ce qui ne l’empêche pas de conserver son poste.
L’opposition patriotique ne se cantonne plus aux seuls Länder orientaux de l’ancienne République démocratique allemande. Ses succès électoraux se produisent malgré les campagnes massives de dénigrement politico-médiatique et les incroyables violences judiciaires perpétrées contre elle. Les services régionaux de protection de la Constitution de 1949 - comprendre une police des pensées, des opinions et de la parole – la surveillent avec attention. Sa figure de proue en Thuringe, Björn Höcke, se retrouve poursuivi parce qu’au cours d’une réunion électorale, il a lancé : « Tout pour notre patrie, tout pour l’Allemagne », ce qui serait une allusion implicite aux « heures-les-plus-sombres-de-l’histoire »...
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vendredi, 03 novembre 2023
Notre écologie authentique
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Il y a 44 ans, une violente campagne de presse contre la « Nouvelle Droite » marquait l’été 1979. La saison estivale de cette année a vu une autre campagne, moins violente et plus insidieuse, contre le spectre fantasmatique de l’« écofascisme ».
L’Obs (du 17 au 23 août 2023) se demande « Pourquoi l’écofascisme nous menace » et interroge Pierre Madelin, auteur de La tentation écofasciste. Écologie et extrême droite (Éditions Écosociété, 2023, 264 p., 18 €). Coup sur coup, le tristement célèbre quotidien qui sort en début d’après-midi s’empare du sujet. L’éditorial de sa livraison des 15 et 16 août 2023 alerte sur « Écologie et extrême droite : un dangereux mélange ». Comme quoi tous les mélanges ne se valent pas... La veille, son édition des 13 et 14 août 2023 prévenait que « Le RN veut tirer parti du clivage sur l’écologie ». Quelques mois plus tôt, Le Monde (du 24 décembre 2022) s’inquiétait de « Ces jeunes identitaires qui virent au vert ».
Auteur de l’article des 13 et 14 août dernier, Clément Guillon rapporte que Jordan Bardella, le président du RN, aurait déclaré sur CNews que « le meilleur allié de l’écologie, c’est la frontière ». Quelle surprise ! Aux élections européennes de 2019, il plaçait en position éligible l’essayiste Hervé Juvin qui, en compagnie de l’ancien militant de La France insoumise devenu président du groupe RN au conseil régional Auvergne – Rhône-Alpes, Andréa Kotarac, fonde un micro-parti affilié au RN, Les Localistes. Or, condamné en appel pour des violences conjugales, Hervé Juvin a été exclu en novembre 2022 du groupe Identité et Démocratie au Parlement européen, puis du groupe RN au conseil régional des Pays-de-la-Loire, groupe qui d’ailleurs n’existe plus. Son éviction destinée à satisfaire le Système médiatique d’occupation mentale constitue une faute supplémentaire à inscrire au débit de cette formation politicienne.
Clément Guillon estime que le RN combinerait des positions technosolutionnistes et des thèses néo-agrariennes. Le technosolutionnisme postule que le progrès technique peut à terme résoudre les problèmes écologiques, ce qui est une approche optimiste de la crise de l’environnement. Cette posture faustienne, ou pour le moins prométhéenne, rappelle la vision du monde de Louis Pauwels dans son recueil Le droit de parler (Albin Michel, 1981). Quant à l’agrarisme, il s’agit d’une force socio-politique présente dès la fin du XIXe siècle en Occident afin que le monde rural puisse peser sur la Modernité industrielle. Le Parti paysan croate a longtemps dominé la vie politique de la Croatie. À Varsovie, le Parti paysan polonais allié aux démocrates-chrétiens conserve les faveurs de l’électorat campagnard. Existe en Hongrie un petit Parti civique indépendant des petits propriétaires et des travailleurs agraires qui est néanmoins l’un des plus anciens. En Lettonie, jusqu’en 2022, les Verts participaient à l’Union des Verts et des Paysans, une alliance électorale avec l’Union des paysans de Lettonie, ensemble qui a déjà gouverné le pays. En France, outre les fameuses « Chemises vertes » de Henri Dorgères, chef des Comités de défense paysanne, le député de la Haute-Loire entre 1936 et 1958, Paul Antier, anima le Parti paysan d'union sociale, soutint un temps Pierre Poujade et contribua au lancement du CNIP (Centre national des indépendants et paysans).
Voyant venir l’accident industriel majeur aux européennes de juin prochain, l’Élysée encourage en sous-main la constitution, sous la houlette de l’influent lobbyiste Thierry Coste, d’une liste de chasseurs, de défenseurs de la corrida et de ruraux. Sa conduite reviendrait à Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs, dont l’ouvrage, Un chasseur en campagne. Pour une défense de la ruralité, est sorti en 2020 avec une préface d’Éric Dupond-Moretti… La Macronie voudrait-elle par ce moyen détourné relancer l’électorat chasseur ?
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vendredi, 27 octobre 2023
« Que mille formations fleurissent ! »
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Les devantures des librairies témoignent du grand effondrement de l’instruction en France. De nombreux titres évoquent une cruelle réalité : l’indéniable déclin scolaire. De Jean-Paul Brighelli qui a sorti La Fabrique du crétin. Vers l'apocalypse scolaire (L’Archipel, 2022), après La Fabrique du crétin. La mort programmée de l'École en 2005, au diagnostic implacable de Lisa Kamen – Hirsig avec La grande garderie (Albin Michel, 2023) en passant par Ève Vaguerlant qui vient d’écrire Un prof ne devrait pas dire ça. Choses vues et choses tues dans l’Éducation nationale (L’Artilleur, 2023), le constat est accablant. Qu’elle soit publique ou privée sous contrat, l’école percluse d’injonctions officielles politiquement correctes en faveur du climat, de la planète, du vivre ensemble, voire des punaises de lit stigmatisées, plonge dans la plus grande médiocrité.
Ce désastre magistral frappe plusieurs générations et affecte directement le militantisme. Coller des autocollants et des affiches, manifester dans les rues, distribuer des tracts demeurent des initiatives presque vaines si en parallèle une solide formation militante n’est pas donnée sur le long terme. Longtemps, les mouvements politiques ont engagé du personnel et des moyens dans des cours d’enseignement politique. Le Parti communiste français avait sa fameuse école des cadres, véritable vivier pour ses éléments les plus prometteurs. L'Œuvre française de Pierre Sidos comme d’ailleurs les différentes chapelles de l’Action française exigeaient des lectures obligatoires, hebdomadaires ou mensuelles, avec un compte-rendu écrit ou oral à la clé. Dans les années 1990, le Front national misait beaucoup sur ce domaine avec l’organisation estivale d’université tenue par le FN de la Jeunesse, le Conseil scientifique et la revue Identité. La scission de 1998 a détruit ce patient travail.
Une notice signée Camille Vigogne Le Coat parue dans L’Obs du 28 septembre au 4 octobre 2023 prévient son lectorat bo-bo grisonnant que « l’ex-ministre Charles Millon crée une école ». Ancien ministre de la Défense de 1995 à 1997, député à plusieurs reprises du Bugey dans le département de l’Ain et président du conseil régional Rhône-Alpes entre 1988 à 1999, Charles Millon appartient à l’UDF (Union de la démocratie française) d’obédience giscardienne dans le sillage de l’ancien premier ministre Raymond Barre. Sa carrière politique s’arrête nette en 1998. Au lendemain des élections régionales, il accepte d’être réélu à la présidence du conseil régional Rhône-Alpes avec les suffrages du FN. Désavoué par Jacques Chirac et exclu de l’UDF, il fonde La Droite qui se transforme ensuite en Droite libérale chrétienne d’une existence assez éphémère.
Selon L’Obs, Charles Millon lancerait une École Thomas-More (à ne pas confondre avec l’institut éponyme atlantiste). Ancien responsable du mensuel néo-conservateur L’Incorrect, Jacques de Guillebon, la dirigerait. Cet établissement enseignerait « une France enracinée, libre et vivante, fédéraliste, décentralisée et chrétienne ». On trouve déjà ces thèmes dans l’essai intitulé La Paix civile (Odile Jacob, 1998) dans lequel le mari de la philosophe catholique conservatrice Chantal Delsol exposait son point de vue ordolibéral et subsidiariste. L’école devrait ouvrir en janvier 2024.
L’École Thomas-More apparaît dans un milieu très compétitif d’autant que le créneau se veut aujourd’hui porteur. Sous la direction du politologue Jérôme Sainte-Marie et de Gaëtan Dussausaye, le RN a lancé le Campus Hemera du nom de la déesse primordiale grecque de la lumière terrestre. Il s’agit de proposer des recensions audio d’ouvrages à la demande, soit environ une dizaine pour l’instant. Le Campus Hemera souhaite « permettre aux adhérents du RN d’accéder à des formations en ligne, de s’inscrire à des cours ou à des conférences organisés par le Campus ». Pas certain que la formation à distance – ou « télé-formation » - soit un gage de convivialité, de réussite et d’efficacité…
Fondé en 2004 et présidé par Alexandre Pesey, l’Institut de formation politique (IFP) propose de véritables cours dans le cadre de son Institut libre du journalisme, de son École de l’engagement politique et de son École des entrepreneurs civiques. D’orientation conservatrice libérale, l’IFP a compté parmi ses stagiaires les plus célèbres la plus jeune députée de la XIVe législature (2012 – 2017) : Marion Maréchal–Le Pen. À peine élue dans la troisième circonscription du Vaucluse, la nouvelle représentante souhaite une mise à niveau politique, administrative et économique que le FN est bien incapable de lui offrir. Elle s’inscrit alors à l’IFP. Son stage la marquera.
En effet, ne se représentant pas à la députation en 2017, Marion Maréchal lance avec Thibaut Monnier et Sylvain Roussillon l’ISSEP (Institut des sciences sociales, économiques et politiques) en 2018 à Lyon. En presque une décennie d’existence et malgré les maintes entraves du Régime qui freinent son développement, l’ISSEP se maintient et s’exporte jusqu’en Espagne. Il souffre cependant d’une mauvaise image colportée par des instances médiatiques hostiles. Lors de la présidentielle de 2022, Marion Maréchal et Charles Millon ont tous deux soutenu le candidat Éric Zemmour.
Le parti de ce dernier, Reconquête !, miserait lui aussi sur la formation de ses adhérents les plus investis. Cependant, il est difficile de concilier tant dans le temps que par la mobilisation financière et humaine des initiatives hardies comme Parents vigilants et des sessions régulières et cohérentes de formation. Il est par ailleurs prévu que le mouvement zemmouriste se dote d’une revue théorique sous la direction de Marion Maréchal. Ce dernier projet semble reporté pour cause de campagne des élections européennes de 2024.
Créée en 2013, Academia Christiana est bien connue des auditeurs de Radio Méridien Zéro puisque plusieurs reportages et entretiens lui ont été consacrées. Des animateurs de votre radio Internet préférée tels le Lieutenant Sturm et votre serviteur sont intervenus aux universités d’été à son invitation. Lancé dans la foulée de la Manif pour Tous, ce laboratoire d’idées cherche à préparer ses jeunes participants à fortifier par ces temps chaotiques leur vision catholique et identitaire. Or, à l’instar de l’Action Française pendant l’Entre-deux-guerres, Academia Christiana risque, le moment venu, de connaître le désaveu officiel d’une Église catholique devenue entre-temps synodale, inclusive climatiste…
Cette menace diffuse, l’Institut Iliade pour la longue mémoire européenne ne s’en soucie guère. Instauré en 2014, un an après le sacrifice volontaire de Dominique Venner, l’Iliade accueille une promotion sur deux ans. Outre des frais engagés, les participants doivent réserver quelques samedis et dimanches pour suivre cours et autres allocutions. Chaque inscrit s’engage en outre à réaliser un travail personnel sous la forme d’un essai concis, d’un court métrage ou la tenue d’une exposition ou d’un séminaire, etc. L’Iliade remplace le GRECE peut-être un peu trop marqué par une métapolitique perçue stérile et étouffante.
Toutes ces initiatives sont intéressantes, mais la formation seule ne débouche pas forcément sur une avancée effective des idées dans le champ politique. En partenariat avec les Éditions de la Nouvelle Librairie, Academia Christiana et son pendant païen, l’Iliade, publient des ouvrages courts en nombre de pages. Le public post-adolescent et les jeunes adultes lisent de moins en moins. Des essais concis et ramassés peuvent mieux attirer un jeune public que la lecture rebute habituellement. Les PUF avec la collection « Que sais-je ? » et les éditions Pardès avec la collection « Qui suis-je ? » l’ont bien compris depuis de très longues années. Éditer aujourd’hui de gros pavés imprimés ainsi que des revues pesantes à parution irrégulière avec des articles de fond de plusieurs dizaines de pages s’apparentent à un suicide éditorial ! Par la faute d’une institution décatie qui n’enseigne plus que de l’ignorance programmée, bien des générations se détournent, dégoûtées, de toute lecture...
Dans ces conditions où priment les réseaux sociaux, il est vital que perdure Radio Méridien Zéro. Radio MZ, vous le savez, ne verse pas dans la distraction et le divertissement. Elle privilégie au contraire le décryptage de l’information, la ré-information et la formation permanente. Sa longévité démontre ainsi une belle constance. L’émission mise en ligne à la fin du mois de septembre présente l’excellent projet du Belge Jeremy Baneton : IdéoChoc. C’est une manière appropriée de s’instruire sérieusement. Évoquons aussi les analyses pertinentes fournies par Ego Non sur son propre site. En investissant le monde numérique, Ego Non et Jeremy Baneton, sur les traces de Radio Méridien Zéro, peuvent attirer un public réfractaire à toute lecture. Une belle complémentarité s’opère !
Après des années de désintérêt manifeste, le domaine crucial de la formation suscite enfin quelques belles entreprises. C’est la raison pour laquelle il faut s’en féliciter et appeler à l’éclosion au sein des périphéries non-conformes de mille formations inévitablement concurrentes. L’urgence nécessite la constitution d’élites nouvelles capables prochainement de s’imposer en temps de crises majeures multiples. Conjugué à l’édition papier qu’il importe de conserver, l’outil Internet se révèle pour la circonstance un atout précieux. Et si c’était un nouvel indice de l’indéniable déscolarisation de la société ?
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°89, mise en ligne le 24 octobre 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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samedi, 21 octobre 2023
« La Perruque » bientôt à la Maison rose ?
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Le 22 octobre prochain va se dérouler en Argentine un scrutin présidentiel. Après un mandat chaotique de quatre ans miné par une inflation annuelle de 125% et un taux de pauvreté avoisinant les 50% de la population, l’actuel chef de l’État, Alberto Fernández, péroniste de centre-gauche, ne se représente pas. L’ancienne présidente péroniste de gauche de 2007 à 2015, Cristina Kirchner, qui est la vice-présidente, passe elle aussi son tour. Rappelons qu’en 2023, le péronisme a perdu tous ses axes fondamentaux et occupe tout le champ politique, de l’extrême gauche à la droite radicale sans oublier le centrisme. On attend cependant un écologisme péroniste ou un péronisme écologique…
Le candidat des dirigeants sortants est l’actuel ministre de l’Économie, Sergio Massa. Face à lui, le vieux parti Union civique radicale en coalition avec d’autres formations présente Patricia Bullrich, ministre de la Sécurité (de l’Intérieur si l’on veut) de 2015 à 2019 sous la présidence du libéral Mauricio Macri. Myriam Bregman porte les couleurs du Front de Gauche et des Travailleurs. Quant à l’actuel gouverneur de Córdoba, Juan Schiaretti, il incarne un centre-gauche modéré anti-kirchnériste et mécontent de la politique erratique de Macri. Mais ces quatre candidats à la « Maison rose », le siège de la présidence, craignent un cinquième que la presse surnomme « El Peluca » (« la Perruque ») en raison de sa coiffure excentrique : Javier Milei.
Aux élections primaires, obligatoires et simultanées du 13 août dernier, Javier Milei est arrivé en tête avec 29,86%. Ce député fédéral de Buenos Aires élu en 2021 met chaque mois à la loterie son indemnité parlementaire de 350 000 pesos (environ 2 900 euros). Les chaînes de télévision retransmettent en direct l’événement. C’est en 2014 que les animateurs radiophoniques et de télévision ont commencé à inviter cet économiste qui aborde la situation économique et politique du pays. Sa franchise et ses coups d’éclats verbaux en font vite une vedette médiatique.
Né dans la capitale argentine en 1970 d’un père chef d’entreprise de transports et d’une mère au foyer, Javier Milei s’essaye d’abord au football, puis au rock avant de suivre des cours d’économie et de décrocher un diplôme. Dans un pays où l’héritage interventionniste péroniste demeure fort présent dans les esprits, Milei se veut iconoclaste. Ce lecteur attentif de l’« École de Vienne » (Hayek par exemple) aime dénoncer la « caste politicienne parasite ». Ainsi prône-t-il la libération de l’Argentine ou, plus exactement, sa « libéralisation » : réduction draconienne des dépenses publiques, baisse massive des impôts, suppression des ministères de l’Éducation, de la Santé, de la Condition féminine, des Travaux publics et du Développement social, abandon de la gratuité de l’instruction, dissolution de la Banque centrale argentine, fin du contrôle des changes, arrêt du protectionnisme économique et recours au libre-échange total. Si Javier Milei se réclame du président faussement péroniste Carlos Menem (1989 – 1999), il apprécie beaucoup ce grand humaniste d’Al Capone. Il déteste en revanche le « pape » Bergoglio en qui il voit un fourrier du communisme.
