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vendredi, 20 décembre 2024

Sur le chaos syrien

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Le Système médiatique occidental d’occupation mentale ne surprend jamais ceux qui connaissent son fonctionnement interne, examinent son incessante propagande mortifère et détectent son bourrage de crâne. La chute soudaine de la Syrie néo-baasiste en est une éclatante preuve.

Les plumitifs louent les soi-disant « libérateurs » islamo-terroristes et dénigrent le régime déchu. L’islamisme étant un cosmopolitisme, les journalistes occidentaux ne peuvent que se féliciter de cette sinistre victoire. Les Bisounours barbus paradent dans Damas. Dans leur précipitation, les médiacrates commettent cependant des erreurs factuelles.

C’est le 8 mars 1963 que la branche syrienne du Parti socialiste de la Renaissance arabe (ou Baas) s’empare du pouvoir à Damas, un mois après la révolution des 8–10 février à Bagdad. Or, si le gouvernement baasiste irakien demeure orthodoxe, celui de la Syrie s’allie bientôt aux communistes et impose une planification économique proto-soviétique. Des tensions émergent au sein du Baas syrien entre les partisans socialistes du Premier ministre Salah Jedid et la faction politico-militaire du ministre de la Défense nationale Hafez Al-Assad. Ce dernier provoque en 1970 une « révolution de rectification » et élimine la tendance rivale. Al-Assad père renonce implicitement au projet panarabe et entérine une ambition grande-syrienne naguère défendue par Antoun Saadé. L’épouse du dirigeant syrien et mère de Bachar Al-Assad, Anissa Makhlouf, milita dans sa jeunesse auprès du Parti social-nationaliste syrien (PSNS) de Saadé. Ces corrections idéologiques agacent fortement le fondateur du baasisme, Michel Aflak, qui se réfugie en Irak avant de décéder à Paris en 1989.

Déclenchée le 15 mars 2011, le conflit en Syrie reste un exemple de « guerre moléculaire ». Par cette expression, l’écrivain allemand Hans Magnus Enzensberger dépasse l’habituelle opposition entre deux ensembles belligérants. On dénombre en effet sept protagonistes en Syrie qui se détestent mutuellement (ou presque).

La rébellion se divise en une trentaine de groupes eux-mêmes rivaux dont les plus importants s’appellent l’Armée syrienne dite libre (ASL), le bras armé régional de la Turquie, et Hayat Tahrir al-Cham (HTC ou Organisation de libération du Levant). Par Levant, il faut comprendre l’espace géographique s’étendant de la Syrie au Sinaï en passant par l’Irak, le Liban, la Jordanie, la Palestine et Israël. Son chef actuel, Abou Mohammed Al-Joulani, pseudonyme d’Ahmed Hussein Al-Chara, serait né en 1982 à Riyad en Arabie Saoudite. Ses parents viendraient du Golan annexé par Tel-Aviv.

D’abord affilié à Daech, Al-Joulani s’en détache et se rallie ensuite à Al-Qaïda. Auparavant, parti combattre en Irak les troupes étatsuniennes, il a séjourné une durée indéterminée dans le camp de rééducation psychologique (avec des drogues issues du projet MK – Ultra ?) d’Abou Ghraib. Travaillerait-il ou a-t-il travaillé pour la CIA ? Des drones d’origine ukrainienne avec un personnel technique compétent semblent avoir contribué à la progression fulgurante des rebelles vers la capitale. Par ailleurs, HTC entretient d’assez bonnes relations avec les forces kurdes, ce qui semble paradoxal quand on sait qu’Ankara cherche à empêcher toute autonomie territoriale kurde. Al-Joulani dirige depuis plusieurs années la région d’Idleb aux portes de la Turquie. Par-delà un rigorisme islamiste avéré, HTC veut montrer aux journalistes occidentaux que son style de gouvernement ne s’inspire ni de Daech, ni d’Al-Qaïda ou des Talibans. Ce mouvement doit aussi composer avec l’ASL et d’autres factions islamistes plus radicales encore guère enclines à partager un éventuel pouvoir.

Bien qu’affaibli, l’État islamique conserve toujours des poches territoriales discontinues dans l’Est syrien près de l’Irak. Contrairement aux rebelles victorieux qui comptent des musulmans venus d’Occident, le volontariat étranger en faveur de Daech s’est fortement tari.

Le troisième groupe en présence est les Kurdes et leur coalition, une vingtaine de mouvements plus ou moins réunis dans les Forces démocratiques syriennes (FDS). Sous l’impulsion de l’antenne locale du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), les contrées kurdes de Syrie – le Rojava – assistent à la formation d’un proto-État pluricommunautaire féministe inclusif écolo-libertaire suivant les indications municipalistes de Murray Bookchin. Maints militants occidentaux d’extrême gauche ont intégré les FDS et souscrivent à cette utopie politique en difficile gestation. L’existence d’un Kurdistan autonome en Syrie irrite un quatrième intervenant, la Turquie qui, pour la circonstance, retrouve des aspirations néo-ottomanes.

Un cinquième, collectif, aide plus ou moins directement l’action kurde. Il s’agit d’une alliance militaro-diplomatique qui comprend les États-Unis, le Royaume Uni, la France et l’Arabie Saoudite. Surtout orientée contre Daech, cette entente internationale applaudit néanmoins la chute du baasisme syrien. De façon informelle, les troupes étatsuniens disposent en zone kurde de bases militaires clandestines. Cette présence scandaleuse viole en toute impunité une souveraineté syrienne aujourd’hui bien dissipée. Comment réagirait la Maison Blanche si la Chine installait une base militaire en Irlande ou la Russie au Mexique ?

Le sixième protagoniste est désormais le grand perdant de la période actuelle de cette longue guerre. L’armée loyaliste syrienne n’a pas résisté à la multiplicité des menaces armées. À côté des unités militaires de la République arabe syrienne combattaient diverses milices plus ou moins disciplinées. Outre les sections armées du PSNS probablement passées en clandestinité, le Baas a formé des Forces de défense nationale. Dès 2013 se constitue une Garde nationaliste arabe dont les références politiques divergent du baasisme officiel. Si elle salue le Vénézuélien Hugo Chavez, elle vante aussi l’Égyptien Nasser (guère apprécié d’Al-Assad père) et l’Irakien Saddam Hussein (grand rival de Hafez et de Bachar Al-Assad).

Le front syrien a vu des nationalistes-révolutionnaires originaires d’Europe venir combattre. Lancé en 2018 par la Ligue scandinave active en Islande, en Norvège et en Suède, Thorbrand aurait réuni une cinquantaine de volontaires. Dans la foulée des événements du Donbass en 2014, des nationaux-bolcheviks limonoviens auraient expédié en Syrie vers 2015–2016 jusqu’à deux mille combattants enregistrés dans le Mouvement des volontaires Interbrigade. Ils côtoient les quelques Grecs du Lys Noir fondé en 2013 à partir d’un site éponyme hellène qui se réclame des frères Gregor et Otto Strasser. Enfin, le Polonais Bartosz Bekier anime la Falanga (la « Phalange »). Héritier radical du théoricien nationaliste russophile Roman Dmowski, il mêle un nationalisme grand-polonais qui lorgne sur l’Ukraine occidentale et une vision néo-eurasiste encouragée par Alexandre Douguine. Il est presque certain que ces combattants ont été rapatriés sur le front ukrainien.

Le septième intervenant est enfin l’État d’Israël. Il fait dorénavant face à cinq fronts simultanés (Gaza, Sud-Liban, Cisjordanie, Yémen et donc Syrie). Les bombardements massifs des sièges de commandement syriens, des arsenaux, des centres de stockage d’armes chimiques et techniques développées, des aéroports militaires et des installations navales représentent un entraînement grandeur nature dans la préparation de la prochaine attaque aérienne et informatique contre l’Iran. Cette offensive contre les laboratoires de recherche nucléaire iraniens commencera au lendemain de l’investiture de Donald Trump fin janvier 2025. De plus en plus christianophobe (qu’en pensent les idiots utiles d’une supposée droite nationale française servile ?), l’État hébreu prépare la déportation générale des Palestiniens de Gaza et de Cisjordanie occupée vers la Syrie. Le retour de Trump au pouvoir facilitera probablement l’annexion à venir des terres palestiniennes au mépris de toutes les conventions internationales.

L’« Axe de la Résistance » anti-sioniste est brisé. Le jour où l’Arabie Saoudite obtient de la FIFA l’organisation de la Coupe du monde de football 2034, une déflagration géopolitique inouïe bouleverse tout le Proche- et Moyen-Orient. Les nervis occidentaux de la presse de grand chemin n’ont toujours pas compris que la prise de Damas par les islamistes constitue déjà un très rude coup porté contre la civilisation européenne.       

Salutations flibustières !

• « Vigie d’un monde en ébullition », n°138, mise en ligne le 17 décembre 2024

09:04 Publié dans Georges Feltin-Tracol | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

vendredi, 13 décembre 2024

Du régime primo-ministériel

Visiter l'Assemblée Nationale - pariscrea.com

Georges Feltin-Tracol

Les étudiants en droit constitutionnel apprennent très tôt la classification habituelle des modes de relations entre l’exécutif et le législatif, à savoir les régimes parlementaire, présidentiel et d’assemblée.

Originaire d’Angleterre, le régime parlementaire évoque leur collaboration. Le chef de l’État occupe un rôle protocolaire. La réalité du gouvernement en revient à son chef nommé premier ministre (Grande-Bretagne, Belgique, Pays-Bas, Danemark), président du gouvernement (Espagne), chancelier (Allemagne et Autriche), ministre-président (Hongrie) ou président du Conseil (Italie et Pologne). Il anime une équipe soumise à la solidarité ministérielle et responsable devant le législatif. Dans ce régime, le gouvernement soutenu par une majorité assume la plénitude de l’action politique et législative. Une motion de censure ou un vote de défiance constructive peut par conséquent le renverser. En contrepartie, le gouvernement dispose du droit de dissolution.

Pratiqué surtout aux États-Unis d’Amérique, le régime présidentiel exprime la séparation entre l’exécutif et le législatif. Chef de l’État et chef du gouvernement en même temps - mais pas toujours ! -, le président nomme et révoque des ministres qui ne sont pas tenus à la solidarité gouvernementale et qui sont irresponsables devant le Congrès. Il ne peut dissoudre un Congrès qui n’a pas la compétence de censurer le gouvernement. Des discussions incessantes se déroulent entre les deux pôles pour l’adoption du budget et des lois.

Pratiqué sous la Révolution entre 1793 et 1795, mais remontant au Moyen Âge, le régime d’assemblée concerne aujourd’hui la Suisse. Il s’agit d’une confusion institutionnelle. Le législatif exerce une prépondérance politique sur un exécutif collégial dont les membres n’ont pas la possibilité de démissionner, et qui applique les décisions parlementaires. Les démocraties populaires de l’ancien bloc soviétique pratiquaient officiellement ce type de régime puisqu’en URSS, le président du présidium du Soviet suprême avait rang de chef de l’État. Le fonctionnement des conseils municipaux, départementaux et régionaux en France s’en apparente puisque l’exécutif procède du législatif.

Or la seconde moitié du XXe siècle remet en question cette typologie classique avec l’émergence de deux autres modes institutionnelles de relations. Maints États latino-américains, asiatiques et africains adoptent le présidentialisme, c’est-à-dire la suprématie de l’exécutif sur le législatif. Le chef de l’État dispose de prérogatives supérieures au seul régime présidentiel (initiative des lois, pouvoir de dissolution, fixation de l’ordre du jour de l’assemblée, possibilité d’arrêter le budget à l’occasion par décret). L’Allemagne de Weimar (1919 – 1933) et l’Autriche sont des exemples de présidentialisme parlementaire. La Ve République française est un autre cas spécifique de régime semi-présidentiel ou semi-parlementaire. L’équilibre repose sur le cumul des seuls éléments propices au régime présidentiel favorables à l’exécutif avec certains mécanismes du régime parlementaire avantageux pour le législatif si ne s’applique pas le fait majoritaire.  Les trois cohabitations (1986 – 1988, 1993 – 1995 et 1997 – 2002) et l’actuelle séquence ouverte au lendemain de la dissolution du 9 juin 2024 confirment la tendance parlementaire du texte de 1958. La chute du gouvernement de Michel Barnier, le mercredi 4 décembre 2024, une première depuis le 4 octobre 1962 et le précédent de Georges Pompidou, en administre la preuve éclatante. Cependant perdure un tropisme présidentiel qui se vérifierait certainement à travers le recours de l’article 16 afin d’adopter le budget et le financement de la Sécurité sociale sans omettre une prochaine inclination autoritariste assumée avec une restriction éventuelle des libertés publiques.

Chef du gouvernement italien depuis le 22 octobre 2022, Giorgia Meloni propose pour sa part une révision majeure de la Constitution de 1948. Son projet prévoit l’élection au suffrage universel direct du président du Conseil et l’interdiction faite aux groupes parlementaires de changer de coalition gouvernementale en cours de législature. Si cette révision audacieuse aboutit, l’Italie quitterait le strict régime parlementaire pour devenir un régime primo-ministériel. Mais la péninsule italienne ne serait pas la première à le pratiquer. On oublie en effet qu’entre 1996 et 2001, le Premier ministre de l’État d’Israël était élu au suffrage universel direct. Cette forme de désignation devait contrecarrer la fragmentation politique à la Knesset. Très vite, la mesure n’apporta aucune stabilité si bien qu’une nouvelle loi constitutionnelle revint à l’ancienne pratique en vigueur depuis 1948, à savoir la nomination du Premier ministre. Rappelons qu’Israël est l’un des États à ne pas avoir de constitution formelle écrite. Le régime primo-ministériel correspond en partie au régime présidentialiste turc. La démission du président turc provoquerait la dissolution immédiate de la Grande Assemblée nationale et réciproquement. 

Dans le cadre primo-ministériel, le jour des élections législatives, on peut imaginer que les électeurs disposeraient de deux bulletins, l’un pour élire le député, l’autre le candidat au poste de premier ministre. Ce dernier pourrait-il être candidat dans une circonscription ou sur une liste ? Faudrait-il qu’il y ait un ou deux tours de scrutin ? Qu’un vice-premier ministre puisse le remplacer en cas de maladie, de démission ou d’autre désignation ? Il y aurait en revanche une synchronicité parfaite entre l’exécutif et le législatif. Si l’Assemblée nationale censure le gouvernement, elle est aussitôt dissoute et le premier ministre se représenterait devant les électeurs.

Dans un tel régime, le chef de l’État n’exercerait qu’une fonction honorifique. Monarque héréditaire ou président élu au suffrage universel indirect, gage d’un arbitrage effectif au-dessus des partis, il perdrait au profit du chef du gouvernement la responsabilité de la défense nationale et de l’autorité sur les forces armées. Giorgia Meloni parviendra-t-elle à changer l’actuelle constitution italienne ? L’échec du référendum constitutionnel du 4 décembre 2016 voulu par Matteo Renzi demeure dans les mémoires. Toutefois, la prochaine réforme constitutionnelle ne serait-elle pas plutôt d’élire directement les ministres comme c’est déjà le cas depuis assez longtemps dans différents cantons de la Confédération helvétique ?

Salutations flibustières !

• « Vigie d’un monde en ébullition », n° 137, mise en ligne le 12 décembre 2024 sur Radio Méridien Zéro.

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vendredi, 06 décembre 2024

À propos d’un futur État minuscule

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Passée inaperçue dans le flot de l’actualité, l’information survenue au cours du mois de septembre aurait ravi l’excellent polygraphe Jean-Claude Rolinat qui traite souvent dans ses ouvrages des bizarreries géo-historiques, en particulier les États de dimension réduite.

Le continent européen compte plusieurs confettis étatiques. D’une superficie supérieure à 2 km², la principauté de Monaco fait figure de géant par rapport à la Cité du Vatican (0,44 km²) située à l’intérieur de la ville de Rome et en y incluant quelques dépendances extérieures telles la résidence pontificale de Castel Gandolfo dans la campagne latine. Mais, contrairement aux idées reçues, le Vatican a un sévère concurrent lui aussi présent dans la Ville éternelle au palais de la rue Condotti pour être plus précis encore : l’Ordre de Malte.

La convention de Vérone de 1822 reconnaît la souveraineté de cet ordre religieux, militaire et hospitalier. Mieux, le 5 décembre 1999, le gouvernement maltais lui a concédé pour une durée de 99 ans la pleine souveraineté du fort Saint-Ange situé en face de La Valette, la capitale de cette île méditerranéenne. Bien que vassal du pape, l’Ordre bénéficie de l’extraterritorialité sur ses bâtiments, de représentations diplomatiques dans le monde, du droit de battre monnaie (l’écu) et d’émettre des timbres. Sa superficie est de 0,02 km². L’ incroyable projet de l’actuel premier ministre socialiste albanais Edi Rama ne remet pas en cause ce record géographique. Le « Pays des Aigles » va probablement donner 0,11 km² pris dans l’Est de Tirana, sa capitale, à l’Ordre bektachi qui retrouverait une assise territoriale souveraine.

Le bektachisme est un groupe soufi chiite en partie lié aux alévis de Turquie, une autre variante du chiisme. C’est d’ailleurs un alévi réputé pour son érudition et son mysticisme, Haci Bektas Veli (vers 1209 – vers 1271), qui en porte la fondation. Considéré par les confréries soufies comme l’un des quatre piliers spirituels de l’Anatolie, Haci Bektas Veli propose une lecture exotérique et des interprétations ésotériques du Coran. Comme les alévis, les bektachis n’ont pas de mosquée. Ils célèbrent l’imam Ali, le quatrième calife et gendre du prophète Mahomet. Ils tolèrent la consommation d’alcool. Leurs femmes ne portent pas de foulard. Wahhabites et salafistes les perçoivent comme des impies et des traîtres.

Foi officielle du corps d’élite des Janissaires sous l’Empire ottoman, le bektachisme se répand principalement dans les Balkans où, en dépit des vicissitudes tragiques de l’histoire, il perdure à la différence de l’Irak et de l’Égypte. En outre, une communauté bektachie se développerait aux États-Unis dans le Michigan. En Turquie où le bektachisme, à l’instar des alévis, n’est pas reconnu par l’État turc, ses fidèles s’estimeraient néanmoins entre 8 et 14 % de la population. Dans sa volonté implacable de nation laïque, Mustafa Kemal Atatürk incita les instances bektachies à quitter la Turquie pour s’installer en Albanie. Dans les décennies 1930 – 1940, l’Ordre bektachi disposait d’un territoire privilégié de 0,36 km². Il fut supprimé dès 1945 par les communistes d’Enver Hodja, pourtant lui-même issu d’une famille bektachie. État officiellement athée, l’Albanie stalinienne et maoïste s’attaquait à toutes les religions.

De nos jours, les bektachis d’Albanie, du Kossovo, de Macédoine du Nord, de Bosnie – Herzégovine et du Sandjak serbe de Novi Pazar suivent l’enseignement spirituel et éthique de leur huitième chef religieux, le Baba Mondi alias Edmond Brahimaj. Né en 1959, il officia d’abord dans l’armée populaire albanaise entre 1982 et 1991. À la chute du communisme en 1992, il démissionna de l’armée et se tourna vers le soufisme. Vers 1996, il devint derviche bektachi avant d’évoluer progressivement au sein du bektachisme.

En approuvant ce projet d’État bektachi, le Baba Mondi s’inspire ouvertement de l’exemple vatican. Ce nouvel État théocratique n’accueillerait que les dede et les baba (les responsables religieux communautaires) ainsi que le personnel administratif. Il regarde aussi avec intérêt le précédent lusitanien de l’Aga Khan en 2016.

Cette année-là, le guide spirituel chiite ismaélien nizarite acquit en plein centre de Lisbonne, le palais de Mendonça, afin de le promouvoir en siège international de son imamat. Né en 1936 et titulaire des nationalités britannique, canadienne et portugaise, l’Aga Khan IV cherche à transformer sa notoriété spirituelle en influence supranationale majeure. Pour mieux asseoir cette ambition, le gouvernement portugais a, d’une part, octroyé au palais un statut diplomatique spécifique et, d’autre part, offert d’avantageuses exonérations fiscales à son propriétaire.

L’Aga Khan des ismaéliens et le Baba Mondi des bektachis aimeraient jouer au-delà du seul monde musulman le rôle médiatique longtemps tenu par le Dalaï Lama. Leur simple présence indispose les tarés takfiristes et autres suppôts de Daech et d’Al-Qaïda. Dans un monde occidental matérialiste et surindividualiste en déclin profond, la présence en Europe de divers pôles de spiritualité témoigne au même titre que le Mont Athos, El Palmar de Troya en Andalousie, voire des multiples foyers solsticiaux païens, de l’incontestable permanence du sacré. 

