Le bloc-notes de Jean-Claude Rolinat
Pour la deuxième fois, suite aux accords de Matignon qui le prévoyaient, l’électeur néo-calédonien s’est rendu aux urnes pour se prononcer, OUI ou NON, sur l’indépendance de l’archipel. Sans surprise, le NON l’a emporté, réduisant toutefois son avance par rapport au référendum précédent de novembre 2018. Quels enseignements pouvons-nous tirer de ce scrutin qui a déplacé, tout de même, un nombre record d’électeurs, preuve que la question ne laisse personne indifférent et que, cette fois-ci, le camp indépendantiste a su mieux se mobiliser.
Les accords de Nouméa et de Matignon, ou l’indépendance à marche forcée
On se souvient que suite aux tragiques évènements qui avaient ensanglanté les îles, voir l’épisode de la grotte d’Ouvéa, le gouvernement français avait cherché à apaiser la situation en convoquant en 1988, tous les protagonistes autour de la table. Exercice répété en 1998 sous l’égide de Lionel Jospin, alors premier ministre socialiste. Il ressortait de ces négociations un nouveau statut décentralisé pour la Nouvelle Calédonie, et la promesse de référendum successifs pour peu qu’un tiers des membres du Congrès, l’assemblée territoriale, le demande.
L’indépendance rejetée une première fois ? Qu’à cela ne tienne, rien n’étant trop beau pour le camp séparatiste incarné par le Front de libération national kanak (FLNKS), on a donc revoté dimanche 4 octobre 2020. Mais le NON, une fois de plus, - une fois de trop pour certains beaux esprits « décolonialistes » -, l’a emporté par 53,3 % des suffrages. Il y a tout de même 46,6 % d’électeurs qui veulent quitter la France. Et si le OUI augmente son score par rapport au dernier scrutin, il est vrai aussi, que le nombre de votants a augmenté, passant de 174 000 à 180 640, avec un écart de voix entre les deux choix, se réduisant de 18 000 à 10 446 exprimés.
Qu’en sera-t-il lors de la troisième consultation ? La majorité des Canaques, mais pas seulement, obtiendra-t-elle, cette fois, satisfaction ? À croire que l’on fait revoter les gens, sans cesse, jusqu’à ce que le résultat espéré sorte du chapeau ! On a déjà vu cela, en Irlande notamment.
Un front de résistance au OUI
M. Santanon, président du gouvernement local, - car, oui, la Nouvelle-Calédonie jouit d’un statut d’autonomie interne -, accompagné de la représentante des « Loyalistes », Sonia Backès, et de la tête de liste « Calédonie Ensemble » Philippe Michel, essaye avec ses partenaires, de présenter un front commun hostile à l’indépendance, tout en proposant des réformes. Quelles sont-elles ? Une augmentation des compétences en matière d’éducation, de protection de l’environnement, et de relations extérieures, permettant aux îles de participer à la coopération intergouvernementale dans le Pacifique, en association, bien sûr, avec l’État français. Le chef du gouvernement local propose aussi une réforme des institutions, permettant de débloquer la gouvernance de l’archipel, car pas moins de sept partis politiques sont représentés au conseil exécutif, se répartissant les 11 postes « ministériels » !
Une autre question devra être également être soulevée avant le troisième référendum, - qui pourrait avoir lieu dans deux ans -, c’est la composition du corps électoral, dont certains citoyens, qui votent aux élections nationales, sont écartés lors des scrutins locaux, étant des résidents de trop fraiche date. Faut-il être un descendant de bagnard, ou d’un « peuple premier », comme aurait dit Chirac, pour pouvoir voter ? Il y a, outre les « Caldoches », de nombreux Indonésiens et Wallisiens installés là depuis des lustres. On le voit, il y a du pain sur la planche pour les négociateurs. Emmanuel Macron, dans son discours télévisé, a pris acte des résultats, encourageant les partenaires à négocier, et se félicitant, tout de même, de l’excellente tenue de cette « votation ». C’était le service minimum. Pas d’appel solennel, ni dans un sens, ni dans l’autre.
Le plus dur reste à faire
Il faut que les protagonistes s’engagent, tout d’abord, à respecter les résultats de cette future consultation. Mais nous avons vu qu’il y a des préalables. Et il est à craindre qu’aucun des deux camps n’accepte la victoire de l’autre, ce qui signifierait sa propre perte. Irons-nous alors, vers une partition de fait, la province des îles et celle du Nord, choisissant le grand large et la rupture avec la France, et celle du Sud le maintien dans la République ? Difficile de croire que l’État français puisse accepter ce démantèlement. Séparatisme difficile à acter sur le terrain d’ailleurs, tant les résultats de l’actuel référendum ne recoupent pas forcément le découpage des trois provinces. Si les îles sont massivement en faveur du OUI avec 82,2 %, comme la province du Nord avec 75,8 %, celle du Sud, avec la ville-capitale de Nouméa, est contre par 74,1 %, bien que le OUI y progresse, avec 25,9 % par rapport à 2018.
Des violences sont-elles à craindre, à nouveau ? Il n’y a qu’une alternative à d’éventuels violents affrontements, c’est une solution « mi-chèvre/mi-choux », à laquelle pourraient se rallier et les indépendantistes, et les loyalistes, à défaut d’un très net écart de voix entre les deux camps : la libre association. C’est un statut intermédiaire entre l’indépendance et l’intégration.
C’est celui justement des iles Cook et Tokelau, dans le Pacifique, par rapport à la Nouvelle-Zélande, de Porto-Rico dans les Caraïbes par rapport aux États-Unis, ou des Antilles néerlandaises : la libre association. La France ne peut pas abandonner ses fils et, surtout, une position géostratégique lui donnant, avec la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna, plus qu’un balcon sur l’océan Pacifique, cette « Méditerranée du troisième millénaire ».