Plus que libéral, Javier Milei est en réalité libertarien. Les Européens connaissent mal cette pensée politique. En 1988, Pierre Lemieux publie aux PUF dans la célèbre collection « Que sais-je ? », n°2406, L’anarcho-capitalisme, c’est-à-dire la théorie d’une société sans aucun État dans laquelle toutes les relations humaines dépendraient du contrat et du droit. En 2009, Sébastien Caré sortait encore aux PUF dans la collection « Fondements de la politique » La pensée libertarienne. Genèse, fondements et horizons d’une utopie libérale. Pour cet auteur, les libertariens quittent le milieu conservateur et tombent à gauche. Dans les faits, en minarchiste fidèle à l’enseignement de Murray Rothbard, d’Ayn Rand et de Robert Nozick, Milei conçoit un « État minimal » réduit à ses seules fonctions régaliennes. Ainsi veut-il la liberté du port d’arme, la vente des organes humains, la légalisation de toutes les drogues. Il ne s’oppose ni au mariage pour tous, ni au changement de genre à la condition que cela ne coûte rien aux finances publiques. Il propose la dollarisation de l’économie. Le dollar des États-Unis remplacerait le peso et deviendrait la seule monnaie officielle. En revanche, ce climatosceptique avéré rejette l’avortement et le féminisme. Pourtant, il a choisi pour la vice-présidence la députée Victoria Villarruel accusée de nostalgie envers la junte militaire (1976 – 1983). Âgée de 50 ans, Karina dirige d’une main de fer la campagne de son frère si bien que de mauvais esprits la décrivent comme la véritable cheftaine…
Javier Milei a vécu en couple avec une célèbre chanteuse du cru. Désormais célibataire, il ne cache pas son hostilité à l’institution du mariage. Catholique de culture féru d’occultisme, il a déjà fait cloner l’un de ses chiens et a remercié les quatre autres décédés le soir de sa victoire aux primaires. Il organiserait des séances de spiritisme avec des tables tournantes afin de discuter avec ses chiens défunts.
Si existe depuis 2018 un Parti libertarien, Javier Milei a lancé son propre mouvement, La Libertad avanza (La Liberté avance), qui, pour l‘échéance présidentielle, s’est associée avec d’autres partis libéraux-conservateurs et des partis provinciaux assez anti-péronistes. Le système médiatique le soupçonne de proximité avec le parti espagnol Vox.
Suivi sur les réseaux sociaux par plus de cinq millions d’abonnés, Javier Milei considère que « la redistribution des richesses est un acte violent ». Il justifie sa chevelure exubérante en avouant être peigné par « la main invisible du marché ». En politique étrangère, ce super-atlantiste regrette l’entrée prochaine de l’Argentine dans les BRICS et soutient autant Israël que l’Ukraine. Il a enfin à plusieurs reprises mentionné devant micros et caméras son éventuelle conversion au judaïsme, bien sûr libéral. On est très loin d’une figure nationale-conservatrice, illibérale ou nationale-révolutionnaire...
Si Javier Milei devient le 54e chef d’État de l’Argentine, il est peu probable que son alliance électorale obtienne la majorité absolue au Congrès (Sénat et Chambre des députés). Dans un régime présidentiel tel que l’Argentine, le blocage risque alors de devenir permanent. Le chef de cabinet des ministres d'Argentine, soit l’équivalent du Premier ministre et du Secrétaire général de l’Élysée, devra pratiquer un art élevé de la séduction, du compromis et de la négociation auprès de parlementaires plus ou moins rétifs. Sa possible victoire peut aussi cristalliser l’activisme des forces de gauche et d’extrême gauche. En 2021, son slogan pendant la campagne législative était : « Je ne suis pas venu ici pour guider des agneaux mais pour réveiller les lions ! » Au pays des pumas, cette allusion féline relève de ses habituelles saillies.
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°88, mise en ligne le 20 octobre 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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vendredi, 13 octobre 2023
Chant funèbre pour Stepanakert
Georges Feltin-Tracol
Une fois encore, la nation arménienne qui transcende dans le temps et l’espace les limites actuelles de la république post-soviétique d’Arménie connaît un profond chagrin et une immense peine dus à l’arrachement d’une partie de son territoire ancestral.
Du 18 au 20 septembre 2023, la quatrième guerre du Haut-Karabakh a provoqué la fin de la république indépendantiste de l’Artsakh et la fuite de plus de 90 % des quelque 120 000 habitants de ce berceau historique du peuple arménien. Les autorités rebelles de l’Artsakh ont annoncé la dissolution effective de toutes leurs institutions au 1er janvier 2024. Pas sûr que le vainqueur azéri patiente jusqu’à cette date…
Le traitement médiatique occidental pratique volontiers l’euphémisme à propos de ce nouveau nettoyage ethnique commis en direct sans susciter l’indignation des beaux esprits de la « communauté internationale ». Les journalistes occidentaux ne se préoccupent que de l’action humanitaire et délaissent toute considération géopolitique et historique. La version francophone de Wikipédia – Wokipédia serait une appellation plus appropriée pour cette encyclopédie en ligne infestée de wokistes – ne place même pas cette tragédie dans la catégorie « Événements en cours » alors que les pitoyables manifestations féministes en Iran y figurent depuis plus d’un an… Par ailleurs, la Hongrie de Viktor Orban ne condamne pas l’invasion azérie. Elle l’approuve au contraire, tropisme ouralo-altaïque oblige. Qu’en pensent donc les zélateurs français de l’illibéralisme de Budapest ?
Ce n’est pas la première fois que les Arméniens voient le fer, le feu et le sang briser leur idéal politique. L’espérance mise dans le traité de Sèvres du 10 août 1920 qui offrait aux survivants du génocide de 1915 un territoire autour des villes d’Erzurum, de Trabzon et de Van disparaît au traité de Lausanne du 24 juillet 1923 sous les coups de butoir de la reconquête kémaliste. Deux ans plus tôt, en 1921, l’Armée rouge bolchevique anéantissait la République arménienne des Montagnes proclamée en 1918 aux confins de la Turquie, de la Perse et des futures Arménie et Azerbaïdjan. Les forces communistes constituèrent ensuite une structure soviétique d’expression arménienne au lendemain de l’échec transcaucasien.
Fin connaisseur des questions nationales auprès de Lénine, le Géorgien Joseph Staline entretient les vieilles rivalités ethniques tout en garantissant officiellement le droit de chaque peuple lié à l’ensemble soviétique de maintenir leur identité culturelle. Adeptes du « diviser pour régner », les bocheviks poussent à l’extrême la logique politique des nationalités en respectant l’ancrage territorial des langues. Ainsi l’Asie centrale compte-t-elle des enclaves ouzbèkes, turkmènes et tadjikes. Dans le Caucase, l’Azerbaïdjan, déjà pourvu en hydrocarbures, reçoit l’exclave du Nakhitchevan coincée entre la Turquie et l’Arménie, et le Haut-Karabakh à majorité arménienne.
Les réformes dévastatrices de Mikhaïl Gorbatchev au milieu de la décennie 1980 déclenchent un vaste réveil des peuples dans une URSS malade. Dès 1988, des incidents très violents opposent Arméniens et Azéris. Les Arméniens du Karabakh réclament au mieux leur rattachement à l’Arménie, au pire une séparation définitive avec l’Azerbaïdjan. Le 2 septembre 1991, ils proclament leur autodétermination. L’éclatement de l’URSS entraîne aussitôt l’intervention militaire de l’Arménie, épaulée de volontaires d’origine arménienne ou non venus d’Occident et du Proche-Orient. Les Arméniens écrasent les forces azéries, libèrent l’Artsakh et occupent 20 % du territoire azerbaïdjanais. L’exode d’un demi-million d’Azéris et de Kurdes mahométans clôt cette première guerre (1992 – 1994). Le Nagorny-Karabakh devient la Crimée des Azerbaïdjanais et le Kossovo des Arméniens.
Entre 1994 et 2016, l’Artsakh polarise toute la vie politique arménienne. La victoire de 1994 développe un nationalisme soldatique favorable aux vétérans, aux anciens combattants et aux responsables de l’Artsakh quand bien même Erevan n’a jamais reconnu officiellement cette cryptocratie. Par exemple, chef de l’Artsakh de 1994 à 1997, Robert Kotcharian est Premier ministre de l’Arménie de 1997 à 1998, puis président de l’Arménie de 1998 à 2008. Il défend une ligne nationaliste intransigeante. Son successeur, natif de Stepanakert, Serge Sarkissian, est chef de l’État arménien de 2008 à 2018. Assurés de la pérennité de leur victoire, les politiciens arméniens et artsakhiotes s’assoupissent face au voisin azéri et pratiquent une kleptocratie générale éhontée. Pendant ce temps, Bakou prépare sa revanche.
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vendredi, 06 octobre 2023
Joyeux anniversaire
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Les abonnés de Réfléchir & Agir viennent de recevoir son 79e numéro, soit trente années d’existence et de combat. Trente ans déjà ! Comme le temps passe pour reprendre le titre d’un roman d’un brillant écrivain français trop tôt disparu car assassiné…
Qu’il est maintenant loin le tout premier numéro d’octobre – novembre 1993 sous la forme d’un fanzine. Sur sa couverture s’exprimait déjà sa différence avec une citation extraite d’un discours de José Antonio Primo de Rivera prononcée à Carpio de Tajo, le 25 février 1934 : « La vie ne vaut la peine d’être vécue si ce n’est pour la brûler au service d’une grande cause. » L’éditorial posait des bases pour lesquelles R&A n’a jamais dérogées : « Le militant s’informe, analyse, parle, expose, discute et convainc. Il est chaque minute en train d’alimenter sa doctrine, toujours prêt à faire connaître ses idées et montrer partout que la résistance à l’ordre démocratique s’organise. » Un article visionnaire prévenait ensuite de « La société de confusion : convergences doctrinales, brouillage des cartes et déclin du politique ».
Ainsi un brûlant feu intérieur continue-t-il à flamber chez les deux chevilles ouvrières qui effectuent au quotidien un travail parfois fastidieux : Eugène Krampon et Pierre Gillieth. Grâce aux bons soins de Wilsdorf, l’émission du 7 juillet 2023 a longuement interrogé ce dernier sur cette entreprise militante remarquable. Nous invitons tous les auditeurs à l’écouter si ce n’est pas encore fait. L’ami Gillieth est infatigable. Outre la direction administrative et rédactionnelle d’un périodique de haute tenue, il s’occupe des éditions Auda Isarn. Cette sympathique maison d’édition publie plusieurs titres par an. Signalons le beau succès de la collection policière « Le Lys noir » et, en particulier, les aventures truculentes du Hussard.
Pour l’anecdote, le nom de cette collection irrita Rodolphe Crevelle (1955 - 2019), militant anarcho-royaliste de l’Hyper-France et de la francité résistante. Dans le sillage de La Manif pour Tous, cet ancien militant solidariste publia une série de journaux intitulée Le Lys noir placée sous le patronage de Georges Bernanos. Agacé par ce qu’il considérait comme un détournement, Rodolphe Crevelle menaça de casser la gueule des co-directeurs de la collection avant de se raviser. Il apprit qu’à côté de Pierre Gillieth officiait Francis Bergeron, le même qui dans sa jeunesse solidariste distribuât des tracts anti-communistes sur la Place rouge à Moscou à l’époque soviétique.
Des liens amicaux existent depuis le début entre le magazine autonome de désintoxication idéologique et Radio Méridien Zéro. Eugène Krampon a contribué aux deux projets. Le dossier du numéro 34 (hiver 2010) de R&A proposait d’ailleurs « Vers une rupture militante nécessaire » avec les entretiens de Gianluca Iannone, le fondateur de CasaPound, et de Frédéric Laroque, alors porte-parole du MAS (Mouvement d’action sociale). Placée sous la mémoire fidèle de Robert Dun (1920 – 2002) et de Jean Mabire (1927 – 2006), le magazine albo-européen perdure, comme l’écrit en éditorial du nouveau numéro Eugène Krampon, sur une magnifique « ligne anti-mondialiste, anti-capitaliste, grand européenne (de Dublin à Vladivostok), identitaire, socialiste révolutionnaire ».
Les thématiques du numéro 79 sont riches et variées. À côté des notules qui confirment la veulerie de nos contemporains, Klaas Malan poursuit son exploration des peuples minoritaires d’Europe, en l’occurrence ici les Tyroliens du Sud. Malan est un ardent partisan d’une Europe impériale des régions ethniques homogènes et enracinées. Le dossier concerne « Le retour de la question sociale ». L’inflation, la réforme désastreuse des retraites, la paupérisation massive de la population française et la hausse vertigineuse des profits démontrent toute l’acuité du sujet bien trop peu traité par la « mouvance »… Dans un excellent entretien, Pierre Le Vigan rappelle « la nécessaire union du national et du social, de la souveraineté, de l’identité et de la justice ». Il oublie malheureusement le versant écologique. Les questions identitaire et sociale dépendent aussi de la question environnementale. Identités ethno-culturelles, justice sociale et préservation des écosystèmes forment un tout à la radicalité foncièrement non cosmopolite.
La présence durable de R&A constitue un apport non négligeable de munitions lourdes dans la guerre culturelle en cours. En dehors des bulletins à diffusion confidentielle, d’autres titres participent aussi à la grande bataille des idées. Le doyen Rivarol subit les foudres du Système. Il continue malgré tout à avancer. Fondée en 1967, Militant demeure la revue nationaliste qui défend l'identité française et européenne. Éléments vient de fêter ses cinquante ans. Terre et Peuple Magazine se dirige vers son quart de siècle. Rébellion a vingt-et-un ans. Synthèse nationale approche de ses dix-huit ans. Le benjamin des imprimés est pour l’heure ZentroMag avec quatre années d’intenses activités.
Ces titres font honneur au pluriversalisme qu’anime l’ethno-différencialisme. Ils affrontent selon le tempérament de leur rédaction respective et malgré les inévitables divergences d’interprétation le politiquement correct et les délires du wokisme. On constate néanmoins que bien d’autres ont disparu : Flash, Présent, Le Choc du Mois, National Hebdo, La Nouvelle Revue d’Histoire, etc. Ces pertes peuvent susciter le désespoir et inciter peut-être à l’inaction et au désœuvrement. À tort ! Il importe toujours de se souvenir que l’histoire porte en elle l’imprévu. Comme le dit avec justesse Eugène Krampon dans ce numéro – anniversaire, « notre boulot et notre devoir, c’est de préparer notre résurrection à long terme, de reconstruire les murs porteurs de demain en évitant de les faire reposer sur une chape idéologique et des erreurs qui nous ont conduit à l’effondrement d’aujourd’hui ». L’aurore apparaît tôt ou tard après une très longue nuit.
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°86, mise en ligne le 3 octobre 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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vendredi, 29 septembre 2023
Le temps des guerres écologiques
Georges Feltin-Tracol
La chronique n°51 du 15 novembre 2022 intitulée « Vers la poliorcétique des cyborgs » recensait l’ouvrage collectif de Red Team, ce projet du ministère français des Armées qui réunit illustrateurs, auteurs de science-fiction, ingénieurs et militaires de carrière afin de réfléchir aux prochains conflits.
Toujours intitulé Ces guerres qui nous attendent 2030 – 2060. Saison 2 (éditions des Équateurs/PSL – Université Paris Sciences et Lettres, 2023, 210 p., 22 €), un nouvel ouvrage est paru sous la même signature qui rassemble Virginie Tournay, Laurent Genefort, Romain Lucazeau, Capitaine Numericus, François Schuiten et Saran Diakité Kaba avec une préface commune d’Alain Fuchs et de Cédric Denis-Rémis. Mais, à la différence du premier, on trouve aussi de courtes contributions de plusieurs spécialistes et un avant-propos des animateurs de ce programme, Nicolas Minvielle et Olivier Wathelet.
Ainsi apprend-on l’existence d’une Blue Team, un groupe de « militaires de différents corps » qui examine la véracité et la pertinence des hypothèses émises par Red Team. Il paraît évident que « l’initiative du collectif Red Team Défense, par sa dimension inédite et son engagement citoyen, est un nouvel outil d’anticipation qui contribue à l’orientation des efforts d’innovation et de défense ». Tout aussi ambitieux que le premier, ce nouveau livre explore deux facettes inattendues de la confrontation inter-étatique.
