Michel Lhomme
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C'est la rentrée des classes et chacun cette année y va de ses « dix propositions pour changer l'école ». On y retrouve les péda-gogos du désastre actuel, (François Dubet et Marie Durut Bellat - Les sociétés et leur école. Emprise du diplôme et cohésion sociale aux éditions du Seuil) mais aussi - il aura finalement tous les toupets ! - l'incompétent et prétentieux Alain Juppé . La liste de Dubet est caricaturale dans la langue de bois. On s'attendrait à des propositions chocs et on nous serine ses dix chapitres : « Transmettre et préparer à la vie ; faire, plus que jamais, l’éloge de la pédagogie ; choisir le métier d’enseigner ; éduquer ensemble ; construire l’égalité des sexes ;former des citoyens ; combattre l’hégémonie du diplôme ; bâtir une école plus juste ; réinventer l’institution scolaire ; rétablir la confiance démocratique ». C'est la petite voix de son maître, incapable de tirer les leçons de ses erreurs. C'est l'universitaire besogneux aux mots creux servant la caste syndicale.
Avec la démocratisation généralisée du baccalauréat, tous les Français ont à peu près passé quinze ans dans le système scolaire. Ils le connaissent donc bien. Ils connaissent les tares rédhibitoires de son fonctionnement. Ils savent que les réformes s'accumulent sans jamais remettre en question les présupposés pédagogiques. Ils savent aussi que les réformes actuelles sur les découpages horaires des disciplines sont avant tout une manière de casser le décret des fonctionnaires de 1950 et d'appliquer à l'éducation le raisonnement budgétaire à la Macron.
La crise du recrutement, la dévalorisation du métier de professeur des écoles ou du secondaire a amené les gouvernements successifs à élever la formation universitaire des maîtres mais sans envisager un instant le crucial problème de la rémunération bloquée depuis près de dix ans. Nos jeunes professeurs logent donc dans des HLM et ne consultent les livres spécialisés qu'en bibliothèque, faute d'un budget adéquat. La formation des maîtres à travers les ESPE (Ecole supérieure professionnelle de l'Education) peine à trouver un style différent du formatage des IUFM d'autrefois (Institut Universitaire de formation des maîtres), souvent véritables caricatures du divorce entre la théorie éducative et la pratique de terrain. La formation des professeurs souffre de la spécialisation par matières mais en même temps sans maîtrise disciplinaire, le professeur reste démuni et très souvent dépassé devant ses élèves. L'élève sait très bien quand le professeur ne sait pas.
L'une des causes principales du naufrage de l'Education nationale française reste l'apprentissage de la lecture avec l'usage de méthodes hybrides ou semi-globales qui expliquent toutes les dyslexies et les dysorthographies dont raffolent les cliniciens et les orthophonistes privés. En fait, tous les pays de l'OCDE suivent sur le plan éducatif la même feuille de route et malgré l'augmentation sensible des budgets consacrés à l'éducation et l'accumulation des réformes pédagogiques, le niveau global ne s'est guère amélioré depuis deux décennies (rapport McKinsey de 2007, p.9). Le rapport McKinsey illustre d'ailleurs sa conclusion en citant le cas emblématique des Etats-Unis qui, dans les années 70, réduisit le nombre de matières enseignées et la durée des cours pour améliorer les apprentissages dits de compétence (le nouveau dada de la rue de Grenelle), sans vrais résultats. Le Ministère de l'Education américain recruta plus de professeurs et en arriva même à 15,4 élèves par classe en 2005 (le chiffre était de 22,3 élèves par classe en 1970) ce qui impliqua une augmentation de 73 % de la dépense par élève. Or, objectivement, les résultats des élèves ne manifestèrent aucune avancée notable.
Pour cette rentrée 2015, la réforme du collège est lancée
Elle transformera peu à peu le collège en une grande garderie, une école primaire supérieure. Les autorités sont assurées par l'égalitarisme de gauche (le collège unique) du bien-fondé de leurs présupposés. On peut rénover facilement les bâtiments mais on change difficilement les certitudes idéologiques. Elles sont tenaces et collent aux décideurs bien-pensants. On parie de toutes évidences sur le pourrissement de l'ensemble et l'arrivée des nouvelles technologies, voire même pour les cyniques sur le développement du privé, y compris confessionnel et surtout islamique. Mais, à moins de rénover les supports numériques en permanence, les nouveaux outils apparaîtront vite obsolètes aux générations digitales à venir. On vise indirectement la fin du cours magistral et on pousse à l'individualisation des parcours d'élève dans des classes à 38 où l'on demeure, de par le nombre et l'exigence de la discipline, contraint au cours frontal. Le professeur qui sait donner de bonnes conférences est souvent incapable de personnaliser son enseignement en petits groupes. On a vu cela très souvent à l'Université. Une telle personnalisation du cours implique du matériel pédagogique sans cesse adapté et renouvelé or on laisse cela sans réelle planification au marché des éditeurs privés.
Autre point qu'on oublie sérieusement. Pour le professeur, la question cruciale des années à venir sera de capter l'attention. Pour cela, il faut aussi des professeurs originaux. Or, on vise à les formater, à les couler dans le moule de la bien pensance et de la moraline du vivre-ensemble. Au niveau de l'élève, l'idée de ''promo'', ciment du groupe classe est remplacée par l'hyper-individualisation du parcours de l'élève que permettent des outils informatiques comme Pro-Note. On va jusqu'à personnaliser l'emploi du temps de l'élève de peur qu'il ne se définisse par le groupe. Les éléments classiques de formation à la rationalité comme le grand art du commentaire de texte qui exige le temps rigoureux du déploiement de soi à travers la pensée de l'autre est mis au rebut. L'école forme décidément à la culture selfie par ces nouveaux paradigmes éducatifs que sont la pédagogie par compétences, l'interdisciplinarité sans discipline, le formatage citoyen humaniste et humanitaire. On parle de moins en moins d'instruction ou d'éducation mais de techniques pédago-éducatives avec l'emphase de la découverte de nouveaux concepts d'apprentissage. Par expérience, nous savons qu'ils sécrèteront l'ennui mortifère de l'adolescent et donc sa rébellion salutaire.
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