mardi, 13 mai 2014
¡Viva Cristo Rey!
Jean Sévillia
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Le 14 mai, l’événement-cinéma, ce n’est pas à Cannes qu’il se déroulera. Là où il faudra être, ce n’est pas dans le ballet des limousines qui mènent les stars de la Croisette au tapis rouge du Palais des festivals. C’est dans la quarantaine de salles qui, à travers (presque) toute la France, diffuseront Cristeros, un combat pour la liberté, le film de l’américain Dean Wright.
L’histoire est authentique, et méconnue. En 1926, le pouvoir mexicain, alors aux mains d’un parti à la fois nationaliste, agrarien, socialiste et anticlérical, met en œuvre, dans un pays dont l’immense majorité de la population est catholique, une législation s’attaquant à l’Église : nationalisation des lieux de culte et des biens ecclésiastiques, laïcisation forcée des écoles, interdiction du droit de vote et du droit d’être élu pour les membres du clergé, prohibition de l’habit ecclésiastique, expulsion des congrégations enseignantes, interdiction des organisations professionnelles catholiques, obligation pour les prêtres d’aller pointer dans les commissariats…
Espérant faire pression sur le gouvernement, l’épiscopat se résout à suspendre le culte, sur tout le territoire mexicain, jusqu’à l’abrogation des lois antireligieuses. Mais les paysans, privés de messe et de curé, ne l’entendent pas ainsi. Ils prennent les armes, quand ils en ont, ou s’emparent de celles de l’armée gouvernementale. L’insurrection finira par toucher la moitié du pays et s’organisera : 50.000 hommes composeront l’armée des Cristeros, sous le commandement du général Enrique Gorostieta Velarde (Andy Garcia dans le film) et de prêtres passant sans état d’âme de l’autel au fusil. L’affrontement durera trois ans dans sa phase aiguë, mais se poursuivra de façon sporadique au cours des années 1930, laissant un bilan final de 250.000 victimes dans les deux camps. Qui le sait en Europe ?
C’est une épopée de fer et de feu, avec ses héros, ses lâches, ses traîtres et ses martyrs. C’est aussi une guerre qui, comme tous les conflits, possède ses coulisses géopolitiques et diplomatiques, de Washington – où les États-Unis veillent à la sécurité de leurs concessions pétrolières au Mexique – à Rome – où le pape souffre pour ses fidèles Cristeros mais, à la poursuite des combats, préfère un compromis permettant de rouvrir les églises.
En France, la sortie annoncée de Cristeros fait le buzz depuis plusieurs mois dans les milieux catholiques. Ce sont donc les autres qu’il faut maintenant convaincre d’aller voir le film. Que tous ceux qui, aujourd’hui, n’aiment ni l’État quand il se fait persécuteur, ni le viol des consciences, ni les atteintes à la liberté sachent que ces paysans pauvres qui se battaient, derrière leurs drapeaux frappés de l’image de la Vierge de Guadalupe et au cri de ¡Viva Cristo Rey! (« Vive le Christ Roi ! »), étaient leurs frères en rébellion. Leur rendre hommage au moment où tant de fausses étoiles brilleront à Cannes mettra de la lumière dans la nuit.
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