Le premier scénario part d’une uchronie un peu bancale. Dans ce monde perdure la Horde d’Or d’origine mongole qui contrôle les khanats de Königsberg et de Minsk et qui vient de s’emparer de la Ruthénie de Khief. Elle doit composer, à l’Est de l’Eurasie, avec l’Empire han et, à l’Ouest, avec la Ligue hanséatique qui regroupe entre autres la Francie occidentale, la Bretagne et la Bourgogne… La Horde et la Ligue traversent une ère de guerre froide. Or émerge « une cinquième révolution industrielle marquée par les biotechnologies ». Ces avancées techno-scientifiques concernent la « bio-ingénierie » et le travail sur l’ADN chez soi en utilisant un matériel perfectionné au coût assez faible. Au risque que l’homme perde toute maîtrise sur le vivant, il devient bientôt possible de fabriquer des chimères issues de manipulations génétiques audacieuses. À l’intersection de l’agronomie et de l’industrie militaire surgissent alors des armes nouvelles qui ne sont plus biologiques, mais « écosystémiques, c’est-à-dire capables de modifier un écosystème entier pour le rendre plus favorable à un camp dans un conflit ». Par exemple, la « surveillance basée sur des capteurs de mouvement constitués de filaments de mycélium ». L’historien militaire Michel Goya conclut que « la “ weaponization “ du vivant peut se jouer à la fois dans le microscopique, avec des virus et de l’ADN, et dans la macroscopique, avec des organismes animaux et végétaux ».
Le second scénario s’intéresse au déroulement d’une opération extérieure soumise aux contraintes de la sobriété énergétique et au respect absolu des réserves naturelles riches en biodiversité. En raison de la « décarbonation progressive de tous les systèmes militaires à tous les niveaux », les engins militaires roulent désormais au moteur électrique. Dans le même temps, « la carrière de chaque membre est indexée sur sa note énergétique ». Or les combattants portent une combinaison à camouflage actif et une série d’appareils très énergivores (casques à vision nocturne avec intelligence artificielle intégrée, sac de combat modulaire de 100 litres, chaussures de combat « intelligentes », etc.). Chaque soldat emploie en outre des drones-éclaireurs et des drones-batteries afin de réussir la mission.
La rareté des sources énergétiques disponibles oblige l’état-major à considérer un nouveau cadre opérationnel, surtout si « chaque opération est indexée sur un budget énergétique ». Dans ces conditions restrictives, « les armées se sont dotées de centrales électriques mobiles (flottantes ou terrestres) où les unités peuvent recharger leurs batteries ». Tant pour le port des tenues de combat que pour l’alimentation en énergie des troupes, le design prend dès lors une valeur cruciale. Qui aurait pensé que « le design, explique Édith Buser, directrice adjointe de la recherche de l’École nationale supérieure des arts décoratifs, est mobilisé sur des projets impliquant les sciences cognitives, l’IA, la chimie, la biologie, la médecine, la soft robotique mais aussi l’économie, le management, la sociologie, l’anthropologie ainsi que d’autres champs artistiques » ? Elle ajoute aussitôt que « chercheurs et doctorants sont impliqués dans des projets de recherche liés à la santé et au soin, au textile, à l’architecture, ou encore à la data visualisation de grandes masses de données ».
Ces supputations n’empêchent pas « le brouillard de la guerre » de perdurer, voire de s’épaissir, car l’application de la sobriété énergétique dépend en premier lieu de la volonté politique. On pourrait en effet croire que ce deuxième ouvrage contredit le premier qui met en avant les missiles hypervéloces et les forteresses à grand besoin d’énergie. La contradiction n’est qu’apparente. En fonction du déroulement des combats peuvent se succéder des phases d’intenses consommations énergétiques et d’autres à très basse consommation. L’art de la guerre prend vraiment des voies singulières.
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°85, mise en ligne le 26 septembre 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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vendredi, 22 septembre 2023
La métaphysique de combat de Kémi Seba
Georges Feltin-Tracol
« Et si […] le salut de notre peuple aux quatre coins du monde passait tout simplement par l’éloignement définitif de l’Occident, ce de manière physique, psychique, métaphysique, afin de redevenir nous-mêmes ? » « Et si c’était cela, la décolonisation réelle ? » Celui qui prône cette rupture radicale s’appelle Kémi Séba dans son nouvel essai, Philosophie de la panafricanité fondamentale (Éditions Fiat Lux, 2023).
Né à Strasbourg en 1981, Stellio Capo Chichi s’intéresse très tôt au kémitisme qui exalte la civilisation égyptienne selon un tropisme négrocentré. Il s’inscrit dans une vision du monde ouvertement traditionnelle. Il oppose d’ailleurs le traditionalisme, « ensemble de modalités constituant une voie initiatique menant les êtres qui la suivent à la compréhension de la métaphysique, autrement dit : - la connaissance de l’Être suprême, - la connaissance du monde invisible, - le respect de la hiérarchie spirituelle, - l’homme avec la nature » à la coutume qui en serait son « altération ».« Maladie de l’ère moderne », « la coutume symbolise la quintessence du cérémonialisme (des manifestations clinquantes prétendument spirituelles, surtout réalisées pour nourrir l’ego ethno-culturel) ».
Son interprétation des cycles historiques met en confrontation directe les Noirs qui appartiennent aux « populations primordiales » au monde moderne, manifestation implacable de l’actuel Âge de Fer. Les Blancs en sont le principal vecteur. L’auteur évoque leurs terribles ancêtres, les impitoyables Yamnayas, qui détruisirent de hautes civilisations noires, capables de se rendre en Amérique centrale. En s’établissant dans le monde entier, « les contre-valeurs occidentales sont devenues des valeurs universelles, normatives ». Kémi Séba entend au contraire libérer les siens de cette emprise. Si « le terme “ panafricanité “ […] renvoie à une unité des Africains et afrodescendants qui n’est pas à construire mais qui est, en soi, si l’on revient à la racine de nos êtres, un état de fait partout dans le monde », il adopte un raisonnement global qui concerne aussi bien les Africains et les Afro-Américains que les peuples noirs d’Asie (Aeta des Philippines, Andamanais du golfe du Bengale, Senang de Malaisie, Dravidiens du Sud indien et même Aïnous du Japon) et d’Océanie (les Salomoniens et les Aborigènes d’Australie). Ainsi en appelle-t-il à « l’unité métaphysique des peuples noirs » d’autant que « la matrice de l’humanité était le peuple négro-africain ». Il sait que son point de vue unitaire « fera forcément grincer des dents les ethnistes belliqueux, les tribalistes mentalement miséreux et autres fondamentalistes religieux haineux ». Sa conception du fait africain, voire de sa dimension intrinsèquement noire, ne correspond donc pas aux analyses de Bernard Lugan qui qualifie le panafricanisme d’utopie politique.
La métaphysique de l’histoire de Kémi Séba s’inspire de la théorie théosophique de l’histoire. Les théosophes, vilipendés par René Guénon, estiment que chaque cycle historique engendre sa propre « race-racine ». Dans le cadre du New Age des décennies 1990 – 2000, des occultistes occidentaux pensaient que la présence noire était antérieure à l’irruption de l’homme blanc. Ils estimèrent en outre que les Noirs de l’Âge de Bronze traditionnel étaient si violents qu’ils paient maintenant les conséquences (l’esclavage, par exemple) via leur karma collectif au cycle suivant : l’Âge de Fer.
Kémi Séba reprend aussi à son compte la thèse de la psychiatre afrocentriste Frances Cress Welsing (1935 – 2016) qui assure que « les Blancs seraient […] le fruit des populations noires originelles dont la peau aurait connu une maladie provoquant une dépigmentation sévère », d’où leur profonde négrophobie. Élucubrations isolées ? On lisait dans L’Express du 14 octobre 2021 sous la plume d’un certain Bruno D. Cot qu’« il y a encore 10 000 ans, nous étions noirs aux yeux clairs ». L’« Afropéen » serait par conséquent un Noir présent dès l’origine sur le sol européen. Pourquoi alors s’opposer aux migrants venus du Sud de la Méditerranée ? On remarquera que Kémi Séba n’aborde pas les peuples asiatiques jaunes et amérindiens rouges.
L’auteur promeut le quilombisme du Brésilien Abdias do Nascimento (1914 – 2011) qui, dans sa jeunesse, s’engagea dans le mouvement intégraliste. Le quilombisme désigne « l’organisation communautaire, le redéploiement de la culture afro-brésilienne, en revalorisant l’endogamie communautaire, le solidarisme noir économique, la connaissance de soi ». Chaque groupe noir devrait former son propre quilombo. Ensuite, « tous les quilombos d’Amérique du Nord ou du Sud, d’Europe de l’Ouest ou de l’Est, du Proche-Orient, du Moyen-Orient, du Maghreb, d’Asie, d’Océanie devront être dans la dynamique de la panafricanité fondamentale, reliés au trône de notre peuple sur Terre qu’est le continent africain en vue de former un État fédéral ». En effet, le dessein final « est que puisse, à la place des 54 États et de toutes les diasporas noires, s’instituer un État fédéral de tous les peuples noirs qui s’intitulerait les “ Quilombos-Unis de Kemet “ (Kmt étant le véritable nom de l’homme noir) ».
Conséquent, Kémi Séba ne désire aucun « front de la Tradition ». Il convient en revanche que « nous devons parfois passer des alliances avec des entités pour qui nous pouvons éprouver de l’hostilité mais qui, pour X ou Y raison, ont le même ennemi que nous ». Ethno-différencialiste cohérent, le président de l’ONG Urgences panafricanistes affronte « le Système à tuer les peuples ». Ses objectifs tactiques peuvent se recouper de manière ponctuelle avec les initiatives des Européens identitaires et nationalistes-révolutionnaires les plus radicaux. Contrairement à ce que profèrent ces détracteurs qui le dépeignent en « suprémaciste noir », Kémi Séba est d’abord et avant tout un « primordialiste noir » d’Afrique.
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vendredi, 15 septembre 2023
Géopolitique de l’épée
Georges Feltin-Tracol
En octobre 2022 paraissait en co-édition chez L’Artilleur et Bernard Giovanangeli Le déclin d’un monde. Géopolitique des affrontements et des rivalités en 2023 (278 p., 22 €) de Jean-Baptiste Noé, le rédacteur en chef de la revue Conflits qui appartient au même groupe de presse que le mensuel Causeur dont les numéros 111 d’avril et 112 de mai 2023 dénigraient la mémoire d’Emmanuel Ratier, grand ami de Radio Méridien Zéro, décédé en 2015.
Jean-Baptiste Noé expose dans une excellente introduction sa vision géopolitique pragmatique et réaliste. Il explique avec raison que « l’épée, réalité la plus profonde de l’homme, est de nouveau sortie de son fourreau ». Par cette métaphore, il avertit le lecteur peut-être candide que le monde actuel se forge sur des rapports de forces redoutables et permanents. Au risque de choquer les tenants de l’éternel irénisme, il assure que « la géopolitique est au service d’une vision de la puissance ». Mais qu’est-ce que la puissance ? « Seule la puissance, affirme-t-il, maintient l’être, c’est-à-dire la vie. Être puissant, c’est être libre, indépendant, souverain et maître de son destin. La recherche de la puissance est un mobile fondamental des États sans quoi ils n’existent pas. »
L’auteur déplore bien sûr que la France et, plus généralement, les États européens ne la recherchent plus. C’est la raison pour laquelle bien des Occidentaux d’Europe s’en remettent à l’OTAN. « Le choix de l’OTAN, explique-t-il, est le choix logique et pertinent de pays qui n’ont pas les moyens matériels et humains de porter l’épée et qui s’en remettent donc à d’autres, via un tribut et une nouvelle forme de mercenariat, pour assurer leur sécurité. » Sur d’autres continents, des États ne partagent pas ce manque d’ambition d’autant que Jean-Baptiste Noé constate que « le monde du XXIe siècle, c’est le XIXe siècle, la technologie en plus ». La référence au XIXe siècle n’est pas anodine de la part de ce conservateur libéral, admirateur de Frédéric Bastiat, de François Guizot et d’Alexis de Tocqueville. Outre deux essais géopolitiques sur le Vatican et la diplomatie de l’Église catholique à l’heure du supposé « pape » Bergoglio, il a publié en 2018 La parenthèse libérale. Dix-huit années qui ont changé la France qui se veut une réévaluation positive de la Monarchie de Juillet (1830 – 1848) de l’usurpateur royal Louis-Philippe. Son prisme libéral se manifeste dans la troisième partie du livre quand il aborde la géo-économie et les interactions géopolitiques des entreprises et du monde des affaires.
Jean-Baptiste Noé se place en outre sous la patronage du chroniqueur économiste libéral et maurrassien Jacques Bainville. Oui, « un État à l’économie déficitaire et bloquée ne peut pas être une grande puissance ». Mais faut-il pour autant recourir à l’illusion libérale, critiquer l’« État-Providence » et dénoncer le système de retraite par répartition ? Il enrage que « les Français adhèrent à un système d’économie semi-fermée » parce qu’ils font toujours « le choix du socialisme ». Certes, le système scolaire français va très mal. La privatisation serait-elle la solution ? Sans la refonte complète des programmes, de la maternelle jusqu’au lycée, et la révision intégrale des pratiques éducatives actuelles, on peut en douter. Même privatisée, l’école restera déplorable si ne se produit pas en parallèle dans le pays une vigoureuse révolution intellectuelle, morale et psychologique.
L’auteur se fourvoie donc quand il annonce l’avènement d’un nouveau XIXe siècle. En réalité, nous vivons l’équivalent du tournant anthropologique entre le Moyen Âge et la Renaissance à la charnière des XVe et XVIe siècles. Loin du XIXe siècle, nous entrons plutôt dans un nouvel âge médiéval tribalisé (ou communautarisé) hautement technicisé selon les avertissements précurseurs du sociologue Michel Maffesoli et du « dynamiteur de concepts » Guillaume Faye.
Jean-Baptiste Noé s’inquiète du retour du mythe, cette « démarche inverse de la logique où la parole sert à désigner la choses vue et éprouvée. Dans le logos, la parole décrit ; dans le mythe, la parole crée ». C’est un point de vue biaisé. Le mythe n’est pas un idéalisme; il est au contraire le fondement des communautés organiques. L’auteur pourfend aussi une certaine écologie qui prend tantôt une tournure favorable à Gaïa, tantôt une tournure indigéniste. Il ne comprend pas que l’écologie politique peut être bio-conservatrice et même identitaire. Le retour à la terre peut suivre différentes modalités, car « local et global sont corrélés, l’intelligence territoriale va de pair avec la puissance internationale ». Mieux, « la puissance doit penser une vraie modernité », à moins qu’il ne s’agisse d’une post-modernité tragique très éloignée du post-modernisme ultra-libéral ambiant ou bien plus proche d’un impérieux archéofuturisme...
Non sans contradictions, ce libéral vitupère avec justesse « le mythe du développement » qui « repose sur une vision keynésienne de l’interventionnisme international selon laquelle il suffirait d’arroser d’argent public, via des banques, des associations ou des entreprises créées de toutes pièces, pour assurer le développement matériel de l’Afrique ». Or la logique développementaliste ne s’inscrit-elle pas dans la grande veine du libéralisme ?
Conscient que sa ferveur libérale risque d’indisposer le lecteur, Jean-Baptiste Noé invite les entreprises à « favoriser l’actionnariat salarial afin de conserver une partie des actions au sein des sociétés. La participation a été l’une des grandes idées du général de Gaulle, beaucoup moins étatiste qu’on ne le croit, qu’il a contribué à mettre en place au cours de ses mandats. Cela a en outre la vertu d’intégrer les salariés à la vie de leur entreprise et de leur permettre de se constituer un capital en vue de leur retraite ».
L’auteur se trouve finalement tiraillé entre son réalisme géopolitique et son idéalisme socio-économique. Oui, « la fin de l’universalisme signe la revanche des frontières, c’est-à-dire le réveil de l’histoire ». Il persiste toutefois sous l’influence de Hayek à écrire que « les universalistes ont cherché à construire un monde issu de leurs pensées et de leurs esprits. Cet ordre constructiviste ayant échoué reste l’ordre spontané de la culture et de la civilisation ». Or, il n’existe pas d’ordre spontané (ou catallaxie chez Hayek). Le monde est un chaos permanent. Il faut espérer – et travailler - que « la fin de l’universalisme oblige au renouveau de la culture européenne » à la stricte condition que ce renouveau repose, d’une part, sur des cultures vernaculaires enracinées dynamiques et, d’autre part, sur des Européens enfin libérés de toute culpabilité historico-morale. Le chemin est encore bien long, y compris pour ceux qui ont déjà saisi la poignée de l’épée.
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vendredi, 14 juillet 2023
Visite en territoire non reconnu
Georges Feltin-Tracol
Les vacances estivales approchent avec son duel annuel entre les vacanciers du mois de juillet et ceux du mois d’août. N’entrons pas dans ce dilemme cornélien. Délaissons plutôt les destinations convenues de Tahiti, de l’Amérique du Nord, de la Costa Brava, de la Croatie, de la Côte d’Azur ou des Aurès. Choisissons l’exotisme, détournons-nous de l’ancienne Seine - Saint-Denis et visitons un territoire inconnu des cercles diplomatiques.
