Bernard Germain ∗
Le 19 avril 2022 s’est déroulé le « match retour » de la présidentielle opposant Marine Le Pen à Emmanuel Macron. Le débat de 2017 s’était soldé par une victoire par KO d’Emmanuel Macron. Débat que Marine Le Pen a trainé 5 ans comme un boulet tant elle avait été humiliée et dépassée.
Qu’allait-il en être en cette soirée d’avril 2022 ? Aurait-elle tiré les leçons de son échec précédent ? Saurait-elle cette fois affronter Emmanuel Macron et le dominer ? Nombreux étaient ceux qui se posaient ces questions. J’en étais.
Notons que contrairement à 2017, Marine Le Pen avait pour ce débat un sérieux avantage... Emmanuel Macron avait un bilan à assumer et c’est peu de dire que celui-ci est calamiteux.
Malheureusement, dès le début j’ai eu une mauvaise impression à la vue des deux candidats. Macron arborait comme à son habitude un air dominateur et arrogant tandis que Marine Le Pen avait un regard fuyant, passant de ses nombreuses fiches aux journalistes puis à ses chaussures. On sentait déjà que Macron avait un ascendant psychologique sur son adversaire du soir.
Le début de l’échange ne fit que me confirmer dans mon impression quand Macron bouscula Le Pen sur les problèmes de pouvoir d’achat et de TVA indiquant que sa méthode était bien plus efficace que celle de son adversaire. On eut une bien faible défense de son opposante.
C’était pourtant l’un des thèmes majeurs de la campagne du RN. L’affaire s’engageait mal.
Il serait fastidieux de reprendre tous les sujets traités. Certains ont plus retenu mon attention et méritent, selon moi, d’être relatés.
Sur le COVID 19
Marine Le Pen s’est laissé enfermer dans une discussion sur le « quoi qu’il en coûte » à l’issue de laquelle Macron lui posa la question « qu’auriez-vous fait à ma place ? » ... sans réponse de son opposante !
Pourquoi n’a-t-elle pas posé les questions que tout le monde attendait :
- l’incohérence de la politique gouvernementale sur les masques (« les masques ça ne sert à rien » puis « obligation du masque partout ») ?
- Idem pour les tests (« ça ne sert à rien » puis « des milliards dépensés en tests »)
- les suppressions de lits dans les hôpitaux pour faire baisser les coûts de la santé et consécutivement l’enfermement de la population afin d’empêcher l’hôpital d’être submergé
- le pass vaccinal puis sanitaire pour rendre obligatoire la vaccination, sans que ce soit une décision de l’État ce qui l’aurait rendu responsable en cas de problème avec les vaccins
- les personnels hospitaliers, pompiers... licenciés en cas de refus vaccinal
... etc
Aucun de ces points n’a été abordé. Pourtant Macron aurait été en fâcheuse position s’ils l’avaient été.
Sur l’international
Macron s’est permis de rudoyer Marine Le Pen sur son prêt russe en indiquant qu’elle ne pouvait s’exprimer sur les problèmes touchant la Russie car elle était sous l’influence de Poutine « son banquier ».
Au lieu de bredouiller des explications embrouillées que ne lui a-t-elle demandé ? « Monsieur Macron, êtes-vous sous influence des Etats-Unis ? Mc-Kinsey vous a fait fait gratuitement votre campagne de 2017 et pour renvoyer l’ascenseur, vous leur avez donné pour un milliards de contrats, notamment sur le sujet du COVID. Vous n’ignorez pas que les Lois américaines obligent toute entreprise américaine a fournir à la CIA les données dont elles pourraient avoir connaissance concernant des pays étrangers. Donc vous avez contribué à transmettre des informations sans doute sensibles aux américains. »
Elle ne lui a pas posé cette question...
Elle aurait aussi pu lui demander : « Pourquoi payez-vous des sommes pareilles à un cabinet de conseil alors que nous avons des hauts fonctionnaires capables de faire ce travail ? Ils restent l’arme au pied et vous payez une deuxième fois un cabinet pour faire leur travail. Est-ce sérieux d’agir ainsi ? »
Elle ne lui a pas non plus posé la question...
Sur l’Europe
Sur ce thème Marine Le Pen s’est également faite malmener. Emmanuel Macron n’ayant de cesse de lui dire « ce que vous proposez revient, sans le dire, à annoncer votre sortie de l’Europe ».
