lundi, 06 janvier 2014
Il n’est pas noir : il est flou !
Robin de la Roche
Boulevard Voltaire
Subir momentanément un jetlag (décalage horaire) présente quelques avantages amusants dont, par exemple, la découverte des programmes nocturnes de la télévision.
Ainsi, j’ai dégusté l’autre soir un délicieux reportage consacré à l’enquête de police sur le braquage d’une cliente du casino d’Enghien, fin 2012.
La femme fut prise à partie à l’intérieur du casino au moment de récupérer ses gains, puis elle fut suivie par quatre malfrats jusqu’à son domicile, où ils l’attaquèrent. Elle était enceinte de huit mois. Les faits sont passibles de 20 ans de réclusion.
L’équipe de reportage a donc suivi les différents progrès de l’enquête, y compris l’arrestation de quatre suspects. Et c’est ici que nous en arrivons au sujet qui nous occupe.
On sait que la législation française protège, en principe, l’anonymat des « suspects ». Pas encore condamnés, ils sont innocents. Mais on sait aussi que lorsque les suspects ont le malheur de « n’avoir pas d’origine » – expression des adolescents de banlieue lorsqu’ils veulent montrer du doigt la trop pâle blancheur de la peau de leurs voisins (entendez lorsqu’ils sont français de souche) –, leur nom est très rapidement donné en pâture à une presse trop heureuse de pouvoir faire mentir les statistiques ethniques des crimes et délits ; statistiques qui, d’ailleurs, n’existent pas…
Dans un reportage, la protection de l’anonymat des suspects est facile : floutez les yeux, et éventuellement brouillez la voix. Mais aujourd’hui, cela n’est plus suffisant pour masquer une réalité décidément peu arrangeante avec le dogme officiel.
Alors dans le reportage en question, c’est l’intégralité des visages qui fut donc floutée. Ce qui donne, lorsqu’on présente par exemple les fiches de trois des suspects, un magnifique écran entièrement flou ! N’y avait-il pas « vision » dans « télévision » ?
Seulement voilà… Le problème, c’est que vous pouvez flouter ce que vous voulez… à la télé, depuis les années 70, il reste la couleur. Ainsi, le « principal suspect », ou encore son père et son frère, vous avez beau les « photoshopper » tant que vous voulez, vous avez beau retoucher, « tweaker », modifier, mosaïquer, ils n’en deviendront pas vikings pour autant.
Idem pour un autre des suspects. On a beau masquer l’intégralité des visages, ça n’enlève pas le voile qui recouvre la tête d’une femme de la famille…
On a bien compris le message : le principal suspect – « un colosse », nous dit-on – n’est PAS noir : il est flou, c’est pas pareil. L’autre suspect n’est PAS issu d’une famille musulmane, dont tous les membres n’ont PAS l’accent maghrébin, puisqu’ils sont flous.
Il y a quelques décennies, que les suspects fussent noirs, verts, rouges, adorateurs du nombril ou fervents mahométans n’aurait eu aucune importance. Mais en voulant nous masquer cette récurrente réalité, les journalistes obtiennent exactement l’effet inverse de celui recherché : ils mettent l’emphase sur ce qu’ils veulent cacher.
Un détail à noter : les visages des policiers en civil, eux, ne furent jamais floutés. Sympa pour la suite de la carrière...
11:12 Publié dans Revue de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | | Facebook | |
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