Il se situe dans la Corne de l’Afrique, un espace agité de mille convulsions. Or cet État-fantôme constitue pour l’heure un pôle de stabilité politique, économique et sociale relative : la République du Somaliland avec pour capitale : Hargeisa. D’une superficie variant de 137 600 à 284 120 km² et de quatre à plus de cinq millions et demi d’habitants, dont 65 % pratiquent encore le nomadisme, la partie septentrionale voisine de Djibouti et de l’Éthiopie quitte la Somalie en mai 1991. Dix ans plus tard, un référendum confirme à 97,10 % son indépendance.
La scission somalilandaise procède en partie du renversement en janvier 1991 du président autocrate Mohamed Siad Barre et de la guerre civile toujours en cours aujourd’hui qui en résulte. Mais cette rupture a des causes historiques plus profondes. Le Mouvement national somali réclame l’indépendance dès les années 1980 en dépit d’une répression violente. Les Somali peuplent une grande partie de la Corne africaine. Leurs structures sociales s’articulent autour des tribus et des clans. S’y intègrent de puissantes confréries musulmanes. Les rivalités y sont fréquentes.
À la fin du XIXe siècle, trois puissances européennes profitent de ces désunions internes pour s’implanter localement. Si la majorité des Somali passe sous le contrôle de Rome qui en fait un protectorat dès 1889, puis une colonie – Somalia italiana – en 1905, Paris occupe les alentours de Djibouti et organise la Côte française des Somali. Quant aux Britanniques, ils s’emparent du Nord et du Jubaland et y établissent un autre protectorat : le British Somaliland. En 1940, les forces italiennes parviennent à conquérir ce British Somaliland.
La décolonisation arrive en 1960. Le Somaliland accède à l’indépendance le 26 juin. La Somalie italienne s’affranchit le 1er juillet. Le lendemain, Somaliland et Somalia fusionnent pour former la République de Somalie. Djibouti ne devient indépendant qu’en 1977. La présence européenne dans la région n’a guère été calme. Entre 1900 et 1920, Londres a lancé une série de campagnes militaires contre des chefs tribaux ou claniques insurgés. L’un des plus célèbres de ces rebelles indigènes commande les « Derviches ». Surnommé le « Mollah fou », Mohamed Abdullah Hassan (vers 1856 – 1920) combat autant les Italiens que les Britanniques au nom du Djihad. Dans des conditions éprouvantes, les soldats de Sa Gracieuse Majesté créent une unité spécialisée utilisant des dromadaires, le Somaliland Camel Corps. Ces tensions extrêmes s’inscrivent dans la vaste agitation régionale due au soulèvement mahdiste soudanais de Mohamed Ahmad ibn Abdallah Al-Mahdi entre 1881 et 1900.
Son émancipation permet au Somaliland de bénéficier d’une quiétude certaine. Bien que reposant sur la charia, le régime présidentiel pratique un certain multipartisme. La chambre basse somalilandaise compte trois formations politiques : le parti Kulmaye de la paix, de l’unité et du développement d’orientation sociale-libérale, le Parti national du Somaliland plutôt populiste et national-musulman, et les sociaux-démocrates du Parti de la Justice et de la Providence. Le pays a déjà connu cinq chefs d’État.
La République fédérale de Somalie continue cependant à revendiquer le Somaliland et reçoit le soutien officiel de la soi-disant « communauté internationale ». C’est plus compliqué en réalité, car si aucune ambassade étrangère n’est présente au Somaliland, divers États coopèrent avec les autorités somalilandaises. Par exemple, l’Éthiopie, qui ne dispose plus de littoral, a fait du port somalilandais de Berbera son débouché maritime. Son consulat a d’ailleurs le rang d’ambassade informelle. L’Union dite européenne, l’Afrique du Sud, Djibouti, Taïwan et le Royaume-Uni n’hésitent plus à travailler avec cet État-fantôme. Londres sait que le Pays de Galles compte une importante communauté d’origine somalilandaise. Les Brexiters nationaux-mondialistes d’UKIP ont même exigé que le gouvernement britannique reconnaisse le Somaliland. L’Éthiopie, Djibouti, le Kenya et l’Afrique du Sud acceptent le passeport somalilandais. Mieux, en février 2017, les Émirats arabes unis s’engagent auprès du gouvernement somalilandais à moderniser les infrastructures portuaires de Berbera. En échange, les Émiratis disposent à proximité d’une base militaire. L’État d’Israël s’intéresse aussi à cet État situé en face d’un Yémen en pleine décrépitude.
Le Somaliland fait désormais figure de « Suisse régionale ». La Somalie perdure dans la précarité institutionnelle et sécuritaire. L’Éthiopie traverse une période de guerre civile féroce. Quant à Djibouti, sa stabilité repose surtout sur le maintien sur son sol de forces françaises, étatsuniennes, chinoises, allemandes, italiennes, japonaises et espagnoles. La réussite somalilandaise a suscité en août 1995 le réveil autonomiste de la province somalienne voisine du Puntland. La région frontalière de Maakhir cherche à se rapprocher du Puntland aux dépens de Hargeisa. Des velléités indépendantistes, autonomistes ou régionalistes parcourent les six régions du Somaliland, en particulier l’Awdal à l’Ouest, le Soul, le Sanaag et l’Ayn à l’Est. Le Puntland et l'État autonome somalien de Khatumo revendiquent, en partie ou non, ces trois territoires, d’où des frictions frontalières fréquentes.
Pourquoi le Somaliland n’a-t-il toujours pas d’existence diplomatique reconnue ? Son existence effective contrevient au dogme occidental, répété par l’Union africaine, de l’intangibilité des frontières étatiques. Ce dogme ne cesse de pervertir les relations internationales. Or le Somaliland paraît bien plus fiable que des narco-États africains en faillite totale. Il serait donc temps que les chancelleries le comprennent et l’acceptent enfin.
Salutations flibustières !
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vendredi, 07 juillet 2023
« Sud global » contre « Occident collectif » ?
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Longtemps écartée de l’Université au profit des « relations internationales » et mal vue des géographes et des politistes, la géopolitique retrouve une notoriété certaine aux lendemains de la chute du Mur de Berlin, de la fin de la Guerre froide, de la disparition du bloc soviétique et de l’éclatement de l’URSS. Le mot devient tendance au point qu’on l’accommode avec tout et n’importe quoi : « géopolitique des goûts », « géopolitique des couleurs » ou « géopolitique des mentalités ». Si certaines combinaisons se révèlent pertinentes, d’autres témoignent d’un conformisme veule et d’un regrettable détournement sémantique.
Il est par exemple excessif de parler de « Sud global ». Cette notion apparue dans la décennie 1980 remplacerait maintenant le concept de « Tiers-Monde » que forge en 1952 le démographe français Alfred Sauvy. Le « Tiers-Monde » coïncide en partie avec les États membres du Mouvement des non-alignés inauguré lors de la Conférence afro-asiatique de Bandung en 1955 et officialisé à Belgrade en 1961. L’Indien Nehru et le Yougoslave Tito cherchaient à se dégager de l’étreinte mortelle du condominium planétaire soviéto-étatsunien. Si Charles De Gaulle avait été plus audacieux tant en matière de participation dans les entreprises qu’en politique étrangère, la France des années 1960 aurait pu devenir la figure de proue du non-alignement.
Interrogé par Le Figaro du 22 juin 2023, le professeur d’économie en Sciences Po, Bertrand Badie, définit le « Sud global » comme « un ensemble de pays d’Afrique et d’Asie qui, durant la Guerre froide, furent exclus de l’ordre mondial soit parce qu’ils étaient dominés et colonisés, soit parce qu’ils étaient totalement marginalisés, humiliés, écrasés ». Les participants au Sud global « se caractérisent, poursuit-il, par un faible PIB et surtout une situation défavorable en terme d’indice de développement humain ». Mais les critères de ce développement humain qui sont d’origine occidentale, sont-ils les plus idoines pour des peuples non occidentalisés en profondeur ? L’économiste hétérodoxe François Partant ne cessait de vitupérer contre les théories fallacieuses du développement à la mode euro-nord-américaine. En 2023, ce « Sud global » regrouperait des États d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Ses coryphées seraient la Chine populaire et l’Union indienne. Cet ensemble disparate ne forme nullement un nouveau bloc géopolitique bien qu’il a pu montrer une neutralité officielle à propos du conflit russo-ukrainien en ne suivant pas les consignes occidentales.
Au Sud global qui dépasse – et de loin ! - les simples BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), Moscou aimerait opposer le concept d’« Occident collectif ». L’association de ces deux mots désigne le monde occidental moderne américanomorphe et ses déclinaisons institutionnelles (OTAN, Union dite européenne, FMI…). Dans plusieurs de ses discours qui justifient l’actuelle guerre en Ukraine, le président russe Vladimir Poutine use de cette expression et cible les méfaits du gendérisme et de la doxa LGBTQIA+++. Cet « Occident collectif » pensé à l’intérieur de l’appareil de propagande russe correspond à l’« Occident globalitaire » cher aux oligarchies cosmopolites tels que le Bilderberg ou la Commission Trilatérale. La priorité accordée aux enjeux sociétaux favorables à une indifférenciation généralisée ne relève pas d’un quelconque esprit complotiste.
Sous la plume de Marielle Vitureau, Le Figaro du 23 juin 2023 explique que « l’Estonie autorise le mariage pour tous » et que cette loi entrera en vigueur le 1er janvier 2024. Le texte législatif remplace les mots « homme » et « femme » par « personnes physiques », ce qui est une nouvelle et sordide discrimination envers les animaux, les plantes, les appareils électro-ménagers et les bâtiments. Selon un sondage du Centre estonien des droits de l’homme - oh pardon !, des personnes physiques -, 53 % de la population estonienne, y compris au sein de l’importante minorité russophone souvent discriminée, soutiendraient cette loi. Rédactrice en chef lesbienne de la revue en ligne Feministeerium, Kadi Viik, se félicite de cette approbation qui « reflète le fait que nous sommes orientés vers les valeurs occidentales ».
Pour sa part, la présidente de l’association LGTB d’Estonie, Aila Kala, déclare qu’« il existe plusieurs moyens de montrer que notre société est occidentale et évidemment, le mariage pour tous est l’un de ses moyens ». Dans Le Monde du 22 juin 2023, le député social-démocrate estonien, Eduard Odinets, estime que ce « vote nous permet de rompre une bonne fois pour toutes avec l’idéologie et les valeurs de l’ère soviétique ». Il considère qu’« en autorisant le mariage pour tous, nous disons clairement aux Russes et à la Russie que nous ne sommes pas dans leur camp, mais dans celui qui défend la liberté et l’égalité, et nous montrons à nos frères et sœurs européens que nous partageons leur conception de ce que doivent être les fondements de la société ». Cet élu ne comprend pas que la liberté et l’égalité ne font jamais bon ménage...
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vendredi, 30 juin 2023
Les audaces de Sahra Wagenknecht
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Outre-Rhin, Jean-Luc Mélenchon est de sexe féminin et s’appelle Sahra Wagenknecht, l’une des vedettes de la scène politique allemande. Ses prises de position récentes la mettent presque en rupture avec les responsables du parti contestataire de gauche radicale, Die Linke (« La Gauche »).
À 53 ans, cette originaire d’Iéna en République démocratique allemande (RDA) a l’habitude des polémiques. Elle applique ce que la philosophe belge Chantal Mouffe, théoricienne du « populisme de gauche », conçoit comme la « démocratie agonistique », soit un système de relations politiques qui ne repose pas sur la recherche permanente du consensus. Sahra Wagenknecht se méfie du compromis qu’elle assimile à tort à de la compromission.
Sa notoriété contraste avec son parcours militant particulièrement incorrect pour le système en place. Née d’un père iranien et d’une mère allemande de l’Est, elle s’engage adolescente dans la Jeunesse libre allemande, l’organisation officielle des jeunes en RDA. Début 1989, elle adhère au SED, le Parti socialiste unifié d’Allemagne qui gouverne Berlin-Est depuis 1949. Aux lendemains de la chute du Mur de Berlin en 1989 et de la disparition de la RDA en 1990, elle accompagne la transformation du SED en Parti du socialisme démocratique (PDS). Elle s’investit dans la tendance marxiste la plus orthodoxe, la Plate-forme communiste, qui salue l’action de Joseph Staline et joue sur la nostalgie grandissante de la RDA.
L’équivalent occidental de la Stasi, en plus puissant et en plus hypocrite, l’Office fédéral de protection de la Constitution surveille très tôt cette nouvelle Rosa Luxemburg. En 2007, elle participe à la création de Die Linke. Soutien du Vénézuélien Hugo Chavez et du Bolivien Evo Morales, hostile à l’OTAN, Sarah Wagenknecht approuve le mariage pour tous. Députée allemande au Parlement dit européen de 2004 à 2009, elle accède à la vice-présidence de Die Linke en 2010 et y reste jusqu’en 2015. Depuis 2009, elle siège au Bundestag en tant qu’élue de la Rhénanie du Nord – Westphalie. Elle co-préside même le groupe parlementaire entre 2015 et 2019.
Cette ancienne étudiante en philosophie et en économie épouse en secondes noces en 2014 Oskar Lafontaine aujourd’hui âgé de 79 ans. Dirigeant du Parti social-démocrate SPD de 1995 à 1999, il est ministre-président du Land de la Sarre de 1985 à 1998. Le chancelier Gerhard Schröder le nomme en 1998 ministre fédéral des Finances. Mais il en démissionne quatre mois plus tard en 1999 parce qu’il n’accepte pas le tournant néo-libéral de la sociale-démocratie. Après bien des péripéties politiques au cours desquelles il réclame la dissolution de l’euro, il parvient à fonder Die Linke qui réunit le PDS devenu le Parti de gauche et des anciens Allemands de l’Ouest rassemblés dans l’Alternative électorale travail et justice sociale. Sahra Wagenknecht incarne alors la figure du principal courant interne d’opposition, La Gauche anticapitaliste.
Elle s’enflamme pour Podemos en Espagne et La France insoumise. Elle lorgne avec envie vers les Italiens du Mouvement Cinq Étoiles. En 2018, elle pose en gilet jaune devant l’entrée de la Chancellerie fédérale. Le milieu politico-médiatique allemand bien plus compassé qu’en France n’apprécie pas sa liberté de ton.
Ainsi, dès 2015, met-elle en garde ses amis de Die Linke sur l’ouverture inconsidérée des frontières. Elle estime en effet qu’« une frontière ouverte à tous, c’est naïf ». Elle veut néanmoins le maintien des conditions libérales d’accès au droit d’asile… En 1996, elle co-signe avec le journaliste Jürgen Elsässer, ancien militant de gauche rallié au national-conservatisme, Vorwärts und vergessen ? Ein Streit um Marx, Lenin, Ulbricht und die verzweifelte Aktualität des Kommunismus (« En avant et oublier ? Une dispute sur Marx, Lénine, Ulbricht et l'actualité désespérée du communisme »), une discussion argumentée sur le poids de l’héritage communiste dans la société allemande.
Hors de Die Linke, elle lance en 2020 un mouvement d’action publique Aufstehen (« Debout » ou « Se lever »), sans grand succès populaire. Un an plus tard paraît son essai, Die Selbstgerechten. Mein Gegenprogramm – für Gemeinsinn und Zusammenhalt qu’on peut traduire imparfaitement par « Les bien-pensants. Mon contre-programme. Pour le sens de la communauté et la cohésion ». Dans la continuité de l’État économique fermé de Fichte, elle prône un État national fort, veut une limitation draconienne de l’immigration et qualifie de « pharisiens » Black Lives Matter et Fridays for Future (les grèves lycéennes du vendredi pour le climat lancées par la délicieuse Greta Thunberg). Elle critique une gauche multiculturaliste ultra-libérale progressiste.
S’élevant contre les sanctions qui s’abattent sur la Russie tant par intérêt socio-économique que par tropisme politique, Sahra Wagenknecht organise le 25 février 2023 un imposant rassemblement pacifiste devant la Porte de Brandebourg à Berlin. Elle bénéficie de l’aide d’Alice Schwarzer. Ancienne élève de Michel Foucault, rédactrice en chef du magazine EMMA, cette octogénaire est une fervente féministe universaliste qui pourfend la pornographie et la prostitution. Cette ardente pacifiste co-signe en 2010 un ouvrage qui attaque l’islamisme au nom des valeurs féministes occidentales.
Outre des pacifistes, des militants de Die Linke et des féministes, cette manifestation attire de nombreux sympathisants de l’AfD (le parti patriotique Alternative pour l’Allemagne). Quelques semaines plus tard, l’AfD invite Sahra Wagenknecht à la rejoindre. Le 10 juin dernier, la direction de Die Linke la somme de se démettre de son mandat de députée, ce qu’elle refuse, précisant l’absence constitutionnelle du mandat impératif.