Salutations flibustières !

« Vigie d’un monde en ébullition », n°136, mise en ligne le 3 décembre 2024 sur Radio Méridien Zéro

09:44 Publié dans Georges Feltin-Tracol | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

dimanche, 01 décembre 2024

Fin de la coalition tricolore allemande

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Les crises politiques s’accumulent en Europe. Longtemps moteur de la politogenèse eurocratique, le duo franco-allemand se paralyse de part et d’autre du Rhin. Une fragile et implicite cohabitation s’installe à Paris entre un président Jupiter dévalué et un « socle commun » parlementaire hétéroclite et instable. À Berlin, la victoire de Donald Trump a amplifié les fractures au cœur même du gouvernement fédéral.

Le 6 novembre 2024, le chancelier Olaf Scholz désavoue le ministre des Finances, Christian Lindner, et demande au président fédéral Frank-Walter Steinmeier de le limoger, chose faite dès le lendemain. Or Christian Lindner dirige le FDP, le parti libéral. Son éviction entraîne la démission de deux autres ministres libéraux de la Justice et de l’Éducation. En revanche, le ministre des Transports et du Numérique reste en place et abandonne le FDP. C’est la fin d’une entente montée avec douleur trois ans plus tôt.

Aux législatives de 2021, le Bundestag se fragmente en six groupes. La coopération habituelle entre les sociaux-démocrates du SPD et les Verts n’assure pas une majorité. Les deux partenaires se tournent alors vers un troisième larron, le FDP. Après de longues et âpres négociations, les trois formations s’accordent, le 24 novembre 2021, sur un contrat commun de gouvernement. Les journalistes parlent de « coalition en feu tricolore » en raison des couleurs respectives des nouveaux alliés (rouge pour le SPD, vert pour les Grünen et jaune pour le FDP). Cette configuration politicienne est inédite dans l’histoire de l’Allemagne fédérale.

Jusqu’en novembre 2023 et en dépit de divergences fréquentes entre les Verts et les libéraux, le gouvernement « tricolore » se maintenait cahin-caha. Il y a un an, le Tribunal constitutionnel fédéral de Karlsruhe prononçait l’inconstitutionnalité partielle du budget 2023, un camouflet inédit dû à l’initiative de l’opposition démocrate-chrétienne. Le gouvernement Scholz avait en effet jonglé avec différents financements. Il utilisait sciemment un reliquat budgétaire de soixante milliards d’euros, destiné à l’origine à lutter contre le covid-19, afin d’alimenter un fonds destiné à la transformation de l'économie et au climat. Les magistrats critiquèrent la manœuvre et s’indignèrent d’une dépense réalisée entre janvier et octobre 2023 de plus de trente-et-un milliards d'euros sans que ces sommes n’apparaissent dans le budget légal. Le Tribunal constitutionnel interdisait par conséquent de transférer le reste du montant vers tout autre fonds. Sa décision entraînait en outre le gel de l’ensemble des nouveaux crédits de tous les ministères fédéraux inscrits dans ce budget retoqué. Karlsruhe annulait enfin les subventions massives au secteur industriel et aux plans de décarbonation chers aux Verts.

Les dissensions s’affichent au moment où une violente crise économique et sociale atteint la première puissance économique d’Europe, fragilisée par les retombées négatives des sanctions contre la Russie. SPD et Grünen cherchent en priorité à aider les secteurs économiques en difficulté notable. La préparation du budget 2024 devient laborieuse et pose un dilemme : augmenter les impôts ou bien diminuer les dépenses à moins que la coalition s’exonère provisoirement d’une règle débile, celle du « frein à l'endettement » inscrite dans la Loi fondamentale qui limite tout endettement à 0,35 % du PIB. Tenant acharné de cette règle, Christian Lindner se présente aussitôt en défenseur d’une stricte orthodoxie budgétaire, économique et financière. Le 1er novembre dernier, il adressait au chancelier et à leurs alliés une note longue d’une vingtaine de pages suggérant une réduction draconienne des aides, des subventions et des dépenses publiques, en particulier dans le domaine de la lutte contre le changement climatique. Le vice-chancelier et ministre Vert de l’Économie et du Climat, Robert Habeck, y vit dans cette proposition une véritable déclaration de guerre contre lui et son parti.

Désormais chef d’un gouvernement minoritaire, Olaf Scholz aurait souhaité poursuivre jusqu’aux législatives de septembre 2025. Toutefois, son opposition de pacotille, les démocrates-chrétiens de la CDU et les conservateurs de la CSU, rejette cette combine. Mis à l’écart par Angela Merkel au début de son règne calamiteux, le millionnaire Friedrich Merz qui a travaillé pour BlackRock, à la fois président de la CDU et de son groupe parlementaire, profite des circonstances pour rêver d’accéder à la chancellerie. En position de force, le centre-droit a fait pression sur Scholz afin qu’il pose la question de confiance au Bundestag. Prévu le 16 décembre prochain, le vote sera très certainement négatif. Dès lors, si les députés ne désignent pas entre-temps un nouveau chancelier selon la procédure de l’article 68, Frank-Walter Steinmeier aura vingt-et-un jours pour dissoudre le Bundestag. Les élections anticipées sont annoncées pour le 23 février 2025. L’Allemagne entre en campagne.

Les sondages annoncent la victoire de la CDU – CSU, mais sans bénéficier d’une majorité absolue impossible à obtenir en raison d’un mode de scrutin mixte et complexe. Par ailleurs, outre un SPD en forte baisse, les études d’opinion préviennent de la sortie probable de la prochaine législature du FDP et de Die Linke (la gauche radicale wokiste) qui stagneraient en dessous du seuil électoral fatidique de 5 %. Les projections électorales qui découlent de ces premiers aperçus prévoient une chambre partagée en cinq factions parlementaires (CDU – CSU, AfD, SPD, Grünen et BSW). Rappelons que BSW signifie l’Alliance Sahra Wagenknecht - Pour la raison et la justice dont le positionnement politique atypique pour un esprit français incarne un conservatisme pacifiste de gauche radicale anti-wokiste opposé à l’immigration de peuplement. L’excellent Lionel Baland y voit une résurgence assez manifeste d’un national-bolchevisme atténué.

Considérée comme le prochain gagnant, la CDU – CSU envisage déjà de gouverner soit avec le SPD dans une nouvelle « Grande Coalition » - mais les relations entre Scholz et Merz sont exécrables -, soit avec les Verts comme, à l’heure actuelle, en Autriche où cette alliance a permis aux nationaux-conservateurs du FPÖ d’arriver en tête aux législatives du 29 septembre 2024.

La période électorale qui commence sera déterminante pour l’avenir d’un pays en déclin avancé et pour l’ensemble du continent. En effet, quand l’Allemagne tousse, l’Europe s’enrhume.   

Salutations flibustières !

« Vigie d’un monde en ébullition », n° 135, mise en ligne le 27 novembre 2024 sur Radio Méridien Zéro.

10:32 Publié dans Georges Feltin-Tracol | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

vendredi, 22 novembre 2024

Le revenant

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Bien que Barack Obama ait félicité Donald Trump, l’ancien chef de l’État yankee de 2009 à 2017 doit encore le regretter. En 2011, à l’occasion du dîner annuel des correspondants de presse auprès de l’exécutif, il diffusa des images parodiques qui présentaient des aménagements extravagants de la Maison Blanche sous la présidence de Donald Trump. Ulcéré, l’entrepreneur new-yorkais maugréa, se leva et quitta la salle. Il n’apprécia pas la moquerie présidentielle. Obama se vengeait des insinuations de l’homme d’affaire concernant l’inauthenticité de son acte de naissance sur le sol des États-Unis. Ce soir-là, Donald Trump se jura d’entrer en politique au moment opportun.

Quand Donald Trump annonça sa candidature aux primaires républicaines le 16 juin 2015, la médiasphère s’esclaffa ! Les premiers sondages le créditaient de moins de 0,5 %, puis autour de 5 %. Personne ne se doutait alors qu’il deviendrait l’astre majeur de la vie politico-médiatique des États-Unis jusqu’en 2029. Battu en 2020, Donald Trump aurait pu se retirer. Mais son élection inattendue en 2016 lui attira la haine immédiate de l’Establishment, une haine aussitôt matérialisée par une kyrielle de persécutions judiciaires plus ou moins fallacieuses. Loin de le démotiver, ces attaques l’incitèrent à renouer avec un dessein présidentiel.

Enquêtes d’opinions et sondages prédisaient des résultats serrés le 5 novembre dernier. La médiastructure a oublié que trump signifie « atout », « emporter », « éclipser ». Les journalistes n’ont pas vu venir la déflagration électorale. Élu en 2016, battu en 2020, Donald Trump décroche un second mandat non consécutif. Ainsi rejoint-il le démocrate Grover Cleveland (1837 – 1908), 22e président entre 1885 et 1889 et 24e président de 1893 à 1897. Il perdit l’élection en 1888 face au républicain Benjamin Harrison.

Les conditions matérielles de cette victoire reviennent en premier lieu à une équipe investie, réactive et disciplinée. Surpris en 2016 par son élection, Donald Trump avait laissé les caciques du parti républicain s’occuper de l’administration à ses dépens. Ayant compris son énorme erreur, il a œuvré entre 2021 et 2023 à en prendre la direction. Sa réélection représente un fantastique camouflet pour l’ancienne élue belliciste et capricieuse, Liz Cheney, et pour son père, Dick Cheney, le grand criminel de guerre, vice-président de George Bush fils de 2001 à 2009. Ces deux-là, faucons néo-conservateurs, globalistes et libre-échangistes, ont préféré le duo Harris – Walz.

L’organisation pratique de l’équipe de Trump a reposé sur le savoir-faire de ses co-directeurs, Chris LaCivita et Susie Wiles. Qualifié de misogyne, le supposé phallocrate réélu a désigné cette dernière chef de cabinet de la Maison Blanche. Susie Wiles sera la première femme de l’histoire à occuper cette fonction équivalente en France au secrétaire général de l’Élysée et à la supervision d’un gouvernement qui, en régime présidentiel, ignore toute solidarité ministérielle.

Faut-il pour autant parler d’une vague rouge trumpiste ? Pour la première fois depuis 2004, un candidat républicain remporte le vote populaire. Selon les dernières informations, Donald Trump rassemble 75 864 226 voix (50,06 %) et Kamala Harris 72 861 845 bulletins (48,08 %). En 2016, Trump réalisait 62 984 828 voix (46,09 %) et Hillary Clinton 65 853 514 bulletins (48,11 %). En 2020, Trump obtenait 74 223 975 voix (46,85 %) et Joe Biden 81 283 501 voix (51,31 %). Les tierces candidatures font sur huit ans des résultats négligeables. On constate qu’entre 2020 et 2024, 1 640 251 suffrages supplémentaires en faveur de Trump alors que dans le même temps, la candidate démocrate perd environ huit millions et demi de voix ! L’absence de liste électorale fédérale au sens que l’on entend en France rend malaisée toute explication rationnelle sur cette incroyable déperdition. En 2020, en raison du cirque covidien, le recours massif au vote par correspondance a perturbé la réalité électorale et favorisé les manipulations. Il serait bien que les spécialistes se penchent sur cette surprenante évaporation à moins que le tandem Biden – Harris soit l’auteur d’un génocide occulté…

Quand bien même les républicains retrouvent la Maison Blanche, influencent la Cour suprême, regagnent la majorité au Sénat et la conservent à la Chambre des représentants, il ne faut surtout pas croire que cette victoire constitue un triomphe libéral – conservateur total. Après l’élection au Sénat en 2018 de l’ancienne démocrate de l’Arizona Krysten Sinema ouvertement bisexuelle qui ne se représentait pas cette année, les électeurs démocrates du Delaware viennent d’envoyer à la Chambre des représentants la transgenre Sarah McBride. Dix référendums dans les États fédérés abordaient le sujet de l’avortement. Les électeurs de sept États (Missouri, Montana, Arizona, Nevada, etc.) ont approuvé l’inscription de l’IVG dans leur constitution respective. Seuls le Dakota du Sud, la Floride et le Nebraska ont rejeté cette légalisation. Par ailleurs, la question du salaire minimum a aussi fait l’objet de référendums en Californie, en Alaska et dans le Missouri. Il serait augmenté dans ces deux derniers États. Enfin, un démocrate remporte le poste de gouverneur dans un État-pivot, la Caroline du Nord gagné par Trump.

Le succès de Donald Trump valide en tout cas le point de vue de deux réprouvés de la scène étatsunienne. Hostile au libre-échange, l’homme d’affaire indépendant texan, feu Ross Perot, bénéficia en 1992 de 19 743 821 voix, puis de 8 085 294 voix en 1996. Contempteur des interventions militaires extérieures, le républicain paléo-conservateur Pat Buchanan fut candidat aux primaires en 1992 (2 899 488 suffrages) et en 1996 (3 184 943 voix), et, enfin, à la présidentielle de 2000 (449 895 voix).

En 2016, l’Alt Right bénéficia des retombées médiatiques de l’élection imprévue de Donald Trump. Contrairement à ce que clame le système médiatique d’occupation mentale qui y voit un nouveau succès des suprémacistes leucodermes, des sionistes chrétiens, des identitaires euro-américains et des évangéliques, le retour au Bureau ovale de Trump confirme surtout la montée en puissance de la pensée post-libérale dont la figure politique la plus connue est désormais le prochain vice-président James David Vance. Marié à une femme originaire d’Inde, Usha Chilukuri, JD Vance s’est converti au catholicisme sous l’influence de saint Augustin. La question du travail au regard de la doctrine sociale de l’Église romaine le préoccupe beaucoup. En privilégiant les thèmes économiques et sociaux liés à la mondialisation plutôt que les sujets sociétaux monopolisés par les démocrates, le duo Trump – Vance a su coaliser sur lui les catégories populaires délaissées et les classes moyennes déclassées. Maints électeurs démocrates ont sciemment choisi Trump et redeviennent, quatre décennies plus tard, des « chiens bleus », c’est-à-dire des démocrates naguère reaganiens. Cette configuration électorale rappelle celle des législatives de décembre 2019 en Grande-Bretagne quand les tories de Boris Johnson remportaient des circonscriptions historiquement travaillistes. 

Le retour tonitruant de Donald Trump risque de donner en France des idées à deux personnalités politiques. Heureux d’avoir retrouvé son siège de député de Corrèze par la grâce de la dissolution, François Hollande prépare sa candidature à la présidentielle de 2027. Il entend laver l’affront de ne s’être pas présenté dix ans auparavant. Toutefois, le créneau social-démocrate est déjà bien encombré avec les concurrences éventuelles de Raphaël « CIA » Glucksmann, de Bernard Cazeneuve, voire de François Ruffin. Dans l’impossibilité constitutionnelle de se représenter en 2027, Emmanuel Macron penserait-il dès à présent à 2032 ? Il n’aura que 54 ans, une relative jeunesse dans un monde de plus en plus sénile.

Salutations flibustières !

« Vigie d’un monde en ébullition », n°134, mise en ligne le 20 novembre 2024.

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vendredi, 15 novembre 2024

Électeur du berceau jusqu’au cercueil

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Le « Camp du Bien » autoproclamé cherche sans cesse à inventer et à étendre des droits pour l’individu. Cet activisme vire souvent en réclamations sinon grotesques, pour le moins farfelues. Le court essai de Clémentine Beauvais en est un exemple édifiant.

Cette dame enseigne les sciences de l’éducation à l’université britannique de York. Considérées comme une science « molle », c’est-à-dire sans protocole empirique rigoureux, aux prétentions didactiques excessives, les soi-disant sciences de l’éducation mobilisent des apports en psychologie, en histoire de la scolarité, en sociologie, en études du comportement humain et en pédagogie. Elle s’inscrivent dans une évidente charlatanerie postmoderniste. Leurs théoriciens et leurs praticiens correspondent pour leur part aux fameux médecins des pièces de théâtre de Molière.

Clémentine Beauvais avoue volontiers grenouiller « de longue date dans les milieux progressistes ». Elle use toutefois avec parcimonie de l’écriture inclusive. En publiant dans la collection « Tracts » Pour le droit de vote dès la naissance (n° 59, Gallimard, 2024, 3,90 €), elle entend lancer un débat institutionnel sur une discrimination généralisée. Elle réclame en effet l’« abolition totale, pour toutes les élections, de la limite d’âge ». Elle souhaite une évolution des institutions et des usages politiques qui assurent enfin le vote de « tous les êtres humains, c’est-à-dire les bébés, enfants et adolescents ». Elle estime que « l’exclusion des enfants du suffrage “ universel “ met les régimes démocratiques en incohérence par rapport à leurs propres principes d’égalité ». Elle ne supporte pas qu’une barrière d’âge affecte le plein exercice de la citoyenneté élargie.

L’autrice ne rappelle pas que des États démocratiques libéraux bourgeois ont abaissé à seize ans le droit de vote. La Belgique s’y est risquée pour les élections européennes de juin 2024. Pour les élections générales, on peut citer le Brésil, l’Équateur, l’Autriche, Cuba, Malte, le Nicaragua et l’Argentine. C’est possible en Écosse pour les scrutins locaux. Clémentine Beauvais veut que les enfants votent comme leurs parents. Elle ne s’attarde pas cependant sur les modalités pratiques pour l’application de ce nouveau droit auprès des nouveaux électeurs dont les nouveaux-nés. Lors du Championnat d’Europe en 2008 et de la Coupe du monde de balle au pied en Afrique du Sud en 2010, Paul le poulpe prédisait l’équipe victorieuse. L’expérience serait-elle reproductible avec un bambin ?

Clémentine Beauvais récuse en revanche tout projet qui pondérerait chaque bulletin de vote en fonction de l’âge de l’électeur. Inquiets du vieillissement de la population en Occident et d’une inclination plus ou moins conservatrice – ce qui reste à démontrer -, certains cénacles proposent qu’un jeune électeur ait une triple ou quadruple voix et son aïeul centenaire un quart de voix… L’autrice refuse en outre le choix même du vote par procuration. Elle exprime ici son désaccord avec John Wall, le principal théoricien de cette revendication civique. qui suggère que « chaque parent disposerait d’une demi-voix supplémentaire par enfant (une voix entière dans le cas des parents célibataires) ».

L’autrice veut conserver le cadre individualiste et égalitaire de la participation électorale. Sa démarche s’ouvre à tous les poncifs wokistes. Ainsi offre-t-elle une « réflexion […] démocratique, consultative, collective (et de préférence, festive) ». Mieux encore, elle se félicite  que l’électeur moyen soit incompétent. Par la force d’une quelconque « main invisible », « c’est à la fois grâce à et malgré la potentielle incompétence des électeurs que le vote est démocratique. » Elle jubile d’assister au déficit abyssal des finances publiques hexagonales, dégradation qui provient de l’extraordinaire alliance des électeurs abrutis et des bureaucrates dépensiers.

Si les adultes sont capables de commettre collectivement de formidables erreurs, les mineurs risquent d’aggraver le pire, en particulier les nouvelles générations décérébrées qui sont plus que jamais toxiques et nocives. Plutôt que de bénéficier en cas d’infractions des circonstances atténuantes et de l’excuse de minorité, les voyous mineurs devraient recevoir les circonstances aggravantes. L’enfant et, surtout, l’adolescent sont par essence des tyrans domestiques qu’il importe de dresser sans aucun ménagement. Clémentine Beauvais nie cette réalité. Cela ne l’empêche pas d’évoquer « une éducation démocratique populaire véritablement inclusive ». Pour elle, « ces risques sont gérables avec un accompagnement éducatif adapté ». Que faut-il comprendre ? L’instauration de cours obligatoires de propagande cosmopolite sous couvert d’éducation morale et civique ? L’intervention dans les salles de classe de commissaires politiques responsables de a formation préalable des consciences juvéniles ? Elle imagine même « des comités citoyens chargés de s’assurer que tous les enfants qui veulent voter puissent le faire ». Ces comités orienteraient très certainement le vote des jeunes électeurs dans la bonne direction.

D’après l’autrice, l’existence quotidienne des enfants est politique. Elle va jusqu’à mentionner le sort du « fœtus par GPA ». Mais le fœtus qu’on s’apprête à avorter n’aurait-il pas lui aussi une part politique indiscutable ? Ce raisonnement spécieux s’apparente aux revendications de certains syndicats étudiants qui veulent qu’aux examens, tant partiels qu’en fin d’année universitaire, toute copie reçoive dès le départ la note minimale de dix sur vingt. À quoi bon organiser des examens ? Les méfaits intrinsèques de l’égalitarisme touchent tous les domaines.

