Michel Festivi
Il y a 88 ans, l’assassinat de Calvo Sotelo déclenchait la reprise des combats de la guerre civile espagnole, et que penser, en miroir, de la situation française actuelle :
La violence politique des gauches, joua en Espagne, un rôle majeur dans l’effondrement de la IIème république et dans le déclenchement de la Guerre civile. Contrairement à ce qu’ont écrit la plupart des historiens, cette conflagration fratricide, ne commença pas le 18 juillet 1936, elle reprit à cette date, ce qui est tout à fait différent. Quand les gauches révolutionnaires espagnoles, du PSOE, au PCE en passant par toutes les nuances trotskistes ou antistaliniennes, furent battues à plate couture aux élections législatives de novembre 1933, elles refusèrent le résultat des urnes - toute comparaison avec la situation politique actuelle française ne serait que fortuite, selon la formule consacrée.
Après une année de préparation, de planques d’armes dans tout le pays, et de pactes, elles passèrent à l’action, aidées par les anarchistes, début octobre 1934, prenant comme prétexte, le fait qu’Alcala Zamora, le Président de la république, avait osé faire entrer au gouvernement, trois membres de la CEDA, un regroupement des droites, CEDA qui était aux Cortès, le premier parti d’Espagne. En Catalogne, à Madrid, dans plusieurs grandes villes, des échauffourées armées eurent lieu. Le Gouvernement, présidé par un centriste du Parti républicain radical, Alejandro Lerroux, réussit à enrayer cette insurrection qui fit de nombreuses victimes. Mais dans les Asturies, où les révolutionnaires étaient les plus nombreux et les plus déterminés, grâce surtout à des bataillons de mineurs, solidement armés et pourvu de dynamite, les combats durèrent quinze jours et firent des milliers de morts et de blessés, notamment des prêtres, des commerçants, « des bourgeois », considérés comme des ennemis de classe. Luis Pio Moa a pu écrire qu’il s’agissait de la première bataille de la Guerre civile. Cette révolution militaire des gauches fut mâtée par l’armée, appelée à la rescousse par le gouvernement légal et légitime de l’Espagne, brillamment commandée par un certain Francisco Franco qui montra à cette occasion toutes ses qualités, calme, détermination et sang-froid.
Un des leaders des gauches, Belarmino Tomas qui s’était déclaré être à la tête « d’une armée rouge », appela alors « à une suspension des combats », le vocable suspension exprime parfaitement la situation d’alors. A la suite de diverses péripéties très complexes que j’ai exposées notamment dans deux de mes livres, Les trahisons des gauches espagnoles, publié en 2021, puis dans L’Espagne ensanglantée, publié en 2022, le Président de la République décida, illégalement, la dissolution des Cortès, pour finalement, donner les pleins pouvoirs aux gauches, après des élections truquées, - là aussi toute comparaison avec la situation actuelle française ne serait que fortuite -. Luis Pio Moa a pu indiquer que la révolte armée d’octobre 1934 avait blessé la république et que les fraudes électorales de février 1936, amenant le sinistre Front populaire, avaient achevé la République. S’en suivit une période allant de février à juillet 1936 d’anarchies généralisées, de violences institutionalisées. Ces élections frauduleuses ont notamment fait l’objet d’un ouvrage non traduit en français, 1936, Fraude y violencia en las elecciones del frente popular, publié en 2017 sous la houlette de deux historiens, Manuel Alvares Tardio et Roberto Villa Garcia.
C’est alors, qu’aux Cortès, un homme se leva et courageusement dénonça les exactions, les violences, les incendies, les meurtres, c’était Calvo Sotelo, député de la CEDA. Ce surdoué de la politique, ministre des finances très jeune, sous le Régime de Primo de Rivera qui transforma magistralement l’Espagne (1923/1930), juriste, économiste, professeur d’université, eut l’énergie et la vaillance de mettre les gauches au-devant leurs désastres politiques et économiques. Il fut en pleine assemblée, menacé de mort, par des députés et des ministres. On refusa d’inscrire les menaces au bulletin officiel du parlement, déjà la dictature des gauches arrivait. Des socialistes espagnols jouèrent un rôle mortifère dans la préparation de son assassinat, comme Indalecio Prieto, où la future communiste, Margarita Nelken. Un député socialiste déclara «la violence peut parfois être légitime, ... même un attentat qui vous coûterait la vie. » N’avons-nous pas entendu des propos similaires de la part de certains Lfistes, ou de gauchistes lors de la tentative d’assassinat de Donald Trump par exemple. Un député communiste avait aussi lancé en plein Cortès, à l’attention de José Maria Gil Roblès, le leader de la CEDA « Je peux assurer que si la justice du peuple est rendue, il mourra avec ses chaussures au pied ».