Le microcosme politicien lui prête maintenant l’intention de fonder un nouveau parti qui pourrait selon les baromètres d’opinion obtenir près de 20 % des suffrages aux dépens de Die Linke et, surtout, de l’AfD. Régulièrement interrogée sur son avenir, elle répète qu’elle pense plutôt à un engagement intellectuel sans toutefois exclure la moindre hypothèse politique.
Sera-t-elle l’ultime recours d’une caste qui assiste avec effroi à la croissance dans les intentions de vote de l’AfD ? Osera-t-elle au contraire se libérer des clivages conventionnels et se rapprocher de l’AfD afin de constituer un front de salut national et populaire ? On n’a pas fini de parler de Sahra Wagenknecht.
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°80, mise en ligne le 27 juin 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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vendredi, 23 juin 2023
Ces groupes hétéroclites à l’Assemblée nationale
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Le 20 mars 2023, à neuf voix près, la motion de censure déposée contre la réforme calamiteuse des retraites échoue à renverser le gouvernement. Son initiative dans le cadre de l’article 49 – 3 de la Constitution revient à Charles de Courson, député depuis 1993 de la 5e circonscription de la Marne et figure éminente du groupe LIOT au Palais-Bourbon.
LIOT signifie « Liberté, Indépendants, Outre-mer et Territoires ». Député de la 1re circonscription de la Marne, Bertrand Pancher préside une vingtaine d’élus qui forme un ensemble composite. Aujourd’hui en pointe contre Élisabeth Borne, il y a moins d’un an ce même groupe faisait figure d’allié éventuel pour la Macronie et passait pour un groupe centriste, sinon central. Il réunit en effet des élus de centre-droit, issus de l’UDI (Union des démocrates et indépendants), des Centristes de l’ancien ministre et actuel président du conseil régional de Normandie, Hervé Morin, des élus de centre-gauche dont les deux représentants de l’Ariège qui sont des socialistes dissidents anti-NUPES, des élus ultra-marins venus de Saint-Pierre-et-Miquelon, de La Réunion et de Mayotte, et des parlementaires de sensibilité régionaliste tels le Breton Paul Molac affranchi très tôt du macronisme. Il faut par ailleurs savoir que de nombreux membres de ce groupe original se rattachent de manière administrative à Régions et Peuples solidaires, la confédération des formations régionalistes – autonomistes de gauche comme le Parti occitan, l’Union démocratique bretonne ou les Alsaciens d’Unser Land. Il est en revanche hors de question qu’il s’ouvre à Nicolas Dupont-Aignan, à Emmanuelle Ménard et à la Vendéenne ancienne villériste Véronique Besse qui restent chez les non-inscrits.
LIOT actualise la vieille tradition du groupe technique qui agrège des sensibilités différentes au sein de l’Assemblée nationale. Entre 2018 et 2022, son prédécesseur immédiat s’appelle « Liberté et Territoires » (LT). Ce groupe voit son nombre d’adhérents varier au gré des années de 15 à 19. On y trouve par exemple Jean Lassalle, député de la 4e circonscription des Pyrénées-Atlantiques et ancien proche de François Bayrou. Le groupe LT ne fait pas de vague sous la majorité macroniste. En rupture de ban avec le macronisme triomphant, Martine Wonner, députée de la 4e circonscription du Bas-Rhin, mène un combat si virulent contre la tyrannie vaccinale qu’elle en est bannie.
LIOT et LT ont un lointain ancêtre avec le groupe « République et Liberté » entre 1993 et 1997. Jean Royer, maire de Tours, député de la 1re circonscription d’Indre-et-Loire et candidat présidentielle en 1974 au nom du combat précurseur contre la pornographie et la « libération sexuelle », dirige vingt-trois députés au profil politique fort dissemblable : le centriste Jean-Louis Borloo, les chevènementistes Jean-Pierre Michel, Georges Sarre et Jean-Pierre Chevènement lui-même, des socialistes dissidents, l’ancien ministre giscardo-mitterrandien Jean-Pierre Soisson, la délicieuse Christiane Taubira ou l’ineffable Bernard Tapie.
Ces groupes singuliers font partie du folklore du Palais-Bourbon. Leur seule existence serait impossible au Parlement européen de Bruxelles – Strasbourg en raison de leur hétérogénéité politique. En 1999, un Groupe technique des indépendants apparaît sous l’impulsion des euro-députés du FN, du Vlaams Blok, du Parti radical transnational italien et du Lombard Padanien Umberto Bossi. La Commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen estime alors que les participants de ce groupe n’ont aucune affinité politique et décrète sa dissolution. Le Tribunal de première instance des Communautés européennes fondé par l’Acte unique de 1986 confirme cette honteuse dissolution. Cette décision scandaleuse n’empêche guère les trotskystes Arlette Laguiller et Alain Krivine de siéger au sein de la Gauche unitaire européenne – Gauche verte nordique aux côtés des communistes pro-soviétiques…
Si on remonte dans l’histoire des groupes parlementaires sous la Ve République, on remarque la présence lors de la première législature (1958 – 1962) de deux groupes atypiques. La « Formation administrative des non-inscrits » (FANI) réunissait des centristes, des radicaux et les derniers élus de l’UDSR (Union démocratique et socialiste de la Résistance) dirigée un temps par un certain… François Mitterrand. Cet ensemble se transformera ensuite en un groupe centriste plus ou moins enclin à coopérer avec les gaullistes et les républicains indépendants.
Le second groupe de soixante-six membres s’intitulait « Unité de la République ». Il rassemblait la majorité des députés d’Algérie et du Sahara. « Unité de la République » ne cachait pas ses sentiments favorables à l’Algérie française si bien qu’y siégeait le député de la 14e circonscription de la Seine, l’avocat Jean-Baptiste Biaggi. Plus tard soutien en 1965 de Jean-Louis Tixier-Vignancour, puis de Jean-Marie Le Pen, Maître Biaggi n’en n’était pas moins médaillé de la Résistance et titulaire de la Légion d’honneur dont il fut élevé au rang de commandeur en 2009. Il va de soi que « Unité de la République » disparut dans les semaines de la proclamation de l’indépendance de l’Algérie en 1962.
Sous les IIIe et IVe Républiques, FANI, « Unité de la République », « République et Liberté », LT et LIOT auraient été des groupes charnières dans la constitution de majorités parlementaires. La logique présidentielle de la Ve République les relègue en périphérie. Cela ne dispense pas Bernard Pancher de rêver de monter une liste LIOT aux élections européennes de 2024 sous la conduite de Jean Lassalle. Ce serait une nouvelle manière de montrer que les oppositions parlementaires restent dans une hostilité contrôlée très loin des radicalités nécessaires.
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°79, mise en ligne le 20 juin 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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vendredi, 16 juin 2023
Le Sénégal sous tension
de Georges Feltin-Tracol
En janvier 2023, Marine Le Pen effectuait une tournée en Afrique francophone. La présidente du groupe RN au Palais-Bourbon rencontra dans la plus grande discrétion le président du Sénégal, Macky Sall. À cette occasion, la triple candidate à la présidentielle française estima que le Sénégal devrait recevoir au nom de toute l’Afrique un siège de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU.
Il s’agit d’une nouvelle proposition déconcertante qui témoigne de la prégnance d’une mentalité paternaliste néo-coloniale. La caste politicienne hexagonale continue à voir le Sénégal en prolongement de la « Françafrique ». Certes, Saint-Louis a été une commune française. Le socialiste Blaise Diagne fut le premier Africain à exercer en 1931 – 1932 les fonctions de sous-secrétaire d’État aux Colonies. Léopold Sédar Senghor fut le premier Africain agrégé en grammaire française.
Vu de Paris, le Sénégal serait un bel exemple de stabilité démocratique sur le continent africain. La réalité est moins féerique. Le 17 décembre 1962, Dakar connaît une tentative de coup d’État. Le président Sédar Senghor conserve néanmoins le pouvoir et passe à un régime présidentiel si bien que depuis son indépendance en 1960, le Sénégal n’a eu que quatre chefs d’État : Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall. La constitution sénégalaise a été plusieurs fois révisée (suppression, puis restauration du Sénat, puis abolition de cette assemblée; fin du septennat au profit du quinquennat, retour au septennat, rétablissement du quinquennat; suspension de la charge de Premier ministre de 1962 à 1970, de 1983 à 1991 et de 2019 à 2022). On oublie en outre qu’entre 1982 et 2001, la région méridionale de la Casamance fut le théâtre d’une sécession armée orchestrée par le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC) de l’abbé Augustin Diamacoune Senghor.
Depuis environ deux ans, la rue sénégalaise est le théâtre d’émeutes meurtrières sporadiques (une quinzaine de morts en février 2021, treize morts en avril 2021, une vingtaine de morts au début de ce mois de juin). Ces affrontements résultent d’une cristallisation des crises institutionnelle, politique, sociale et économique.
Une part non négligeable de la population, dont de nombreux jeunes paupérisés et/ou précaires, exprime son mécontentement envers l’actuel président libéral. Élu en 2012, Macky Sall est reconduit le 24 février 2019 dès le premier tour avec 58,26 % des suffrages. Dans la perspective de la présidentielle de 2024, il aurait l’intention de se représenter pour un troisième mandat, ce qu’interdit la constitution. Mais le référendum constitutionnel du 20 mars 2016 a aboli le septennat au profit du quinquennat. Ses partisans considèrent que l’interdiction ne s’applique qu’à deux quinquennats consécutifs… Les experts en droit constitutionnel se divisent en revanche sur ce point très précis. Il y a un paradoxe. En 2012, Macky Sall contestait un troisième mandat pour Abdoulaye Wade qui renonça finalement à se représenter.
Les incidents tournent aussi autour des condamnations judiciaires d’Ousmane Sonko qui a, lui aussi, l’intention de briguer la magistrature suprême l’année prochaine. Né en 1974, cet ancien étudiant à Lyon – III sort major de sa promotion à l’ÉNA de Dakar en 2001. Il opte pour l’Inspection des impôts et des domaines. En 2005, il fonde et préside le Syndicat autonome des agents des impôts et des domaines. Le gouvernement le révoque en 2016 quand il commence à accuser les autorités de corruption. Il conspue les malversations du pouvoir et de ses obligés qui détourneraient les ressources naturelles du pays.
En 2014, Ousmane Sonko lance une nouvelle force politique appelée PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité). D’orientation sociale-populiste, ce mouvement s’inscrit dans une forme de chavisme africain bien qu’un des précurseurs d’Hugo Chavez fut le Burkinabe Thomas Sankara. Dès 2015, sont ciblées l’influence française, l’OMC et la corruption.
Allié à d’autres formations politiques d’opposition au sein d’une coalition électorale, Ousmane Sonko remporte un seul siège en 2017. En 2019, il devient le troisième homme de la présidentielle avec 15,67%. En 2022, il accède à la mairie de Ziguinchor en Casamance. La même année, aux législatives, son mouvement intègre l’alliance « Libérer le peuple », rafle 56 sièges sur 165 et empêche l’entente présidentielle d’obtenir la majorité absolue. Ousmane Sonko devient un candidat sérieux à la présidentielle à venir.
Mais le 1er juin dernier, la justice prononce contre lui deux ans de prison ferme pour « corruption de la jeunesse ». Quelques semaines auparavant, un autre tribunal le condamnait à deux mois d’emprisonnement, suite à des propos jugés diffamatoires envers le ministre du Tourisme accusé de corruption. La première sentence, la plus lourde, s’effectue par contumace, ce qui l’empêche de faire appel. Cette double condamnation le rend enfin inéligible, d’où la vive colère de ses soutiens.
Toujours promptes à défendre le premier opprimé médiatique venu, les grandes consciences occidentales se gardent bien de réagir ici. Détracteur du bankstérisme et du gendérisme, Ousmane Sonko est accusé du viol d’une employée d’un salon de massage d’une vingtaine d’années en février 2021. Il l’aurait ensuite menacée. Il justifie sa présence fréquente dans cet établissement pour des raisons de problèmes dorsaux. Porte-parole des « Gilets jaunes », mélenchoniste déçu et pourfendeur implacable du macronisme, de ses métastases et de ses miasmes, Juan Branco est l’un de ses avocats. Des esprits sûrement complotistes crient à une machination ourdie par le pouvoir de Dakar.
La contestation populaire pourrait s’amplifier et se généraliser au Sénégal dans les prochaines semaines, voire dans les prochains mois, surtout si le président sortant choisit de se représenter pour un nouveau mandat. Il deviendrait alors possible que cède un pilier du fameux « pré carré africain » de la République française.
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°78, mise en ligne le 13 juin 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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vendredi, 09 juin 2023
Sur la presse policière
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Le polar présente volontiers un journaliste qui se lance dans une enquête criminelle en parallèle aux policiers ou aux détectives privés. Le métier de journaliste repose à l’instar de celui de magistrat ou de l’enquêteur de police sur la recherche patiente des indices, l’analyse des preuves éventuelles et des entretiens. Or les journalistes ne travaillent pas pour l’intérêt général ; ils recherchent l’exclusivité de l’information afin que leur employeur bénéficie des retombées financières immédiates.
Cette quête du profit se complète de plus en plus de préoccupations morales qui virent vite en moraline quand les journalistes agissent en supplétifs zélés du Régime. Anglo-Saxons, Allemands et Belges sont en pointe dans ce domaine, mais ils ne surpassent pas leurs collègues français. Médiapart et Libération sont deux exemples probants de flicage journalistique.
Libération du 14 avril dernier s’attaque à David L’Épée, invité à un colloque organisé par le RN contre le wokisme. Le rédacteur en chef de Krisis et collaborateur d’Éléments n’a jamais écrit un seul article répréhensible, ce qui n’empêche pas les organisateurs de se soumettre à la fatwa de Libé et de remplacer l’intervenant suisse par François Bousquet. Le quotidien bobo-bancaire n’apprécie pas David L’Épée qui contribue aussi à Front populaire, la revue de Michel Onfray. L’incroyable attaque personnelle de la part de ce journal n’est pas un acte isolé, mais participe à une véritable campagne médiatique complotiste qui plonge le lecteur dans un monde parallèle.
Chaque livraison (ou presque) de Libération témoigne d’une obsession quasi-pathologique pour les droites radicales, l’extrême droite et l’ultra-droite. Deux jours après la demi-finale du 14 décembre 2022 entre la France et le Maroc, le journal-phare de la gauche caviar ose titrer « Nuit bleue, peste brune » au motif que quelques militants identitaires auraient eu l’intention citoyenne de calmer l’exubérance malsaine des supporteurs des « Lions de l’Atlas ». Le numéro du 5 mai 2023 comporte un dossier de quatre pages sur ces supposées violences en utilisant des éléments directement extraits des fichiers de police. Une réelle collusion existe entre certains plumitifs et des services de police. Un mois auparavant, le 5 avril, Libération se focalise sur « les menaces terroristes de l’ultra-droite ». On y lit qu’en 2021, une trentaine de personnes suspectées de terrorisme ultra-droitier a été interpellée, soit un chiffre en augmentation alarmante. On connaît maintenant les responsables des fusillades sanglantes à Marseille, à Nantes, à Grenoble, à Paris…
Le 7 mai, Libération consacre deux pleines pages sur la « menace identitaire à Bordeaux ». Le problème ne serait-il pas plutôt la gestion municipale grotesque des Verts ? Le 10 mai, le journal titre sur le magnifique défilé parisien du 6 mai en hommage à Sébastien Deyzieu. Dans ce même numéro, l’un de ses éditorialistes, Thomas Legrand, nie le wokisme ambiant alors qu’il imprègne bien des rédactions depuis plusieurs années. Il faut néanmoins reconnaître que dans le numéro du 15 mai, le même Thomas Legrand estime que « même les fachos ont le droit de manifester ». Il craint en effet que ces précédents concernent un jour prochain les rassemblements de la gauche radicale.
Son opinion assez censée se noie dans un océan de conformisme béat. Pour preuve, le numéro du 12 mai revient sur les oppositions populaires légitimes à Callac et à Saint-Brévin. Un long article dénigre notre ami Roland Hélie. Ainsi, « sous l'impulsion de Roland Hélie, ex-FN à la tête d'un “ blog d'information sur le combat national “, et des figures locales de Reconquête la commune de Callac (Côtes d'Armor) subit les assauts de l'extrême droite ». Bigre ! Le directeur – fondateur de la revue Synthèse nationale commanderait-il pour l’occasion une division de Panzer Tigre ?
Bouffi de subventions publiques, L’Humanité du 24 mai joue à son tour la pitoyable ritournelle « fachophobe ». L’ancien organe officiel du communisme en France dénonce en une « Le terrorisme, l’autre face de l’extrême droite ». Un article au ton excessif, intitulé « “ Partout Callac “, la pieuvre brune » signale que les ouvrages de Bernard Germain, maître d’œuvre et fer de lance de cette belle réaction, « figurent […] dans le catalogue de Synthèse éditions, au côté d’ouvrages d’auteurs suprémacistes, fascistes et/ou négationnistes tels Paul-Louis Beaujour, Alain Renault, François Duprat ou encore Vittorio Mussolini, le fils du Duce ». L’auteur de cet article stupide semble ne pas apprécier des faits historiques qui vont à l’encontre de ses idées mortifères.