Sans surprise, Clémentine Beauvais s’oppose au vote plural familial. En Espagne du Caudillo Franco et au Portugal du président Salazar, deux démocraties organiques imparfaites et incomplètes, les pères de famille disposaient d’un suffrage supplémentaire. A-t-elle pris connaissance de La famille doit voter. Le suffrage familial contre le vote individuel de Jean-Yves Le Naour avec Catherine Valenti (Hachette, 2005) ? La promotion du vote familial est très ancienne en France. Jusqu’en 2007, le programme du Front national de Jean-Marie Le Pen le proposait avec force et avec raison à la condition que s’applique dans son intégralité le droit du sang en matière de nationalité. Là encore, le « Menhir » anticipait les aspirations du prochain demi-siècle.

De manière plus pragmatique, l’extension aux moins de 18 ans du droit de vote serait un magnifique prétexte pour accorder ensuite ce même droit à tous les étrangers, y compris aux clandestins, voire aux touristes et aux passagers en transit sur le sol français. L’autrice ne cache d’ailleurs pas que l’actuelle universalité des bulletins de vote constitue un mensonge puisque « ce terme d’universel exclut aussi tout ce qui n’est pas humain ». Outre les animaux dont les insectes et les lombrics, il faut permettre aux plantes, aux rivières, à l’air et même à la planète de s’exprimer. Galéjade ? Nullement ! La Bolivie, l’Équateur, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, l’Union indienne reconnaissent déjà des droits juridiques inaliénables à des cours d’eau, à des forêts et à des glaciers. Pourquoi alors s’arrêter en si bon chemin ? Le domicile, la voiture, le lave-vaisselle, le téléviseur, le téléphone, l’ordinateur ou l’imprimante devraient eux aussi recevoir de nouveaux droits en attendant l’émancipation légale des cyborgs, des androïdes et des robots. Oui, la trottinette électrique du Bo-Bo métropolitain n’est plus un objet matériel, mais un sujet de droit extra-vivant !

L’extension du suffrage dit universel à de nouveaux groupes d’électeurs prouve son inutilité. Les élections ne sont qu’une diversion. Quand ils ne sont pas tronqués, truqués ou falsifiés, les résultats ne sont guère pris en compte. Les électeurs choisissent en faveur du changement qui ne se réalise pas dans le présent paradigme. Qu’importe donc que bébé vote, l’État profond s’en moque finalement !

La démocratie individualiste égalitaire moderne atteint ici ses limites conceptuelles. Le temps des tribus et des identités collectives qui s’affirme dorénavant sera plus communautaire et organique. Des pratiques pré-modernes fort bien décrites par Olivier Christin dans Vox populi. Une histoire du vote avant le suffrage universel (Le Seuil, 2014) attendent leur ré-introduction au sein d’Althing plus ou moins informels. L’isoloir n’entravera pas la circulation et le renouvellement nécessaire d’une aristocratie populaire impériale et républicaine, française et européenne.  

Salutations flibustières !

« Vigie d’un monde en ébullition », n°133, mise en ligne le 13 novembre.

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vendredi, 08 novembre 2024

Demain une guerre civile larvée outre-Atlantique ?

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Article écrit avant les élections de mardi dernier.

Au moment où sera mise en ligne la présente chronique, des millions d’électeurs des États-Unis auront donné leur voix à l’un des quinze candidats à l’élection présidentielle dont les favoris se nomment Kamala Harris et Donald Trump. La proclamation décentralisée des résultats finaux se déroulera-t-elle avec sérénité ? Difficile de le penser tant les enjeux sont cruciaux.

La médiasphère conforme s’inquiète déjà des éventuelles contestations du scrutin par l’entourage d’un ou des protagonistes. Elle martèle volontiers que l’annonce des résultats susciterait des réactions violentes au sein des « ordures », c’est-à-dire des électeurs de Trump désignés ainsi avec une rare classe par un Joe Biden de plus en plus sénile. En cas de victoire de sa vice-présidente, il est envisageable qu’elle remplace le grand-père gâteux de la Maison Blanche avant la fin de l’année 2024.

La crainte de violences instillées par le système médiatique d’occupation mentale participe à la théâtralisation dramatique des opérations de vote. En effet, maints essais, articles et reportages radio-télévisés mentionnent une ambiance de pré-guerre civile, quel que soit d’ailleurs le vainqueur final. Faut-il vraiment croire que la première puissance mondiale serait à la veille d’une nouvelle guerre de sécession ?

Non ! Les nouvelles « Tuniques bleues » du Nord ne combattront pas les nouveaux « Ventres gris » de Dixie. Les possibles tensions n’auraient pas une audience nationale, surtout si la censure s’exerce sur les réseaux sociaux et sur Internet. Les éventuelles violences se concentreraient sur les échelles individuelle, familiale, communautaire ainsi qu’au niveau des comtés. La garde nationale de Floride ne luttera pas contre la garde nationale de Californie. Hormis la sanglante Guerre entre les États (1861 – 1865), la conflictualité aux États-Unis s’opère à un niveau territorial plus restreint. L’historien de gauche Howard Zinn en apporte des preuves dans son Histoire populaire des États-Unis (2003).

Les guerres contre les tribus amérindiennes ne cessent pas au début du XXe siècle. Elles se poursuivent à l’occasion de manœuvres activistes radicales concertées. Du 27 février au 8 mai 1973, le FBI assiège la réserve amérindienne de Wounded Knee dans le Dakota du Sud. En 1890, la cavalerie étatsunienne y massacra plus de trois cents Amérindiens. Des activistes de l’AIM (Mouvement indien américain) exigent l’application complète des traités signés avec la Maison Blanche. On dénombre deux morts. En août 1979, des agents du FBI tuent deux autres Amérindiens dans la réserve d’Akwesasne.

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samedi, 02 novembre 2024

Complexités moldaves

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

On trouve en Europe orientale un État qui ne devrait pas exister et qui existe pourtant, suite aux facéties tragiques de l’histoire. Naguère désigné comme la Bessarabie du Moyen Âge à 1944, car situé sur la rive occidentale du Dniestr, ce territoire convoité tour à tour par la Russie, l’Empire ottoman et, plus tard, la Roumanie s’appelle aujourd’hui la Moldavie qu’il ne faut surtout pas confondre avec une région historique éponyme, l’une des matrices de la nation roumaine qui s’étendait des Carpates orientales aux berges du Prout. D’une superficie de 33.700 km², cette ancienne république soviétique, la plus pauvre d’Europe, d’où une très forte émigration, partage 450 km de frontières avec la Roumanie, et une frontière commune longue de 940 km avec l’Ukraine.

À la fin de l’ère médiévale, la Bessarabie devient une province tributaire de la Sublime Porte. Le traité de Bucarest de 1812 accorde la région comprise entre le Prout et le Dniestr à l’Empire russe qui concède néanmoins des portions territoriales en faveur des Ottomans et des Roumains au lendemain de la guerre de Crimée dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Les troubles révolutionnaires de 1917 en Russie se répercutent en Bessarabie. Outre le conflit entre bolcheviks et contre-révolutionnaires, les Bessarabiens se divisent aussi entre quelques indépendantistes, des partisans du maintien dans la Russie, les tenants d’un rattachement à l’Ukraine et les chantres de l’union avec la Roumanie, car Bessarabiens et Roumains parlent la même langue latine, le roumain. Le 27 mars 1918, l’Assemblée nationale de Bessarabie proclame l’indépendance. Le 9 avril suivant, la même assemblée réclame l’intervention militaire de Bucarest et adopte l’union de la Bessarabie à la Roumanie. Les Alliés vainqueurs entérinent ce fait accompli le 28 octobre 1920 malgré les protestations de la Russie bolchevique et le refus des États-Unis d’Amérique d’approuver ce rattachement. La Bessarabie roumaine s’organisent en neuf départements. En réaction, en octobre 1924, Moscou fonde au sein de la république socialiste soviétique d’Ukraine, la république autonome de Moldavie installée sur la rive orientale du Dniestr. Conséquence du pacte germano-soviétique de non-agression du 23 août 1939, l’URSS exige par ultimatum en juin 1940 à Bucarest la Bessarabie et la Bucovine du Nord. Toute la Bessarabie passe sous tutelle soviétique. Mais l’opération Barbarossa du 22 juin 1941 permet à la Roumanie, alliée de l’Axe, de reconquérir les territoires perdus et d’avancer jusqu’à Odessa. La défaite allemande de 1945 redonne la Bessarabie à l’URSS qui fonde la république socialiste soviétique de Moldavie. Moscou se dépêche d’y installer des populations russophones et ukrainiennes et y impose une politique socialiste. Par exemple, le moldave est une langue roumaine russifiée rédigée en alphabet cyrillique.

La société soviétique moldave devient dès lors composite. Le recensement de 2014 indique 81 % de Moldaves de langue roumaine, 6,5 % d’Ukrainiens, 4,5 % de Gagaouzes, 4 % de Russes et 2 % de Bulgares. Les Gagaouzes sont des chrétiens orthodoxes fidèles au patriarcat de Moscou et de langue turcique écrite en alphabet latin.

La proclamation de l’indépendance de la Moldavie, le 27 août 1991, cristallise les tensions ethniques. En effet, les dirigeants moldaves aspirent à rejoindre la Roumanie à peine émancipée dans des conditions plus que douteuses de la tutelle nationale-communiste. Or les non-roumanophones rejettent cette perspective en favorisant deux sécessions territoriales. Russophones et Ukrainiens créent la Transnistrie, un État-fantôme qui conserve les attributs du soviétisme et où stationnent 1.500 soldats russes. Les Gagaouzes cherchent à se séparer de l’ensemble moldave, quitte à former des exclaves liées à la Fédération de Russie. Si le cas transnistrien est un exemple de conflit gelé, la communauté gagaouze a finalement obtenu le statut de république autonome (capitale : Komrat) constituée de quatre territoires non contigus rassemblés en trois districts administratifs.

À ces tensions ethnopolitiques plus ou moins latentes s’ajoutent des tiraillements géopolitiques entre un tropisme russe assez marqué chez les minorités linguistiques dont les Gagaouzes, et l’attrait occidental (Union pseudo-européenne, hégémonie yankee et grand espace euro-atlantiste) fort chez les élites moldaves roumanophones. Il faut enfin évoquer les violentes intrigues entre les différents oligarques locaux. Parmi eux signalons Vladimir Plahotniuc accusé d’avoir détourné un milliard de dollars et d’avoir corrompu toute la classe politique ou son adversaire, Ilan Shor. Né en 1987 à Tel Aviv – Jaffa en Israël, c’est un banquier israélo-moldave et aussi russe qui fait de la politique. Frappé de sanctions personnelles par Washington en octobre 2022, puis par l’Union pseudo-européenne en 2023, il s’enfuit en Russie dès 2019 d’où il anime son propre mouvement politique, le Parti Shor, qu’il met en ordre de marche pour les législatives à venir.

Cette longue digression politico-historique s’imposait pour comprendre la situation politique actuelle. Le 20 octobre dernier, la Moldavie organisait un double scrutin le même jour, à savoir le premier tour de l’élection présidentielle et un référendum sur l’inscription dans la constitution sous la forme d’un titre V et d’un article 140 de l’objectif d’adhésion à l’Union dite européenne en attendant de rejoindre l’OTAN malgré la neutralité inscrite dans cette même constitution. En dépit d’une abstention de 48,32 %, le référendum est validé puisqu’il mobilise plus du tiers des électeurs inscrits. Le oui gagne à 50,39 % grâce au vote des expatriés. L’attraction de l’UE s’émousse fortement auprès de populations restées conservatrices.

La seconde « douche froide » concerne les résultats du premier tour de la présidentielle. Les commentateurs occidentaux pariaient et parlaient d’une réélection dès le premier tour de la présidente sortante Maia Sandu. Patatras ! L’ancienne première ministresse pendant moins de six mois en 2019 récolte 42,45 %. Elle se présente au second tour sans de grandes réserves de voix. Son adversaire d’origine gagaouze russophone et détenteur de la nationalité roumaine, Alexandre Stoianoglo, candidat du Parti socialiste de la république de Moldavie, obtient 25,98 %. Il pourrait bénéficier du report des suffrages des autres candidats, en particulier de l’homme d’affaires conservateur Renato Usatîi (13,79 %) et d’Irina Vlah (5,38 %), gouverneure de la Gagaouzie entre 2015 et 2023.

Les élections moldaves font l’objet d’une interprétation complotiste gouvernementale. La présidente sortante accuse Moscou d’avoir acheté 150.000 voix moldaves. Mais comment expliquer alors une si forte abstention (48,42 %) ? En Occident, le système médiatique d’occupation mentale insiste sur le caractère pro-russe d’Alexandre Stoianoglo. L’ancien procureur général l’est tellement qu’il a condamné l’invasion de l’Ukraine et l’annexion de la Crimée. Par ailleurs, sa fille travaille ou a travaillé encore récemment à la Banque centrale européenne à Francfort. Les plus informés "savent" que la BCE est un repaire d’agents aux ordres du Kremlin"…

À l’instar d’autres ensembles étatiques d’Europe centrale, balkanique et orientale, la Moldavie est un cas très complexe. Sans ressources naturelles stratégiques vitales pour les grandes puissances mondiales, les influences variées qui s’y jouent démontrent en tout cas la primauté du politique sur l’économique.     

Salutations flibustières !

• « Vigie d’un monde en ébullition », n°131, mise en ligne le 29 octobre 2024.

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vendredi, 25 octobre 2024

L’Outre-mer ne répond plus

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

En 1976, Jean-Claude Guillebaud publiait aux éditions du Seuil dans la collection « L’histoire immédiate » Les confettis de l’empire. Son enquête portait sur les derniers vestiges de l’ancien empire colonial français, à savoir les possessions ultra-marines bientôt dénommées DOM–TOM (départements et territoires d’Outre-mer).

Hormis l’Asie, la France est présente sur tous les autres continents sous la forme insulaire, à l’exception de la Guyane en Amérique du Sud et de la Terre-Adélie en Antarctique. Par le jeu des ZEE (zones économiques exclusives), Paris détient derrière les États-Unis d’Amérique le deuxième domaine maritime mondial. À l’encontre d’une idée reçue, ce n’est pas la Fédération de Russie qui compte le plus grand nombre de fuseaux horaires (onze continus), mais la France avec treize (discontinus) !

Ce constat contredit par conséquent la vision d’une France « tellurocratique ». Elle détient de solides atouts en matière de thalassopolitique. Pour combien de temps encore ? En effet, la présence d’Emmanuel Macron bouleverse la donne en Outre-mer. Longtemps chasse gardée de la gauche socialo-communiste et des gaullistes (Michel Debré, maire d’Amboise en Indre-et-Loire est de 1963 à 1988 député de La Réunion), les territoires ultra-marins adoptent une variété de pratiques protestataires. Au moment des Gilets Jaunes en 2018–2019, La Réunion dans l’océan Indien et l’archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon dans l’Atlantique Nord deviennent des foyers virulents des revendications. Pendant la crise covidienne, la Martinique et la Guadeloupe se caractérisent par un taux élevé de refus de vaccination des personnels soignants qui perdent leur travail. L’élection présidentielle de 2022 confirme l’adhésion des populations locales aux candidats d’opposition. Au premier tour, Jean-Luc Mélenchon arrive en tête en Martinique (53,10 %), en Guadeloupe (56,16 %), en Guyane (50,59 %) ou à La Réunion (40,26 %). Au second tour, Marine Le Pen remporte 69,60 % en Guadeloupe, 60,87 % en Martinique, 59,56 % à La Réunion, 55,42 % à Saint-Martin et Saint-Barthélémy ou 59,10 % à Mayotte.

Aux législatives de 2022, les Antilles envoient plusieurs élus qui siègent ensuite au GDR (Groupe républicain et démocrate) aux côtés des communistes ou au groupe centriste charnière LIOT (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires). Ainsi la Polynésie française élit-elle trois députés indépendantistes. Les législatives anticipées de 2024 confirment cette tendance même si les indépendantistes polynésiens perdent deux sièges au profit des autonomistes et des macronistes. Les deux premiers députés du Rassemblement national proviennent de Mayotte et de La Réunion.

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vendredi, 18 octobre 2024

Le dessein légionnaire

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Jeune trentenaire originaire des Alpes, Rodolphe Cart collabore à Éléments, à Front Populaire de Michel Onfray et à Omerta du journaliste-baroudeur Régis Le Sommier. Déjà auteur d’une courte biographie sur Georges Sorel et d’un pamphlet contre les identitaires regroupés autour de Daniel Conversano, il signe aux éditions Hétairie son premier essai, un ouvrage de combat percutant.

On lit sur la couverture Faire Légion. Pour un réveil des autochtones (Editions Hétairie, 2024, 180 p., 18 €), sous-titre qu’on ne retrouve pas en page intérieure, remplacé par un éclairant « Une jeunesse face au déclin ». Cet autre intitulé plus explicite indique que l’auteur s’adresse en priorité à sa génération et aux classes d’âge proche. Le ton y est énergique, enthousiaste et catégorique. Dans un monde sans valeur où tout s’équivaut, Rodolphe Cart pose les jalons théoriques d’un réveil souverainiste, conservateur, nationaliste et populaire. Ce sursaut nécessite cependant l’avènement d’un esprit martial, activiste et combattant qu’il nomme « légionnaire ».

Bien que rédacteur au magazine des idées qui soutient et valorise la civilisation européenne, Rodolphe Cart veut qu’à travers cette implication totale, ses compatriotes retrouvent une « France primitive » et se placent sous le patronage de « la déesse France ». L’auteur cite souvent Charles Péguy. Pourquoi n’emploie-t-il pas « Notre-Dame la France » plutôt que l’expression maurrassienne ? Il s’agit pour lui d’assurer « la personnification du mythe de la nation – comme Jeanne d’Arc et même Marianne ont pu l’être. Dans l’ordre de l’Être, la déesse France est inférieure à l’homme car l’homme est une substance; mais dans l’ordre de l’Agir, de la morale et du politique, la nation est supérieure à l’homme comme le tout est supérieur à la partie ». Il ne cache pas ses intentions holistes, intentions hautement révolutionnaires par ces temps d’hyperindividualisme égotiste exacerbé.

Le réveil national français passe d’après lui par le mythe légionnaire, un « mythe nationaliste, et non européiste, racialiste ou occidentaliste », précise-t-il. Sa formation s’accompagne de « la valorisation conservatrice, prélibérale et nationaliste d’un nouvel ordre social ». À l’instar de Georges Sorel, principal théoricien du mythe mobilisateur de la « grève générale » (qui ne s’est jamais produite), l’auteur de Faire Légion considère que son « mythe légionnaire est […] un mythe vitaliste par ce souci de la fécondation et de la succession des générations, par la reconnaissance du devoir qu’a une communauté de persévérer dans son être propre, par la mise en place d’une politique visant à son indépendance vis-à-vis de toute ingérence extérieure ou de tentative de déstabilisation intérieure ».

Sachant que nous vivons au milieu des ruines, Rodolphe Cart souligne que son « mythe légionnaire défend dans un même mouvement la souveraineté et l’identité de la France ». Mais quelle identité ? Celle, revancharde conçue sous la IIIe République sur l’ethnocide des cultures vernaculaires dites régionales ou bien celle, bigarrée et chatoyante, qui s’est épanouie sur le substrat indo-européen et qui s’est déclinée en variantes locales, historiques et continentales au cours de l’histoire ? L’interrogation se pose d’autant qu’il affirme que « l’État prime sur les classes et sur les races ». L’État légionnaire – allusion subtile à la Garde de Fer roumaine de Corneliu Codreanu ? – a la vocation de « refaire un peuple ». Ainsi assène-t-il avec raison et conviction que   « tout ce qui est social est national ».

Rodolphe Cart veut donc la France seule. S’il exclut ouvertement tout projet altereuropéen, son point de vue se confine toutefois au seul cadre hexagonal. Pourquoi n’évoque-t-il pas la dimension planétaire de la France ? Que pense-t-il des territoires d’outre-mer ? Souhaite-t-il accorder l’indépendance à ces ultimes vestiges de l’ancien empire colonial ou les envisage-t-il en pivots régionaux d’une puissance française rénovée ? Par ailleurs, Rodolphe Cart est en train de sortir une enquête sur l’emprise dangereuse des néo-conservateurs bellicistes en France. Par-delà la francophonie, facteur commode d’immigration de peuplement, ses travaux prendraient une plus grande densité en incitant à la renaissance impérieuse de la francité. Un État légionnaire français pourrait-il vraiment ignorer le destin héroïque et menacé de ces peuples issus de l’ethnie celtique – franque - normande installés en Amérique du Nord (les Québécois, les Acadiens, les « Bois Brûlés » du Grand Ouest) ?