Le 13 juillet 1936, vers 2H du matin, deux commandos socialistes, pour la plupart en uniformes, sortirent de la caserne Madrilène Pontejos, et se dirigèrent vers les domiciles de Gil Roblès et de Calvo Sotelo. Gil Roblès avait eu l’opportunité de quitter provisoirement son appartement et se trouvait à Biarritz, il échappa ainsi à la balle dans la nuque. Le malheureux Calvo Sotelo, n’avait pas fait ce choix, et les tueurs se rendirent rue Vélasquez, où il vivait en compagnie de son épouse et de ses quatre enfants. Il fut extirpé de chez lui, encore en pyjama, les fils du téléphone furent arrachés. On le mena, dans un véhicule officiel de l’état, et on l’assassinat d’une balle dans la tête. On jeta son cadavre au cimetière de l’Est, sans même prendre la peine de cacher son corps. Malgré la censure gouvernementale, une foule énorme suivra le cortège funèbre, le 14 juillet 1936. Dès l’après-midi du 17 juillet au Maroc espagnol, puis le lendemain dans toute la péninsule, des militaires écœurés de voir leur Patrie sombrer, et suivis par une grande partie de la population, vont tenter de chasser « ces cancrelats sans foi ni loi », comme les qualifiera un ardent républicain, devenu le soutien du mouvement national. Le 25 juillet 1936, des miliciens du front populaire, lourdement armés, se rendirent au Palais de justice de Madrid, et se firent remettre par le Juge d’instruction chargé de l’enquête sur cet assassinat, l’entier dossier que l’on ne revit jamais.
Car pour les gauches, et c’est une constante de l’Histoire : « les élections ne sont qu’une étape dans la conquête du pouvoir... si la droite gagne, nous devons aller à la guerre civile », comme l’affirma à Alicante, le chef socialiste Largo Caballero, le 25 janvier 1936. N’est-ce pas là finalement, ce que nous assènent aussi, nos révolutionnaires mélenchonistes de chez nous, appelant systématiquement aux troubles dans les rues et à un troisième tour social et insurrectionnel, en cas de non application de leur programme ? Comme vient de le souligner Stéphane Courtois, dans le Figaro du 18 juillet « Quand la Chine, la Russie, la Corée du Nord, le Vietnam et Cuba auront renoncé à l’idéologie marxiste-léniniste, la France restera le dernier pays communiste de la planète. Il y a chez nous une formidable continuité historique. La Révolution française et surtout sa phase la plus radicale (1792-1794) sont notre modèle initial, la gauche se perçoit dans le sens de l’histoire », car comme le soutien JL Mélenchon « il faut tout conflictualiser ». Oui, vraiment, la situation espagnole des années 1930 et de la France en ces semaines ou tout peut basculer, ont des points communs, des constantes, au-delà des pays et des histoires particulières. Finalement, les récents faits politiques français démontrent, que l’Histoire sanglante du Parti communiste « français », que je viens de décrire dans mon dernier livre, la désinformation autour du Parti communiste « français », est plus actuelle que jamais. Stéphane Courtois souligne que « le culte du chef est inhérent au fonctionnement communiste...il y a toujours eu une tentation totalitaire à gauche. »
Le grand historien, très républicain et libéral espagnol, ancien ministre et ancien diplomate, Salvador de Madariaga, aura cette sentence, en exil après la guerre civile : « avec la rébellion de 1934, la gauche espagnole avait perdu jusqu’à l’ombre de son autorité morale pour condamner la rébellion de 1936 », en écho, le très à gauche Manuel Azaña, aujourd’hui auréolé dans toute l’Espagne, avait écrit le 17 avril 1934, dans le journal El Sol « Au-dessus de la constitution, se trouve la République, et plus haut encore la Révolution », c’est finalement toute l’histoire et l’actualité des gauches en France aussi.