Libération du 26 mai s’indigne qu’« au RN, le retour des vieux réseaux de la Nouvelle Droite ». Son auteur, Nicolas Massol, y qualifie la ré-information de « lubie classique de la Nouvelle Droite » qu’il définit par ailleurs comme un « courant de pensée racialiste qui met l’accent sur l’idée d’un peuple de souche européenne ». Quelle horreur ! Il doit ignorer le concept d’ethno-différentialisme qui englobe et dépasse la notion de racialisme. Il comprendrait mieux s’il se mettait à lire les nombreux ouvrages de Pierre-André Taguieff.
Un summum est cependant atteint avec la livraison du 18 mai qui publie une enquête sur « L’inquiétant profil d’un flic de la BRAV-M ». Par pétition interposée, la gauche réclame la dissolution de cette unité de maintien de l’ordre. L’un de ses membres combine à la perfection toutes les détestations médiatiques du moment. Il passe bientôt en jugement pour violence sur son ancienne compagne et pour usage de cocaïne. Mais tout le début de l’article s’attarde sur ses orientations politiques. Il porterait en tatouage une fleur de lys et la lettre Lambda reprise par les Identitaires. Il aurait aussi invité ses collègues policiers sur les réseaux sociaux à participer à des ratonnades. Il ne manque plus qu’une affaire de corruption et/ou d’espionnage pour la Russie pour atteindre la perfection. Ce dossier à charge laisse à la fois songeur, dubitatif et sceptique tant la personne incriminée coche toutes les cases rêvées du Système.
Il ne fait aucun doute que la presse policière, celle qui verse régulièrement dans des actions de très basse police de la pensée, a un très grand avenir dans l’Hexagone. Démonter les mensonges et autre semi-vérités propagés par les petits soldats de l’indifférenciation générale relève d’une nécessité vitale. La ré-information et l’examen critique des récits officiels contribuent à l’action militante permanente. Notre vision du monde organisée autour du Beau, du Bon et du Vrai doit se confronter directement aux constructions informationnelles fallacieuses de Cosmopolis afin de les démolir aussitôt.
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°77, mise en ligne le 6 juin 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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mercredi, 07 juin 2023
L’anarcho-tyrannie à l’œuvre
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Pendant le pont de l’Ascension, l’anarcho-tyrannie était à l’œuvre dans l’Hexagone et cette œuvre n’était ni française, ni européenne. On doit cette expression à l’essayiste étatsunien Samuel Todd Francis (1947 – 2005), éditorialiste conservateur proche du francophone Jared Taylor, responsable du cercle de réflexion américain d’origine boréenne American Renaissance.
L’anarcho-tyrannie désigne, d’une part, les tracasseries quotidiennes et la répression impitoyable des citoyens ordinaires par un despotisme étatique et, d’autre part, l’extrême laxisme du dispositif régalien à l’égard des racailles. Le terme a commencé à se répandre en France au moment du délire covidien visible avec l’auto-attestation de sortie, les contrôles et les verbalisations de toute personne ne portant pas ou portant mal le masque sanitaire par les flics sur les plages.
Entre le 18 et le 21 mai dernier, les exemples d’anarcho-tyrannie en France se sont multipliés. Sur l’ordre du « sinistre » de l’Intérieur, le préfet de police de Paris interdit à 15 h le samedi le colloque d’hommage à Dominique Venner, une décennie après son acte sacrificiel, prévu le lendemain en début d’après-midi. Cette réunion intellectuelle pourrait propager un discours « discriminatoire et haineux ». Un autre prétexte justifiant cette mesure inique insiste sur la condamnation du futur fondateur de La Nouvelle Revue d’Histoire à dix-huit mois de prison en… 1961 pendant la Guerre d’Algérie ! Et la prescription, bordel ? Il existe pourtant depuis 1968 une loi d’amnistie (photo ci-dessus - NDLR).
Les autorités ont déniché un procédé pervers qui contourne la remise en cause de la décision. Le référé-liberté déposé aussitôt est rejeté le lundi 22 mai parce que l’événement était passé. N’y a-t-il donc pas des magistrats administratifs d’astreinte un dimanche ? Par cette entourloupe, la juridiction compétente n’étudie pas sur le fond cette scandaleuse interdiction, établit une présomption de culpabilité et ne condamne pas une nouvelle fois la préfecture de police. Une semaine plus tôt, le tribunal administratif de la capitale avait levé les interdictions de manifestation en l’honneur de Jeanne d’Arc et d’un colloque annuel tenu par les royalistes néo-maurrassiens. En revanche, il avait maintenu l’interdiction d’une rencontre européenne des Nationalistes d’Yvan Benedetti au motif fallacieux que ce dernier a été condamné pour des délits d’opinion politique. Les Nationalistes ont passé outre. Résultat, la police a sommé Yvan Benedetti de se présenter dans ses locaux afin de s’expliquer. Encore heureux que le RAID, le GIGN et la BIR ne vinrent pas chercher à l’heure du laitier ce grand sceptique du vivre ensemble inclusif, festif et séropositif !
Une condamnation judiciaire d’ordre politique empêcherait-elle donc à l’avenir d’organiser toute manifestation politique ? Signalons au passage qu’Alain Juppé, condamné en appel en 2004 pour prise illégale d’intérêts à 14 mois de prison avec sursis et à un an d’inéligibilité siège aujourd’hui au Conseil constitutionnel. Faut-il par conséquent arrêter les sessions fréquentes de cette institution ?
Entre-temps, Villegongis, village d’une centaine d’habitants, accueillait à son corps défendant et malgré l’interdiction formelle de la préfecture du département de l’Indre, le trentième « Teknival » de musique électronique. Les gendarmes ont-ils délogé les « teufeurs », grands consommateurs d’alcool et de drogues diverses ? Pas du tout ! La force publique n’a mobilisé que trois à quatre cents membres pour environ... trente mille participants. Certes, il y a eu des contrôles d’identité et des amendes dressées pour détention et usage de stupéfiants, mais jamais les accès routiers n’ont été bloqués. Pis, pompiers et service médical se sont installés à proximité du terrain agricole occupé sans la moindre autorisation aux frais du contribuable. Posons par ailleurs une question incorrecte : quel est le bilan carbone de ces trois jours de festivités illégales ? Les festivaliers ont laissé sur le champ des milliers de tonnes de déchets, mais les responsables de cette partouze sonore l’auraient parfaitement nettoyé... Cependant, on attend toujours la réaction indignée de Greta Thunberg et de Camille Étienne, nouvelle égérie des détraqués climatiques, pour les graves atteintes à l’environnement et aux éco-systèmes environnants. On a néanmoins appris que des vipères auraient mordu quelques « teknivaliers ». Nous savons tous que ces vipères, naguère lubriques, appartiennent dorénavant à l’ultra-droite !
Le traitement médiatique, judiciaire et politique de ce Teknival détonne avec les défilés impeccables du 6 mai à Paris et du 16 mai à Annecy. Dans la capitale, six cents militants se souvenaient de Sébastien Deyzieu mort vingt-neuf ans plus tôt en défilant avec tenue et dignité. Cette manifestation sans casse, ni violence ne pouvait qu’effrayer les belles âmes. En plus d’être tout de noir vêtus (Black lives matter oblige, non ?), les manifestants avaient le visage masqué. N’étaient-ils pas soucieux d’empêcher toute nouvelle contamination virale ou bactérienne ? La caste politico-médiatique n’a surtout pas apprécié d’entendre scander dans les rues de Paris « Europe ! Jeunesse ! Révolution ! » qui vaut mille fois mieux que le lamentable « Femme ! Vie ! Liberté ! ». L’hommage mérité rendu à Sébastien Deyzieu a déclenché l’ire du locataire de la place Beauvau qui dégaine plus vite que son ombre les décrets de dissolution.
Quant à la manifestation nocturne à Annecy où retentit le superbe chant Les Lansquenets, elle n’était pas déclarée. Si elle avait été déposée en préfecture, les autorités compétentes l’auraient interdite ! Observons que le RN et Reconquête ! se dédouanent volontiers de ces deux actions pacifiques dans l’espoir hypothétique de complaire aux prescripteurs d’opinion. La « dédiabolisation » est un leurre dangereux et incapacitant.
Pour interdire colloques et manifestations, le régime anarcho-tyrannique s’appuie sur une jurisprudence administrative de 2014 concernant les spectacles de Dieudonné que votre serviteur mentionnait dans En liberté surveillée. Réquisitoire contre un système liberticide (Les Bouquins de Synthèse nationale, 2014). Pendant ce temps, de Villerupt en Meurthe-et-Moselle à Marseille en passant par Valence dans la Drôme et Paris, les fusillades mortelles se généralisent sur fond de rivalités croissantes pour le trafic de drogue. La véritable menace n’est-elle pas l’achat et la consommation de cette merde qui accélère la zombification du pays ? En voulant légaliser les drogues dites « douces », odieux euphémisme, Insoumis, Verts, socialistes, communistes et aile sociétale du macronisme portent une lourde responsabilité morale dans ces règlements de compte sanglants. La réponse du Régime reste fragile, faible et inapproprié.
Un nouveau palier d’oppression vient d’être franchi. Aux manifestations et réunions publiques censurées de manière préventive viendront après la fermeture administrative des librairies amies dans la capitale française (Librairie Vincent, Librairie Française, Librairie Duquesne Diffusion, La Nouvelle Librairie), à Nancy (Les Deux Cités) et au Puy-en-Velay (Arts enracinés), puis, à l’instar des précédents d’Al-Manar, la chaîne du Hezbollah libanais, de Spoutnik et de RT, la suspension définitive des sites Internet avant de s’en prendre finalement aux maisons d’édition, aux journaux, aux revues et à leurs collaborateurs.
Le propos est volontiers pessimiste. Julien Freund avait l’habitude de dire qu’en politique, il faut toujours envisager le pire. Il est temps d’en prendre conscience et d’agir en conséquence.
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°76, mise en ligne le 30 mai 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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vendredi, 26 mai 2023
Fractures turques
Mustafa Kemal Atatürk
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Sinan Oğan est la grande surprise du premier tour de la présidentielle turque. Certes, il ne se qualifie pas pour le second tour, mais ses 5,17 % pèsent déjà sur le duel entre le président sortant Recep Tayyip Erdoğan qui frôle la réélection avec 49,52 % et son rival républicain du peuple Kemal Kılıçdaroğlu (44,88 %). Quant au quatrième candidat issu du Parti de la mère-patrie d’orientation libérale-conservatrice, Muharrem İnce se retire dans les derniers jours de la campagne, d’où son 0,43 %.
Quelques esprits forts pointent aussitôt l’activisme débordant de l’AKP (Parti de la Justice et du Développement) auprès des classes les plus populaires, activisme qualifié de « clientélisme ». Dommage qu’ils ne mentionnent jamais le clientélisme gigantesque du Parti démocrate de Joe Biden dans certains États, comtés et municipalités des États-Unis.
On peut croire que les électeurs de Sinan Oğan se reporteront sur le président Erdoğan au second tour. La vie politique turque est en réalité plus subtile. Âgé de 55 ans et d’origine azerbaïdjanaise, Sinan Oğan a étudié à Moscou au début du XXIe siècle. Il milite de 2010 à 2015 au sein du mouvement pantouranien MHP (Parti d’action nationaliste) de Devlet Bahçeli dont il devient l’un des députés. En 2015, le MHP l’exclut, car il refuse le rapprochement entamé avec l’AKP.
À l’occasion de cette campagne présidentielle, Sinan Oğan se présente au nom de l’Alliance ancestrale, une coalition électorale récente des pantouraniens radicaux du Parti de la Victoire, des conservateurs libéraux du Parti de la Justice, des kémalistes sociaux du Parti « Mon Pays » et des progressistes du Parti de l’Alliance turque. Le candidat de cette entente veut d’une part interdire l’ensemble des formations politiques kurdes, séparatistes et loyalistes. Il dénonce d’autre part avec une rare insistance les 4,5 millions d’étrangers dont 3,5 millions de réfugiés syriens. Il ne souhaite pas assister au début d’un grand remplacement des Turcs. Il se montre enfin fort méfiant envers les islamistes.
C’est un point d’accord avec Kemal Kılıçdaroğlu dont les aïeux kurdes et alévis seraient originaires de la région arabophone iranienne du Khouzistan. Les observateurs le peignent régulièrement en pantin atlantiste, ce qui est exagéré. Le candidat kémaliste entretient volontiers de bonnes relations avec l’Irak, l’Iran et la Syrie. S’il était élu, sa présidence provoquerait tôt ou tard de profondes divergences au sein de l’Alliance de la nation entre les pro-occidentaux et les tenants du non-alignement.
La bipolarisation exprimée au moment de la présidentielle masque un foisonnement politique considérable avec des unions circonstancielles et hétéroclites dues au mode de scrutin. Un multipartisme vivace s’épanouit sous un apparent dualisme pour le plus grand plaisir des électeurs. L’abstention est autour de 14 % et les votes blancs et nuls ne dépassent pas les 2 %.
L’Alliance de la nation regroupe les kémalistes historiques du CHP (Parti républicain du peuple), les conservateurs musulmans du Parti démocrate, les islamistes traditionalistes du Parti de la Félicité, le Parti de la Démocratie et du Progrès, le Parti pour le changement de la Turquie, le Parti du Futur de l’ancien Premier ministre AKP Ahmet Davutoğlu, et les nationalistes du Bon Parti. Fondé et dirigé par Meral Akşener qu’on dit proche des milieux atlantistes, le Bon Parti soutient une ligne nationale-laïque intransigeante. Ministresse de l’Intérieur entre 1996 et 1997, elle a fortement réprimé l’opposition kurde, d’où des tiraillements répétés avec ses partenaires de la « Table des Six ». L’hétérogénéité de la coalition explique-t-elle son échec aux élections législatives ?
En effet, le 14 mai dernier, les électeurs turcs participent à la fois aux élections présidentielles et législatives. Depuis la révision constitutionnelle de 2017 qui établit un régime présidentialiste, les mandats du président et des députés sont concomitants. Si le président démissionne ou s’il dissout le parlement, chef d’État et députés retourneront en même temps aux urnes. Cette articulation originale a été proposée dans la décennie 1990 en France par Jean-Pierre Chevènement qui reprenait une idée du club Jean-Moulin, un cénacle de la gauche technocratique des années 1960.
La Grande Assemblée nationale compte 600 membres élus pour cinq ans au scrutin proportionnel de liste bloquée à un seul tour dans 87 circonscriptions, en général des provinces mais pas toujours, au prorata du nombre d’habitants. Le seuil d’élection de 10 % a été abaissé à 7 %.
L’Alliance de la nation réalise 35,02 %, gagne 24 sièges, soit 212 élus (169 pour le CHP et 43 pour le Bon Parti). Elle subit la concurrence inévitable de l’Alliance du travail et de la liberté qui rassemble les Kurdes du HDP (Parti démocratique des peuples), le Parti des travailleurs de Turquie et le Parti de la Gauche verte éco-socialiste libertaire. Ce regroupement de gauche sociétale fait 10,54 %, compte 65 députés et perd deux sièges.
Le grand vainqueur des législatives est donc le camp présidentiel avec 49,40 %. Malgré une perte de 26 sièges et un recul de près de sept points par rapport à 2018, l’Alliance du peuple remporte 323 élus : 268 pour l’AKP, 50 pour le MHP qui augmente d’un siège et 5 pour les islamistes du Nouveau parti de la Prospérité de Fatih Erbakan, fils du mentor d’Erdoğan. Il faut inclure dans cette alliance présidentielle les nationaux-islamistes panturcs du Parti de la Grande Unité qui perdent leur unique siège, les sociaux-démocrates du Parti de la Gauche démocratique et les Kurdes islamistes traditionalistes anti-séparatistes du Parti de la Cause libre qui s’inspirent de la Garde de Fer roumaine. Pour l’anecdote, le parti La Patrie de l’eurasiste de gauche radicale Doğu Perinçek ne recueille pour sa part que 54 789 voix (0,10 % et perd 0,13 point…).
Si Kemal Kılıçdaroğlu accède à la présidence de la République, il devra cohabiter avec un parlement hostile bien que la nouvelle constitution limite strictement ses prérogatives. On comprend mieux pourquoi Sinan Oğan se pose en faiseur de roi. Il a dès à présent interpellé les deux finalistes au sujet de l’immigration massive qui bouleverse la donne démographique turque.