Avec la fougue propre à la jeunesse, Rodolphe Cart part à l’assaut de ce « monde vétuste et sans joie ». Au lieu de s’enfermer dans sa tour d’ivoire, il n’a pas hésité à être le suppléant de Mélody de Witte, la candidate du Rassemblement national (RN) dans la deuxième circonscription de Paris, fief ingagnable pour l’Opposition nationale, lors des législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet 2024. Son engagement électoral lui a valu en retour un article fielleux et outrancier de la part d’une plumitive de CaniveauPress (ô pardon – StreetPress !), un bidule gauchiste subventionné, expert dans la délation en ligne sous prétexte de pourchasser un fascisme imaginaire. Toujours en quête de dédiabolisation, les caciques du RN risqueraient de ne point apprécier Faire Légion, trop radical à leurs petits yeux fragiles. Peu lui chaut !

Rodolphe Cart apporte des solutions toniques. Il doit maintenant les approfondir, les améliorer et les affiner, surtout s’il ne veut pas que son nationalisme légionnaire finisse dans une impasse conceptuelle. Qu’il fasse donc sa mutation métapolitique ! Promouvoir l’esprit légionnaire, d’accord, mais au sein de la forteresse Europe !

Salutations flibustières !  

• « Vigie d’un monde en ébullition », n°129, mise en ligne le 15 octobre

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dimanche, 13 octobre 2024

Un avenir réservé

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Vigie d’un monde en ébullition, n° 128, mis en ligne le 9 octobre 2024 sur Radio Méridien Zéro.

Georges Feltin-Tracol

Début septembre, une fois la période des vacances estivales achevée, la SNCF (Société nationale des chemins de fer français) a décidé de pénaliser par de lourdes amendes tout client en cas de surcharge de bagage. La mesure s’inspire des compagnies aériennes qui limitent de manière draconienne le volume maximal à transporter. Désormais, les TGV et les Intercités n’acceptent plus que deux valises de taille moyenne et un petit bagage à main pour chaque voyageur. Les contrôleurs vérifieront, car ils reçoivent sur toutes les amendes dressées une rétribution au pourcentage. On comprend mieux pourquoi cette catégorie professionnelle réclame toujours plus de personnel afin de garantir une meilleure sécurité à bord. Cette revendication est une déplorable plaisanterie de la part des syndiqués de la CGT et de SUD-Rail, organisations qui terrorisent l’économie et qui dénoncent sans cesse toute mesurette répressive à l’encontre de la racaille…

Il faut cependant reconnaître que bien des contrôleurs s’affligent des aberrations manifestes de leur entreprise. De nombreuses gares en campagne ne possèdent plus de guichet ou ne disposent que d’un automate peu maniable. En outre, il devient impossible de prendre un billet sur Internet au dernier moment, car le TER (Train Express Régional – l’équivalent du Transilien en Île-de-France) affiche complet, ce qui est faux. À tout voyageur sans billet de bonne foi, les contrôleurs regrettent d’appliquer le prix du trajet avec une majoration. Leurs appareils ne sont pas prévus pour s’adapter aux situations particulières. Ubu côtoie Kafka.

Longtemps entreprise – modèle du savoir-faire français, la SNCF n’est plus que l’ombre d’elle-même, victime des politiques libérales en matière de transports sous les injonctions des bouffons eurocratiques de Bruxelles et de la mainmise syndicale CGT-SUD. Elle souffre par ailleurs de la présidence désastreuse de Guillaume Pépy de 2015 à 2019 après un premier mandat entre 2008 et 2014. Ce bureaucrate l’a transformée en EasyJet terrestre guère fiable. Les gestionnaires à œillères de la compagnie ferroviaire ne cherchent qu’à fermer les petites lignes comme le réclament aussi les fumeux experts de l’IFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) qui rêvent de tout privatiser.

La réouverture des trains de nuit aurait pu s’apparenter à une relance audacieuse de l’ambition ferroviaire si le public ne s’en détournait pas pour des motifs de temps de parcours trop longs et des conditions matérielles plus ou moins sommaires. Le train demeure un excellent facteur d’aménagement du territoire tant à l’échelle régionale qu’aux échelles française et continentale. À quand donc des lignes à grande vitesse entre Lisbonne et Varsovie, voire Minsk et Moscou, en passant par Madrid, Paris, Bruxelles et Berlin ?

Plus prosaïquement, cet été, une polémique concerna le TER qui dépend en partie des conseils régionaux, organisateurs de leurs lignes en concertation avec la SNCF. Suivant l’exemple en cours depuis juillet 2022 en région Normandie présidée par le centriste Hervé Morin, la région Grand-Est du macroniste de droite molle Franck Leroy, président entre autres du conseil d'administration de l’AFIT France (Agence de financement des infrastructures de transport de France) a mis en place une réservation gratuite obligatoire sur les lignes Paris-Troyes-Mulhouse et Paris-Châlons-Strasbourg. Il faut s’empresser de préciser que, pour l’instant, 25 % des places restent accessibles sans réservation. On peut imaginer qu’à moyen terme, ce système rigide deviendra payant au même titre que les TGV et les Intercités.

À l’instar du Transilien, le TER contribue au transport quotidien, en particulier pour les migrants pendulaires. En géographie sociale, une mobilité pendulaire désigne le déplacement journalier aller – retour entre son domicile et son lieu de travail, peu importe la manière de se déplacer (train, voiture, tramway, métro, bus). Sait-on qu’en dehors de la région parisienne, la ligne de train la plus fréquentée de France se trouve en Auvergne-Rhône-Alpes entre Lyon et Saint-Étienne ?

La justification fallacieuse de la réservation obligatoire en TER serait la nécessité de mieux répartir l’affluence aux heures pleines. Faudrait-il se rendre au bureau ou dans sa boutique à 9 h, voire à 10 h ? Il y a trente ans, un établissement scolaire avait dû changer ses horaires de cours afin que les élèves internes puissent rentrer chez eux en fin de semaine à un horaire décent. La SNCF a toujours eu une attitude imbue d’elle-même. Ses ingénieurs ne sont-ils pas à l’origine du sabotage de l’aérotrain de Jean Bertin au profit du TGV ?

Après ce précédent en TER, pourquoi ne pas l’étendre à l’accès aux bus, au métro et au tram afin de mieux maîtriser, là encore, l’afflux intermittent des usagers, surtout aux heures d’ouverture et de fermeture des bureaux ? Cette scandaleuse nouveauté se réalise au moment où le contrôle automobile, à savoir la surveillance par caméra thermique du covoiturage, atteint son paroxysme. À l’époque de l’hystérie covidienne, seuls les titulaires du sinistre pass sanitaire pouvaient monter à bord des TGV et des Intercités. En revanche, l’accès en TER ne nécessitait pas cet Ausweis. Ainsi pouvait-on traverser l’Hexagone sous apartheid vaccinal assez librement malgré une durée plus longue et de nombreuses correspondances. Avec la réservation en TER, il sera impossible de parcourir le pays. En outre, la réservation en TER marque la fin de l’anonymat en train. Déjà, au début de l’été 2004, la SNCF avait contraint ses clients à étiqueter leurs bagages. En 2022, toujours en lutte contre l’oubli des bagages, la SNCF a tenté de convaincre la moitié récalcitrante de ses voyageurs à étiqueter les bagages en leur proposant des étiquettes dotées de QR - code. On distribue une étiquette en plastique avec un QR - code en gare. Une fois scannée sur le smartphone, elle  dirige automatiquement l’usager vers un site Internet dédié où il indique ses nom, adresse et numéro de téléphone. Pis, depuis le mois de mai 2019, l’achat de billets de train exige de donner son identité personnelle, son adresse, son numéro de téléphone et sa date de naissance.

Dans son roman dystopique, Et c'est ainsi que nous vivrons (2023), Douglas Kennedy décrit dans un avenir proche l’éclatement de son pays natal en deux entités étatiques rivales : la Confédération chrétienne fondamentaliste qui accorde le port d’arme à ses citoyens, et la République, un régime progressiste wokiste dont tous les habitants sont pucés et donc surveillés par les autorités. Si le puçage de la population est aussi évoqué par la rédaction de Red Team dans le premier ouvrage d’anticipation militaire commandé par le ministère français des Armées, imposer une puce à toute la population risquerait de déclencher des révoltes populaires. Certes, il y aura toujours des malades mentaux qui se feront volontiers pucer. Mais cette mesure liberticide hautement visible détruirait l’actuel récit officiel autour des droits de l’homme, des femmes et des autres.

Le 22 août dernier, l’association Régions de France démentait toute possibilité de généraliser la réservation en TER, y voyant un débat absurde. En fait, la généralisation de la réservation obligatoire à tous les modes de transport public, y compris pour l’autopartage motorisé, passera par une application informatique indolore à télécharger sur le téléphone intelligent que possède tout un chacun (ou presque !). Il faut corréler cette proposition avec la suppression progressive de l’argent physique (les espèces) ainsi qu’au plan dément d’identité numérique envisagé par les hiérarques pseudo-européens, préfiguration du futur crédit social. Dans ce dessein machiavélique, le train joue un rôle essentiel. Il y a plusieurs années, le slogan d’une savoureuse publicité affirmait : « Laissez-vous prendre par le train ». Cette annonce a certainement ravi les habitants du Marais parisien. Très vite arrêtée, cette campagne fut cependant visionnaire puisque les usagers le sont aujourd’hui à travers la réservation obligatoire en TER. L’avenir sera une succession de moments réservés payants.            

Salutations flibustières !

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vendredi, 04 octobre 2024

Anatomie d’un parlement inutile

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Le scrutin des 6 au 9 juin 2024 destiné à élire les membres du Parlement dit européen devait conduire à des bouleversements gigantesques. Résultat : Ursula van der Leyen reste à la présidence de la Commission bureaucratique pour cinq nouvelles années malgré les scandales qui l’entourent. Ce n’est pas la seule inquiétude.

La prochaine vice-présidente de cette instance dévoyée, désignée haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, c’est-à-dire responsable d’une fantomatique « diplomatie » des 27, l’Estonienne Kaja Kallas, est une belliciste russophobe convaincue. Pis encore, dès le mois de septembre il a été prévu que le Lituanien Andrius Kubilius deviendrait le premier commissaire européen à la défense au mépris de tous les traités européens qui confient ce domaine essentiel aux seuls États. La clique cosmopolite mondiale est désormais prête à se battre jusqu’au dernier Européen, voire jusqu’au dernier Albo-Américain afin de préserver ses intérêts bancaires.

Le microcosme médiatique craignait une poussée historique des partis de protestation populaire. Force est de constater qu’elle a été jugulée. Certes, les formations populistes augmentent leur nombre de sièges sans pour autant ébranler l’inévitable coalition qui englobe les soi-disant conservateurs, les sociaux-démocrates, les Verts et les centristes libéraux. La victoire dans le Nord de la gauche verte (le Parti populaire socialiste allié aux écolos arrive en tête au Danemark ou bien les sociaux-démocrates suédois) compense le succès des mouvements populistes dans le Sud.

À l’instar de l’Assemblée nationale française sortie du 7 juillet dernier, le Parlement européen se structure en huit groupes. Cet éclatement surprend quand on sait les règles draconiennes de formation d’un groupe : un minimum de vingt-trois députés originaires d’au moins sept États membres. Ainsi reste-t-il trente-et-un nouveaux élus chez les non-inscrits. Outre les cinq Slovaques de SMER, le parti du Premier ministre Robert Fico, longtemps adhérent à l’Internationale socialiste, y siègent les six Allemands de l’Alliance Sahra Wagenknecht, les communistes néo-staliniens tchèques et grecs ou l’Allemand Maximilian Krah viré de l’AfD. On rencontre d’autres personnalités dont certaines assez loufoques comme les trois élus espagnols nationaux-wokistes de Se Acabó La Fiesta (« La fête est finie ») ou le youtubeur apolitique chypriote Fidías Panayiótou.

La Xe législature (2024 – 2029) voit néanmoins quelques changements révélateurs. Après avoir lorgné vers le groupe centriste – libéral macroniste Renew Europe, les huit Italiens du Mouvement Cinq Étoiles intègrent le groupe de la Gauche. Ils travaillent désormais avec leurs trente-huit collègues de La France insoumise, de Die Linke et de Podemos. Le président du Mouvement Cinq Étoiles, Giuseppe Conte, rêve de reproduire en Italie la stratégie éruptive de Jean-Luc Mélenchon.

Exclue avant le terme formel de la précédente législature du groupe Identité et Démocratie à l’initiative du Rassemblement national, l’AfD est quand même parvenue à monter un groupe précaire de vingt-cinq membres : l’Europe des nations souveraines. L’unique élue de Reconquête !, Sarah Knafo, a eu le courage de le rejoindre et de cohabiter avec un Hongrois du Mouvement Notre Patrie, un Tchèque de Liberté et démocratie directe ou un Slovaque de Republika, dissidence du Parti populaire « Notre Slovaquie » de Marian Kotleba. 

Les quatre autres élus de la liste zemmouriste conduite par Marion Maréchal ont pour leur part rallié les Conservateurs et réformistes européens (CRE) aux côtés des vingt-quatre Fratelli d’Italia, des dix-huit Polonais de Droit et Justice ou des trois nationaux-centristes de la Nouvelle Alliance flamande, soit un total de soixante-dix-huit membres, ce qui en fait le quatrième groupe de l’assemblée. On oublie que l’époux de Marion Maréchal, Vincenzo Sofo, est eurodéputé depuis 2020. D’abord militant à la Lega et animateur du blogue Il Talebano (« Le Taliban »), il s’inscrit aux Fratelli d’Italia en 2021 quand Matteo Salvini décide de soutenir le gouvernement technique de Mario Draghi. Ce rapprochement conjugal coûte cher aux contribuables franco-italiens.

Créé sous l’impulsion du ministre – président Viktor Orban dont les députés européens étaient jusqu’à présent non-inscrits, le groupe des Patriotes pour l’Europe compte quatre-vingt-quatre élus parmi lesquels les Hongrois du Fidesz (10), les Espagnols de Vox (6), les Portugais de Chega (2) ou les 7 Tchèques d’Ano 2011. « Oui 2011 » en tchèque a rompu au lendemain des dernières élections avec le bloc central Renew Europe. En dépit de la présidence exercée par Jordan Bardella à la tête du contingent le plus nombreux (30), la présence de la Mitteleuropa y demeure prégnante.

L’impossibilité de rassembler les Patriotes pour l’Europe et les Conservateurs et réformistes européens ne repose pas sur des querelles personnelles. De puissantes divisions opposent en fait ces deux groupes sur des sujets primordiaux. Lancés par les Polonais de Droit et Justice et les tories britanniques qui estimaient le Parti populaire européen trop fédéraliste, les CRE sont historiquement des atlantistes. Dans le conflit ukrainien, ils encouragent l’effort de guerre de Kyiv. Par ailleurs, ces conservateurs réformistes prônent la répartition obligatoire des immigrés clandestins dans tous les États membres de l’Union, quitte à accroître les fractures ethno-sociales internes.  En voisin de l’Ukraine, Viktor Orban recherche d’abord la paix entre les belligérants et se préoccupe ensuite du sort de la minorité hongroise en Ukraine. Le dirigeant magyar refuse en outre toute répartition obligatoire des migrants chez lui. Sa modération lui fait récuser tout projet sérieux de remigration peut-être envisagé par l’AfD. La Hongrie accueille des usines chinoises et fait venir une main-d’œuvre qualifiée étrangère extra-européenne. L’économie hongroise est bien trop mondialisée pour esquisser toute éventualité autarcique réelle.

Symbole de la fatuité politique, le Parlement dit européen discute, bavarde et jacasse. Quand il ne vote pas des motions fumeuses adressées à la terre entière, ce qui en fait la risée du globe, il conçoit des normes incessantes qui tyrannisent le quotidien des petites gens. L’assemblée fractionnée plonge dans les abîmes de la théâtrocratie parlementaire, un bidule qui remue sans fin sur lui-même en-dehors de toute essence du politique.      

Salutations flibustières !

« Vigie d’un monde en ébullition », n°126, mise en ligne le 1er octobre 2024 sur Radio Méridien Zéro.

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samedi, 28 septembre 2024

Le Palais Bourbier

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Le gouvernement de Michel Barnier passera-t-il l’hiver ? Les Français n’ont pas fini de subir les effets désastreux de la dissolution du 9 juin 2024 tant la situation politique devient instable, explosive et intenable. Or la tripartition du champ politicien en blocs antagonistes ne se retrouve pas dans un parlement balkanisé. 

 Bien qu’élu au suffrage universel indirect par les élus locaux et nationaux, le Sénat compte aujourd’hui huit groupes (la majorité avec 131 Les Républicains et 57 membres de l’Union centriste, 64 socialistes, 22 macronistes du Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, 19 Indépendants – République et territoires plutôt macroncompatibles, 18 communistes, 16 élus divers-gauche du Rassemblement démocratique et social européen et 16 Verts) sans oublier les quatre non-inscrits (3 sénateurs RN et le sénateur des Bouches-du-Rhône Stéphane Ravier, qui vient de lâcher Reconquête!). Ce quatuor bénéficie de plus de prérogatives que leurs homologues députés.

 La nouvelle Assemblée nationale se caractérise déjà par le plus grand nombre de groupes sous la Ve République : onze ! Ce morcellement ne provient pourtant pas du choix des électeurs, mais plutôt d’un changement irréfléchi du règlement intérieur sur la constitution des groupes parlementaires. Jusqu’en 1988, ce règlement stipulait un minimum de trente députés pour former un groupe. Entre 1986 et 1988, le Front national de Jean-Marie Le Pen disposait grâce à la proportionnelle de trente-cinq membres. Tout au cours de cette courte législature, Charles Pasqua, alors bras armé officiel de Jacques Chirac, ne cessa de vouloir débaucher les élus frontistes afin de provoquer la fin du groupe FN. Sans succès fort heureusement ! En revanche, en mai 2016, le groupe Vert – le premier de l’histoire du Palais-Bourbon – a disparu à la suite de virulentes dissensions internes entre partisans et adversaires de la présidence de François Hollande.

 Alors que certains politiciens réclamaient l’élévation du seuil de trente à quarante, voire cinquante députés dans l’espoir d’empêcher le FN d’avoir un groupe, en 1988, Michel Rocard, nouveau Premier ministre socialiste, accepta d’abaisser le seuil à vingt députés. Il s’assurait ainsi de la sympathie des centristes en dissidence ouverte avec le groupe UDF (Union pour la démocratie française giscardienne). En 2009, le seuil s’abaissa encore à quinze députés seulement !

 En le restaurant à son étiage historique, à savoir trente députés, trois groupes n’existeraient plus : les 16 de l’Union des droites pour la République d’Éric Ciotti; les 17 élus de la Gauche démocrate et républicaine (dont une douzaine de communistes) et les 22 de Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT). Trois autres s’approcheraient de la barre fatidique : les 33 députés d’Horizons du maire du Havre, Édouard Philippe; les 36 démocrates centristes du maire de Pau, François Bayrou, et les 38 membres du groupe Vert dans lequel grenouillent six élus de Génération.s de Benoît Hamon et cinq Insoumis critiques envers le lider maximo Jean-Luc Mélenchon. Quant aux sept non-inscrits, outre un centriste et un divers-gauche, on relève la présence d’un ancien macroniste de gauche, Sacha Houlié, de l’ancienne vice-présidente du Mouvement pour la France, la Vendéenne Véronique Besse, et de deux anciens LR, l’Alsacien Raphaël Schellenberger et le néo-chiraquien du Lot, Aurélien Pradié. Ce dernier refuserait dorénavant de serrer la main d’Éric Ciotti au nom de la tolérance et du vivre-ensemble bien sûr. Signalons enfin la présence de l’ex-RN Daniel Grenon écarté de son groupe à la suite de médisances médiatiques.