Au lieu de multiplier les exemples montrant que l’Europe, singulièrement la Commission, outrepasse constamment ses prérogatives - par exemple avec sa récente campagne faisant la promotion du voile islamique - afin d’obliger les nations à se plier à ses directives, Marine Le Pen n’a pas mené la charge qui s’imposait. Visiblement elle était terrorisée à l’idée de dire une « bétise » et de se voir renvoyée à ses erreurs de 2017.
Encore une belle occasion manquée...
Sur l’islam et le voile
Marine Le Pen, après sa valse hésitation des derniers jours sur le voile, a clairement indiqué qu’elle était pour « son interdiction dans l’espace public ».
Un bon point pour elle.
Mais Macron de répondre « si vous interdisez le voile, il y aura la guerre civile ».
Pourquoi n’a-telle pas rétorqué immédiatement : « Je prends bonne note M. Macron que vous venez d’officialiser que les islamistes ont gagné. Vous vous soumettez. Aujourd’hui c’est le voile, mais il ne s’arrêteront pas avant d’avoir entièrement soumis la France à la charia. Avec vous la France est appelée à disparaître. »
Malheureusement, Marine Le Pen n’a pas répondu cela...
Sur l’insécurité
Marine Le Pen a bien indiqué des chiffres sur les agressions et sur la délinquance dont une partie non négligeable est en lien avec l’immigration.
Mais lorsque M.Macron a indiqué qu’il avait recruté 10 000 policiers et gendarmes, pourquoi ne lui a-t-elle pas posé la question : « Vous avez recruté des policiers et des gendarmes, mais vous ne les protégez pas des racailles et des délinquants. Avec moi celui qui lève la main sur un policier, un gendarme ou tout dépositaire de l’autorité, ce sera la prison automatique avec peine sans réduction. Pourquoi n’avez-vous pas mis en œuvre cette mesure durant durant votre quinquennat ? »
Elle aurait pu dire cela, mais elle ne l’a pas fait...
Sur l’État
Marine Le Pen avait un boulevard sur ce thème. Pourtant elle ne l’a nullement invoqué. Et c’est fort regrettable.
Ainsi elle aurait pu dire à Emmanuel Macron : « Vous êtes un destructeur de l’État. Vous avez supprimé l’ENA, puis le corps préfectoral et il y a deux jours un décret est sorti discrètement entre les deux tours, annonçant la suppression du corps diplomatique. Jusqu’où irez-vous dans votre frénésie destructive de l’État ?... Moi Présidente, je restaurerai l’ENA, le corps préfectoral et le corps diplomatique. »
Malheureusement, sur ce sujet aussi elle fut silencieuse ...
Au final, il me semble que Marine Le Pen a été incapable d’apporter une vraie contradiction au Président sortant, alors qu’elle avait pourtant une foule d’éléments et d’arguments à lui opposer. Elle ne m’a pas non plus paru très brillante sur la défense de son programme, notamment parce qu’elle n’a pas su prendre de la hauteur et parler de la France, de son identité, de sa place et de son avenir dans les décennies à venir.
Le pouvoir d’achat est certes un thème qui intéresse du monde, mais une élection présidentielle et l’avenir de la France, c’est un autre niveau.
Elle n’a pas été capable de se hisser à ce niveau, sans doute par peur de « mal faire » ou de dire « une bêtise ». Ou alors parce que la marche est tout simplement trop haute pour elle.
Reste qu’elle risque bien au sortir de ce nouveau débat de se coller la réputation d’être une « machine à perdre ».
Parce que je souhaite la défaite d’Emmanuel Macron, Dimanche, je voterai pour elle... par devoir et sans enthousiasme.
Un dernier mot. Il est incompréhensible d’entendre, aujourd’hui 20 Avril, Jordan Bardella répondre à la proposition d’Eric Zemmour de créer une coalition de la droite pour les législatives... qu’il n’en est pas question. Selon lui, le RN présentera partout des candidats, sans s’occuper des autres.
Si l’on comprend bien Jordan Bardella, mieux vaut perdre chacun de son côté que gagner ensemble.
Peut-on imaginer pire stratégie pour aborder ces élections et la période qui s’ouvre ?
Je vais finir par me demander si c’est seulement Marine Le Pen qui est une machine à perdre ou le RN dans son ensemble.
∗ Bernard Germain est responsable local de "Reconquête !" en Bretagne. Il est aussi un opposant à la méthanisation et l'auteur du livre "Méthanisation, la nouvelle escroquerie écologiste" cliquez ici