La Turquie s’intègre de plus en plus dans les méandres de la « société liquide » ultra-libérale 3.0. Le surgissement de Sinan Oğan sur la scène politique signale la radicalisation nationale et identitaire d’une opinion publique très fracturée. Peu importe le président élu, le Bloc occidental atlantiste devra prendre en compte une nation turque fière et sûre d’elle-même. L’échéance électorale du 28 mai prochain se révèle ainsi décisif non seulement pour l’avenir de la Sublime Porte, mais aussi pour l’Europe, le Proche-Orient, le Caucase, l’espace pontique, l’Asie Centrale et même le continent africain.
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°75, mise en ligne le 23 mai 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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samedi, 20 mai 2023
De la diversité des frontières
de Georges Feltin-Tracol
Quand l’histoire rencontre le droit, la géographie trinque ! En particulier si cela concerne les frontières, ces délimitations politiques conclues entre États voisins ou bien ces bornages administratifs opérés entre régions, provinces ou pays fédérés au sein d’un même État. En fonction de l’échelle pratiquée, on peut remarquer que le tracé frontalier peut ne pas être rationnel.
C’est le thème principal de l’Atlas des frontières insolites de Zoran Nikolić (Armand Colin, 2022, 210 p., 22,90 €) traduit de l’anglais par Philip Essertin. En lisant son sous-titre, on comprend que l’ouvrage aborde « Enclaves, territoires inexistants et curiosités géographiques ». Sous cette dernière appellation, l’auteur y intègre la principauté d’Andorre avec ses deux co-princes (l’évêque d’Urgell en Espagne et le chef d’État français) et la république monastique autonome du Mont-Athos dont l’accès est toujours interdit aux femmes en dépit des hurlements hystériques fréquents des prétendantes au matriarcat wokiste.
Zoran Nikolić explique qu’une enclave est un « territoire entièrement entouré par le territoire d’un autre pays ». Les cas ne manquent pas selon une démarche multiscalaire. Dans les Pyrénées françaises se trouve l’enclave espagnole de Llívia (12 km² et 1 500 habitants) qui relève de la Généralité de Catalogne. Au bord du lac de Lugano, Campione d’Italia est une ville italienne de 1,6 km² en Suisse. « Bien qu’elle soit localisée à moins d’un kilomètre du reste de l’Italie, de hautes montagnes empêchent un accès direct à son pays d’origine. Les habitants de Campione sont contraints de parcourir près de quinze kilomètres pour atteindre la ville italienne la plus proche. »
Büsingen am Hochrhein est la seule commune allemande à ne pas appartenir à l’Union dite européenne et à voir son club de football évoluer dans le championnat helvétique. En effet, c’« est une ville […] entourée de territoires suisses, c’est-à-dire les cantons de Schaffhouse, de Thurgovie et de Zürich. […] Elle est séparée du reste de l’Allemagne par une bande de terre qui n’a que 700 m de large dans sa partie la plus étroite ».
L’auteur aurait pu donner d’autres exemples d’enclaves à l’échelle infra-étatique. En dehors du cas assez connu de Valréas, parcelle du Vaucluse située en Drôme méridionale, il existe les deux enclaves bigourdanes des Hautes-Pyrénées dans les Pyrénées-Atlantiques ou trois communes du département du Nord enclavées dans le département du Pas-de-Calais. Il aurait pu évoquer l’enclave genevoise de Céligny dans le canton de Vaud, de trois enclaves du canton de Fribourg dans le canton de Vaud toujours et une dans le canton de Berne. Il mentionne bien le Land allemand de Brême et de ses deux portions territoriales (Bremerhaven et Fehrmoor) situées à une trentaine de kilomètres plus au nord de la ville à l’embouchure de la Weser. Il oublie l’enclave angolaise du Cabinda.
Zoran Nikolić tient à distinguer l’enclave de la « semi-enclave », ce « territoire physiquement séparé de son pays d’origine, mais qui n’est pas complètement encerclé par le territoire d’un autre pays ». On peut ainsi arriver en Alaska par la voie maritime en partant de l’État étatsunien de Washington sans jamais traverser le Canada. Dépendances des États-Unis enchâssées au Canada, Points Robert se trouve au Nord de la Baie de Boundary tandis que l’« Angle nord-ouest » situé dans le Manitoba est relié au Minnesota à travers le lac des Bois. À la différence de la République de Saint-Marin, Gibraltar et la principauté de Monaco sont aussi des semi-enclaves, car accessibles depuis les eaux internationales.
L’auteur se penche sur la « contre-enclave », à savoir une « enclave à l’intérieur d’une enclave ». Outre la présence militaire turque occupant le Nord de Chypre depuis 1974, l’île natale d’Aphrodite compte deux enclaves britanniques que sont les bases d’Akrotiri et de Dhekelia. Or, dans ce dernier territoire, existent quatre contre-enclaves chypriotes dont une centrale électrique. La situation est plus complexe encore avec la ville de Baerle. Il y a Baerle-Nassau aux Pays Bas et Baerle-Duc en Belgique. Mais « la partie néerlandaise accueille vingt enclaves belges à l’intérieur desquelles nous comptons environ dix contre-enclaves néerlandaises ». Par conséquent, « lorsque la frontière traverse une maison, sa “ citoyenneté “ est déterminée par la position géographique de sa porte d’entrée » qui peut parfois changer selon le goût fiscal du propriétaire…
L’atlas s’intéresse par ailleurs aux exclaves. Il s’agit d’une « partie d’un territoire d’un État dont l’accès à son territoire d’origine ne peut se faire qu’en passant par un autre territoire ou État ». Non loin de sa frontière, la Russie possède au Bélarus une exclave de 4,5 km² inhabitée depuis l’accident nucléaire de Tchernobyl en 1986 nommée Sankovo et Medvezhe. Moscou détient au moins trois exclaves en Estonie avec Dubki près du lac Peïpous, le triangle de Lutepää et la zone de Santse Boot. Les Occidentaux surveillent avec attention ces trois portions territoriales russes à l’heure de fortes tensions géopolitiques. L’oblast russe de Kaliningrad et la Crimée annexée ne sont que des « semi-exclaves » puisque le premier reste en contact avec la Russie via la mer Baltique alors qu’un pont routier et ferroviaire long d’une vingtaine de kilomètres franchit le détroit de Kertch et relie la seconde au reste de la Fédération de Russie. La France des communes connaît elle aussi des exclaves. Par exemple, en Haute-Loire, la commune d’Aiguilhe en comprend deux séparées par Le Puy-en-Velay, Polignac et Espaly-Saint-Marcel.
Jusqu’en 2015, le long de la frontière entre l’Inde et le Bangladesh se répartissaient au moins une centaine d’enclaves bangladaises et plus de cent trente enclaves indiennes dont plusieurs se caractérisaient par leur statut d’exclaves et de contre-enclaves. Ce phénomène frontalier singulier était appelé « Miettes de terre ». Un traité a mis un terme à ces anomalies géopolitiques. Mais perdure encore l’enclave bangladaise de Dahagram-Angarpota...
Outil intéressant pour mieux connaître les incongruités géographiques, mais sans être exhaustif, cet Atlas des frontières insolites offre des cas pertinents dont l’étude confirme que les territoires se plient, s’il le faut aux contraintes, de l’histoire, de la politique et des traditions, n’en déplaise aux No Border détraqués...
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°74, mise en ligne le 16 mai 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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lundi, 15 mai 2023
L’aube de l’Inde-monde
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Selon l’ONU, le 1er mai dernier, la République populaire de Chine a perdu sa première place d’État le plus peuplé de la planète au profit de son voisin et rival asiatique, l’Union indienne. D’après des statistiques plus ou moins fiables, l’Inde compterait un milliard cinq cents millions d’habitants et la Chine un milliard quatre cents millions. Au-delà de l’aspect quantitatif, il est évident que le dynamisme démographique joue en faveur de la Nouvelle Delhi.
La Chine paie dès à présent les quatre décennies de politique implacable de l’enfant unique. Elle est parvenue à contenir la croissance de sa population si bien que la société chinoise commence déjà à vieillir. Les mesures délirantes du zéro covid sont une conséquence immédiate de ce vieillissement. La question des retraites à venir dans une société pas encore opulente risque de déstabiliser le monopole politique du Parti communiste chinois à l’horizon 2040.
Malgré des tentatives parfois autoritaires de réduction des naissances dans les décennies 1960 et 1970, l’Inde semble poursuivre une augmentation humaine inexorable. En réalité, la fécondité des Indiennes a fortement diminué grâce aux retombées effectives de l’essor économique. Toutefois, le volume humain est si ample que naît chaque année une douzaine de millions d’enfants dans un État qui n’a que 3 287 263 km².
L’Inde est la clé de voûte du sous-continent éponyme qui compte le Pakistan, le Népal, le Bhoutan, le Bangladesh et le Sri Lanka, voire le Myanmar. Elle se projette aussi sur les autres continents quand on s’intéresse à sa diaspora. L’Indonésie, la Malaisie et Singapour accueillent des Indiens dont les aïeux sont venus s’installer à l’époque de l’Empire britannique. Des communautés indiennes anciennes résident en Afrique du Sud et en Afrique orientale (Kenya, Ouganda, Tanzanie), sur l’île Maurice et dans le département français ultra-marin de La Réunion.
Cette présence suscite parfois des conflits. Les Tamouls de confession hindouiste ont longtemps revendiqué par les armes un État indépendant au Nord et à l’Est du Sri Lanka contre l’avis des Cinghalais bouddhistes. La question indienne a durablement perturbé la vie politique des Fidji dans l’océan Pacifique. Les nationalistes mélanésiens fidjiens ne supportaient pas la mainmise économique indienne sur l’archipel, d’où une série de coups d’État à la fin du XXe siècle. Cela n’empêcha pas qu’en 1999, le travailliste indo-fidjien Mahendra Chaudhry devienne le chef du gouvernement.
Les Fidji anticipaient une situation qui se reproduit maintenant dans le monde anglo-saxon. Le deuxième Premier ministre du roi Charles III est depuis octobre 2022, Rishi Sunak, premier hindouiste à occuper le 10, Downing Street. Si on considère les Pakistanais comme des Indiens de religion musulmane, le nouveau Premier ministre écossais s’appelle Humza Yousaf. Quant à la République d’Irlande, son Premier ministre, Leo Varadkar, a un père d’origine indienne. Au Canada, le principal animateur du NPD (Nouveau parti démocratique, une formation de gauche wokiste), Jagmeet Singh, est sikh ! L’actuelle vice-présidente des États-Unis d’Amérique, Kamala Harris, est jamaïcaine par son père et... indienne par sa mère.
Benjamin Disraeli rêvait de transférer la capitale de l’empire mondial britannique de Londre en Inde. Son désir se réalise en partie aujourd’hui avec l’arrivée au pouvoir des petits-enfants des colonisés de naguère. Les eaux de l’Indus et du Gange se mêlent à la Tamise… Les Indiens peuvent pleinement se fondre dans l’Anglosphère puisqu’ils parlent couramment la langue anglaise et connaissent par cœur les codes anglo-saxons. Ils savent s’intégrer dans une mondialisation libérale américanomorphe bien mal en point.
Les Occidentaux gardent toujours en tête les images de bidonvilles de Calcutta où officiait Mère Teresa. Ils imaginent l’Inde en pays sous-développé avec ses millions de pauvres. Certes, la pauvreté n’a pas disparu. Cependant émerge et s’affirme une importante classe moyenne. Le groupe Tata détient les marques automobiles Jaguar, Land Rover et Hispano. L’industriel et homme d’affaires Lakshmi Mittal s’occupe d’ArcelorMittal. L’Union indienne deviendra bientôt la troisième puissance économique mondiale. L’Inde ne dispose pas d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Elle pourrait remplacer avec satisfaction le Royaume-Uni, ce caniche atlantiste ! Puissance nucléaire et civile, l’Inde maîtrise en outre les techniques aérospatiales avec sa base de lancement de fusées de Satish-Dhawan. Si Bangalore est la capitale informatique du pays, l’ancienne Bombay devenue Mumbay reste sa première place financière. Les studios de tournage et d’enregistrement qu’abrite cette mégalopole, « Bollywood », fournissent une grande partie de l’Asie et du Moyen-Orient en productions cinématographiques, télévisées et musicales.
Au pouvoir depuis 2014, le BJP (Parti du peuple indien) de Narendra Modi déroule une politique nationale-conservatrice libérale en économie. L’insistance gouvernementale à propager la numérisation des services publics et des activités marchandes constitue un indice préoccupant d’inclination sociétale vers un crédit social à la chinoise.
État-continent tendant vers un État civilisationnel potentiellement illibéral, l’Inde du BJP applique avec méthode son programme d’Hindutva. Or les quelque 800 langues usitées, la diversité des groupes ethniques et religieux et la permanence du système des castes malgré son interdiction constitutionnelle freinent les avancées d’une société unifiée par la couleur safran. Les nationalistes indiens se méfient par ailleurs des prosélytismes musulman et chrétien et surveillent l’activisme sikh en faveur d’un État sikh indépendant dans le Pendjab.
La politique gouvernementale indienne recèle enfin sa part de contradictions. L’Inde appartient à l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) qui comprend ses rivaux chinois et pakistanais. Proche d’Israël et hostile à l’islamisme politique, la Nouvelle Delhi entretient d’excellentes relations avec l’Iran et les Émirats arabes unis. Fidèle cliente en armement russe, l’Inde discute dans le cadre du « Quad » avec le bloc occidental atlantiste (États-Unis, Grande-Bretagne, Australie, Japon) afin de contrecarrer le « collier de perles » portuaire de la Chine dans l’océan Indien. Mais la patrie du non-alignement répugne à rejoindre clairement une alliance ou une entente exclusive. Elle préfère jouer sur les rivalités géopolitiques dans l’espoir d’en retirer le maximum de bénéfices. Ainsi vend-t-elle plus chers aux Occidentaux des hydrocarbures russes qu’elle a à peine reconditionnés.
Quelques oracles mentionnent un XXIe siècle chinois qui succéderait au XXe siècle étatsunien. D’autres parient sur un XXIe siècle indien du fait de la jeunesses de sa population. Conscients à la fois de ses forces indéniables, de ses atouts indiscutables, de ses faiblesses chroniques et de ses failles structurelles, les dirigeants indiens recherchent en priorité non pas une « grande politique » d’envergure intercontinentale, mais plutôt le contentement régulier des besoins élémentaires de leur population. C’est leur défi ! S’ils réussissent, ce sera alors un immense succès. Mais, pour l’instant, l’Inde-monde demeure toujours balbutiante.
Salutations flibustières !
« Vigie d’un monde en ébullition », n°73, mise en ligne le 9 mai 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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vendredi, 05 mai 2023
Mayotte en ébullition
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Située au nord-est du canal du Mozambique entre Madagascar et le continent africain, à l’ouest de l’océan Indien, l’île de Mayotte bénéficie depuis quelques semaines d’une attention médiatique soutenue. La raison de ce regain d’intérêt se nomme l’opération Wuambushu, ce qui signifie en mahorais « reprise », voire « reprise en main ».
Approuvée lors d’un conseil de défense tenu à l’Élysée, cette opération doit démanteler plusieurs bidonvilles, appelés « bangas », restaurer l’ordre public et contenir les ravages d’une immigration illégale incontrôlée. L’île tropicale cumule toutes les pathologies sociales du moment. Les statistiques de l’INSEE expliquent que la moitié de la population mahoraise a moins de 17 ans, que 77 % des habitants de Mayotte vivent en dessous du seuil de pauvreté, que 67 % des 15 – 64 ans n’ont pas d’emplois, que 30 % des ménages ne disposent pas de l’eau courante et que 40 % des 60 000 logements sont indignes et sans électricité domestique. Désert médical, le territoire se sent abandonné de Paris. Ces conditions difficiles font de Mayotte le département le plus pauvre de France. Elles n’arrêtent pas les flots incessants d’immigrés clandestins plus pauvres encore. 48 % des 310 000 habitants sont d’origine étrangère. De nombreuses migrantes font exprès d’accoucher à Mayotte en sachant qu’elles seront ensuite non expulsables parce que leurs progénitures seront supposées françaises. Si de nombreuses maternités ferment dans la France périphérique, ce n’est pas le cas à Mayotte où elles sont complètes. Le système scolaire est lui aussi saturé avec des élèves étrangers illettrés qui ignorent tout d’une journée d’élève français. Il est fréquent que les classes de l’enseignement primaire accueillent des adolescents de 15 – 16 ans… L’INSEE estime par ailleurs que 55 % de la population de Mayotte parvient à maîtriser le français. S’ajoute enfin une tension permanente avec le voisin comorien.
D’un point de vue géographique, ethnique et historique, Mayotte appartient à l’archipel des Comores. Possession française depuis le milieu du XIXe siècle, l’archipel réclame dans les années 1960 – 1970 son indépendance. En décembre 1974 se déroule un référendum d’autodétermination. Si trois îles (Grande-Comore, Mohéli et Anjouan) choisissent l’indépendance, Mayotte préfère à 63,8 % de rester un territoire français. En février 1976, un nouveau référendum confirme à 99,4 % et 82,8 % des inscrits l’attachement de l’île à la République française. Le gouvernement comorien revendique immédiatement Mayotte. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes s’oppose ici aux critères juridiques d’indivisibilité de l’État et d’intangibilité des frontières. L’ONU s’empare du cas de Mayotte et considère l’île comme une terre à décoloniser. Paris use alors de son droit de veto.