 L’actuelle configuration de l’Assemblée nationale exprime la prédominance des intérêts personnels et des tactiques partitocratiques. Éric Ciotti et ses amis ne souhaitaient pas rejoindre le groupe RN en tant qu’apparentés d’autant qu’ils divergent sur plusieurs points cruciaux, en particulier sur la fameuse réforme bancale des retraites. Éric Ciotti a en outre refusé d’intégrer dans son groupe libéral-conservateur sécuritaire trois députés aujourd’hui apparentés RN que la direction mariniste perçoit comme des fidèles de Marion Maréchal : Thibaut Monnier, élu de la Drôme, cofondateur de l'Institut des sciences sociales, économiques et politiques (ISSEP), Eddy Casterman (Aisne) et Anne Sicard, députée du Val-d’Oise. Cette ancienne actrice dans quelques films de Marie-Cheyenne Carron s’occupe du fonds de dotation de l’Institut Iliade. Il est exact qu’à l’aune des critères du wokisme ambiant, cette responsabilité ne convient pas aux belles âmes qui préfèrent Raphaël Arnault, député de Vaucluse et chef de file des rageux de la Jeune Garde antifasciste de Lyon…

 Dans leur édition du 16 septembre dernier, les Dupont et Dupond de Libération associés à un troisième larron ont signé un article fielleux sur l’Institut Iliade. Ni Anne Sicard, ni les responsables de l’Iliade n’ont répondu aux questions sournoises du trio malfaisant. Bravo ! Ils ont eu raison. Discuter avec ces gens-là est une grande perte de temps. Un silence méprisant vaut toutes les meilleures argumentations.

 Dans ce contexte fragmenté, difficile donc de voir clair alors que s’affirment les rivalités. Le bloc national RN-ciottiste n’est pas uni. Il compte des bardello-marinistes, des ciottistes et des marionistes. Le Nouveau Front pseudo-populaire se divise en quatre groupes dont 72 Insoumis et 66 socialistes. La majorité présidentielle macroniste se fracture dans la perspective lointaine de la présidentielle de 2027, sauf si s’accélère l’échéance capitale. Les 97 députés macronistes se préparent au duel interne pour la présidence du parti Renaissance entre Élisabeth Borne et Gabriel Attal sous le regard des démocrates et d’Horizons qui organisent, eux, la future course à l’Élysée. À l’initiative de Nicolas Sarközy, la Droite républicaine de Laurent Wauquiez (47 députés) cherche non sans mal à s’associer au bloc central avec un Premier ministre savoyard dont la nomination irrite l’aile gauche de la Macronie.

 Michel Barnier et ses ministres vont très tôt connaître la menace des motions de censures diverses et variées. L’Élysée et Matignon font face à un incroyable bourbier politique qu’il va falloir supporter et gérer avant une nouvelle dissolution à moins que la France ne connaisse d’ici là une élection présidentielle anticipée qui ne résoudrait rien ou l’application des pouvoirs exceptionnels. Du chaos hexagonal ne sortira au final qu’une satrapie postmoderniste.

 Salutations flibustières !

 Vigie d’un monde en ébullition , n° 126, mise en ligne le 24 septembre 2024 sur Radio Méridien Zéro.

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vendredi, 20 septembre 2024

Le spectre de l’article 16

Constitution of 4 October 1958 | Conseil constitutionnel

La Chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Les 19 juin et 2 juillet derniers, en pleine campagne électorale législative anticipée, Le Journal du Dimanche (JDD) envisageait la possibilité qu’Emmanuel Macron appliquât l’article 16 de la Constitution. Cet article confère au chef de l’État des pouvoirs exceptionnels qui ne sont pas explicités. Il n’a pour l’heure servi qu’une seule fois...

Le 23 avril 1961, au moment du putsch d’Alger, le général de Gaulle déclenchait cette option qu’il maintînt en vigueur jusqu’au 30 septembre 1961. À cette occasion, un décret présidentiel étendit la garde à vue à quinze jours ainsi que les conditions d’internement administratif à l’égard de tous les partisans, armés ou non, de l’Algérie française. Il prolongea en outre la compétence du haut tribunal militaire.

À la sortie de cette information, le camp macroniste et l’Élysée ont aussitôt hurlé à la fausse nouvelle et à la désinformation. Deux activités consubstantielles selon eux de la part de l’hebdomadaire dominical désormais aux mains de Vincent Bolloré. Le complotisme dominerait sa rédaction ! En réalité, le complotiste anticipe ce qui va globalement se passer. Cette éventualité institutionnelle a néanmoins été reprise par d’autres titres de presse tout aussi conspirationnistes. Passons rapidement sur le numéro estival de juillet – août 2024 de L’Incorrect qui interroge un constitutionnaliste chevronné, Frédéric Rouvillois, sur l’imminence ou pas de l’article 16. Le Point du 15 août 2024 l’évoque sans trop commenter. Sur Polémia à la date du 31 août, Michel Geoffroy n’écarte pas ce cas de figure. Mieux encore, un mois auparavant, Le Monde, quotidien bien connu pour tordre les faits, livrait dans son édition du 27 juillet 2024 un excellent entretien avec Alexandre Guigue, professeur en droit public à l’université Savoie-Mont-Blanc, encore sûrement un repaire d’« allumés » délirants…

Malgré la nomination de Michel Barnier à Matignon, le risque de blocage perdure. L’activation de l’article 16 se conçoit avec l’échéance budgétaire prochaine (financement de l’État et de la Sécurité sociale). L’absence de toute majorité claire à l’Assemblée nationale incite les personnes intéressées à lire avec attention la Constitution et la loi organique relative aux lois de finances. Le Parlement est contraint de débattre dans une période limitée : soixante-dix jours pour le budget et cinquante pour la Sécurité sociale. Si ce temps est dépassé, le gouvernement aurait le droit d’utiliser des ordonnances soumises au seul avis du Conseil d’État. Auparavant, l’exécutif pourrait tout aussi recourir au douzième, c’est-à-dire appliquer chaque mois de 2025 l’équivalent budgétaire de 2024 afin de faire fonctionner les services publics. La mise en pratique de l’article 16 transférerait les prérogatives ministérielles au seul président de la République. En raison du chaos parlementaire et de la menace qui plane d’une mise en tutelle par la Commission de Bruxelles, le président français jugerait alors que « les institutions de la République [...] ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu ». Après en avoir informé la nation par un message audio-visuel, le chef de l’État signerait un décret d’adoption du budget de l’État et de la Sécurité sociale dans un sens austéritaire. Excessif ?

Dans La démondialisation (Le Seuil, 2012), l’économiste souverainiste Jacques Sapir proposait la sortie de l’euro au moyen de l’article 16... Pendant toute la durée des pouvoirs exceptionnels, l’Assemblée nationale ne peut être dissoute. Le 18 septembre 1961, le président gaulliste de l’Assemblée nationale, Jacques Chaban-Delmas, distinguait la session de plein droit de la session normale. Il estimait que durant la période correspondant à la réunion de plein droit des chambres sous l’article 16, les travaux du Parlement ne pouvant pas avoir d’aboutissement législatif, le gouvernement est privé du droit de poser la question de confiance sur un projet de loi, ce qui signifie que les députés ne peuvent pas déposer de motion de censure. Par ailleurs, depuis la révision constitutionnelle sarkozyste de 2008, « après trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le Conseil constitutionnel peut être saisi par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, soixante députés ou soixante sénateurs, aux fins d'examiner si les conditions énoncées au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà de cette durée ». Mais ce garde-fou est-il solide ? Pas sûr quand on sait que le Conseil constitutionnel se compose de personnalités macronistes et qu’il a déjà entériné sous l’hystérie covidienne l’ensemble des mesures liberticides.

Fin stratège élevé par le lambertisme trotskyste et le mitterrandisme, Jean-Luc Mélanchon prévoit à court ou moyen terme son utilisation, d’où sa proposition récente de destitution de Macron au moyen de l’article 68 de la Constitution. C’est une mise en garde implicite. Cet article permet difficilement la destitution présidentielle par un parlement constitué en haute-cour et sur un vote des deux tiers difficile à obtenir, mais pas impossible si se construit dans les faits une coalition momentanée entre le Nouveau Front pseudo-populaire et le bloc national RN – UDR (Union des droites pour la République ciottiste).
Outre l’adoption forcée d’un budget de rigueur ultra-libéral, l’article 16 pourrait-il offrir à Emmanuel Macron le pouvoir de modifier la Constitution en contournant le Parlement via l’article 11 ? Pas forcément.

Sur une saisie des sénateurs gaullistes à propos de l’inconstitutionnalité du traité de Maastricht, le 2 septembre 1992, le Conseil constitutionnel interdit à la considération 19 de la décision 92-312 l’usage de l’article 16 dans l’engagement d’une révision constitutionnelle en contournant l’article 89. Or l’article 11 n’est pas mentionné et le Conseil constitutionnel, jouet de l’Élysée, pourrait très bien se raviser. En s’affranchissant de la décision de 1992 dans le cadre de l’article 16, le président de la République soumettrait aux Français au moins un référendum. Si jamais il n’ose pas tordre la Constitution de 1958, il pourrait cependant soumettre aux électeurs le changement du mode de scrutin législatif en privilégiant la proportionnelle à l’échelle départementale ou régionale.

Un universitaire, juriste de formation, Roger Pinto (1910 – 2005), soutenait que le président pouvait user de l’article 16 pour réviser la Constitution par la voie référendaire. Il reconnaissait volontiers que cette procédure engagerait la responsabilité directe du chef de l’État. Le constitutionnaliste faisait valoir à raison que le texte fondamental ne précise pas si l’ordre constitutionnel à rétablir doit être nécessairement le même qu’avant. Ce référendum de révision constitutionnelle porterait sur trois questions posées simultanément (ou pas) : le droit de dissoudre dans l’immédiat la législature élue le soir du 7 juillet 2024, l’instauration d’un mandat présidentiel de six ans avec des élections nationales tous les trois ans, voire la suppression immédiate de la limite à deux mandats présidentiels consécutifs dans la perspective d’une nouvelle candidature en 2027 d’Emmanuel Macron si ce dernier n’entend pas démissionner sous peu.

Dans le cadre de l’article 16, le régime pourrait volontiers entraver la campagne des partisans du non qui subiraient en plus un déluge médiatique de propagande favorable au oui. Cependant, en cas de victoire du non à l’une des deux consultations populaires, voire aux deux, le président de la République aurait-il l’audace de démissionner ou bien se maintiendrait-il en fonction jusqu’en 2027 avec la bénédiction de l’OTAN et de la Commission pseudo- européenne ? L’hypothèse semble bien pessimiste, mais avec Emmanuel Macron, il faut s’attendre à tout, y compris au pire.

Salutations flibustières !

« Vigie d’un monde en ébullition », n° 125, mise en ligne le 17 septembre 2024 sur Radio Méridien Zéro.

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vendredi, 13 septembre 2024

Maltraitance institutionnelle

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

En ces semaines post-olympiques propices aux exploits, un nouveau record vient de tomber à l’avantage du gouvernement de Gabriel Attal, démissionnaire au 16 juillet dernier. Avant la nomination de Michel Barnier le 5 septembre dernier, le plus jeune premier ministre du régime a géré les affaires courantes pendant cinquante-et-un jours. Cette durée exceptionnelle dépasse de loin tous les gouvernements de la Ve République dans la même situation et se rapproche de ceux de la IVe.

Cette longueur excessive résulte du caractère profondément psychotique de la Macronie et de son chef, adepte de la procrastination politique. On a déjà oublié qu’entre la nomination de l’équipe gouvernementale d’Attal, le 11 janvier 2024, et l’entrée en fonction des ministres délégués et des secrétaires d’État, le 8 février, presque un mois s’écoula. Là encore, les cabinets ministériels ont souffert de ce laps de temps incompréhensible.

On oublie en outre qu’entre la réélection d’Emmanuel Macron, le 24 avril 2022, et la nomination d’Élisabeth Borne à Matignon, le 16 juin, on observe un écart de cinquante-trois jours, situation qui agaça fortement le premier ministre en exercice d’alors, Jean Castex. Cette détestable façon de procéder semble indiquer que le locataire de l’Élysée serait le maître des horloges. Une belle excuse qui prouve surtout un désir d’humilier ses affidés et un inquiétant narcissisme.

Sous le gouvernement Borne, Aurore Bergé, député des Yvelines, occupait le ministère des Solidarités et des Familles. Sous celui de Gabriel Attal, elle n’est plus que ministresse déléguée chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations. Cette rétrogradation est inhabituelle. Certes, on peut reculer dans l’ordre protocolaire, mais pas changer de statut. Cela ne traduit-il pas un sadisme évident de la part de l’exécutif ? On comprend mieux pourquoi cette ancienne juppéiste soutient maintenant l’ancienne socialiste Élisabeth Borne à la présidence du parti présidentiel Renaissance contre, éventuellement, Gabriel Attal...

Emmanuel Macron maltraite aussi la stratégie politique. Les dernières semaines ont montré qu’il n’égalerait pas François Mitterrand qualifié par ses détracteurs de « Florentin ». Macron n’arrive même pas à la cheville du premier président socialiste de la Ve République. Machiavélien, François Mitterrand se serait délecté de l’actuelle situation politique sans pour autant commettre la ribambelle d’erreurs de son très lointain successeur.

Emmanuel Macron se trompe d’abord en changeant de premier ministre en début d’année alors que se profilaient les élections européennes et un éventuel succès pour le Rassemblement national. Le piètre locataire de l’Élysée aurait dû garder Élisabeth Borne jusqu’au 10 juin au moins. Il se trompe toujours en n’imposant pas la tête de liste de la majorité présidentielle. Au lieu de choisir la pauvre et digne Valérie Hayer, il aurait dû contraindre Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, voire Gabriel Attal, à prendre cette première place tout en leur permettant de rester ministres. En revanche, en cas de refus répété, il aurait dû les virer de leur poste sans la moindre hésitation.

Emmanuel Macron s’est encore trompé en décidant de dissoudre l’Assemblée nationale au soir du 9 juin. Il tablait sur la désunion durable des forces de gauche et dans un hypothétique sursaut de l’extrême centre. L’opinion publique a principalement compris qu’il cédait aux exigences gratuites de Jordan Bardella. Le microcosme politico-médiatique bruissait de rumeurs sur une éventuelle motion de censure déposée par les Républicains à l’automne prochain lors du débat budgétaire. Or, avec l’ingénierie sociale orchestrée autour des Jeux olympiques et paralympiques, l’actuel chef de l’État aurait pu profiter d’une popularité acquise au cours de ces divertissements de masse afin d’en finir avec la XVIe législature dès la rentrée de septembre. Les 64 médailles françaises lui auraient-elles permis d’obtenir la majorité absolue ? Pas certain…

Une autre erreur d’Emmanuel Macron est de n’avoir pas nommé à Matignon la candidate proposée par le fumeux Nouveau Front pseudo-populaire. Oui, Laurence Tubiana, Huguette Bello, Lucie Castets ou même Madame Michu aurait dû conduire un nouveau gouvernement dès le milieu du mois de juillet. Plus tacticien, Emmanuel Macron aurait convoqué une session extraordinaire des deux chambres dès les premières semaines d’août afin que le Parlement discutât du projet de loi sur l’abrogation de la réforme des retraites. Sachant que le bloc central macroniste aurait aussitôt déposé une motion de censure votée à coup sûr par la Droite républicaine de Laurent Wauquiez, le groupe de Marine Le Pen aurait-il lui aussi voté la censure, quitte à ne pas remettre en cause la réforme calamiteuse des retraites, ou bien ne pas la voter et ainsi aider le gouvernement d’union de la gauche à rester en fonction ? Un dilemme cornélien pour le parti de la flamme tricolore…

Les atermoiements estivaux démontrent enfin l’indécision manifeste d’Emmanuel Macron. Il agit tel un enfant gâté qui, par colère et insatisfaction à l’égard de ses parents, n’hésite pas à casser le jouet qu’ils viennent pourtant de lui offrir. Il n’a pas compris que, malgré ses divisions, ses divergences, ses désaccords profonds, la gauche a l’habitude de s’entendre et de s’unir dès que les circonstances l’imposent. Cette cohésion idéologique n’existe pas au centre (les radicaux sont les ennemis historiques des démocrates-chrétiens), ni bien sûr chez les droites buissonnantes d’une incontestable diversité idéologique, intellectuelle et politique.

Il faut maintenant craindre que ces maltraitances politiques se poursuivent, s’amplifient et s’incrustent dans une pratique désormais dysfonctionnelle des institutions. Le mois de septembre ne risque pas d’être chaud que sur le plan social. Il est probable qu’il soit brûlant en politique et même incandescent au niveau institutionnel.

Salutations flibustières !

« Vigie d’un monde en ébullition », n°124, mise en ligne le 10 septembre 2024 sur Radio Méridien Zéro.

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vendredi, 12 juillet 2024

Détournements olympiques

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La chronique flibustière

de Georges Feltin-Tracol

Le 26 juillet prochain débuteront à Paris les XXXIIIe olympiades d’été de l’ère moderne. Depuis des semaines et des mois, un dispositif de propagande intense se déverse en continu sur les Français et leur instille un climat insupportable de chauvinisme pathétique.

Le spectacle autour de la flamme olympique est déjà en soi un symptôme de grande niaiserie. Le système médiatique d’occupation mentale enjoint la population d’aduler une torche dont la forme rappelle un suppositoire. Son passage dans les communes et les départements n’est d’ailleurs pas une action gratuite et désintéressée. Les collectivités territoriales ont déboursé en moyenne entre 150 000 et 180 000 euros pour sa traversée. À l’heure des politiques de contraintes budgétaires et de diminution des recettes fiscales, n’aurait-il pas été plus judicieux de s’en dispenser ?

L’organisation en France des JO 2024 symbolise donc l’immense gâchis d’argent, d’énergies et de compétences. Certes, des milliers de sportifs sélectionnés rêvent de remporter une médaille. Ils font durant des années de nombreux sacrifices et ne cessent de s’entraîner afin de gagner le jour venu. Ce n’est pas l’acte sportif en soi qu’il importe de critiquer, mais plutôt le processus de marchandisation avancée qui l’affecte désormais. Ce déroulé confirme et amplifie le détournement cosmopolite des Jeux olympiques souhaités à l’origine par le baron Pierre de Courbertin. La présence de la chanteuse Aya Nakamura aux paroles indicibles et fortement incompréhensibles à la cérémonie d’ouverture renforce ce caractère multiculturaliste.

Les wokistes ne se privent pas de dénoncer la personnalité du fondateur de l’olympisme actuel. C’était un homme de son temps. Né en 1863 et mort en 1937, il ne cachait pas sa volonté de redonner une vigueur certaine aux peuples européens à travers une éthique aristocratique réactivée. Les premiers JO s’adressaient avant tout aux amateurs de sport pratiqué aux lycées, à l’université et dans des clubs plus ou moins guindés. Ils appartenaient à l’aristocratie et à la grande bourgeoisie. Leurs exploits sportifs personnels se répercutaient en faveur des clubs. Ce n’est qu’à l’occasion des JO de Londres de 1908 que les participants revêtent un maillot aux couleurs nationales, d’où l’essor du chauvinisme.

Le rêve olympique du baron de Coubertin repose pour l’occasion sur un œkoumène albo-européen qui, à l’époque, correspondait à la planète entière. Aujourd’hui, l’olympisme représente un facteur massif de mondialisation. Les JO 2024 accueillent par exemple une nouvelle discipline : le breakdance ! Belle manifestation de déconstruction accélérée de notre civilisation européenne ! En revanche, la pétanque ou la boule lyonnaise n’y figurent toujours pas. Honte aux organisateurs !

Les Jeux olympiques devraient en fait refléter les aires culturelles issues de l’héritage antique gréco-romain, soit les diverses branches occidentales et post-byzantines du grand arbre indo-européen. Dans cette configuration idéale, plutôt que de promouvoir le beach volley ou le rugby à sept, se pratiqueraient la pelote basque, les joutes nautiques ou le football gaélique, voire le footy aussi appelé « football australien ». La flamme allumée par le Soleil dans l’antique enceinte d’Olympie donnerait une portée spirituelle incontournable à l’idée européenne enracinée au lieu d’aggraver une déviation ancienne et intense de globalisme et de mercantilisme.

Les JOP24 ou Jeux olympiques de Paris 2024 constituent en outre, après la mystification covidienne de 2020 – 2021, un nouvel acte d’encadrement sécuritaire des foules. Au-delà de la hausse des nuits d’hôtel, du prix des locations chez les particuliers, du tarif élevé des transports en commun en Île-de-France et de l’incertitude de la qualité de l’eau de la Seine assez polluée – et Anne Hidalgo ne s’y ait toujours pas baigné ! -, il faut craindre que la RATP et le Transilien ne parviennent pas à transporter convenablement tous les visiteurs. Les touristes vont découvrir des rames de métro saturées, des bus bondés et des trains de banlieue en retard fréquent. Pour des raisons sécuritaires se met en place une vidéo-surveillance généralisée couplée au contrôle algorithmique des déplacements, le tout relié à l’intelligence artificielle.

