Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 10 mars 2011

Faut-il vraiment se réjouir

img_4d76abb92e510.jpgPar François THUILLIER
Membre du Conseil national du MNR

Les révolutions arabes, un événement historique majeur, un bouleversement comparable à la chute du mur de Berlin. Une mutation qui va faire entrer le monde musulman dans l'ère de la démocratie. Les journalistes et la classe politique ne trouvent pas assez de superlatifs pour saluer, louer et encenser les insurrections de Tunisie, d'Egypte, de Libye et d'ailleurs. On salue la victoire de la liberté, de la démocratie et des droits de l'homme, on se réjouit de l'heureux événement, on vilipende ceux qui demeurent sceptiques, on fait la chasse à ceux qui ont eu des complaisances pour les dictateurs déchus. Bref, les faiseurs d'opinion sont satisfaits.

Qu'en est-il en réalité et y a-t-il réellement matière à se réjouir ? Notons d'abord qu'il est très difficile de savoir ce qui se passe vraiment dans cette région du monde et soulignons combien il faut être circonspect quant aux prétendues infos colportées par les médias français et occidentaux. Ainsi est-il curieux de constater que la Tunisie par exemple, bien que récemment '' libérée '', génère un flux d'immigrés renouvelé. Et la télévision, sans s'interroger davantage, nous vante d'un côté les progrès de la liberté dans ce pays tout en nous expliquant de l'autre qu'il en résulte un flux massif de "réfugiés". Comme si les Tunisiens fuyaient la liberté.

Autre sujet d'étonnement concernant la Libye où l'on nous explique qu'il s'agit d'un soulèvement sans chef ni structure. Pourtant, dans les reportages filmant des scènes de rue, on entend distinctement, lorsque le fond sonore n'est pas coupé, les cris de '' Allah akbar '' caractéristiques des militants islamistes.

Une fois de plus la réalité est différente et moins favorable que celle complaisamment mise en scène par les médias. Que peut-il en effet résulter de ce réel bouleversement ? Une chose est certaine, ces pays ne vont pas passer de la dictature à une démocratie paisible et évoluée comme l'Espagne après Franco ou la Pologne après la chute du mur de Berlin. On ne peut donc que se livrer au jeu des hypothèses et des scénarios.

Admettons alors que ces pays ne basculent pas immédiatement dans une autre dictature, pire que la précédente, comme ce fut le cas lorsque le shah d'Iran fut renversé pour céder la place au régime des ayatollahs. Et imaginons qu'ils s'essayent réellement à la démocratie, celle-ci sera nécessairement instable et cela pour trois raisons. D'abord, il n'existe aucune tradition démocratique dans les pays musulmans. Ensuite, il n'y a pas de forces démocratiques constituées, organisées et puissantes capables d'exercer le pouvoir avec le soutien d'une majorité. Enfin, parce que les seules forces structurées, constituées des islamistes et des forces armées, ne sont pas par nature démocratiques.

Dès lors, trois scénarios sont possibles. Le premier est celui du chaos plus ou moins violent qui se prolonge. Aucune force politique ne parvient à s'imposer, les conflits sont permanents, la guerre civile larvée et le terrain favorable aux actions des terroristes islamistes, bref un scénario à l'irakienne, sans l'armée américaine pour assurer un minimum de stabilité.

Deuxième scénario, une force politique parvient à s'imposer au pouvoir et à rétablir l'ordre. Mais dans ce cas ce ne peut être que le fait des islamistes qui sont les seuls à disposer, comme en Egypte avec les frères musulmans, d'une organisation qui soit à la fois structurée et légitime. Et dans ce cas la démocratie sera vite étouffée pour laisser place à un régime dictatorial de type théocratique.

Troisième scénario, l'armée réagit et prend le pouvoir pour faire cesser le désordre. Mais cette formule qui, soit dit en passant, serait sans doute la moins pénalisante risque de ne pas être viable dans le long terme car l'armée n'est nulle part animée par une idéologie solide et autonome comme ce fut le cas en Turquie avec le kémalisme. Elle risque donc d'être travaillée de l'intérieur par les islamistes notamment et de ne pouvoir jouer longtemps un rôle politique bénéfique et autonome.

Le seul cas de figure qui permettrait à l'armée de reconstruire un régime stable et durable serait celui où l'un de ses dirigeants s'imposerait comme un chef d'Etat charismatique, reconstituant autour de lui un Etat fort. Un nouveau Moubarak ou un nouveau Ben Ali en quelque sorte. Suprême ironie de l'histoire.

Il apparaît donc, au vu de cette analyse, que le meilleur des scénarios consisterait à reconstituer un régime à l'image de ceux qui ont été renversés mais avec une nouvelle légitimité et des hommes nouveau. Quant au pire des scénarios et sans doute le plus probable, c'est celui de la prise de pouvoir par les islamistes dans toute la partie nord de l'Afrique.

Ajoutons que, si les scénarios ci-dessus sont hypothétiques, il demeure en revanche une certitude : cette crise va gravement et durablement détériorer la situation économique de ces pays et donc intensifier de façon dramatique l'afflux d'immigrés en Europe.

Risque d'islamisation des régimes politiques du nord de l'Afrique, perspective de chaos au Maghreb et au Proche-Orient, intensification dramatique de l'immigration, y a-t-il réellement des raisons de se réjouir des "révolutions arabes" ?

08:49 | Lien permanent | Commentaires (0) | |  Facebook | |

Les commentaires sont fermés.