Jusqu’en 2011, Mayotte bénéficie d’un statut ultra-marin spécifique. Les Mahorais sont en majorité musulmans. La charia s’applique dans la vie quotidienne des autochtones. Les cadis (juges musulmans) sont des fonctionnaires d’État. La polygamie, ou pour le moins la bigamie, est autorisée et reconnue. La France soutient massivement l’économie locale balbutiante qui échoue à se développer, faute d’infrastructures suffisantes. En mars 2009, 95 % des Mahorais approuvent leur départementalisation. Deux ans plus tard, Mayotte devient le cent-unième département français. Le droit commun s’étend progressivement et interdit les mariages bigames sans toutefois annuler ceux qui existent déjà. Les aides sociales qui se déversent sur Mayotte aiguisent la convoitise des Comoriens (Anjouan est à 70 km des côtes mahoraises) dont le pays est un État en faillite rongé par une corruption endémique.
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vendredi, 28 avril 2023
Gros plan politique sur l’Ariège
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Le fait politique aurait dû figurer en gros titre de la presse mondiale et reléguer au second plan toute l’actualité sociale et internationale du moment. Les 26 mars et 2 avril derniers se tenait une élection législative partielle dans la première circonscription de l’Ariège.
Territoire pyrénéen frontalier de l’Espagne et d’Andorre, l’Ariège est un département de 4 890 km² en région Occitanie. Foix (plus de 9 500 habitants) en est la préfecture. Au Moyen Âge, la ville fut au cœur du comté éponyme rendu célèbre par l’un de ses comtes, Gaston Fébus (1331 – 1391), seigneur du Béarn et poète franco-occitan renommé. Ses deux sous-préfectures sont Pamiers (près de 16 000 habitants), garnison du 1er régiment de chasseurs parachutistes, et Saint-Girons (plus de 6 000 habitants), l’un des chefs-lieux d’arrondissement les moins peuplés de France. Vivant principalement de la poly-activité autour de l’agriculture et du tourisme avec quelques pôles industriels, le département de 154 000 habitants connaît un déclin démographique certain.
Le Conseil constitutionnel a invalidé les résultats de la législative de l’an passé. En 2022, Bénédicte Taurine de La France Insoumise (LFI) avait gagné sur Anne-Sophie Tribout de la majorité présidentielle. Le candidat RN réunissait alors 19,94 %. Au soir du 26 mars 2023, l’abstention s’élève à 60,40 %. La députée sortante mélanchoniste ne rassemble que 6 778 voix (31,18 %) au lieu des 10 347 voix. Malgré une petite déperdition en nombre de bulletins, le candidat RN progresse de presque cinq points et atteint 24,78 %. La candidate macroniste subit un sévère échec et se retrouve quatrième. Avec 10,63 %, elle n’obtient que 2 323 suffrages à la place des 6 237 voix. Se retrouve au second tour Martine Froger, une militante socialiste chevronnée exclue de son parti pour son opposition farouche à la NUPES. Elle réunit 26,41 %, soit 5 742 suffrages à la place des 6 229 voix neuf mois plus tôt.
La logique instaurée sous la IIIe République pour permettre le succès des forces progressistes et de gauche aurait voulu que Martine Froger se désiste en faveur de Bénédicte Taurine. Or, Martine Froger préfère se maintenir. Elle bénéficie de l’appui d’Anne Hidalgo, de l’ancien président François Hollande, du maire de Rouen, Nicolas Mayer-Rossignol, Premier secrétaire délégué du PS, et de Carole Delga, présidente PS du conseil régional Occitanie qui s’imagine déjà au second tour de la présidentielle de 2027 face à… Laurent Wauquiez !
Toutes ces personnalités d’une soi-disant « gauche de gouvernement », comprendre « gauche de la compromission permanente avec les grands intérêts financiers privés », refusent que « leur » gauche soit aux ordres d’un Jean-Luc Mélenchon qu’ils méprisent depuis des décennies. Le 2 avril, Martine Froger gagne le siège avec 60,19 % des voix bien que l’abstention monte à 62,13 %, les votes blancs à 5,80 % et les votes nuls à 4,13 %. Les socialistes anti-NUPES exultent. L’Ariège aura deux députés de gauche anti-Mélanchon. Ils y voient un signe précurseur d’une future remontada contre LFI. Pour sa part, la NUPES dénonce une élection acquise grâce aux électeurs macroniens et de droite. Les deux parties oublient qu’il ne faut pas généraliser ce scrutin partiel hautement médiatisé.
L’Ariège est en effet une terre très ancrée à gauche depuis 1875. Le Parti socialiste et ses alliés divers-gauche remportent les législatives entre 1928 et 2017. En 2012, la 1re circonscription élit son député dès le premier tour ! La permanence et la vigueur du vote de gauche dans ce département rural se comprend sur la longue durée historique. Il y a à l’origine de ce tropisme électoral la « Guerre des Demoiselles ».
Spécialiste de la survivance templière à travers les âges et de l’énigme de Rennes-le-Château qui allait plus tard donner un fameux plagiat romancé, Da Vinci Code, de Dan Brown, Gérard de Sède (1921 – 2004), naguère militant gauchiste, publie chez Plon en 1982 une belle fresque occitaniste intitulée 700 ans de révoltes occitanes. Il évoque dans ce livre une puissante jacquerie en Ariège qui commence en 1829 – 1830 et qui ne s’achève que vers 1873 – 1874.
En 1827, le Parlement de la Seconde Restauration (1815 – 1830) modifie le Code forestier. Il somme les populations des campagnes de ne plus exercer certains droits (cueillette, chasse, pâturage, prélèvement du bois pour la construction d’habitations) en forêts à partir de 1829. Les espaces forestiers cessent d’ailleurs d’être leurs biens communs et deviennent des ressources charbonnières nécessaires à l’industrie naissante. Ces contraintes légales perturbent un système rural agro-pastoral ancien et fragile basé sur la sylviculture.
Les paysans ariégeois réagissent violemment. Ils se griment en femmes et bastonnent volontiers gardes-champêtres et gendarmes quand ceux-ci veulent confisquer le bétail. Née dans l’Ouest du département, l’agitation à basse intensité se propage peu à peu dans toute l’Ariège sans trop s’exporter dans les départements pyrénéens voisins. Le relief montagnard et la difficulté de circulation à l’époque empêchent les autorités de sévir réellement ou de pratiquer une féroce répression. En outre, les campagnards nient toute exaction. Ils incriminent plutôt l’action surnaturelle des esprits des forêts, souvent représentés sous les traits de belles demoiselles sauvages, pour expliquer ces longues séries d’incidents…
L’exode rural et l’enclavement de l’Ariège apaisent finalement une population désormais préoccupée par d’autres enjeux et qui trouve dans le vote en faveur des candidats républicains un débouché meilleur que le maquillage de solides gaillards prêts à en découdre…
On peut donc voir dans la « Guerre des Demoiselles », peu connue en France, une très lointaine préfiguration des ZADistes de Notre-Dame-des-Landes en Loire-Atlantique et des éco-combattants à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres. On peut aussi dresser une « généalogie » politique activiste qui se perpétue avec les manifestations anti-militaristes du Larzac dans la décennie 1970, les « Bonnets rouges » bretons en 2013, voire les « Gilets jaunes ». Il est surprenant que l’extrême gauche rédactionnelle (style Comité invisible) n’aborde pas cette étonnante révolte populaire et paysanne pyrénéenne.
La question de l’usage forestier en Ariège sur un demi-siècle a profondément marqué plusieurs générations. Cent cinquante ans plus tard, son passé agité et revendicatif façonne toujours un département réputé pour ses opinions rose – rouge.
Salutations flibustières !
Vigie d’un monde en ébullition », n°71, mise en ligne le 25 avril 2023 sur Radio Méridien Zéro.
01:02 Publié dans Georges Feltin-Tracol | Lien permanent | Commentaires (0) | |
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vendredi, 21 avril 2023
Vers l’implosion des États-Unis ?
La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol
Le procureur démocrate de Manhattan, Alvin Bragg, a inculpé, le 30 mars dernier, l’ancien président Donald Trump sous trente-quatre chefs d’accusation pour des peccadilles. Un procès au civil s’ouvre par ailleurs à New York à propos d’un viol qu’il aurait commis sur une journaliste il y a plusieurs années. Candidat déclaré aux primaires présidentielles républicaines de l’an prochain, le 45e président crie au complot politique, à l’instrumentalisation judiciaire et à la manipulation médiatique.
Le 7 avril, un juge fédéral au Texas, Matthew Kacsmaryk, interdit la pillule abortive. Cette décision devrait normalement faire jurisprudence sur l’ensemble du territoire étatsunien. Quelques heures plus tard, dans l’État de Washington, un autre juge fédéral, Thomas Rice, nommé par Barack Obama, rend une décision contraire à la première. Bien que les deux sentences s’annulent, l’administration Biden fait aussitôt appel.
Le 27 mars, Audrey Hale, âgée de 28 ans, en pleine transition dysgenrée, commet une tuerie dans une école de Nashville dans le Tennessee : six morts dont trois enfants de 9 ans chacun. Elle (ou il, voire « iel » - sic !) a auparavant rédigé un manifeste dont le contenu reste inconnu. On peut déjà présumer que sa teneur cisphobe et hétérophobe n’indignera guère les plumitifs complaisants.
Une guerre culturelle bat son plein outre-Atlantique. Des États républicains tels la Floride chassent les bouquins wokistes et pornographiques des bibliothèques scolaires. Dans les États démocrates, ce sont les livres jugés sur des critères subjectifs et partiaux discriminants et attentatoires à la liberté des minorités qu’on retire d’autorité s’ils ne sont pas réécrits en novlangue inclusive.
Ces quatre exemples montrent qu’Oncle Sam connaît de profondes divisions intestines. Cette situation conflictuelle est au cœur de l’essai de Stephen March au titre évocateur : USA : la prochaine guerre civile. Vers l’explosion des États-Unis ? (Buchet-Chastel, 2023, 306 p., 22,50 €).
Canadien vivant aux États-Unis, ce journaliste collabore à la presse du Système (New York Times, Wall Street Journal). Il observe les dissensions multiples qui fracturent la société étatsunienne. Il constate que cela ne concerne pas que le clivage républicains « rouges » - démocrates « bleus ». Les contentieux dépassent le cadre politique même si la géographie et la sociologie confirment d’indéniables correspondances. Les États progressistes côtiers de l’Est (New York) et de l’Ouest (Californie) font face aux États conservateurs de l’intérieur. Victimes d’un déclassement social et de la consommation affligeante d’opioïdes, les « petits Blancs » détestent une caste arrogante et incompétente, surprotégée. Appuyée par la doxa médiatique politiquement correcte, la communauté noire tente d’imposer son monopole culturel à travers l’activisme Black Lives Matter.
Stephen March estime que « les forces qui la déchirent sont à la fois radicalement modernes et aussi anciennes que le pays lui-même. […] La révolution sanglante et la menace de sécession sont des composantes intrinsèques de l’expérience américaine ». Les premiers colons puritains fuient l’Angleterre agacée par leur rigorisme. Au XIXe siècle, les mormons préfèrent s’installer au bord du Grand Lac Salé plutôt que de continuer à côtoyer des mécréants. Les immenses espaces de l’Amérique du Nord facilitent une existence côte à côte sans craindre la promiscuité. L’auteur objecte cependant que « les services de renseignement d’autres pays préparent des dossiers sur les scénarios éventuels d’un effondrement de l’Amérique ». Il se montre ainsi alarmiste.
À partir de sources ouvertes, d’entretiens, d’enquêtes et d’analyses de sondages, l’auteur pose cinq hypothèses de déflagration socio-politique. Une seule a une cause naturelle : un puissant ouragan ravage New York et contraint les citadins rescapés à se réfugier à l’intérieur des terres. Les quatre autres conjectures reposent sur une amplification des heurts d’autant qu’à ses yeux, « l’Amérique s’est toujours définie par la violence ».
Stephen March accuse une « extrême droite » aux mille facettes de préparer un « terrorisme de l’intérieur ». La mouvance patriote anti-gouvernementale serait le principal responsable de cette ambiance délétère dont le paroxysme se serait déroulé le 6 janvier 2021 au Capitole… Il remarque que « l’intensité de leur haine du gouvernement est leur façon d’exprimer leur amour pour leur pays. Ils croient que l’autorité fédérale détruit la véritable Amérique ». Il ajoute même que, selon eux, « l’Amérique n’est plus possible au sein des États-Unis d’Amérique ». Il ignore en revanche le pesant danger wokiste. Son approche verse dans le manichéisme grossier. Pis, il envisage le recours à des lois d’exception. « Pour survivre, prévient-il, le gouvernement devra suspendre les droits les plus emblématiques inhérents à son pouvoir, ceux du Bill of Rights ». Il avertit avec une gourmandise certaine que « le gouvernement américain n’aura pas d’autres choix que d’instaurer un contrôle des armes à feu, un contrôle des faits et gestes de ses citoyens et un contrôle des discours de haine ». Pas certain que l’habitant du Kentucky, du Colorado ou du Texas accepte calmement ces restrictions anti-constitutionnelles…
L’auteur mentionne les mouvements séparatistes, mais il ne développe pas assez. Il n’a rencontré que les indépendantistes texans et californiens. On n’a rien sur les souverainistes du Vermont, les tenants de l’autodétermination des tribus amérindiennes, les chantres d’un État afro-américain, les rêveries chicanos de reconstitution du Grand Mexique d’avant 1848 ou les nationalistes blancs qui investissent depuis plus d’une décennie dans le Nord-Ouest étatsunien. Fatigués de migrer vers un État politiquement à leur convenance, d’autres Étatsuniens suggèrent plutôt de déplacer les frontières administratives inter-étatiques.
Dans son édition du 5 avril 2023, le correspondant permanent du Figaro aux États-Unis, Lucien Jaulmes, s’intéresse à « Ces républicains de l’Oregon qui rêvent de faire sécession ». Le titre de l’article est à la fois excessif et racoleur. En effet, irrité par le confinement, l’hystérie covidiste, les limitations croissantes du port et de la détention d’armes, les projets sociétaux déviants, l’écologie punitive et la fiscalité confiscatoire, Mike McCarter fonde en 2021 le Mouvement des citoyens pour le plus grand Idaho. Grâce aux zones urbaines du littoral Pacifique qui leur sont acquises, les démocrates contrôlent l’Oregon. À un fuseau horaire d’écart de Salem, une quinzaine de comtés, 400 000 habitants et 63 % de la superficie de l’État, se tournent vers l’Est, en direction de l’Idaho républicain. Mike McCarter et ses amis font pression sur les législatures des deux États afin que l’Oregon oriental, après des phases de négociations, de référendum et de ratifications, intègre l’Idaho. La procédure paraît plus simple que l’érection d’un nouvel État fédéré. La Virginie-Occidentale se sépare bien de la Virginie en 1862 à cause de l’esclavage. Les démocrates aimeraient éclater la Californie en cinq entités fédérées, élever le District de Colombia et la ville de New York en nouveaux États de l’Union. Pendant la Guerre de Sécession (1861 – 1865), des comtés officiellement dans des États nordistes soutenaient le Sud tandis que des comtés de la Confédération rebelle revendiquaient leur attachement aux États-Unis. La présidente de la minorité démocrate à la Chambre des représentants de l’Idaho, Ilana Rubel, rejette ce projet, sinon ce précédent signifierait pour elle que « nous allons droit à la guerre civile si nous continuons sur cette voie ».
Stephen March pense que « les États-Unis vont bientôt entrer dans une phase d’instabilité radicale à l’échelle du pays entier, quels que soient le ou la président(e) au pouvoir et la politique qu’il ou elle appliquera. L’avenir économique sera plus volatil. Le futur environnemental sera plus imprévisible. Les villes seront plus vulnérables. Le gouvernement sera incapable de mener des politiques et sera déconnecté de la conception qu’aura le peuple de sa volonté collective ». Ce pessimiste oublie bien vite que la première économie mondiale détient un imposant arsenal nucléaire, que sa monnaie continue sa domination financière, que son poids diplomatique demeure prédominant dans les institutions internationales, que les super-productions cinématographiques inondent la planète et formatent les esprits au mode de vie, de penser, d’agir et de parler américanomorphe. Souvenons-nous que malgré les sanglantes guerres civiles du Ier siècle avant notre ère, Rome continuait ses conquêtes territoriales. Loin d’affaiblir le gouvernement, les rivalités internes le rendent plus expansionniste encore.
Vigie d’un monde en ébullition », n°70, mise en ligne le 18 avril 2023 sur Radio Méridien Zéro.
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