Pendant la quinzaine olympique jusqu’au 11 août, puis au cours des deux semaines des Jeux paralympiques du 28 août au 8 septembre, la vie quotidienne des Parisiens et des Franciliens sera infernale. Faut-il s’en chagriner quand on observe les résultats électoraux à rebours du reste du  pays ? Se déploient autour des stades et des lieux de compétition des périmètres rouge ou bleu dans lesquels ne circuleront que les détenteurs d’un « pass Jeux », y compris les résidents. Les restrictions s’appliqueront surtout  aux engins motorisés. Déjà impossible en temps normal, la circulation automobile dans Paris deviendra intenable. Commerçants, restaurateurs et hôteliers qui attendaient avec hâte les JO font dès à présent grise mine. Certains envisagent de fermer, de prendre leurs congés et de tenter de se rattraper, une fois tout ce cirque achevé.

Depuis les attentats de Munich en 1972 et d’Atlanta en 1996, les autorités s’inquiètent du risque terroriste, d’où l’usage de pratiques liberticides valables jusqu’au 31 mars 2025 ! À cette menace diffuse que font peser sur les différentes cérémonies les cellules islamistes, gauchistes et éco-activistes s’ajoute l’incertitude politique propre aux législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet. Que l’Hexagone soit en cohabitation armée entre Emmanuel Macron et Jordan Bardella ou que l’Assemblée nationale soit ingouvernable, il est à craindre que la France prenne le chemin de la Grèce. Possibilité fort élevée si émerge un gouvernement technique. En effet, après la réussite des JO d’Athènes en 2004, le pays sombra peu à peu dans le déclin politique, financier, économique et social : neuf premiers ministres se succèdent entre 2004 et 2019 dont trois « techniciens » chargés des affaires courantes. L’initiative austéritaire de la sinistre Troïka (les émissaires de la Banque centrale européenne, du Fonds monétaire international et de la Commission de Bruxelles) ressemble aux médecins incultes du XVIIe siècle immortalisés par l’incisif Molière. Ce néfaste trio saigna le peuple grec.

Dans un contexte politico-social inflammable, l’hypothèse grecque n’est pas à écarter au lendemain des JO, surtout s’il y a un gouvernement RN qui subirait les foudres médiatiques au moindre désagrément survenu. Mais une « grande coalition » serait propice dans cette perspective de punir les « Gaulois réfractaires ». Un fiasco pour ces Jeux olympiques est plus que jamais envisageable et même souhaitable parce qu’il serait bien que la République hexagonale remporte enfin la médaille d’or du désastre évènementiel !  

Salutations flibustières !

« Vigie d’un monde en ébullition », n°123, mise en ligne le 9 juillet 2024 sur Radio Méridien Zéro.

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dimanche, 07 juillet 2024

La voie hespérialiste

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Il est souvent jubilatoire de consulter le quotidien-phare du déclin journalistique en France. Dans son édition du 1er juin 2024, Le Monde s’intéressait à « L’Europe dans le viseur de l’extrême droite ». Bigre ! Mentionnant une réunion tenue à Bruxelles, les 16 et 17 avril derniers, à l’initiative de la National Conservatism Conference sur le thème de « Défendre l’État-nation en Europe », la journaliste Marion Dupont qualifie l’un des intervenants, David Engels, d’« essayiste néo-conservateur » !

A-t-elle au moins lu un seul ouvrage de cet historien belge qui a enseigné en   Pologne ? Bien connu des auditeurs de Radio Méridien Zéro, David Engels vient de publier en français Défendre l’Europe civilisationnelle. Petit traité d’hespérialisme (Salvator, 2024, 162 p., 18,50 €). Le président – fondateur de la Société Oswald-Spengler juge que les discours traditionaliste, réactionnaire, conservateur, nationaliste et identitaire n’opèrent plus. Il propose une synthèse dynamique de ces notions dans un nouveau modèle qui s’appuie sur le retour de la transcendance qu’incarnerait dans l’histoire de notre continent le catholicisme romain.

Cette référence au christianisme, en particulier catholique, surprend si l’on suit Marcel Gauchet pour qui « le christianisme est la religion de la sortie de la religion » dans Le Désenchantement du monde en 1985. Quand l’Église romaine tend vers l’humanitarisme, il faut craindre le pire. Le Figaro du 2 septembre 2015 rapportait que la veille, lors de sa rencontre avec Jacques Gaillot (1935 - 2023), ancien évêque d’Évreux et évêque jusqu’à sa mort de Parténia, principale figure du catholicisme français d’extrême gauche, le pape Bergoglio lui certifia en français que « les migrants, c’est la chair de l’Église ».

À quel catholicisme David Engels pense-t-il vraiment ? Celui issu du concile Vatican II ? Le catholicisme tridentin qui marqua la fin de l’enchantement des âmes ? Le catholicisme médiéval nourri d’une sève païenne comme le démontre Jacques Le Goff dans Le Dieu du Moyen Âge (Bayard, 2003) et qu’éradiqua la Réforme dite catholique ? La présente ambiguïté chrétienne romaine ne cessera qu’avec la formation d’un « euro-catholicisme » différencialiste qui emprunterait à l’Orthodoxie l’autocéphalie et la symphonie des pouvoirs spirituel et temporel.

David Engels désire s’extraire du cadre stato-national au profit d’un ensemble civilisationnel européen organisé dont la matrice serait le Moyen Âge occidental roman et gothique. Contrairement à Dominique Venner, l’auteur délaisse volontiers la dimension anthropologique de l’homme européen. Difficile dans ces conditions d’associer correctement regain chrétien et renouveau continental. Oui, tout combat politique comporte une part spirituelle, voire mystique, à la condition qu’il bénéficie d’une réelle adéquation avec les circonstances.

David Engels suggère le projet politique d’une confédération des nations européennes. « Nous avons [...] besoin, écrit-il, d’une Europe assez forte pour protéger l’État-nation individuel contre la montée de la Chine, l’explosion démographique de l’Afrique, les relations difficiles avec la Russie et la radicalisation du Proche-Orient. Mais d’un autre côté, une telle Europe ne sera acceptée par le citoyen que si elle reste fidèle aux traditions historiques de l’Europe au lieu de les combattre au nom d’un universalisme multiculturel chimérique. » L’antiquiste qu’il est réclame par conséquent une « synthèse augustéenne [qui] porterait formellement les traits d’un retour aux origines de l’histoire occidentale tout en conservant les acquis matériels essentiels des temps modernes ». Ce sujet belge de langue allemande précise en outre que « l’exemple [qui] pourrait être mieux adapté pour ancrer à nouveau l’unité européenne dans l’histoire et l’identité [… est] celui du Sacrum Imperium, du Saint-Empire dont la plupart des nations européennes actuelles sont issues et dont la vocation primaire avait toujours été l’unité civilisationnelle dans la diversité subsidiaire tout en ancrant l’Europe dans une vision grandiose de sa mission transcendante ». L’héritage du Saint-Empire affecte en effet les traditions politiques des États d’Europe occidentale, latine et catholique, y compris la Grande-Bretagne, la France et la Pologne (avec sa République royale des Deux-Nations). L’auteur aimerait ainsi concilier Jean Bodin (1530 - 1596) et Johannes Althusius (1557 - 1638) dans une réflexion dialectique originale. Bien des arguments de Défendre l’Europe civilisationnelle rappellent ceux de Guillaume Faye et de son compatriote d’outre-Quiévrain Daniel Cologne. Ce dernier avançait au sein du Cercle Culture et Liberté dans les années 1970 un point de vue assez semblable.

Renouvellement inédit d’une pensée de droite, l’hespérialisme poursuit-il l’esprit faustien ? David Engels constate sur la longue durée européenne un élan vital permanent, une « quête effrénée d’absolu, ce désir d’atteindre et de dépasser l’horizon ». Dans La Parole d'Anaximandre de Martin Heidegger, le traducteur pour le public francophone, Wolfgang Brokmeier, inventait le néologisme d’« Hespérie » pour traduire Abend-Land au lieu d’Occident… Dans un encart, « Quand l’Occident a oublié la Grèce », de son célèbre article « Pour en finir avec la civilisation occidentale » paru dans Éléments n° 34 d’avril – mai 1980, Guillaume Faye écrivait que « l’Hespérie, c’est, comme l’indique la racine grecque, la terre du couchant. Mais il ne désigne pas l’Ouest, ni les régions occidentales du monde, mais bien plutôt un projet d’organisation du monde qui marquerait le couchant, c’est-à-dire l’accomplissement d’une vue-du-monde aurorale exprimée au VIIe siècle avant notre ère par le premier penseur européen ». 

L’hespérialisme est donc plus qu’un conservatisme reformulé ou un énième plaidoyer en faveur d’une union de droite des peuples autochtones d’Europe. Il serait néanmoins profitable que David Engels médite sur les livres de Dominique Venner ainsi que sur les riches essais du philosophe – paysan Gustave Thibon. Ainsi pourrait-il fortifier et améliorer la voie hespérialiste de l’Europe, voie plus que jamais nécessaire en ces temps incertains pour tous les Européens originaires du monde boréal.   

Salutations flibustières !

« Vigie d’un monde en ébullition », n°122, mise en ligne le 5 juillet 2024 sur Radio Méridien Zéro.

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vendredi, 28 juin 2024

Le grand bazar hexagonal

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La tribune flibustière de Georges Feltin-Tracol

La déflagration des législatives anticipées décidées au soir du 9 juin recompose un paysage politique hexagonal désormais électrisé. Se confirme aussi l’existence de trois ensembles électoraux antagonistes aux contours mouvants et inégaux.

La « coalition nationale » aimantée par le Rassemblement national (RN) accélère la décomposition des Républicains (LR), ce centre-droit progressiste chiraco-sarkozyste. LR sont depuis longtemps divisés en écuries présidentielles rivales : Nous France de Xavier Bertrand, le président du conseil régional des Hauts-de-France, Nouvelle Énergie du maire de Cannes, David Lisnard, Soyons libres ! de Valérie Pécresse, la présidente du conseil régional d’Île-de-France ou Du  courage ! du député du Lot Aurélien Pradié. L’alliance conclue entre Éric Ciotti, toujours président LR, et le RN a provoqué la colère de ces personnalités ainsi que celle de Gérard Larcher, le président du Sénat, de Laurent Wauquiez, le président du conseil régional Auvergne – Rhône-Alpes, et de Bruno Retailleau, le président du groupe des sénateurs LR. Tous ces critiques adoptent un comportement suicidaire digne de la secte de l’Ordre du Temple solaire.

Ils se pensent toujours en quatrième force à la fois opposée au RN, à la gauche et au macronisme. En réalité, dans des départements (Hauts-de-Seine, Yvelines, etc.), se nouent entre les caciques LR ou centristes et les cadres de la Macronie des accords électoraux favorables tantôt aux uns, tantôt aux autres. Marqués par un anti-lepénisme primaire et obsessionnel, les dirigeants LR anti-Ciotti s’illusionnent sur leur audience véritable. Certes, ils gardent une emprise notable sur les collectivités territoriales, mais ils n’intègrent pas que les élections européennes sont le troisième gadin consécutif après 2017 et 2022 sur quatre élections nationales.

Les temps changent. Le RN a acquis un poids électoral indéniable. En dépit de sa ligne sociale-populiste « ni gauche, ni droite », il bouleverse les équilibres politiques et entreprend la satellisation des « droites » conservatrice et identitaire. Il y aurait eu « union des droites » si ces forces s’équivalaient à peu près aux élections. Or, entre les 31,37 % de Jordan Bardella aux européennes, les 7,25 % du LR François-Xavier Bellamy et les 5,47 % de Marion Maréchal, le RN transforme son nouveau partenaire LR en aile gauche du marinisme, et Reconquête !, en aile droite, sans oublier la frange souverainiste.

La période repoussoir est finie. Dans cette coalition nationale se présente dans la 2e circonscription du Territoire de Belfort l’ancien chroniqueur de CNews et ex-chevènementiste Guillaume Bigot. Sociétaire de l’émission « Bistrot Libertés » aux premiers temps de TVLibertés alors qu’il suivait des cours de droit à l’université, Pierre Gentillet, l’avocat qui défend Academia Christiana, est candidat dans la 3e circonscription du Cher. Rédacteur trentenaire à Éléments, auteur de quelques essais et invité régulier à Radio Méridien Zéro, Rodolphe Cart est candidat suppléant dans la 2e circonscription de Paris.

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vendredi, 21 juin 2024

Le séisme du 9 juin

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Au soir du 9 juin marqué par un désaveu cinglant de la majorité présidentielle macronienne et la victoire pour la troisième fois consécutive du Rassemblement national (RN), les dixièmes élections au Parlement de Strasbourg – Bruxelles provoquent la sixième dissolution de l’Assemblée nationale sous la Ve République. Malgré l’existence de procédures parlementaires rationalisées comme le célèbre article 49 – 3 qui affranchissent sous certaines conditions l’exécutif de la tutelle des députés, il devenait difficile au gouvernement de Gabriel Attal d’aborder avec sérénité les débats budgétaires de l’automne.

Les élections européennes sont considérées comme secondaires. À tort ! Ce n’est pas la première fois qu’elles bousculent la vie politique française. En 1984, le Front national de Jean-Marie Le Pen surgit avec 10,95 % des suffrages. Cinq ans plus tard, les Verts d’Antoine Waechter, tenant d’une ligne écologiste « ni de gauche, ni de droite », obtiennent 10,59 %. Les européennes suivantes consacrent le courant souverainiste représenté tour à tour par Philippe de Villiers (12,34 % en 1994), puis en 1999 par Charles Pasqua (13,06 %) et les chasseurs (6,78 %). Leurs succès électoraux souverainistes restent cependant éphémères.

Décidée par Jacques Chirac et son premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, la réforme du mode de scrutin des européennes consacre de grandes circonscriptions interrégionales. Ce découpage en ensembles hétéroclites favorise la désaffection des électeurs. En 2004, l’abstention est de 57,24 %. En 2009, elle atteint 59,37 %. Enfin, en 2014, elle plafonne à 57,57 % ! Le retour à une circonscription nationale unique facilite au contraire la lisibilité des enjeux, ce qui explique le léger regain de participation civique tant en 2019 (49,88 % d’abstention) que cette année (48,51 %).

Estimant que la France était déjà en campagne électorale depuis plusieurs mois, Emmanuel Macron a finalement choisi de renvoyer les députés et d’imposer un calendrier électoral très serré. Son pari téméraire se révèle aussi pervers. Le chef de l’État a enfin annoncé qu’il resterait à l’Élysée, quelque soit le vainqueur de ces élections anticipées. Cela ne l’empêche pas de superviser avec entrain la campagne de l’extrême centre et de fustiger ses oppositions.

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mardi, 18 juin 2024

De la limitation du nombre des candidatures

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol 

Les élections européennes du 9 juin sont maintenant derrière nous. Il est cependant prématuré d’en tirer des conclusions tant en France qu’à l’échelle continentale. Avant la fin de la présente saison, votre chronique préférée y reviendra sûrement. Intéressons-nous plutôt aujourd’hui à un élément de langage lié à ce scrutin passé inaperçu qui indique un nouvel infléchissement vers un despotisme bien-pensant.

Pour ces élections, l’électeur français pouvait choisir entre trente-huit listes. Cette profusion a suscité des reportages partiaux sur un point de détail qui a pris une importance himalayenne. Des journalistes ont volontiers répercuté l’ire des maires à propos de l’affichage légal. Le code électoral exige en effet un nombre de panneaux équivalent au nombre de listes en lice posés près de chaque bureau de vote. Ces panneaux, souvent métalliques, sont aussi en bois.

Les édiles constatent à l’antenne que bien des panneaux installés restent vierges d’affiche, car de nombreuses listes n’ont pas les moyens financiers pour en imprimer et les coller. Les élus locaux hurlent alors au gaspillage des finances publiques. La médiacratie répercute et accentue leur indignation sélective.

Des chroniqueurs suggèrent de mettre en œuvre la vieille proposition d’Emmanuel Macron en faveur des listes européennes. Faut-il comprendre que les Français et les Allemands occuperaient les cent premières places ? Pour qu’il soit effectif, ce projet pourrait s’inspirer des élections régionales françaises avec des collèges départementaux et le nom du candidat à la présidence du conseil régional écrit en gras. À partir de cet exemple, on peut imaginer un bulletin de 720 noms répartis en vingt-sept ensembles nationaux, soit 81 sièges pour la France et 6 pour Malte, et, en prime, le nom du candidat à la présidence de la Commission de Bruxelles. Cette procédure risque toutefois de bouleverser les habitudes électorales de l’Italie ou de l’Espagne.

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vendredi, 07 juin 2024

À propos de ces listes dissidentes (ou pas…)

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Suite de la chronique publiée la semaine dernière sur ce site cliquez ici

La précédente chronique n° 117 s’intéressait à la plupart des trente-sept listes présentes pour l’élection européenne du 9 juin prochain. Depuis se retrouve en lice une trente-huitième liste. En effet, le 23 mai dernier, le Conseil d’État validait « Liberté démocratique française » animée par Patrice Grudé.

Les commentateurs politiques rangent cette nouvelle liste qui prône la démocratie directe parmi les héritiers des Gilets jaunes. L’intention est sympathique, mais sans démopédie effective et à l’heure des réseaux sociaux omniprésents qui phagocytent le temps de lecture devant un imprimé et de l’analphabétisme scolaire des jeunes générations, cet objectif louable se révèle irréaliste et même contre-productif. Il faut balayer l’image idyllique de la Suisse référendaire. Bien des votations marquées par une abstention élevée entérinent en Helvétie le politiquement correct.

La liste de Patrice Grudé peut concurrencer « France libre » conduite par le chanteur Francis Lalanne avec l’humoriste Dieudonné à la troisième place. Tous deux souhaitaient faire des spectacles communs dans les salles Zénith de France. Le Régime a empêché cette représentation festive. Il a en revanche réussi à les réunir sur la même liste. « France libre » met en transe les journalistes de BFM TV quand les deux artistes se filment dans une cellule et que Dieudonné qualifie l’Europe de « fosse à merde ». En 2019, Francis Lalanne dirigeait déjà « Alliance jaune » qui se revendiquait des Gilets jaunes. Elle ne récolta que 121 209 suffrages, soit 0,54 %. Le parcours politique du chanteur vedette des années 1980 est sinueux. Longtemps proche de l’écolo-centriste Jean-Marc Governatori, Francis Lalanne a défendu en 2015 les immigrés clandestins sans-papiers. En 2022, excédé par la propagande covidienne, il apporte sa voix à Marine Le Pen. Il sera intéressant d’observer le résultat de cette liste et de le comparer avec l’audience moyenne sur Internet de ces deux protagonistes.

Les souverainistes se présentent à ces élections en ordre dispersé. Une fois encore, l’Union populaire républicaine (UPR) de François Asselineau a déposé une nouvelle liste en faveur du Frexit. Il y a cinq ans, il obtenait 1,17 %. Mais peut-on se fier à un haut-fonctionnaire issu des réseaux de Charles Pasqua et qui, pendant l’élection présidentielle de 2017, faisait sa campagne avec les drapeaux français, de la Francophonie et de l’ONU ? François Asselineau est un souverainiste qui ignore tout impératif identitaire. En 2021, il déclarait que les Français fussent bien plus proches des Maliens que des Lettons. On en reste pantois…

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vendredi, 31 mai 2024

Profusion de listes pour les européennes 2024

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Le vendredi 17 mai à minuit s’achevait le dépôt au ministère de l’Intérieur à Paris des listes pour les élections européennes du 9 juin prochain. Quelques heures plus tard, les vérifications légales effectuées, le Journal officiel publiait l’identité des candidats inscrits sur les trente-sept listes en lice, soit trois de plus qu’en 2019.

Si on excepte les européennes de 2004, de 2009 et de 2014 qui se déroulèrent dans des circonscriptions régionales (l’Île-de-France) ou interrégionales (Rhône-Alpes, Provence – Alpes – Côte d’Azur et Corse), depuis 1979, ce scrutin à la proportionnelle se passe dans le cadre national, outre-mer compris. Cette particularité en fait une « présidentielle du pauvre ». En effet, hormis l’obligation de parité entre les femmes et les hommes (on oublie les non-binaires et autres trans…), il est moins difficile de constituer une liste que d’obtenir les cinq cents parrainages nécessaires. Les souverainistes de Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan et les royalistes de l’Alliance royale ont pourtant renoncé pour diverses raisons.

Chaque liste témoigne d’une grande variété politique et catégorielle. Au risque de paraître fastidieux, intéressons-nous donc à ces listes dont il faudra parfois imprimer chez soi le bulletin. Dans la République hexagonale, les frais d’impression élevés supportés par les listes entravent la liberté de candidature. L’État dépense des millions pour financer chaque année des formations politiciennes bien souvent parasites. Il devrait plutôt prendre à sa charge toute la propagande électorale au nom de l’égalité entre les candidats.

Abordons maintenant la plupart des listes. Existent au préalable trois listes inclassables. « Défendre les enfants » réclame la protection des enfants sans bien sûr remettre en cause l’IVG. « Décidons nous-mêmes ! » défend la démocratie directe et le référendum d’initiative populaire. « Pour une humanité souveraine ! (sic !) » reste un concept hautement flou, pour ne pas dire impolitique.

Oublions le pseudo-populisme de l’Alliance rurale conduite par Jean Lassalle, longtemps député centriste et proche de François Bayrou. Le troisième de la liste, Willy Schraen, président de la fédération nationale des chasseurs, a signé un bouquin préfacé par Éric Dupont-Moretti qui allait devenir le ministre de la Justice. Cette liste apparaît comme une manœuvre discrète de l’Élysée vers la « France périphérique » ou plutôt celle du « rural profond » afin de priver le RN de quelques voix originaires des campagnes.

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vendredi, 24 mai 2024

La victoire du 11 mai

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Non, le samedi 11 mai 2024, aucun parti politique n’a gagné une élection. Les journaux quotidiens du Système médiatique d’occupation mentale l’ont fort bien compris en réagissant dès le 13 mai par des articles partiaux aux titres excessifs et racoleurs.

Ainsi lit-on dans Le Monde du 14 mai 2024 que « les néo-fascistes ont défilé en toute impunité à Paris ». Vraiment en toute impunité ? D’abord interdite par la préfecture de police de Paris sous le prétexte éculé de troubles à l’ordre public, la manifestation est finalement autorisée. Le tribunal administratif de la capitale casse quelques minutes avant le début du défilé cet arrêté préfectoral liberticide. Libération du 13 mai rapporte les propos d’Olivier Cahn, professeur de droit pénal à l’université de Caen, qui y voit un nouvel échec par procuration du ministre de l’Intérieur. Chez Darmanin, « dès que le droit entre en conflit avec l’intérêt politique, dit cet universitaire, c’est le droit qui s’efface ». Effacement lui-même annulé par la justice et donc revers majeur pour la place Beauvau.

Le tribunal administratif a eu raison de lever l’interdiction. Dans un ordre impeccable, sur quatre lignes parallèles, plus de six cents participants venus de toute l’Europe se sont souvenus dans les rues du VIe arrondissement de la mort jamais bien éclaircie de Sébastien Deyzieu, le 7 mai 1994. Parfaitement organisée par le Comité du 9 Mai 2024 dont il faut saluer la motivation, la ténacité et le courage, la manifestation avait une magnifique tenue. Contrairement aux habituelles manifestations syndicales et/ou de gauche ponctuées d’incidents, d’actes de vandalisme et de violences, ce défilé remarquable s’est déroulé sans aucune dégradation du mobilier urbain ou de saccage de magasins. Ce jour-là, Black Blocks et autres racailles allogènes avaient sûrement piscine…

Les journalistes du Système occupant ont signalé l’émission de propos racistes. Oui, des propos racistes ont bien été tenus… de la part d’une militante noire hystérique qui insulte les manifestants et en traite un de « Sale Blanc de merde ! ». Le Parquet n’engage-t-il pas des poursuites à son encontre ? Ce laxisme est étrange. En revanche, « Europe ! Jeunesse ! Révolution ! »  appellerait à la haine et à la discrimination ? Première nouvelle ! Si c’est le cas, il faut de suite arrêter la campagne des élections européennes, cesser de pratiquer le jeunisme médiatique de la caste politicienne et renoncer au 14 juillet ainsi qu’au bonnet phrygien. Quant au service d’ordre, il aurait commis le crime inouï d’ouvrir des parapluies – noirs, ô horreur ! - afin d’empêcher de filmer et de photographier les participants du défilé dont certains portaient des cache-cols ou des masques sûrement anti-covid. Des précautions nécessaires pour éviter aux manifestants de subir une mort professionnelle et sociale. En effet, dans la société pourrie qui est la nôtre, il devient plus grave de commémorer la fin tragique d’un jeune homme courageux que de se droguer. D’autres belles âmes s’offusquent de la présence d’étendards sombres à croix celtique blanche.

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vendredi, 17 mai 2024

À propos d’un nationalisme méconnu

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Création coloniale de l’infâme République française, le Liban est un État confessionnel en faillite complète. Le 31 octobre 2022 commence la vacance de la présidence de la République. L’intérim devrait revenir au Conseil des ministres, à savoir le troisième gouvernement de Najib Mikati qui a cependant démissionné en octobre 2022. Quant à la Chambre des députés, faute de quorum, elle ne se réunit presque plus. Pendant ce temps, le désastre économique, social et financier s’aggrave sans oublier les nombreux dégâts provoqués par les multiples frappes de l’État hébreu au Liban méridional.

Considéré comme la « Suisse du Proche-Orient » à l’époque des « Trente Glorieuses », le Liban a toujours été dysfonctionnel. Le contexte compliqué par la reconnaissance politique des croyances explique-t-il la présence de trois nationalismes antagonistes dont les formations politiques demeurent encore aujourd’hui adversaires ? Apparaît en novembre 1932 le nationalisme pan-syrien d’Antoun Saadé (1904 – 1949). Ce chrétien grec-orthodoxe fonde le Parti social-nationaliste syrien (PSNS). Implanté autant au Liban qu’en Syrie au sein du Front national progressiste, la coalition des neuf partis qui participe au gouvernement de Bachar el-Assad, le PSNS a un objectif précis : l’union du Bilad al-Cham ou « Grande Syrie » qui s’étendrait de Chypre à l’Irak et au Koweït en incluant la Palestine, la Jordanie, le Liban et la Syrie. Plus tard, à la fin des années 1960, dans le cadre de l’« Axe de la Résistance » anti-sioniste, la tendance majoritaire du PSNS acceptera une union graduelle et par ensembles concentriques du monde arabe.

Lancé en avril 1947, le Baas (ou Parti socialiste de la résurrection arabe) de Michel Aflak (1912 – 1989), de Salah Eddine Bitar (1912 – 1980) et de Zaki al-Arsouzi (1899 – 1968) prône l’unité du monde arabe de l’océan Atlantique jusqu’au Chatt el-Arab (soit aux frontières de l’Iran) en passant par la Somalie et la péninsule arabique. Après des décennies fastes qui l’ont vu s’installer en Syrie, puis en Irak, et qui a profité de l’engouement nassérien, l’idéal panarabe est désormais en déclin, sévèrement contrarié par l’activisme islamiste qui prend parfois une tonalité panislamique. Au cours de la brève guerre civile libanaise de 1958, les forces paramilitaires du PSNS, les « Aigles de la Tornade », combattirent dans les montagnes les unités armées du Baas local...

En réaction au militantisme pan-syrien et baasiste se développe un nationalisme phénicien lui-même éclaté en plusieurs factions rivales. Ce nationalisme revendique la particularité du caractère ethno-culturel libanais par rapport à ses voisins sémites. En effet, il estime que son peuple ne relève pas de l’arabité, mais descend des Phéniciens. Mieux, la matrice véritable de la civilisation occidentale serait phénicienne. Le poète, linguiste et philosophe Saïd Akl (1912 – 2014) transcrit ainsi le libanais de l’alphabet arabe en alphabet latin. Cet intellectuel anime en outre le Parti du Renouveau libanais dès 1972. Les nationalistes phéniciens envisagent un « Très Grand Liban », un État qui engloberait l’actuel Liban, tout le littoral syrien (le projet mandataire de « Territoire des Alaouites ») et le Nord d’Israël.

Les forces politiques qui y souscrivent plus ou moins ouvertement sont les fameuses Phalanges libanaises fondées en 1936 par Pierre Gemayel (1905 - 1984), le Parti national-libéral (PNL) créé en 1958, naguère appelé « Parti des patriotes libres », de l’ancien président Camille Chamoun (1900 - 1987) dont la milice se qualifiera de « Tigres » et dans laquelle tomba au combat en 1976 le solidariste français Stéphane Zannettacci, le Bloc national libanais (1946) de l’ancien chef d’État Émile Eddé (1883 – 1949), et les pro-Syriens de la Brigade Marada constituée dès 1967 par le futur président Soleimane Frangié (1910 - 1992). L’homme d’affaire Iskandar Safa (1955 - 2024), propriétaire de l’hebdomadaire Valeurs actuelles, n’aimait guère s’entendre rappeler son engagement de jeunesse chez les Gardiens des Cèdres. Fondés et commandés par Étienne Sacr (né en 1937 et qui vit toujours en exil, car condamné à mort), les Gardiens des Cèdres ont été au cours de la guerre civile de 1975 à 1990 l’une des unités combattantes les plus redoutables. Financés par Israël et détestant les Palestiniens ainsi que les mouvements de gauche, ils se montrèrent impitoyables sur la ligne de front. Il ne faut pas en revanche les confondre avec l’Armée du Liban-Sud (ALS). Formée, armée et entraînée par Israël, l’ALS accueillit entre 1976 et 2000 maints Gardiens des Cèdres. 

Les dissensions au cœur du camp chrétien obligèrent les tenants du nationalisme phénicien (ou libanais) à accepter des compromis. Par exemple, au terme de son mandat présidentiel en 1988, Amine Gemayel nomme comme premier ministre - et donc président par intérim - le général Michel Aoun qui proclame une guerre de libération nationale contre la Syrie. En plus du soutien officiel de l’Irak de Saddam Hussein, le général Aoun obtient l’appui effectif des nationalistes libanais. Plus tard, au retour de son exil et dans la perspective de l’élection présidentielle par les parlementaires en 2016, le général Aoun, chef du Courant patriotique libre, va s’allier aux mouvements chiites Amal et Hezbollah ainsi qu’au PSNS...

On trouve le thème de ce nationalisme chez quelques érudits tunisiens qui assurent que leur pays a plus des racines puniques et phéniciennes qu’arabes et africaines. Mais cette vision politique demeure plus que marginale à Tunis. Notons par ailleurs que certains linguistes, fort minoritaires, pensent que la langue maltaise d’origine sémitique serait en réalité un prolongement moderne du phénicien. Il s’agit d’une thèse plus que discutée.

L’actuelle crise politique, sociale, économique et financière qui frappe le Liban peut-elle cristalliser un sentiment national libanais d’inspiration phénicienne ? Il est très difficile de répondre à cette interrogation de manière abrupte et définitive. Il est patent en tout cas que ce nationalisme méconnu perdure à travers le va-et-vient des formations politiques et reste un facteur déterminant dans la résolution (ou non) des problèmes structurels de ce pays-mosaïque qu’est le Liban. 

Salutations flibustières !

« Vigie d’un monde en ébullition », n°115, mis en ligne le 14 mai 2024 sur Radio Méridien Zéro.

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vendredi, 10 mai 2024

Exaspérations touristiques

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La chronique flibustière de Georges Feltin Tracol 

Dans la dernière semaine d’avril, de nombreux habitants des îles Canaries, cet archipel espagnol de l’Atlantique situé en face du Maroc, ont manifesté contre le surtourisme. Il menacerait leurs ressources naturelles, leurs paysages et leur cadre de vie. Les revendications des vingt à cinquante mille manifestants portaient aussi sur les mauvaises conditions de vie des travailleurs du secteur touristique, principal employeur de l'archipel (plus de 40 % des emplois). Ils dénonçaient enfin le prix inabordable de l'immobilier qui empêche d’obtenir un logement décent.

Cette réaction aux méfaits du tourisme de masse aux Canaries (14 millions de touristes en 2023 pour une population de 2,2 millions d’habitants) n’est pas unique en Espagne. Un autre archipel, en Méditerranée, les Baléares, subit une situation semblable. La réaction y est plus ancienne. Les opposants au surtourisme montent des panneaux en anglais près des plages pour dissuader les touristes de s’y faire bronzer. Les prétextes avancés insistent sur des menaces inventées (présence de méduses dangereuses, risque de chutes de pierres ou bien baignades interdites). Île connue pour son ambiance exubérante, Ibiza a longtemps attiré des flots continus de touristes britanniques, néerlandais et allemands grâce aux compagnies aériennes à très bas coût pour des fins de semaine sur-alcoolisées, festives et débridées. Des centaines de touristes plus qu’éméchés vomissaient, urinaient et déféquaient partout. D’autres complètement ivres, mais pas toujours, se jetaient au péril de leur vie dans la piscine de leur hôtel depuis le balcon de leur chambre au dixième, quinzième ou vingtième étage.

En Italie, face à la marée croissante des touristes occasionnels, la mairie de Venise a instauré, le 25 avril dernier, une taxe de séjour journalière, qualifiée de « contribution d’accès », d’un montant unique de cinq euros. Elle concerne toutes les personnes étrangères à la Cité des Doges qui désirent visiter la vieille ville en une seule journée, de 8 h 30 à 16 h 00. Outre des dérogations prévues, cette contribution ne concerne pas ceux qui passent au moins une nuit à l’hôtel. Elle n’est pas non plus permanente. Elle n’est effective qu’une trentaine de jours au moment des très grandes affluences touristique, les jours fériés et tous les samedis et dimanches entre les mois de mai et de juillet.

Ce droit d’entrée – une première au monde – a suscité le mécontentement d’une partie des Vénitiens. Souvent militants de gauche et de l’écologie radicale, les manifestants se scandalisent de cette disposition qui ferait de leur ville le plus grand parc d’attraction de la planète. Ils préfèrent l’établissement de quotas d’accès quotidiens. Ils oublient que ce serait une discrimination répréhensible pour le droit dit européen. Parmi les protestataires, d’autres s’indignent que les parents et les amis des Vénitiens qui n’habitent pas la ville s’acquittent aussi de la taxe. Les réunions de famille ou amicales tenues à Venise deviennent ainsi payantes… Enfin, une faction des contestataires s’inquiète de l’infrastructure technique et numérique nécessaire à sa supervision. Tout visiteur doit passer par quelques points d’entrée contrôlés, ce qui revient dans les faits à l’établissement d’une douane intérieure ainsi qu’au retour de l’octroi. Cela n’irait-il pas à l’encontre de la libre circulation des personnes prévue dans les accords de Schengen ? D’habitude si sourcilleuse sur le respect des droits individuels les plus loufoques, la Commission pseudo-européenne garde un silence éloquent sur cette violation indéniable des traités dits européens.

La procédure d’inscription pour payer la taxe risque de donner de très mauvaises idées aux tristes sires que sont les commissaires européens. Avant de franchir les accès d’entrée filtrés, il faut au préalable se déclarer sur Internet, payer avec sa carte bancaire et s’enregistrer avec un QR-code. La police municipale réalise des contrôles inopinés et dressent des amendes de cinquante à trois cents euros… Mis en avant au moment de la mystification covidienne, le QR-code va avantageusement remplacer un possible puçage des êtres humains puisque ces derniers ne peuvent plus se passer de leurs téléphones super-connectés. Dans un Occident terminal toujours plus liberticide, cette inclination vers une servitude techno-numérique volontaire ravit la super-classe cosmopolite mondiale. Signalons qu’en Grèce, il faut désormais que les voyageurs réservent sur un site spécial leur envie de parcourir l’Acropole d’Athènes.  

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vendredi, 03 mai 2024

Variations autour de l’idée d’Empire

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

L’idée d’Empire serait incompatible avec l’histoire de France. La nation française, héritière du Royaume des Lys, se serait construite contre elle, en particulier face aux différentes figures des Habsbourg, de Charles Quint à François-Joseph. Cette hostilité de principe s’inscrit dans la langue française. Verbe du premier groupe, empirer signifie « devenir pire, aggraver ». L’idée impériale n’appartiendrait pas à la tradition française. Affirmation péremptoire et erronée !

En Provence, vieille terre d’Empire – on l’oublie trop souvent -, dans les belles cités d’Aix et d’Orange, se développe l’association militante et culturelle Tenesoun. Son site annonce qu’elle promeut « une identité reposant sur le triptyque suivant : Provence, France, Europe ». Ce sympathique mouvement sort une revue de belle facture, Tenesoun Mag, qui publie des numéros hors série instructifs et didactiques. Intitulé « Empire(s) », le hors série de février 2024 (4 €, à commander sur le site éponyme) aborde le thème de l’Empire.

Il est plaisant que de jeunes militants s’approprient cette idée qui parcourt en filigrane l’histoire de France. On se focalise trop sur l’aspect juridique de l’émancipation royale française par rapport à l’héritage mémoriel carolingien en oubliant la bigarrure institutionnelle, sociale et économique constitutive de l’ancienne France. Certes, les Capétiens ont réussi là où les Hohenstaufen ont échoué. Toutefois, cela n’empêche pas, bien au contraire, que « la France est un empire, écrit avec raison Aurélien Lignereux dans L’Empire de la paix. De la Révolution à Napoléon : quand la France réunissait l’Europe, (Passés composés, 2023) : tel est le constat d’évidence partagé en 1789 tant y était frappante la diversité des populations que les rois avaient réunies et soumises à une souveraineté qui n’admettait nul supérieur en matière temporelle (le roi étant “ empereur en son royaume “) mais qui pouvait s’accommoder de l’hétérogénéité des coutumes, et qui devait même respecter certains privilèges garantis par les actes de réunion ». Dans un précédent essai, L’Empire des Français 1799 – 1815 1 – La France contemporaine (Le Seuil, coll. « Points – Histoire », 2014), le même auteur, spécialiste de l’œuvre napoléonienne, prévenait qu’« il serait réducteur de ne voir dans les entreprises de Napoléon que la consécration d’une ambition personnelle, sans racines dans le pays. C’est faire peu de cas de l’aspiration aux XVIe et XVIIe siècles à une translatio imperii en faveur de la France, rêve que traduisaient un messianisme dynastique et un providentialisme chrétien ».

Aurélien Lignereux se réfère bien évidemment à l’étude capitale, novatrice et magistrale d’Alexandre Yali Haran, Le Lys et le Globe. Messianisme dynastique et rêve impérial en France aux XVIIe et XVIIe siècles (Champ Vallon, 2000). L’idée impériale n’est pas étrangère aux monarques français. Elle persiste d’ailleurs dans l’inconscient politique collectif, d’où le tropisme européen présent autant chez les nationalistes que chez les socialistes sans parler de certains gaullistes, des démocrates-chrétiens, des écologistes et des régionalistes. Il est dommage que les auteurs de ce hors série n’évoquent pas cet ouvrage précieux.

À la suite du Testament d’un Européen de Jean de Brem, Julien Langella revient sur la conquête hispanique de l’Amérique. Il formule pour l’occasion un hispanisme de langue française nullement incongru (la Franche-Comté fut longtemps une possession des rois d’Espagne). Rédacteur de plusieurs articles dans ce numéro, Estève Claret rappelle qu’« au fondement de l’empire se trouve un principe supérieur, qu’il soit spirituel, sacré, transcendant, métaphysique ou messianique. L’empire ne se contente pas d’assurer le bien commun des communautés politiques sous son autorité; il agit au nom d’un principe qui lui est supérieur et qui inscrit ces dernières dans un destin ». L’Empire englobe dans une unité nécessaire et limitée les multiples variétés qui s’expriment en communautés incarnées.

Dans « Saint-Empire romain germanique : le pouvoir du centre impérial sur ses périphéries », Estève Claret s’intéresse à l’origine territoriale du Sacrum Imperium qui « correspond, souligne-t-il, à la “ réunion “ de trois couronnes : la Trias des royaumes de Germanie, d’Italie et d’Arles – Bourgogne. Eux-mêmes sont composés de duchés dits ethniques (Stammsherzogtümer) car ils sont le fruit de regroupements linguistico-culturellement cohérents (Bavière, Franconie, Saxe, Souabe, etc.) ».

En lecteur avisé de Francis Parker Yockey, de Guillaume Faye et de Julius Evola, Tristan Rochelle explique que l’Empire, chanté par Dante, « est une institution surnaturelle à vocation universelle au même titre que l’Église, par exemple. Il se veut être le reflet de l’ordre cosmique, une image du royaume céleste. D’origine surnaturelle, il occupe la fonction de “ centre universel “, de centre de gravité d’un espace civilisationnel ». Dommage cependant que le poison dit universel s’insinue partout. À l’ère post-moderniste, ne serait-il pas cohérent d’envisager l’idée impériale dans une approche pluriverselle ? La notion de « Plurivers » convient en effet mieux à la perception révolutionnaire-conservatrice d’Empire, surtout aujourd’hui, période instable propice à « la résurgence des impérialismes ».

Les impérialismes ne se confondent pas avec les empires d’origine traditionnelle. Hubert R souligne que « le terme “ empire “ est lui-même à double tranchant. Il peut désigner tout à la fois un ensemble de peuples que relient des facteurs communs (culture, religion, ethnie…) et gouvernés par un pouvoir central. Ou bien il peut se rapporter à une volonté de domination servie par une prétention à l’universalité au nom d’une doctrine exclusivement spirituelle, idéologique ou économique ». Quant à Tristan Rochelle, il bouscule volontiers le lecteur par un volontarisme énergique et parfois provocateur. « Le seul droit qui vaille, c’est celui qu’offre la force. Une terre n’appartient à un peuple que tant qu’il est capable de la tenir en sa possession. Si un peuple étranger l’envahit et parvient à s’en rendre maître, alors celle-ci devient sienne. Et peu importe à cet égard depuis combien de temps son prédécesseur l’occupait. Les véritables frontières d’un peuple sont celles posées par sa volonté de conquête. Ces lois, qui sont celles de la vie, sont impitoyables mais sont les seules qui vaillent. Pleurnicher à ce propos ne les changera pas, l’Histoire est un cimetière de peuples vaincus. » Féroce et terrible constat. Ne serions-nous pas les ultimes veilleurs d’une civilisation désormais défunte qui rend l’esprit impérial totalement inaudible et incompréhensible ?

Quant à savoir si cet Empire européen plus qu’embryonnaire doit s’étendre selon la formule consacrée de Reykjavik jusqu’à Vladivostok, la réponse est finalement secondaire. Le plus important n’est-il pas en priorité de restaurer sa souveraineté intérieure ? En ces temps troublées d’hypertrophie individualiste, cette reconquête sur soi s’avère plus compliquée, mais aussi plus impérative que jamais. 

Salutations flibustières !

 « Vigie d’un monde en ébullition », n°113, mise en ligne le 2 mai 2024 sur Radio Méridien Zéro.

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dimanche, 28 avril 2024

Royaume-Uni mondial

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Il faut se méfier des souverainistes. Sous couvert de défendre la souveraineté nationale, la plupart prône, sur le plan intérieur, l’assimilation et donc l’indifférenciation des populations, qu’elles soient autochtones ou immigrées. D’autres contestent, sur le plan extérieur, la politogenèse européenne et souhaitent contourner les projets continentaux en inscrivant leur État dans des processus délétères d’intégration planétaire.

Les cas les plus flagrants se trouvent en Grande-Bretagne. Maints Brexiters, à l’instar de l’ancien premier ministre Boris Johnson, revendiquent une « Global Britain », comprendre une Grande-Bretagne ouverte aussi bien au Commonwealth qu’aux flux déments de la mondialisation sans s’apercevoir que la société britannique elle-même se mondialise en profondeur. Le phénomène atteint toutes les strates sociales, y compris et d’abord la famille royale.

Elle s’ouvre en effet à cette « diversité » avec le mariage du prince Henry dit « Harry » avec l’actrice afro-américaine Meghan Markle en 2018. Leur fils aîné Archie naît à Londres en 2019 au contraire de sa sœur cadette Lilibet native de Santa Barbara en Californie aux États-Unis en 2021. La réplique de Meghan aux manigances de la « Firme Windsor » est redoutable. Leur fille est par conséquent citoyenne étatsunienne. Au moment de la succession de son grand-père, le roi Charles III, le fisc étatsunien pourra en toute légalité se pencher sur l’immense patrimoine privé du souverain.

L’ouverture britannique à la diversité devient un critère majeur dans la vie politique du Royaume-Uni. Si Benjamin Disraeli (1804 – 1881) offrit à la reine Victoria le titre d’impératrice des Indes, il pensa surtout à transférer la capitale de l’Empire mondial britannique de Londres en Inde. Son vœu se réalise en partie avec l’arrivée en octobre 2022 d’un hindouiste à la tête du gouvernement de Sa Très Gracieuse Majesté. Rishi Sunak prête serment sur les textes sacrés de l’hindouisme. Une première ! Toutefois, si Anthony Blair s’est converti au catholicisme après avoir été premier ministre de 1997 à 2007, son épouse Cherie appartenait déjà au catholicisme. Quant à Boris Johnson, il a été le premier catholique depuis le schisme anglican au XVIe siècle à occuper le 10, Downing Street. Par ailleurs, l’épouse du Prime Minister, Akshata Murty, ne détient pas la citoyenneté britannique. Plus anecdotique, la fille de la cinquième fortune de l’Inde a dû expliquer son exemption fiscale.

D’origine pakistanaise, le travailliste Sadiq Aman Khan est le maire de la métropole de Londres depuis 2016. À l’aune de ces personnalités, Sadiq Khan  apparaît en précurseur. Certes, malgré l’intermède Johnson entre 2008 et 2016, l’actuel maire a bénéficié du gouvernement municipal londonien de Ken Livingstone dit « Ken le Rouge » (2000-2008). Cet ancien trotskyste contribua à la formulation d’un islamo-gauchisme anglophone qui imprègne dorénavant de façon durable la vie politique outre-Manche.

Outre une visibilité accrue tant dans les ministères britanniques que dans le cabinet-fantôme travailliste de Keir Starmer, force est de relever l’accélération de cette tendance. Successeur de la « Dame d’Écosse » Nicola Sturgeon (2014–2023), Humza Yousaf est devenu l’an dernier le chef des indépendantistes du SNP (Parti national écossais fortement wokiste) et donc le premier premier ministre écossais  d’origine indo-pakistanaise. Ce musulman dont l’épouse, Nadia Maged El-Nakla, a un père palestinien, a occupé diverses fonctions ministérielles (secrétaire à la Justice, puis à la Santé) marquées par des atteintes fréquentes et répétées aux libertés publiques. Le First Minister a ainsi une fâcheuse propension à promulguer des lois si liberticides qu’elles rendent les lois Pleven et Gayssot presque supportables… Qu’il dirige le SNP confirme que, souvent, le souverainisme sans arrière-plan spirituel, ethnique et culturel solide va à l’encontre des identités populaires, enracinées et vernaculaires.

Récemment, en mars 2024, le premier ministre du gouvernement semi-autonome du Pays de Galles, Mark Drakeford, a démissionné. Les élus travaillistes gallois se tournèrent alors vers Vaughan Gething. Originaire de Zambie, il naît à Lusaka. La médiacratie a célébré cette désignation qui lui permet d’être le premier Noir à diriger un gouvernement local en Europe. En réalité, comme pour Barack Obama, Vaughan Gething est un métis, son père étant Gallois.  

Il faut enfin ajouter à ce tableau pittoresque en ethnicité composite que Michelle O'Neill, du Sinn Fein, co-dirige après une suspension politique de deux ans environ l’Irlande du Nord avec l’unioniste orangiste Emma Little-Pengelly. Michelle O'Neill cumule pour sa part deux premières : être la première femme et la première républicaine à gouverner l’Ulster.

En mettant de côté la spécificité de l’Irlande du Nord, les exemples de Rishi Sunak, de Humza Yousaf, de Vaughan Gething et de Sadiq Khan démontrent autant la défaite posthume que la justesse d’analyse d’un visionnaire. Enoch Powell a perdu une évidente carrière politique prestigieuse qui l’aurait très certainement conduit au poste de premier ministre à la place de Margaret Thatcher en 1979 s’il n’avait pas prononcé son discours d’avril 1968 avertissant des conséquences de l’immigration de peuplement. Il s’opposait aussi au nom de l’unité nationale britannique à toute dévolution accordée à l’Écosse, au Pays de Galles et à l’Irlande du Nord. Difficile cependant de s’abstraire de la réalité de quatre nations qu’on retrouve régulièrement dans les équipes de football et de rugby. Le petit peuple brexiter d’origine albo-européenne ne supportait plus en 2016 la pesante bureaucratie pseudo-européenne. Il se retrouve désormais victime d’une submersion multiraciale inouïe. Pourrait-il espérer dans les héritiers immédiats de Charles III ?

En 2011, le prince Guillaume dit « William » - qui ne parle pas le français - épouse Catherine Middleton dont le grand-père aurait été un mineur gallois. Les Middleton sont pourtant liés aux milieux aristocratiques dès le début du XXe siècle. Ce mariage aurait en tout cas ravi Benjamin Disraeli. Ce conservateur favorable au chartisme œuvrait à l’entente entre l’aristocratie et les classes populaires, principalement ouvrières, contre la bourgeoisie triomphante et les classes moyennes montantes. L’alliance matrimoniale entre un héritier apparenté aux principales dynasties européennes et une femme issue d’une famille enrichie pourrait devenir l’ultime point d’appui politique de leur fils aîné George quand celui-ci régnera peut-être sur un Royaume-Uni wokisé, mosaïque ethnique, sur-individualisé et ultra-consumériste.

En attendant, la patrie du roi Arthur semble avoir définitivement pris le Grand Large du remplacement démographique.  

Salutations flibustières !

« Vigie d’un monde en ébullition », n°112, mise en ligne le 23 avril 2024 sur Radio Méridien Zéro.

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vendredi, 19 avril 2024

L’Occident défait… par lui-même

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Si François-Xavier Rochette qualifie Emmanuel Todd de « demi-dissident en carton-pâte » dans Rivarol du 10 avril dernier, Michel Geoffroy dans sa recension mise en ligne, le 24 février 2024, sur Polémia l’appelle à « encore un effort ! » Paru en début d’année, son nouvel ouvrage, La défaite de l’Occident (avec la collaboration de Baptiste Touveray, Gallimard, 375 p., 23 €), suscite une incroyable hostilité de la part de la cléricature intello-médiatique.

Emmanuel Todd est un nationiste, quelqu’un qui sait que la nation est une idée de gauche, une vision qui porte en elle des valeurs égalitaires, voire égalitaristes. Il n’a d’ailleurs jamais caché son souverainisme républicain assimilationniste nullement identitaire. Il n’est pas prêt à rejoindre le Rassemblement national.

La caste s’indigne de l’usage par l’auteur d’indicateurs statistiques qui confirment ses analyses. Elle dénonce son parti-pris pro-russe et verse dans l’accusation facile. Fidèle à sa lecture sociologique tirée de l’examen minutieux des systèmes familiaux de la planète, Emmanuel Todd distingue clairement la Russie de l’Ukraine. « Il existe, note-t-il, une culture proprement ukrainienne, au sens profond que l’anthropologie donne à cette expression, en incluant la vie familiale et l’organisation de la parenté. L’Ukraine n’est pas la Russie. » Il poursuit que « vers la fin du XIXe siècle, à l’époque des tsars, la famille ukrainienne se distinguait donc clairement de la famille russe par son individualisme et un statut plus élevé des femmes, deux traits qui, selon mon modèle associant les systèmes familiaux aux idéologies politiques, suggèrent une culture ukrainienne plus favorable à la démocratie libérale et plus apte au débat que la culture russe ».

En observant les structures étatiques à l’Ouest, Emmanuel Todd oppose volontiers « la nation active, consciente, à la nation inerte, qui hors de toute conscience d’elle-même continue sur une trajectoire, comme par inertie, au sens physique du mot ». Afin d’étayer sa thèse, il prend l’exemple de l’Hexagone. « L’éclipse de la France en tant qu’agent historique nous laisse avec le problème de Français qui, eux, continuent d’être ce qu’ils sont : de faire des manifs, des émeutes, de refuser que leurs services publics se déglinguent et se raréfient. L’impuissance de la nation en tant qu’agent historique efficace nous permettait de postuler, dans le cas de la France, géopolitiquement, une nation disparue. » Il prévient toutefois que « seule sa capacité d’action s’évanouit. Le peuple subsiste ». Reste à savoir comment comprendre le dernier mot...

Ses détracteurs lui reprochent de voir dans la Russie de Poutine une « démocratie autoritaire » et dans les États occidentaux affidés à l’OTAN des oligarchies post-démocratiques au tropisme ploutocratique. Emmanuel Todd va encore plus loin. Dans Qui est Charlie ? (2015), il inventait le concept de  « catholique zombie » afin de décrire l’avènement d’un individu post-chrétien qui « ne pratique plus sa religion mais en conserve l’éthique, attaché aux valeurs d’honnêteté, de travail, de sérieux, et toujours conscient que l’homme ne dispose que d’un temps limité ». Considérant que les protestantismes sont la matrice de l’Occident moderne, il élargit son champ d’étude et avance l’existence d’un « protestantisme zombie » présent en Scandinavie, terreau fertile du féminisme et du bellicisme, au Royaume Uni et aux États-Unis d’Amérique. Il va jusqu’à évoquer une troisième étape, l’« état zéro ». En Grande-Bretagne, « succédant au protestant natif du premier libéralisme et au protestant zombie du Welfare State, l’homme idéal du néolibéralisme thatchérien est un protestant zéro ». Emmanuel Todd estime que « le Brexit a, en réalité, découlé d’une implosion de la nation britannique ».

L’auteur veut en outre révéler « la vraie nature de l’Amérique : oligarchie et nihilisme ». Pour lui, « le nihilisme […] ne traduit pas seulement un besoin de détruire soi et les autres. Plus en profondeur, quand il se transforme en une sorte de religion, il tend à nier la réalité ». Le phénomène sociétal LGBTQIA+++ exprime ce nihilisme occidental en acte. Emmanuel Todd considère que « l’idéologie transgenre en Occident semble poser au monde patrilinéaire un problème plus sérieux encore que l’idéologie gay ». Ces interrogations légitimes permettent à la Russie de développer une « stratégie consciente [qui] lui confère un soft power considérable » auprès du « Reste du monde ».

Plus qu’un Occident zombie, il serait judicieux d’évoquer un « Occident nihiliste » à travers le fait transgériste. Cette idéologie « dit qu’un homme peut devenir femme, et qu’une femme peut devenir homme. Elle est une affirmation du faux et, en ce sens, proche du cœur théorique du nihilisme  occidental ». De pareils propos pourraient valoir à leur auteur un séjour dans une froide cellule selon une nouvelle loi liberticide adoptée en Écosse. Emmanuel Todd s’inquiète surtout que cette « idéologie nihiliste, qui progresse sans cesse en Amérique, transforme le principe même du respect des engagements en une chose désuète, négative. Trahir devient normal ».

La meute médiatique poursuit de sa vindicte Emmanuel Todd parce qu’il a mis à jour un ensemble occidental hypertrophié qui pense toujours bénéficier de l’impunité. L’auteur scandalise les belles âmes cupides, car il ose dénoncer un Occident zombie, nihiliste, terminal et faussaire. L’Occident global creuse sa propre tombe. Les Albo-Européens que nous sommes s’en réjouissent. Mais il est certain que La défaite de l’Occident ne lui sera pas pardonné.

Salutations flibustières !

« Vigie d’un monde en ébullition », n°111, mise en ligne le 16 avril 2024 sur Radio Méridien Zéro.

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vendredi, 12 avril 2024

L’alternance à Dakar

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

Le 24 mars dernier, avec une participation s’élevant à 61,30 %, 54,28 % des électeurs sénégalais  choisirent dès le premier tour Bassirou Diomaye Diakhar Faye à la présidence de la République de cet État francophone d’Afrique occidentale. Le 2 avril, conformément au cadre constitutionnel en vigueur, le plus jeune chef d’État sénégalais, 44 ans, prêta serment devant une quinzaine de dirigeants africains, en particulier le Nigérian Bola Tinubu, président en exercice de la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest). La cérémonie d’investiture mit un terme à un trimestre politique agité.

La chronique n°103 cliquez ici évoquait la décision explosive des sept juges du Conseil constitutionnel. Ils annulaient le report de la présidentielle au mois de décembre et exigeaient sa tenue selon le calendrier légal prévu. Constatant l’inaction de l’exécutif à fixer une date précise pour le premier tour, ce même conseil imposa le 24 mars et conserva le même nombre de candidats. Seule Rose Wardini retira sa candidature.

Mis devant le fait accompli, le président Macky Sall pousse à la démission, dès le 6 mars, le premier ministre, Amadou Ba, et en nomme un nouveau, Sidiki Kaba. Amadou Ba poursuit sa campagne électorale. Le Parlement adopte dans le même temps une loi d’amnistie pour toutes les violences commises depuis 2021. Cette mesure pacificatrice concerne aussi bien les manifestants et/ou émeutiers que les forces de l’ordre responsables de nombreux tirs mortels (une soixantaine de tués). Une fois celle-ci promulguée à la mi-mars, le président-fondateur du mouvement des PASTEF (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité) dissout, Ousmane Sonko, et le secrétaire général de ce parti interdit, mais très actif dans la clandestinité, Bassirou Diomaye Faye, quittent leur cellule respective. Si Ousmane Sonko a perdu ses droits civiques et est inéligible, Bassirou Diomaye Faye qui se trouvait en détention provisoire pour outrage à la magistrature, reste candidat. Dans le même temps, début mars, la justice réhabilite Ousmane Sonko, annule sa condamnation par contumace et le réinscrit sur les listes électorales. Certes, il est trop tard pour qu’il puisse remplacer Diomaye Faye. À peine libérés, le duo multiplie les réunions publiques et soulève l’enthousiasme de la jeunesse déclassée. Quinze jours plus tard, ce tandem remporte les élections et passe du statut de prisonniers politiques à celui de dirigeants de premier plan. Ce parcours n’est pas étonnant. Maints dirigeants au XXe siècle ont d’abord connu la prison avant d’accéder au pouvoir. Il est fort probable qu’au XXIe siècle, divers politiciens (à l’instar peut-être de Nicolas Sarközy dans les prochains mois) se retrouvent en prison après l’exercice du pouvoir.

L’engouement électoral en faveur de Bassirou Diomaye Faye a surpris tous les observateurs. Il est courant qu’au Sénégal, le vainqueur gagne dès le premier tour même si, dans les années 1960, Léopold Sédar Senghor était le candidat unique. Seules les présidentielles de 2000 et de 2012 ont connu un second tour. En 2000, le libéral du PDS (Parti démocratique sénégalais) Abdoulaye Wade bat le président socialiste Abdou Diouf. En 2012, le président Abdoulaye Wade perd face à son ancien Premier ministre, Macky Sall…

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vendredi, 05 avril 2024

Rationnement numérique

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La chronique flibustière de Georges Feltin-Tracol

De 2014 à 2017, Najet Vallaud-Belkacem (ci-dessus) occupa le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche sous la présidence du calamiteux François « Flamby » Hollande. Sous sa direction catastrophique, la bureaucratie pédagogiste déconstruisit encore plus les programmes de français, de mathématiques et d’histoire – géographie, et introduisit sans grand succès immédiat le gendérisme. Contre la bonne vieille notation sur dix ou sur vingt, elle encouragea une « évaluation » positive, simpliste et compréhensible par tous, censée valoriser les progrès de l’élève et qui accompagne ses initiatives superficielles.

En militante socialiste zélée, elle avait auparavant exprimé son envie d’accorder aux élections locales le droit de vote des étrangers présents en France depuis au moins cinq ans. Battue aux élections législatives en 2017, elle se retire de la vie politique politicienne. Dès 2019, l’éditeur Fayard l’engage pour animer la collection « Raison de plus ». Elle organise en parallèle à Sciences-Po Paris, ce guêpier wokiste, un plan en faveur de l’égalité femmes – hommes dans les politiques publiques. En 2020, elle devient la directrice de la branche française de l’ONG One. Fondée par le chanteur Bono du groupe U2, cette association lutte contre l’extrême pauvreté et les maladies infectieuses en Afrique. En 2022, elle prend enfin la présidence de l’ONG France Terre d’Asile, une officine subventionnée qui contribue à la subversion migratoire et au grand remplacement démographique.

C’est à ce double titre qu’elle publie une tribune parue le 18 mars 2024 « Libérons-nous des écrans, rationnons Internet ! ». S’agit-il d’un texte politique ? Oui ! En 2021, elle entre au conseil régional Auvergne – Rhône-Alpes dans lequel elle dirige le groupe Socialistes, écologistes et démocrates. Pourquoi ne mentionne-t-elle pas son mandat politique ? En aurait-elle honte ou bien le cacherait-elle ?

Sa contribution critique l’usage d’Internet qui « est moins souvent une solution qu’un facteur aggravant ». Toutefois, ne rêvons pas ! L’autrice n’a pas rallié les néo-luddites et semble toujours méconnaître les essais de Jacques Ellul, de Bernard Charbonneau et d’Ivan Illich. Elle affirme qu’« il y a une urgence numérique comme il y a une urgence climatique. Elle ne consiste pas à envoyer dans l’espace des satellites supplémentaires, mais à débrancher la prise, à éteindre nos écrans et à commencer à revivre, enfin ». Relevons que, pour elle, l’urgence migratoire n’existe pas…

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